Système D
"Dialogues Interdits" : une série de mini-nouvelles sans narration, uniquement faite de dialogues. Confessions crues, drôles et surprenantes entre amis...
Système D
On habitait pas loin lun de lautre, on pouvait se voir souvent, se balader, boire, se bécoter, se câliner
Tout était au top, ou presque. Parce que pour la baise, quelle catastrophe !
Tiens, de loin il ne mavait pas lair dun mauvais coup, ton Brice
Cest un super bon coup ! Je parlais du lieu : on en navait aucun ! Lui en campus très fermé, moi chez les parents
Vous vous êtes mis à baiser dans les coins de rue ?
Pas notre genre. Trop peur des risques, de qui on pourrait rencontrer. Par contre il y avait le bois de Vincennes, juste à côté.
Pas évident, non ? Beaucoup de passage. Des prostituées, des gays qui se donnent rendez-vous, des gens qui font leur footing, qui promènent leur chien
Pas seulement : il y a aussi des S.D.F. avec leur tente. Cest eux qui mont donné lidée.
Tu as monté une tente ?!
Une belle Quechua. Pour faire plus vrai, jai installé autour du fil à linge, quelques vieux vêtements, des cartons
Histoire de faire croire quun sans-abri y vivait.
Oh là là, quelle honte
Javoue, jétais pas très fière de la mise en scène.
Pas fière, pas au point de renoncer.
Jamais de la vie ! Cétait la seule solution. Nous faire passer pour des malheureux alors quon avait chacun la gazinière, la douche et un lit douillet ! Quelle tristesse.
Eh oui, un lit douillet
Ou plutôt deux lits douillets, à places uniques, éloignés lun de lautre de plusieurs kilomètres.
Cétait bien là tout le problème. Tu penses que jai eu tort ?
Cachottière ! Tu mavais rien raconté jusque-là. Idée simple et ingénieuse. Presque lumineuse
Je ny aurais pas pensé, bravo !
On sy est rendus de plus en plus souvent, Brice et moi. Jai appris les règles de la rue, enfin les règles du bois.
Pour éviter les squats ?
Oui, toute tente abandonnée voit débarquer un autre occupant. Bref, on sest offert de super belles parties de cul, pendant toute notre année scolaire. Cétait génial !
Génial, même en le faisant au milieu des gays, des putes et des S.D.F. ?
On sen foutait bien. Sauf une fois : un client ma vue sortir en me rhabillant, les cheveux tout ébouriffés, et ma demandé mes tarifs. Hormis cela, aucun incident au compteur.
Vous lavez souvent fait ?
Plusieurs fois par semaine. Et le plus beau : peu à peu on sest mis à y venir pas que pour le cul, parfois même sans faire de cul. Jamenais une thermos et on se prenait un café, on se mettait de la musique, on se buvait une bière
Avoir un petit coin à nous a permis de développer notre relation, daller bien au-delà du sexe.
Les histoires romantiques daujourdhui ne sont plus ce quelles étaient. Quelle dommage que vous ne soyez plus ensemble !
Lhistoire sest compliquée sans même que je men rende compte. Dabord, jai eu le malheur de le raconter à une copine du campus. Oui, je sais ! Question confidences, je tai fait des infidélités. Faut comprendre, passer du temps dans les bois donne un look spécial. À force de rentrer avec de la boue sur les godasses, des piqûres dinsectes et des bouts de feuilles sur les vêtements et dans les cheveux, je me suis trahie et jai dû lexpliquer à ma voisine de palier. Elle ma fait genre je dirai rien aux autres
Et elle a fait tout le contraire.
Sans rire, en moins de vingt-quatre heures toutes les copines du campus étaient au courant. Question commérages, ya pas eu tant dévolution depuis la primaire ! Je pensais que jallais me coller une réputation de salope, en fait elles étaient surtout admiratives.
Certaines ont trouvé lastuce tellement bonne quelles mont imitée. Pas longtemps après, il y avait au moins quatre ou cinq tentes en plus de la nôtre dans le secteur.
