Oui Ou Non 1
OUI ou NON 1
Une femme qui te fait l'amour avec tant d'ardeur, qui s'offre avec tant d'impudeur et se livre aussi complètement que Chantal le fait en ce moment, peut-elle rêver de partage ? A deux mains elle ouvre la grenade où elle veut maccueillir, la voix rauque elle minvite à la pénétrer. Elle me fait un festival de positions amoureuses, elle sue, elle souffle, elle m'embrasse, m'étreint avec force. Une tornade damour lemporte dorgasme en orgasme pour mon plus grand bonheur. A-t-elle juré de me de plaisir ce soir de notre quatorzième anniversaire de mariage ? Un déclic sest produit à lapproche de la quarantaine. Ce devrait être réjouissant pourtant une ombre assombrit mon bonheur.
A quoi reconnaît-on une femme qui se partage ? Doux euphémisme pour désigner une femme qui couche avec deux ou plusieurs hommes, en principe avec son mari et avec un ou plusieurs amants. Voilà à quoi je pense pendant que ma chère Chantal sévertue à jouir et à me faire jouir, voilà pourquoi aussi je suis si lent à éjaculer. Quels signes montreraient qu'elle n'est pas entièrement à moi ?
Voilà le résultat de la présence bizarre de ce Marco à notre table, ce soir. Il ne m'a pas fait rire, il m'a inquiété, il a fait naître un soupçon déplorable. Parce que, à force de l'entendre proférer ses discours sur l'infidélité libératrice, je me demande s'il n'a pas contaminé Chantal au point quelle croie nécessaire de me prouver quelle est restée insensible aux raisonnements du jeune homme. Par bonheur, la conduite actuelle de ma femme, son engagement forcené dans notre accouplement plaide en faveur d'un amour, véritable, fort, à l'abri des tentations d'adultère. Mais
jai eu chaud
Pour lui montrer que je nai pas oublié le quatorzième anniversaire de notre mariage, je suis arrivé les bras chargés. En ouvrant la porte elle sest écriée :
- Oh ! Mon amour, tu tes souvenu de notre anniversaire !
En fait je ne lai jamais oublié, ni lan passé, ni les années précédentes.
- Ce bouquet de roses est splendide. Viens, plaçons ce magnifique bouquet dans un vase. Il faut que je tembrasse
Elle parle bien fort, comme si quelquun nous écoutait et devait nous entendre. En effet, je ne tarde pas à le savoir, nous ne sommes pas seuls :
- Je me suis dit que nous ne pouvions pas célébrer seuls cet anniversaire de mariage spécial.
Qua-t-il de « spécial », de différent des autres ou de dautres plus nombreux qui lui succéderont, je lespère ?
- Il marque la fin du deuxième cycle de 7 ans de notre union et le début dun troisième cycle. J'ai donc invité deux personnes pour le repas du soir. Notre barbecue sera plus animé en leur compagnie. Il faut que je te les présente sur la terrasse. Attends-toi à rencontrer un couple jeune. En premier vient Véro, la stagiaire qui prépare son master 2 dans mon bureau, cest presque une amie. Et ensuite il y a Marco. Tu ne le connais pas. En réalité je le connais à peine. Mais ce personnage fait parfois rire tout le bus par ses pitreries, j'ai apprécié son bagout, cest un boute entrain incroyable et j'ai pensé qu'il était tout indiqué pour entretenir une bonne ambiance ce soir. Quand il se lance, il est inarrêtable. Tu le trouveras drôle, comme létait sans doute jadis le fou du roi.
Marco ne m'a pas attendu pour captiver l'attention de Véro. Je l'entends en approchant de la terrasse
- La fidélité nest pas une disposition naturelle, cest une invention de gens incapables de conserver l'amour de l'être cher. Ils ne reconnaissent pas la liberté d'aimer qui on veut, quand on veut. Par pur égoïsme ils ne permettent pas à l'autre d'aimer librement, ils veulent s'imposer et limiter l'amour à un seul être. Ils font de lobligation imposée de fidélité une vertu.
-Mais
La jeune femme ne peut pas parler, faire une quelconque objection, il lui coupe la parole :
- Je ne parle pas de mon expérience trop limitée de garçon célibataire de vingt-cinq ans, mais de celles des personnes que j'écoute.
