Oui Ou Non 3
Trois heures d'interrogatoire au commissariat ont marqué Chantal. Marco aussi sans doute. Pendant un mois le garçon a disparu de ma vue et de nos conversations. Ce soir là, ma femme danse avec un ami, quand une main se pose sur mon épaule et j'entends la voix de Marco, chargée d'ironie :
- Alors, cher ami, cette fois tu la prêtes, tu la partages ou tu la donnes ?
D'où Marco tient-il ma formule, sinon de Chantal ? Ces deux-là, à mon insu, entretiennent donc une relation et partagent certaines de mes phrases, à défaut de partager des moments physiques intimes. Sans le vouloir, pour jouer au malin, Marco vient de trahir leur petit secret. Se téléphonent-ils ? Je réponds :
- Ni l'un ni l'autre. Mon ami Georges est un ami de toujours, marié, sa femme est présente dans la salle, et il n'a jamais demandé à partager ma femme avec moi, contrairement à toi.
- As-tu vu comme ils dansent serrés ? Ca ne te choque pas ? A ta place...
- Justement, tu n'es pas à ma place et c'est heureux.
Chantal de retour paraît surprise de voir le revenant près de moi. Marco s'empresse de l'inviter avant qu'elle ne soit assise. Elle prend un air ennuyé, mais se dirige vers la piste. En chemin elle se retourne pour voir si son cavalier la suit. En même temps elle me voit m'en aller vers la sortie. J'ouvre la porte de ma voiture, on agrippe mon bras.
- Jean, que t'arrive-t-il ? Où vas-tu comme ça ? Tu me laisses en plan ? Pourquoi ? Comment je rentrerai à la fin du bal ?
- Tu connais "je ne prête pas, je ne partage pas, je donne" Marco vient de me rappeler ma phrase, mot à mot. Qui la lui a apprise sinon la seule personne à laquelle je l'avais dite, toi ? Où, quand ? Inutile de me le raconter, tu viens d'essayer de te partager, je te donne, tu peux rentrer avec lui, aller dormir chez luichez lui.
- Oh ! Tu es de mauvaise foi. Vous discutiez ensemble, j'ai cru que tu avais donné ton accord.
- Est-ce que Georges te fait des propositions ? Non ? Alors peut-on comparer ?
L'alerte a été chaude. Je me crois désormais à l'abri tes tentatives de Marco. Hélas, ce type n'accepte pas l'échec. Un vendredi Chantal me demande où nous irons au bal le samedi soir.
Nous arrivons, la Clio rouge est déjà sur le parking. Par chance dans un rayon de quinze kilomètres, il y a cinq salles. J'évite la confrontation et je change de destination. Chantal est contrariée sans protester vraiment, l'orchestre était son préféré. Nous trouvons une table, nous dansons, ma femme demande une pause pour aller se repoudrer et emmène son sac à main.
Une demi-heure plus tard je remarque l'arrivée de Marco. Nous a-t-il retrouvés au flair où a-t-il été renseigné, par qui ? Pour la valse suivante une amie vient chercher mon épouse ? Discrètement je plonge une main dans le sac à main et j'y déniche ce que je craignais d'y trouver : un mobile ! J'avais voulu en offrir un à Chantal. Elle avait refusé :
- Surtout pas, je ne veux pas d'un fil à la patte. Je ne veux pas être constamment suivie ou à la merci d'un appel. Tu sais que cest un moyen de harcèlement pour des détraqués ?
Elle aurait pu ajouter :
-Un moyen trop facile pour toi de savoir où je suis.
Elle navait pas osé pousser la plaisanterie aussi loin. Ce petit Samsung contredit sa répugnance affichée. En mémoire de lappareil, je ne trouve curieusement qu'un 07, appelé il y a moins d'une heure, donc d'ici. J'attends que ma femme quitte la piste, je lance un appel, je cherche Marco des yeux, je le vois sortir un objet de sa poche et le porter à l'oreille. CQFD ! Je tends l'appareil à Chantal et je lui dis :
- Marco t'appelle.
Surprise ou pas, elle est e de répondre devant moi. Elle essaie de s'en sortir :
- C'est un piège, Marco tu m'as remis cet appareil pour m'appeler quand je suis avec Jean, qu'espères-tu, nous fâcher et nous séparer ? Cest raté. Tu es un crétin, je ne veux plus t'entendre et voilà ce que je fais de ton téléphone.
