L'Importun 8
L'Importun 8
- Ma pauvre Marie, tu es folle de vouloir venir vivre avec moi. Si tu me disais toute la vérité, sans omission, je pourrais être tenté de te reprendre. Il faut examiner deux aspects.de notre situation En premier notre vie privée mais aussi en second, ses répercussions possibles et probablement inévitables sur une éventuelle collaboration professionnelle. Les différences dappréciations sur les événements récents susciteront des problèmes de rapports hiérarchiques nuisibles au bon fonctionnement de lagence et dont je souhaite me passer ici. Je ne veux pas avoir à résoudre des conflits inutiles au quotidien.
Jadmets que jai eu des torts énormes. Mais je te promets que cela ne se reproduira plus. Oublies-tu a nature de ton cadeau ? Tu venais de traverser une crise de colère incroyable peu avant. Sylvain revient, tu laccueilles à bras ouverts, tu apprends de lui que nous avions flirté et tu nous demandes de terminer ce que nous avions suspendu. Je nai pas osé refuser ton cadeau par crainte de te pousser à une crise de furie semblable à la première.
Tu me ferais mourir de rire si le sujet nétait pas aussi grave. Combien de fois ai-je pété les plombs en autant dannées de mariage ?
Cela nétait jamais arrivé. Est-ce que les histoires de Sylvain méritaient une réaction aussi violmente ? Tu tes emporté si vite et si fort
- Cela ne valait pas pareille indignation ? Je te rappelle quil parlait tout bonnement de me sodomiser, de te sodomiser et de se faire sodomiser par moi aux cours daccouplements divers à trois. Voilà par exemple une énorme différence dappréciation entre toi et moi. Tu souhaitais te faire sodomiser, moi, jai horreur de ces murs. Ca te démange, va te faire foutre ailleurs que sous mon nez
Je ne le souhaitais pas plus que toi à ce moment-là.
- Pourtant par la suite tu tes prêtée avec zèle et à plusieurs reprises à la pénétration anale, non sans un certain plaisir.
Je nai jamais eu à me plaindre de coups de ta part. Je ne me souviens même pas dun accès de colère semblable à celui de vendredi. Jai plus craint que tu ne fasses une crise cardiaque que de recevoir des coups. Jai eu tort dinterpréter ton cadeau comme je lai fait et je te renouvelle mes excuses. Je ne comprenais pas tes motivations. Tu ne voulais plus me donner ton collier, tu mas fait cadeau dun homme ! Pourquoi ? Je nai pas cherché à te provoquer, jai obéi.
- Bêtement ? Non, mais avec beaucoup dappétit sûrement. Une heure ne vous a pas suffi pour épuiser vos besoins détreintes et dunion corporelle. Au milieu de la nuit, à mon départ, vous nétiez pas encore sexuellement rassasiés et vous baisiez comme des lapins, à ma plus grande confusion. Les dernières images que jai emmagasinées, la nuit de ton 38e anniversaire, sont celles d'une femme mariée, mûre, nue, possédée debout par un jeune bouc surexcité, au milieu du salon, peu soucieuse de ses engagements antérieurs et se foutant complètement de ce que pouvait penser et sentir son mari.
Tu sais que cétait sous linfluence de Sylvain et du champagne.
Tu nas pas fait de latin, tu iras donc consulter les pages roses du petit Larousse et tu méditeras sur cette citation que minspire ta défense incomplète ; « in vino véritas » . Tu avais bu, trop bu, et tu as laissé sexprimer ta véritable nature, tes envies de plaisirs sexuels refoulées, ta lassitude dêtre fidèle au même homme, ton besoin de liberté sexuelle, de rapports consentis et débridés avec des étrangers, jeunes de préférence. Je te livrais le garçon, tu nas pas voulu rater cette occasion, tu as voulu en tirer le maximum de plaisir. Ne fait pas reposer sur les autres ou sur le champagne ta responsabilité.
Maintenant je sais tout ça. Je lai su dès que jai eu conscience de ta fuite, un peu lâche. Naurais-tu pas pu nous interrompre au départ de lacte, quand tu as compris que je déconnais ? Tu attrapais Sylvain par la peau des couilles et tu le foutais à la rue !