Ce petit monsieur recueillerait donc les doléances de femmes plus mûres que lui. Etrange confident ! Gigolo peut-être ? Ecoutons-le :
« Au début, disent-elles, c'est tout beau. Tout feu tout flamme, les amoureux vont à la découverte l'un de l'autre : on veut voir, on veut toucher, on veut sentir, on veut goûter, on veut essayer. Tout est si nouveau, si différent, on ne se lasse pas d'explorer les yeux, les joues, la bouche, le corps, les seins, le pantalon ou sous la robe la culotte ; on déclare ses sentiments. On est heureux d'être celui ou celle qui a été choisi(e), on se promet un amour éternel. Passent les années, on tombe dans la routine, dans l'habitude, dans une lassitude presque imperceptible. Les sentiments sémoussent, lattirance physique décroît, lennui sinsinue, on se met à rêver, on se dit tout bas quavec un autre partenaire, il pourrait y avoir un nouveau printemps
Ainsi évolueraient les quadragénaires qui se seraient confiées à Marco ? Chantal fait elle partie du lot de ces rêveuses insatisfaites, aurait-elle fait des confidences peu flatteuses pour moi à propos de notre vie intime à ce quasi inconnu ? Elle annonce notre venue :
- Marco et Vero, je vous présente Jean, mon mari depuis quatorze ans, ce soir. Marco, je m'inscris en faux. Jean et moi sommes le parfait contre-exemple de tes affirmations.
« tes affirmations » dit Chantal : Tiens, elle tutoie le garçon, pourtant elle est habituellement lente à se montrer familière. Elle ajoute :
- Les années n'ont pas tué notre amour, l'habitude n'a pas entamé la curiosité des premiers temps, nous nous aimons toujours aussi fort. La fidélité existe.
Cette réponse de Chantal me comble d'aise. Devant témoin, elle vient de renouveler clairement ses promesses d'amour de notre mariage et d'affirmer combien elle m'aime et combien je l'aime. Bien sûr tout n'est pas comme à l'époque des fiançailles et du mariage, mais on évolue sans détruire les rêves d'amour.
- Je vous félicite d'éprouver encore des sentiments aussi forts après tant dannées. Ce n'est malheureusement pas le cas de tout le monde. Considérons le nombre des divorces et des séparations, il est quasi évident que le mariage est un carcan dont les plus courageux se libèrent. Rendons leur liberté aux époux. Ils repartiront avec une énergie nouvelle dans une autre vie amoureuse. Il en sera fini des contraintes, des obligations castratrices, un nouvel élan portera chacun à aimer encore.
Le prétentieux sociologue autoproclamé ménerve, jobjecte :
- Vous ne voyez pas le nombre de ceux qui s'aiment et continuent de vivre ensemble ?
- Si, mais combien parmi ces derniers ne sont plus heureux, combien souffrent de la cruauté des institutions, combien n'osent pas franchir le pas et se soustraire à la force du "qu'en dira-t-on" ? Combien ne sont fidèles que par timidité, par manque daudace ou par renoncement lâche ?
- Quel remède préconisez-vous pour rendre la joie aux prisonniers des conventions, aux fidèles par manque d'audace, aux lâches ?
- Selon moi, il faut cesser de porter aux nues les notions arriérées de fidélité et leur substi les notions de changement ou de partage. Personne n'appartient à personne, chacun est libre de disposer de son coeur et de son corps, chacun peut à tout moment choisir un ou une partenaire, en changer sil le désire, ou aimer plusieurs personnes à la fois. L'idéal c'est la liberté totale en amour. Peut-être faudra-t-il une étape intermédiaire avant de parvenir à la vraie liberté. Cette étape consiste à accepter le partage pour soi dabord, car je ne peux me partager que si je le veux. Et quand je le veux, je dois à amener mon conjoint à admettre ladjonction dune tierce personne dans la communauté de vie
- Sur quelles bases se pratiquera ce partage ?
- Laissons faire la nature.
- Si je vous suis, je pourrais jeter ma femme dans vos bras, ou encore faire la cour à cette charmante demoiselle Véro devant ma femme. Vous nous menez au chaos.
- Non, ce sont les chaînes, les contraintes qui mènent au chaos, au désordre. Que va faire l'époux insatisfait sil ne peut utiliser cette soupape de sécurité en toute quiétude ? Il va dissimuler, mentir, tromper, vivre dans la crainte d'être surpris, dans la terreur d'une vengeance. Le partage consenti, au contraire, fait tomber la pression. Bien entendu, seuls les esprits évolués peuvent atteindre ce degré de sagesse.
- Et à combien de partage aurait-on droit, combien de maîtresses pourrais-je avoir, combien d'amants ma femme pourrait-elle prendre ensemble ou successivement ?
- Je n'ai pas de réponse à cette question purement quantitative. La liberté sera l'absence de règles précisément. Chacune ou chacun disposera de lui comme il l'entendra. Une moitié des couples finissent par un échec reconnu et beaucoup trouvent dans une idylle nouvelle un nouvel élan. Nest-ce pas encourageant ? Des sages savent saccommoder dun partage satisfaisant pour chacun.