Elle le jette à terre, saute dessus avec rage et l'écrase. Je ne pourrai pas démontrer qu'elle avait appelé l'unique numéro du crétin. Marco empoche son appareil. Il ne se montrera plus. Je pense que Chantal est une sacrée comédienne. Je vais ouvrir l'il.
Après le bal, il est temps de se coucher. Chantal prend des poses en se déshabillant. Je vais lui montrer que nous avons un compte à régler cette fois.
Ce que tu as fait ce soir me semble impardonnable.
Tu parles de la persécution dont je suis victime ? Ce garçon me harcèle et au lieu de me protéger tu maccuses ; de quoi cette fois ? Tu deviens paranoïaque.
Tu as détruit mes preuves à coups de talons. Je texpose ma façon de voir les événements. En premier tu avais indiqué à Marco la salle où nous devions aller danser. Ensuite des toilettes de la deuxième salle, tu lui as communiqué où nous étions. Jai eu des doutes dès que je lai vu arriver. En raison de ces doutes jai fouillé ton sac à main, jy ai trouvé ton Samsung. En mémoire il y avait un seul numéro que tu venais dappeler. Quand tu as quitté la piste jai lancé un appel vers cet unique numéro, Marco a décroché pour tentendre rugir. Or il ne tavait pas relancée encore.
Quoi, ce nest pas lui qui avait appelé, mais toi. Alors
- Alors je sais que tu avais un mobile, qui servait à entrer en contact avec Marco, tandis que tu prétendais avoir horreur de ce fil à la patte Je sais que tu le contactais pour lui fixer des rendez-vous, dans mon dos. Il est donc clair que tu continues à entretenir une relation avec ce jeune homme bien que je taie demandé de mettre fin à cette histoire.
Mais, cest injuste, cest Marco qui a mis ce téléphone dans mon sac, avec son numéro. Je nai rien fait de mal..
Il est inutile de continuer à me traiter comme un aveugle. Je sais ce que je sais. Tu es complice par le seul fait davoir gardé cet appareil, alors que tu as refusé celui que je voulais toffrir. Le mien aurait été un fil à la patte, tu utilisais celui de Marco. Je te traiterai en épouse le jour où jaurai la certitude que tu as rompu avec Marco. Bonne nuit. Oh ! Tu peux pleurer maintenant. Je te conseille de faire le nécessaire pour établir une situation claire. Pars avec lui si cest ce que tu veux, mais cesse les demi-mesures. Je ne te partage pas. Tu peux te donner à un autre, à condition de me quitter régulièrement pour aller vivre avec lui.
Tu ne maimes plus. Ca ne te ferait pas de peine ?
- Ce nest pas la question.
s
Elle et moi ne nous sommes plus parlé. Le matin elle est partie à lhôtel des impôts avant moi. Vers huit heures trente, on frappe à la porte de mon bureau. Entre Véro, la stagiaire de Chantal. Elle a lair catastrophée.
-Monsieur, je ne sais pas si je fais bien de vous en parler. Madame ma dit que ce nétait pas nécessaire. Elle vient de retourner à la maison parce quelle avait un malaise. Elle pleurait de douleur. Je pense quon ne peut pas la laisser seule dans cet état. Vous devriez la rejoindre, elle aura peut-être besoin dun médecin ou de soins. Nous ne serons peut-être pas trop de deux pour la secourir. J
Le temps de ranger mes affaires, de poser une permission et de régler la situation de Vero, nous roulons vers ma maison. Je suis trop préoccupé par le malaise de mon épouse pour mintéresser à la jeune femme.
Jai beau être en colère, je ne peux pas refuser mon aide. Nous approchons de notre pavillon. Une voiture rouge est en train de prendre place devant mon garage. Chantal a préféré appeler directement un médecin. Non, il ny a pas de caducée. Cette Clio est celle de Marco. Il vient dentrer par la grande porte. Suivi dune Vero intriguée par la tournure insolite des événements, je passe par la porte arrière et passe par la cave. La voix de Chantal retentit, un peu courroucée : Jentrouvre la porte de communication entre cave et vestibule.
- Tu en as mis du temps. Monte l(escalier, jai à te parler.
Que dis-tu ? Tu me fais venir pour parler ? Je croyais avoir compris que tu voulais autre chose. Nas-tu pas parlé de maimer ? Autrement, je ne serais pas venu après laffront que tu mas fait hier soir. Tu ne serais pas dérangée ? Je cours à un bal, tu ny viens pas. Tu me convoques à un autre, jy fonce et tu mengueules avant déclater mon cadeau. Et ce matin re-convocation, je devrais arriver au galop ? Et quoi encore madame lallumeuse ?
