La Baraque De Chantier
Tout était uniformément blanc. Et ça continuait à tomber. À gros flocons. Elle était où la route ? Ah, là ! Dun peu plus
Faudrait tarrêter, ma fille. Ca va mal finir sinon, cette histoire. Faudrait tarrêter. Sauf que si tu tarrêtes là-dedans, tu pourras jamais repartir. Non, faut que tarrives à rentrer. Coûte que coûte.
Ça a filé dun coup. Où ça a voulu. Elle na rien pu faire. La voiture a emporté des barbelés, les piquets qui les maintenaient, dévalé une petite pente, filé jusquà un ruisseau dans lequel elle a piqué du nez et sest immobilisée. Tas rien ! Non, tas rien ! Descendre maintenant. Descendre
Quelque chose bloquait la portière. Elle a poussé, , pesé de tout son poids. Ça a cédé dun coup. Elle a perdu léquilibre et sest étalée, de tout son long, au beau milieu du ruisseau. Trempée des pieds à la tête, ruisselante, elle est remontée sur la route en trébuchant à chaque pas, dans la neige, sur ses talons hauts. Quelquun ! Trouver quelquun ! Nimporte qui. Une maison quelque part.
Il ny avait rien ni personne. Le désert. Mais cétait pas possible ça !
Un moteur ! Si, oui, cétait un moteur. Une camionnette. Il faut quil sarrête. Il faut.
Eh bien, ma petite dame, on est perdue ?
Oui. Non. Cest ma voiture. Elle est tombée dans le ruisseau là-bas.
Et ça vous étonne ? Quand il fait un temps comme ça, on reste chez soi. Bon, ben montez en attendant.
Il a roulé en silence, tourné à droite.
Vous grelottez. Et pas quun peu ! Vous allez attr la mort, trempée comme vous êtes.
Encore à droite.
On est presque arrivés. Vous allez pouvoir vous sécher. Et vous réchauffer. Ça simpose.
Et la voiture ?
Pour le moment, elle reste où elle est la voiture. De toute façon personne nacceptera de venir vous dépanner ici par un temps pareil.
Cétait au milieu des bois. Une grande baraque-logement de bûcheron, toute dune pièce, avec quatre couchettes symétriquement disposées le long des parois, un coin cuisine dans un renfoncement tout au fond et, juste à côté, dissimulé derrière un rideau, ce qui devait être une minuscule salle de bains.
Entrez ! Entrez ! Et, dabord, le plus urgent, cest de retirer tout ça. Si vous restez là-dedans, cest 40 de fièvre garantis demain matin.
Il a approché deux chaises devant le poêle.
Vous navez quà mettre vos affaires à sécher là-dessus. Je vais vous préparer quelque chose de chaud pendant ce temps-là.
Et il lui a tourné le dos.
Là ! Un bon grog. Ça va vous faire du bien, vous allez voir !
Il le lui a tendu, la regardée boire.
Vous devriez pas la garder la culotte, vous savez, cest pas bien prudent.
Il a haussé les épaules.
De toute façon, trempée comme elle est, on voit tout à travers.
Elle sy est résolue.
Là ! Faut vous sécher maintenant.
Je pourrais pas prendre une douche ?
Si, si, bien sûr ! Cest là, juste en face. Vous avez des serviettes dans le placard en bas.
Videz pas le ballon quand même ! Comment on va faire, nous, sinon, après ?
Il était tout près, de lautre côté du rideau.
Jai fini.
Elle sest tout entière enveloppée dans une grande serviette de bain mauve trouvée au-dessous de la pile. Il lattendait avec une couverture quil lui a jetée sur les épaules.
Venez au chaud ! Près du poêle. Vous serez bien. Là ! Et maintenant vous pouvez mexpliquer ce que vous fabriquiez dans ce coin perdu par ce fichu temps de chien ? Vous regardez jamais la météo ?
Oh si, si ! Mais je pensais pas que ce serait à ce point.
Faut reconnaître quil y a longtemps quon navait pas vu ça ! Dici à ce que mes collègues soient restés coincés quelque part, eux aussi. Il y a un moment quils devraient être là.
Faut absolument que je rentre !
Ah oui ? Vous allez faire comment ? Parce que comptez pas que je vous emmène. Je tiens pas à me foutre en lair et vous avec, par la même occasion pour vos beaux yeux.
Mais on mattend !
Eh bien, on vous attendra. Sinon il vous reste une solution : dès que vos vêtements sont secs vous attaquez courageusement la route sur vos petits talons hauts.
Venez voir ! Non, mais venez voir ! Cest de la folie !
Elle la rejoint à la fenêtre.
Il y en a au moins trente centimètres. Et ça continue !
Il a entouré ses épaules de son bras.
Mais repousse-le, bon sang ! Quest-ce tattends ? Repousse-le !
On est bloqués là pour un sacré moment. Ils dégagent jamais par ici.
Il a posé sa joue contre la sienne.
Elle ly a laissée.
Tu es folle. Complètement folle. Tu le connais même pas ce type.