Vero ne semble pas emballée par ce discours. Il arrive à Chantal de hocher parfois la tête en signe d'approbation ou de lever d'autrefois les yeux au ciel : ce Marco l'amuse, même si elle a déclaré son affection et son amour pour moi il n'y a que quelques minutes. Où a-t-elle déniché cet oiseau rare ? Est-ce avec ces idées qu'il fait rire le bus ? Je demanderai à Chantal de m'épargner à l'avenir ce genre de philosophe. Je veux le pousser au bout de ses conclusions :
- Tout cela est très théorique, hypothétique. Nous avons ici de quoi passer à des applications pratiques. Soyons éclairés et sages, soyons des précurseurs, lavant-garde de lhumanité Procédons à une sorte de jeu de rôles. Marco que diriez-vous dadresser à ma femme, Chantal, qui approche de la quarantaine, comme vos confidentes, une brûlante déclaration damour assortie dune proposition de partage détaillée et pourquoi pas immédiatement mise en uvre, ici, ce soir. Si vous réussissez à obtenir delle un accord, je mengage solennellement à respecter les termes et conditions de ce partage.
Chantal réagit :
- Comment, toi Jean, tu me partagerais avec Marco ? Je resterais ta femme et il deviendrait mon amant avec ta bénédiction dès cette nuit. Voudrais-tu débarrasser de moi ? As-tu prévu de me remplacer ?
- Te partager avec ce jeune homme, si jai bien compris, cest au contraire me donner une chance de te garder en partie au moins, cest te donner la liberté de relancer ta libido avec quelquun de plus jeune que moi sans toutefois me quitter. Loin de vouloir me défaire de la femme que jaime depuis quatorze ans, cest obéir au vieux réflexe égoïste de ne pas tout perdre. Si, comme les autres quadras dont il a évoqué les témoignages, tu ressens le besoin denrichir ta vie sexuelle, loccasion test donnée ce soir daccomplir ton rêve. Marco va peut-être demander la possibilité de te faire lamour dans notre lit pendant une heure ou deux heures, devant témoin ou dans le secret de notre chambre.
Donc je continuerais à être ton épouse et Marco serait mon amant ? Tu consentirais à ça ? Et dès ce soir ? Ciel, mon chéri, tu métonnes, je ne te reconnais plus. Quel revirement !
- Que pourrais-je te refuser en ce soir danniversaire ? A la lumière des révélations de Marco, je découvre un somptueux cadeau à toffrir : tu peux essayer de partager tes immenses ressources amoureuses, et, si essayer cest ladopter, nous entamerons une vie nouvelle. Cela ne dépend que de toi. Encore faut-il que Marco se décide à avancer ses pions, que tu les examines et que tu veuilles tenter cette expérience. Pourquoi un mari aimant refuserait-il à sa femme le droit de chercher un bonheur plus ample, plus complet, un épanouissement sexuel illimité ? Dautant plus que tu te montreras certainement aussi éclairée, sage, généreuse et calculatrice que moi, le jour où jaurai des prétentions similaires et où tu voudras conserver des morceaux de mon amour.
Le piège est ouvert. Jamais Marco ne pourrait trouver circonstances plus favorables pour gagner les faveurs dune femme. Jamais Chantal ne sest entendu offrir pareille liberté. Si elle cherche à améliorer sa vie sentimentale et à sépanouir davantage sexuellement elle écoutera avec impatience la déclaration damour de Marco. Si le même veut prendre pied dans notre vie, sil veut gagner lamour et le cur de ma femme, il doit passer à loffensive. Quant à moi, en fonction de la prise de position de Chantal, je saurai si elle maime vraiment ou si jaurais tort de maccrocher à une épouse habitée par un désir de changement assez puissant.
Pour faire bon poids et bonne mesure, pour peser sur la décision de Chantal, jai rappelé que je réclamerai un droit de réciprocité. Au cas où Marco partagerait ma femme avec moi, je pourrais compenser ma perte par une relation avec une autre femme. Jai conscience de tricher, mais après mêtre engagé à respecter les choix de Chantal, jessaie de saper une éventuelle tentation de céder une partie de mes avantages de mari. Lautre retrouve son bagout :
- Chère amie, de toutes les femmes qui souhaitent un sort plus envieux, vous êtes la mieux lotie. Quelle chance davoir un époux aussi soucieux du bien-être de son épouse. Comme il sait renoncer à lexclusivité conférée par le mariage pour assurer votre pleine satisfaction, cest merveilleux. Je serais le plus sot des hommes si je ne saisissais pas immédiatement la chance de pouvoir contribuer à faire de vous une femme comblée. Je mets à vos pieds mon admiration profonde, la dévotion dun amour neuf et ardent, tenu secret jusquà ce soir. Je mempresse de vous promettre dêtre un amant plein de fougue mais respectueux des droits légitimes de Jean. Je propose de me tenir à votre disposition ici même, dans linstant et aussi souvent que vous le souhaiterez. Pour lavenir, il me semble raisonnable, pour commencer ,de faire alterner des séjours dégale importance : vous seriez à Jean quatre jours une première semaine et trois jours la semaine suivante. Je serais vôtre les autres jours de la quinzaine.