- Et toi en même temps ? Cest une solution à laquelle jai pensé pendant trente secondes. Jy ai renoncé parce que cela ma semblé le meilleur moyen de te frustrer et de le frustrer. A partir dune séparation brutale et e, vous nauriez plus eu quune pensée ; vous retrouver à mon insu, nimporte où, nimporte quand, pour achever ce que vous aviez si bien engagé, pour vous fixer des rendez-vous secrets et me tourner en ridicule une fois, dix fois, des centaines de fois. Mieux valait vider labcès, mieux valait vous laisser épuiser en une heure tous les plaisirs convoités. Je croyais purger votre imagination, brûler, au feu des abus immédiats, tes illusions de femme qui souffrait de la monoandrie, de lobligation de ne saccoupler quavec un seul mâle, imposée par le mariage. Jai vraisemblablement quelques décennies de retard sur lévolution des murs dans nos société, ce en quoi diffèrent les générations nouvelles. Pourquoi nier que tu es in, dans le vent. Raison de plus de nous séparer.
Au terme de lheure tu aurais dû être capable détablir la fameuse comparaison, évoquée pendant que nous attendions le repas du soir, avant que jexprime mon indignation. Tu aurais dû trouver la conclusion que tu appelais de tes vux ; à savoir : conservais-tu ton ennuyeux mari, le remplaçais-tu par le séduisant Sylvain ou gardais-tu lépoux en complément de lamant intronisé maître de ton cur et de tes sens en ébullition ? Hélas, tu as mendié des prolongations avec celui qui te plaisait, comme sil sétait agi dun match de foot sans grande importance.
Tu es de plus en plus cruel. Cest un trait de caractère que je ne te connaissais pas.
- Est-ce un hasard si je le découvre moi-même ? Tu mavais épargné ce genre dépreuve humiliante, en apparences au moins ; je navais pas eu à te reprocher une liaison sexuelle étalée dans la rue puis à domicile. Je te faisais confiance. Il est vrai que la trahison naît dune confiance excessive. Si tu avais pris dautres amants auparavant, tu avais été assez lucide et avisée pour éviter de me le faire voir. Peut-être tes autres écarts ne devaient-ils rien à lalcool ?
Oh, comme tu as eu mal par ma faute. Tes accusations de tromperies sans fondement, tes soupçons soudains dadultères assumés, me montrent combien je tai blessé inconsciemment dans le délire de cette nuit orgiaque. Crois-moi, Sylvain a été le premier et le dernier, une seule fois. Pourtant, je ne peux pas tapporter la preuve de mon innocence. Comment prouver que je nai pas fait ce que tu imagines ?
- Ce que tu as commis ce soir-là a suffi à détruire ma confiance. La confiance est à la base des relations privées. Lorsquelle disparaît entre un homme et une femme au sein dun couple, elle ne peut pas survivre dans les rapports professionnels. Je constate donc quil va me rester des résidus de contentieux. Tu affirmeras ta vérité, peut-être à raison, jaurai des soupçons ; à tort peut-être. Les dégâts sont-ils réparables ?
- Si tu le voulais, on pourrait essayer. Pardonne et repartons du bon pied. Ne fais pas de ma faute incontestable la mesure de mes valeurs. Il est faux daffirmer que nous ne sommes pas de la même génération. J »ai traversé une horrible épreuve, sans gloire, permets-moi de puiser dans mes faiblesses la force de payer par un amour plus fort et par la promesse dune fidélité sans faille lénorme dette que jai accumulée envers toi, un soir danniversaire.
- Comment te croire ? Laissés à vous-mêmes, vous aviez oublié toutes les protections. La verge qui montait en toi passait d'anus en vagin indifféremment, sans préservatif. Je crains que tu ne m'apportes avec toi le fruit de votre débauche, puisque, comme tu me le jures, le stérilet n'existait pas. Je peux aussi supposer que, dans votre récital de positions empruntées aux descriptions de kamasoutra si chères à Sylvain, plusieurs ont pu favoriser une fécondation naturelle. Es-tu, actuellement, en capacité de m'affirmer que tu n'es pas enceinte de ton ami Sylvain ? J'en doute. Toutes les conditions favorables étaient réunies pour quenfin saccomplisse losmose, la réunion dun ovule et dun spermatozoïde. Tu avais longuement été chauffée à blanc. Libérée de ma surveillance, tu te donnais pleinement, amoureuse d'un garçon qui t'avait charmé, qui continuait à te faire jouir et plein de ressources. Tu avais bu ses paroles ; tu t'étais soulée de champagne et de promesses d'une vie meilleure dans le stupre, en partage, dans des rencontres libertines.
