Grands Moments De Solitude (3)
Il sest levé sans bruit, il sest habillé à la hâte et il est gentiment parti nous chercher les croissants.
Il a intérêt à en ramener assez.
Parce quelle crevait la dalle, Chloé.
Cest rien de le dire.
Pauline aussi.
Ça creuse lair de la mer. Sans compter
Elle a marqué un long temps darrêt.
Jai trop aimé ça, cette nuit, quil ait pas pu se retenir.
Cest la faute dOcéane.
Ben, voyons ! Faut bien une coupable.
Si, cest vrai, hein ! Tas pas vu sa tête quand tu racontais ? Ah, elles lui plaisent nos petites mésaventures, on peut pas dire.
Oui, oh ben, sil y a que ça pour lui faire plaisir, jen ai dautres, hein !
Elles aussi. Plein dautres.
Cest normal. Nous, les filles, cest sans arrêt quil nous arrive des trucs. Parce quon est des filles justement.
Bon, mais
et maintenant ? On allait faire quoi maintenant ? Parce quelle était davis, Chloé, quil allait recommencer.
Ça fait pas lombre dun doute.
Tu comptes pas len empêcher quand même ?
Non, mais lui proposer dautres solutions.
Vu sous cet angle
Elle voulait bien se dévouer, Pauline. Et moi aussi. Sans problème.
Quand il y en a pour une, il y en a pour trois, les filles. Par contre, on est pas obligées de se précipiter. On peut prendre tout notre temps. Ce nen sera que meilleur.
* *
*
On est allés aux courses. Fallait bien. Tous les quatre. En rentrant, on a gratté les moules. Cest Julien qui les a cuisinées. Et puis, laprès-midi, on sest mis en mode lézard. Comme la veille. Sans rien faire. Que regarder la mer et plonger voluptueusement nos mains dans le sable chaud.
Le soir venu, on a dîné. De poulet froid, de chips et de fruits.
Quand on a eu terminé, Pauline sest levée.
Bon, je sais pas vous, mais moi, je suis crevée. Je vais me coucher.
Tu vas pas nous faire ça ! Tas pas raconté.
Il la dit sur un tel ton et avec un tel air scandalisé, Julien, quon a toutes les trois éclaté de rire.
Bon, allez ! Mais cest bien parce que cest toi !
Et elle sest rassise.
Alors, voilà ! Il venait tout juste de me larguer, lautre animal de Cyrille. Jétais mal, mais mal ! Du coup pas question de rester à la maison, ce soir-là. Jétais bien décidée à
je savais pas trop à quoi dailleurs, mais jy étais farouchement décidée quand même. Et je me suis retrouvée en boîte. Où jai bu. Plus que de raison. Beaucoup plus que de raison. Où jai perdu la notion de pas mal de choses. Cest une vague copine qui a fini par me ramener chez moi. