Petite Culotte
Quest-ce tu fais là, toi ?
Silène ! Cétait Silène.
Ben, et toi ?
Jhabite la résidence juste derrière.
Et moi sur la butte là-haut.
On a éclaté de rire. Alors là cétait la meilleure ! Quatre ans quon était collègues, dans la même boîte, et on ne savait même pas quon était voisins.
À peine cinq cents mètres, tu te rends compte !
Du coup on a décidé de rouler ensemble. À tour de rôle. Parce que la route tout seul !
Et ça finit par revenir cher en plus à force !
Elle passait me chercher. Je passais la chercher. On profitait des trente kilomètres de trajet pour faire vraiment connaissance. Parce quil fallait bien reconnaître que dans le cadre du boulot ça ne sy était pas, jusque là, vraiment prêté. Elle était restée mariée six ans, vivait seule depuis dix mois et nenvisageait pas le moins du monde de refaire sa vie. Elle tenait beaucoup trop à sa liberté fraîchement reconquise.
Pour en faire quoi ?
Plein de choses.
Mais encore ?
Il ny avait pas moyen den savoir plus.
Tes pressé ?
Non. Pourquoi ?
On passait, ce soir-là, sur la route du retour, à proximité dun centre commercial.
Jai du monde ce soir et jai plus dapéro.
Ça tombe bien. Moi aussi, jaurais deux ou trois bricoles à acheter.
Au rayon alcools, elle sest accroupie, genoux serrés dans sa petite robe rouge, pour examiner ce qui était exposé tout en bas.
Cest là quils mettent ce quil y a de moins cher. Pas fous !
Elle sest emparée dune bouteille de whisky. Qui lui a glissé des mains. Elle la rattrapée en catastrophe. Son équilibre sen est trouvé un instant sérieusement compromis. Pour le rétablir, elle a, dinstinct, en un réflexe spontané, ouvert les jambes au large. Et jai vu brièvement, trop brièvement , mais jai vu la délicieuse encoche ciselée à nu.
On a regagné la voiture.
Faut bien reconnaître quon touche des salaires de misère, hein !
Elle ma coulé de côté un long regard interrogateur.
Ben oui ! Même pas de quoi se payer une culotte.
Oh, cest vraiment le truc idiot. Tu vas rire. Jen avais pas sous la main quand je me suis habillée ce matin. Fallait que je remonte là-haut. Je me suis dit que jirais après. Mais jétais complètement à la bourre. Jai couru à droite. Jai couru à gauche. Je voulais pas te faire attendre. Et, pour finir, jai complètement oublié.
Et tas pas pensé à profiter de la pause de midi pour courir en acheter une ? Faut croire que ça te manquait pas beaucoup. Que cétait pas si désagréable que ça finalement.
Elle na pas répondu. Elle a fixé la route droit devant elle.
Non, cest bien imaginé ton histoire, mais ça tient pas une seule seconde debout.
Un petit rire un peu gêné.
Oui, bon. Je suis grillée, quoi !
Oh, mais tinquiète pas ! Ça restera entre nous.
Le lendemain, à peine étions-nous installés dans la voiture que jai voulu savoir.
Ten as une aujourdhui ?
Elle a haussé les épaules.
Quest-ce ça peut te faire !
Rien. Non, rien. Mais quand même quel pied on doit prendre à se balader comme ça, sans rien en dessous, pendant des journées entières ! Non ?
Si ! Tu te sens libre. Sans contraintes.
Et se dire en plus que personne sait rien.Que personne se doute de rien ! Jimagine quand Magnier te convoque dans son bureau ou que tu restes penchée des heures et des heures sur les maquettes avec les types de la section B. Ah, je vais regarder tout ça dun autre il, moi, maintenant, là-bas ! Sauf que jarrêterai pas de me demander douloureusement si ten as une ou pas. Tu veux pas me dire ? Vraiment ?
Jen ai jamais quand je suis en robe ou en jupe. Toujours quand je suis en pantalon.
Merci.
Dès le lendemain jai remis ça sur le tapis.
Cest la première fois ?
La première fois que quoi ?
Que tu te fais prendre sur le fait ?
Par quelquun que je connais, oui !
Un jour ou lautre ça devait arriver.
Elle a fait la moue.
Cest plus compliqué que ça.
Tu te rends compte si ça tarrivait au boulot ? Ta robe qui saccroche quelque part. Ton siège qui se renverse. Ou autre chose. Ne me dis pas que tu ny as pas pensé. Que tu ne las pas mille et mille fois délicieusement appréhendé.
Je peux tassurer que ça me ferait pas rire du tout.
Nempêche que tu en prends quand même le risque.
Et des inconnus ? Il y en a qui se sont déjà rendu compte ?
Tu fais moins attention avec des inconnus.
Ce qui veut dire que tu tarranges pour quils sen aperçoivent tout en ayant lair de ne pas le faire exprès.
Elle a ri. De bon cur.
Comment tu sais tout ça, toi ? Mais enfin faut quand même pas exagérer non plus. Cest pas systématique.
Et ils réagissent comment ?
Ça dépend. Il y en a qui font semblant de rien. Il y en a qui écarquillent de grands yeux stupéfaits. Mais la plupart, tu sais pas.
Ça doit être frustrant.
Un peu, oui. Mais tu peux quand même pas aller les regarder sous le nez pour voir quel effet tu leur fais.
Tu sais ce quil te faudrait ? Cest un espion.
Ben voyons ! Je te vois venir, toi !
Un espion attentif et discret qui surveillerait les réactions des uns et des autres et te ferait, aussitôt après, un rapport circonstancié.
Et pourquoi pas ?
Jai saisi la balle au bond.
Chiche !
Elle a haussé les épaules.
De toute façon, maintenant jai pas dautre solution que de te faire confiance.
Elle a traversé le parking du centre commercial jusquà la voiture, en poussant tranquillement son chariot devant elle.
Alors ?
Pour son pot dadieu il partait enfin à la retraite Mélisson avait fait les choses en grand. Buffet titanesque. Champagne à gogo. Toute la boîte était là. Le grand directeur était même tout spécialement revenu de Bratislava. Ce qui na pas empêché Barbier dengloutir une quantité impressionnante de coupes de champagne. Et presque autant de verres de whisky. Il était persuadé quil avait de lhumour. Beaucoup dhumour. Loccasion ou jamais pour lui de briller de tous ses feux. Il était entouré dune cour dadmiratrices qui gloussaient à chacun de ses bons mots. Avec de moins en moins de retenue. Un grand éclat de rire. Tous les regards ont convergé vers eux : il en avait capturé une quil promenait sur ses deux bras tendus tout autour de la salle. À côté de moi Silène a murmuré.
Quel crétin, ce Barbier !
La même chose avec une autre qui a battu tant et plus des jambes en poussant de grands cris. Il la reposée et il sest dirigé vers nous.
Ben alors ! Cest quoi ces têtes denterrement ? On sait pas samuser dans ce coin ? Je vais vous arranger ça, moi !
Silène a senti le danger. Elle a voulu discrètement séclipser. Cest ce qui la perdue. Il la happée au passage
Allez, hop !
Elle a voulu résister, sest débattue.
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