Je me ferai examiner par un gynécologue pour te rassurer.
- Et demain Sylvain te rejoindra ici, vous reprendrez votre cirque à mon nez et à ma barbe. Psychologiquement tu acceptais tout de lui, comme tu accueillais physiquement, sans réticence, le sperme dont il te remplissait le sexe et que je voyais déborder sur les bords poilus de ta vulve conquise. Aux meilleurs moments de notre vie de couple, as-tu jamais été aussi réceptive à mes marques damour que tu las été aux siennes ce soir maudit ? Je suis obligé de prendre en compte la possibilité d'une grossesse consécutive à vos coïts passés ou futurs, alcoolisés ou non. Donc, je te pose la question suivante :
- Marie, supporterais-tu de vivre sans relations sexuelles avec moi pendant le temps nécessaire pour éliminer lhypothèse dune grossesse dorigine douteuse, afin déviter la confusion dans mon esprit ? Car, si nous devions enfin avoir un , je voudrais avoir la certitude que ce serait le mien et non le résultat d'un adultère même caché avec ton amant. Ce préalable s'accompagne de l'interdiction absolue de toute relation sexuelle extra conjugale pendant ladite période, cela va de soi.
- Je voulais te le proposer. Voilà pourquoi nous irons chez un gynécologue. Je supporterai tous les examens que tu jugeras nécessaires.
- Je ne sais plus. Comment supposer capable de privation totale de rapports sexuels la femme qui mettait tant d'élans amoureux avec son compagnon occasionnel, le soir de son anniversaire, malgré la présence de son époux, comme un défi au cocu ? Cétait toi, passionnée, abandonnée, avide de jouissance
- Jean, sil te plaît
- Non, laisse-moi vider mon sac. Quand on exige au moins deux partenaires pour atteindre des orgasmes extraordinaires, quand on dit quil faudra un minimum dune ou deux séances de doubles pénétrations par semaine, peut-on se contenter d'un seul amant, ou de privation totale de rapports pendant une durée indéterminée ? Ce serait tenter le diable. Je ne veux plus être dupe.
- Tu ne m'en crois pas capable. Je suis prête à tout accepter pour te reconquérir. Veux tu des gages de ma volonté de dominer ma soif de champagne et mon besoin de sperme ? Tu connais les deux possibilités professionnelles qui se présentent à moi. Par amour de toi, je choisis la moins reluisante, je renonce aux promotions futures, à une retraite confortable et même à un rang social que dautres envieraient. Nest-ce pas une preuve damour profond ?
Les regrets surgissent déjà ? Tu as tout pesé, tout calculé. Daccord, tu as beaucoup à perdre. Je te lai dit à ton arrivée, il est fou de taccrocher à moi. Es-tu venue seule ou accompagnée de Sylvain ?
Des coups à ma porte précèdent lentrée de Louis, le titulaire actuel de mon poste prochain, le retraité.
Ah ! Tu as de la visite. Je suppose que madame est ton épouse
Présentations, échange de politesses
. La visite ne doit rien au hasard. Pour preuve :
Mon ami, Gérard, vient de me prévenir par téléphone de votre arrivée, chère madame. Vous seriez candidate au seul et dernier emploi libre de mon organigramme. Sur le départ, je naurai pas à décider à la place de mon successeur. Permettez-moi toutefois de vous donner un conseil. Jai appris que votre couple connaissait quelques difficultés. Pensez-vous raisonnable de les muter en même temps que vous ? La bonne marche du service réclame que ces difficultés soient réglées avant toute décision. Gérard vous dit prête à de lourds sacrifices pour rejoindre Jean. Cest émouvant. Ne serait-il pas plus raisonnable daccepter la deuxième offre de Gérard. Il a dû vous en parler et me demande de vous encourager à remplacer votre mari.
Oui, il ma offert de prendre la place de Jean, près de lui, belle promotion en effet. Il ma aussi laissé entendre quil y avait une place à prendre dans son cur et dans son lit, que je pourrais remplacer sa femme qui la quitté. Son appel nétait pas désintéressé. Savez-vous pourquoi sa femme la quitté ? Je ne veux pas de cet homme, car moi, je le sais.