Il a cherché ses lèvres. Elle les lui a abandonnées. Des phares ont brusquement transpercé la nuit, illuminé la neige
Les voilà ! Mes collègues. Les voilà !
Elle est retournée sasseoir près du poêle.
Ils ont tapé leurs chaussures lune contre lautre.
Lenfer ! Trois heures.Trois heures pour redescendre de là-haut. Cest de la folie ! En tout cas quils comptent pas quon y retourne demain. Alors là, cest niet. On reste ici.
Ils ont relevé la tête, lont vue, ont aperçu ses vêtements sur les chaises.
Eh ben dis donc, tu tennuies pas, toi, pendant ce temps-là !
Madame a voulu apprendre à nager à sa voiture. Dans le ruisseau, là-bas derrière. Mais la voiture y a mis beaucoup de mauvaise volonté.
Ils se sont approchés. Elle a étroitement resserré la serviette autour delle, réajusté la couverture. Lui, cest José. Et le jeune, là, cest Benjamin. Et vous ? Je sais même pas comment vous vous appelez
Jasmine.
Bon, eh bien je vous présente Jasmine alors. Ah oui, à propos, moi, cest Luc ! On mange ? Jai une de ces faims
Ils ont pris tout leur temps pour dîner, ils ont parlé, ils ont ri, ils se sont enveloppés de fumée. Longtemps. Elle était bien. Elle se sentait bien. Différente. Protégée. Ailleurs nexistait plus. José a sorti une bouteille de marc.
Et cest du vrai. Pas du trafiqué. Méthode artisanale.
Elle en a bu avec eux. Ils ont chanté. Encore parlé. Encore ri. Encore chanté.
Bon, mais cest pas tout ça ! Faudrait peut-être aller dormir. Parce quaprès une journée pareille !
Cest celle de Seb. Il est en congé. Mais vous inquiétez pas. Les draps sont propres. Ils ont été changés.
Elle sy est coulée avec délices. Ils sont allés tous les trois à la douche. Luc dabord. Benjamin ensuite. Puis José qui en est revenu complètement nu. Qui est allé éteindre la lumière tout au bout, de lautre côté.
Bonsoir tout le monde !
Bonsoir !
Elle a rêvé. De Luc. Qui lui faisait lamour tout en douceur. En effleurements légers. En baisers déposés tout au long de sa nuque, de son dos, de ses fesses. Il sarrêtait. Mais pourquoi il sarrêtait ?Cétait trop bon. Continue ! Il séloignait. Mais reviens ! Elle partait à sa recherche. Elle le retrouvait. Elle se tendait de tout son corps vers lui. Encore ! Caresse-moi encore ! Comme il savait ! Et sa queue sest posée au creux de ses reins. Et ses mains sur ses seins. Reste ! Reste ! Ne ten va plus ! Sil te plaît, reste ! Et
Mais
Mais il était vraiment là. Oui, il était là. Tout contre elle. Sa chaleur dhomme. Son souffle dans son cou. Ses lèvres tout au long de son épaule.
Tu ne dors plus.
Elle na pas répondu.
Non, tu ne dors pas.
Il a lentement bougé contre elle. À lentrée. Elle a haleté, gémi. Elle la voulu, elle sest ouverte, elle la happé.
Il a chuchoté
Eux non plus ils ne dorment pas. Ils écoutent.
Et elle a eu son plaisir. Elle la chanté. À pleine gorge
Elle a posé la tête sur sa poitrine, sest blottie contre lui. Il lui a caressé la joue. Longtemps.
Le jour sest levé, gorgé de neige, sest lentement infiltré à travers les volets, a habité peu à peu la pièce.
Tu as aimé quils tentendent ?
Elle a souri. Elle lui a posé un doigt sur les lèvres.
Et quils te voient ? Tu aimerais quils te voient ? Quils nous voient ?
Elle sest pressée contre lui. Il a repoussé drap et couvertures Elle ne len a pas empêché. Et cest elle qui est venue sur lui.
Quand elle a commencé à doucement se plaindre, José sest levé, approché. Tout près. Il était nu. Il sest assis à la tête du lit et il la regardée. Il les a regardés. Il a posé une main sur elle. Dans ses cheveux. Sur ses yeux. Sur sa bouche. Il y a glissé un doigt. Elle a refermé les lèvres dessus, la enrobé, mordillé, englouti. Et puis il y a eu aussi Benjamin, debout derrière lui, les yeux exorbités, le souffle court, qui sactivait frénétiquement en bas. Sa semence a jailli, sest éparpillée au hasard sur elle, sur son dos, sur ses reins, sur ses fesses. Et elle aussi, cest venu. Elle est retombée sur Luc. Elle a crié. Le plaisir de José, cest elle qui le lui a donné, après, sous la douche, avec sa bouche.
Ses vêtements étaient secs. Elle a voulu les remettre. Luc la arrêtée
Sil te plaît, reste comme ça. Reste comme ça pour nous.
Il est allé jusquà la fenêtre.
Il en est encore tombé. Et pas quun peu. On est bloqués là pour un sacré moment tous les quatre.
Elle a souri
Tant mieux !
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