Cest fait, le rusé chasseur de quadragénaire négligées par leurs conjoints, vient de mettre à nu ses sentiments et ses intentions. Il poursuit le but avoué de menlever ma femme. « Je le connais à peine » mavait annoncé Chantal. Jai eu des doutes, maintenant je sais. Alors je facilite le passage à lacte :
Cest effectivement une proposition équitable, cher ami. Pour vous remercier de votre souci dégalité entre le mari et lamant je pense nécessaire de vous accorder dès ce soir la priorité.
Lamoureux dévoilé est-il capable de mesurer lironie du remerciement pour le souci dégalité ? Cest par un partage arithmétique, froid, qui fait abstraction des sentiments quil piétine le long vécu dun couple. Quelles garanties offre-t-il à lépouse détournée ? Chantal serait imprudente de le suivre aveuglément, si de son côté elle est habitée par le démon de midi. Cest son affaire. Je continue avec une nuance sur le lieu où sera consommé le partage, une rectification qui aura son poids, en apparence plus intéressante, parce que présentant plus de liberté au futur couple :
- A la fin de notre repas, vous emmènerez donc Chantal avec vous. Vous pourrez vous aimer durant trois nuits et trois jours, de quoi raviver les flammes de lamour et redonner tout son éclat à la libido languissante dune femme qui épuise son dernier cycle de sept ans, réputé pour favoriser les séparations. Ensuite, Chantal la bienheureuse ressuscitée à lamour pourra revenir ici, si elle a encore envie de me revoir et elle pourra passer quatre nuits et quatre jours près de moi.
Jévite intentionnellement dévoquer des rapports sexuels durant les quatre jours de sa présence : « me revoir », « près de moi », mais je marque la différence de comportement pour la suite :
-La semaine suivante vous la posséderez quatre nuits et quatre jours et ensuite je me contenterai de sa visite pendant trois nuits et trois jours. A la fin des deux premières quinzaines, nous pourrons ajuster la durée des séjours en tenant compte des vux de la femme partagée.
Chantal a saisi les nuances et élève la voix :
Comme vous y allez, vous les hommes. ! Vous prendrez mon avis au bout de deux quinzaines ! Eh ! Bien, mon avis, je vous le donne tout de suite : je ne suis pas une marchandise quon partage, ni une balle de ping-pong, je ne vous ai rien demandé. Foutez-moi la paix avec vos marchandages de maquignons. Jean me suis-je plainte dun manque damour ou de rapports sexuels insuffisants en nombre ou en qualité, tai-je reproché de mal maimer ou de ne maimer pas assez ? Tu seras à moi entièrement et sans partage, tu las juré, il y a 14 ans. Marco, tu es touchant de candeur et de naïveté, trouve une fille de ton âge à chérir. Tu te lasserais bien vite de moi. Vois la fraîcheur de Véro par exemple.
Cette fois Véro se manifeste :
- Il y a un hic ! Je rêve bêtement d « amour toujours ». Un amoureux adepte du changement et du partage ne fera jamais mon affaire. Merci madame de me laisser choisir mon mari.
Par bonheur le repas se terminera assez rapidement, dans un climat sinistre. Véro se retirera en premier. Marco partira sans nous avoir convaincu de la nécessité de changer de partenaire pour raviver les flammes de lamour.
J'avais besoin de savoir que Chantal ne partageait pas ces élucubrations. Je trouve étrange quelle ait choisi cet énergumène comme invité à notre anniversaire de mariage. Il faut oser choisir ces circonstances, comme il la fait, pour attaquer l'institution du mariage et la fidélité. Quand nous nous retrouvons au lit, j en fais la remarque à Chantal
- Mon chéri, je suis heureuse de te voir réagir vigoureusement à ces propositions. Elles sont ridicules et c'est pour cela que je tenais à te les faire entendre en ce soir d'anniversaire de mariage. Tu mimagines me partager entre un bonhomme aussi fantasque et toi ? Pas plus que je ne peux t'imaginer dans le lit d'une autre. Ce garçon ne trouvera jamais de femme, il est trop volage. Oublions-le, lui et ses lubies. Fais- moi l'amour, jai follement envie de toi.
À suivre
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!