Une vraie trame de film porno. Encore que ! Une trame dans ce style, un réalisateur de X naurait pas osé. Trop abracadabrant
Vous ne vous êtes pas mis à échanger, genre, partouzer ?
Non seulement ça ne nous est pas même venu à lesprit, manque de bol en un sens, mais surtout les copines mont apporté bien plus dennuis quautre chose. Une petite tente pour deux, ça reste discret. Davantage, on a fini par nous repérer.
Qui cest, « on » ?
Dautres sans-abris. Des passants. Des agents municipaux
Aïe aïe aïe
Mon copain et moi on passait bien parce quon a toujours eu un look un peu roots et grunge. On se fondait parfaitement dans la masse des sans-abris du bois. Alors que mes connes de copines ne cherchaient aucun subterfuge. Lune delle a même fait la totale : ayant des parents friqués et donc beaucoup dargent de poche, elle a installé une putain de grande tente de luxe, et elle venait avec sa petite robe Desigual à cent cinquante euros, ses hauts talons et sa bouteille de champagne.
Eh ben, en voilà qui feront pas carrière dans les opérations camouflage ! Et cest là que tout a tourné au vinaigre, je parie.
Franchement ?, cétait pas loin de virer au drame. Elle a dû repartir dare-dare, un peu plus et on laurait agressée. Puis les flics ont remarqué les allers et venues : ils ont soupçonné un nouveau lieu de prostitution. Les putes du coin aussi, qui sont venues nous menacer.
Pas étonnant : au bois de Vincennes, la prostitution est le métier numéro Un.
Et il est classique pour les prostituées davoir de petits espaces de ce type, à ce quil paraît. Et si tu ajoutes à cela quune des copines amenait plusieurs amants
timagines bien comment laffaire a semblé louche !
Il fallait leur dire que cette salope le faisait totalement gratuitement ! Et les autres aussi
Enfin, pour les flics linfo passe encore, pour les putes cest peut être pire : cest de la concurrence déloyale.
Jamais on aurait couché avec les passants, rien à voir. Seulement, elles lignoraient.
Ton histoire de termine comment ?
Pas super bien. Coup de filet des flics, garde à vue pour tout le monde. Interrogatoires, coups de pression
Heureusement quon étaient toutes majeures. Je sais pas sils nous ont crues. Surtout ils nous ont clairement fait comprendre de plus revenir.
Être soupçonné de prostitution cest vexant, hein ?
Grave. Comment on sest trop senties humiliées ! Cétait la fin de laventure commune.
Commune ?
Brice voulait continuer autant que moi. On sest installés dans un autre coin. Je savais quon était en sursis
Dès que les agents municipaux nous repéreraient de nouveau, il faudrait partir pour de bon. Le premier lieu, cétait comme dans un conte de fées
ou presque. Un lieu magique, où tout allait à merveille. Là, jour après jour on sest de moins en moins bien entendus. Va savoir pourquoi !
Comme si vous aviez quitté un endroit béni pour un endroit maudit ?
Oui ! On continuait nos rendez-vous de tente, mais ça devenait de plus en plus sexuel.
On en est à lépilogue, si je comprends bien.
Le mois dernier, je devais le rejoindre à la tente et il ma posé un lapin. Par contre, quand je suis arrivée jai vu quil y avait un squatteur. Un jeune mec qui avait crocheté le cadenas et fumait tranquillement son pétard. Je naurais jamais pu le déloger, et puis après tout, lui vrai galérien, le bois lui appartenait plus quà moi. Jai failli partir, et puis finalement il était super gentil. On a discuté, il ma offert une Heineken.
Un vrai gentleman. Est-ce que la suite ressemble à ce que jai à lesprit ?
Oui.
Le soir même ?
Une vingtaine de minutes après la première gorgée de bière. Jétais venue avec une folle envie de baise. Brice nétait pas là, par contre Freddy était frais et dispo.
Et depuis ?
Je ne vois plus Brice. On sagace trop lun lautre, plus aucun intérêt.
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