- Oh ! Pardon pour hier soir. Mavais-tu appelé ? Non ? Jai été victime dun piège de Jean. Il a utilisé mon mobile, ta appelé puis ma dit que tu voulais me parler. Alors jai été obligée de lui jouer la comédie de la colère.Il ma raconté ça beaucoup plus tard. Donc il dit vrai et il sait effectivement que nous correspondons par téléphone. Voilà une mauvaise nouvelle et je comprends pourquoi il est allé dormir dans la chambre damis.
Cest au contraire une excellente nouvelle ! Vous ne couchez plus ensemble ! Tu es sevrée, plus de sexe, tant mieux ! Tu vas avoir des besoins de gros câlins. Cest merveilleux, cest la chance de ma vie. Je suis là , moi ! Je vais taimer comme ton vieux schnock na jamais su le faire, et je naurai plus besoin de te partager avec ce vieux jaloux. Hourra !
Non, Marco, tu fais erreur. Cest la raison de mon appel de ce matin depuis mon bureau. Il faut que tu mexcuses pour hier et pour ce que jai à te déclarer maintenant. Jai pu quitter mon bureau en simulant une forte migraine. Cela va bien une fois, mais je ne pourrai pas recommencer de si tôt. Tes projets deviennent impossibles. Jean menace de divorcer si je ne romps pas avec toi.
-Mais cest parfait ! Quil divorce, tu seras libre et nous pourrons vivre notre amour au grand jour. Pourquoi faire une tête pareille. Tu devrais te réjouir. Depuis combien de temps dois-je attendre loccasion de te faire lamour. Jen meurs denvie, jen crève ; hélas il est toujours sur mon chemin. Lautre fois nous avions une bonne heure pour nous. Javais réservé une chambre dhôtel mais nous avons passé trois heures chez les flics. Aujourdhui on va enfin pouvoir saimer. Vite allons dans ta chambre et foutons-nous à poil. Va, passe devant, oh ton beau cul !
- Non, Marco, tu ne comprends pas. Ni maintenant ni plus tard. Tu es touchant, bouleversant et je commençais à vouloir tenter lexpérience du partage avec toi. Qui sait à quoi cela aurait abouti. Jaurais voulu voir si ça fonctionne ou pas. Tu as pu découvrir lopposition de Jean. Mais je constate dès le début de cette tentative démancipation que je retomberais avec toi dans le schéma précédent : tu te réjouis déjà davoir évincé celui que tu considères comme un gêneur avant de devenir son double.
Non, surement pas, avec moi tu garderais ta liberté, tu pourrais te partager avec qui tu voudrais. Je ne gênerais pas dautres amours. Car je ne suis pas possessif, je dirais même que ma philosophie me pousserait à me partager et à fréquenter dautres femmes en même temps que toi. Cest ça le vrai partage, on échange, on se mélange, on saime tous et on fornique sans calcul, quand lenvie y invite.
Je ne crois pas être prête pour passer de lun à lautre indifféremment. Mais surtout mon port dattache, cest Jean. Il est mon mari, je veux le garder. Une aventurette ici ou là à la rigueur ne me déplairait pas sil ladmettait. A partir du moment où ça lui déplaît et où il se met à parler de divorce, je veux cesser de rêver, de fantasmer.
Bon, ça va, je ne suis pas idiot, je comprends que tu mas convoqué pour mannoncer la rupture. Ne te fatigue pas à me donner toutes sortes de raisons. En réalité ce nest même pas une rupture puisque nous navions rien commencé. Dommage. Tu aurais pu au moins membrasser une fois, comme une femme amoureuse embrasse son amant. Jemporterais de toi un souvenir qui me consolerait. Dis, tu ne veux pas, juste une fois, pour alléger nos adieux.
Vraiment cela adoucirait ta peine ? Tu serais moins déçu ? Tu te contenterais dun baiser, sûr ?
Oui, bien sûr, un vrai baiser apaiserait ma déception. En venant jespérais tant, Te quitter sans un baiser, les roupettes pleines, rejeté comme une merde, ce sera terrible. Mon cur va .
A ce point ? Allons, viens près de moi. Donnons-nous ce premier et dernier baiser. Je ne sais pas si cest une idée raisonnable. Un baiser de séparation me soulagera aussi, me permettra de mettre le point final à notre rêve insensé. Ta bouche
. hum ... Marco...non. Marcoooooooooo, arrête
à suivre
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