Vous dédaignez lensemble ? Vu son âge, il pourrait vous permettre quelques coups de canif dans des engagements réciproques. Pourquoi tant de rigueur là où la souplesse siérait davantage. Enfin jaurai fait ce que je pouvais. Jean aura le dernier mot. Jai bien lhonneur
votre serviteur.
Lavertissement gratuit, la mise en garde paternelle, sadressait aux deux, à Marie quil fallait décourager et renvoyer à Gérard et à moi, dans mon rôle de futur responsable. Chasser ou résoudre les difficultés. Cest facile à dire.
As-tu saisi le fond de ses bonnes paroles ? Ce type qui ne me connaît pas me vendrait à Gérard que je ne souhaite ni comme amant, ni comme mari.
Ah ! Si Gérard avait vingt ans ou vingt-cinq ans, je ne pèserais pas lourd dans la balance. Jean ce nest pas une question dâge contrairement à ce quentend ton allusion à Sylvain. Revenons justement à nos moutons. Tu peux me sauver de Gérard, comme je me suis sauvée de Sylvain, une fois ma raison retrouvée. Tu voulais savoir si Sylvain mavait accompagnée. Tu refuses toujours de me croire sincère.
Et pour cause ! Na-t-il pas son mot à dire dans le choix de ton milieu de vie, comme il a su diriger ton mode de vie et ta sexualité ?
- Si tu espères me refouler au motif que Sylvain est caché dans le coffre de ma voiture ou que je lai déposé en ville avant de venir réclamer ton indulgence, tu fais erreur. Jai eu des torts, jai été stupide en déclarant vouloir vous comparer. Car il ne peut pas se comparer à toi ? Tu es travailleur, il est oisif. Tu es fidèle, il est volage et immature.
Etrange de te voir brûler aujourdhui celui que tu adorais vendredi.
Pour être un patron objectif, ne ressasse pas continuellement lunique erreur et tu seras en même temps le mari que je veux aimer. Il ny a plus de Sylvain, je lai chassé. Tu es mon seul amour, mon seul homme.
Incroyable, raconte, dis-moi pourquoi, comment. Tu las chassé ou il ta abandonnée aussitôt que possédée ? Javais donc raison, mon calcul était juste. Il fallait sacrifier mon honneur, mon amour propre, il fallait lui laisser une part de ma femme pour réussir à lui couper lappétit. Et toi, séduite et abandonnée comme une midinette de dix-huit ans, tu es désemparée et tu espères que le vieux mari éploré va recueillir la brebis égarée en tuant le plus beau de ses vaux.
Je crois quil est inutile dinsister. Jai perdu ton amour, ta confiance et tu soupçonneras toujours le pire quoi que je fasse. Je naurai plus droit à une once de respect ou de considération. Je ne peux que men prendre à moi-même. Las ! Gérard ne me respectera pas plus, tant pis pour moi.
Comme Marie se lève, entre Yvette, la jeune stagiaire au service de Louis. Des bruits circulent. Jai assez de problèmes personnels pour y prêter attention. Elle sautille :
Jean, Gérard menvoie te prévenir, regarde par la fenêtre, un type bizarre rôde autour de la voiture rouge de madame. Excusez-moi dêtre entrée sans frapper. A plus tard.
Marie la regarde sortir de mon bureau en plissant le front. Yvette est blonde, jeune, souriante. Est-elle farouche ? La rumeur la dit bonne vivante, rieuse. Mes yeux la trouvent bien en chair. Sa poitrine ronde peut faire rêver un célibataire, un divorcé ou un veuf proche de la retraite. Un bien joli lot pour qui la gagnera.
Comme Marie, je me précipite à la fenêtre. Comme elle, je reconnaît lindividu louche et ironise :
- Tiens loiseau rare est sorti de ton coffre et cherche à y rentrer ! Il tente douvrir les portes. Tu aurais pu lui laisser la clé. Tu mens mal, quand tu paniques. Tu ne las pas chassé trop loin, tes consignes manquaient de fermeté. Il a le culot de venir me narguer. Dire que jai failli mattendrir devant tes demandes de pardon et tes promesses de ne plus me tromper. Jure que tu ne sais pas doù il sort et je te croirai ! Tu ne manques pas dair.
Puisque tu me demandes de jurer, je le jure. Ecoute au moins ma version. A suivre.
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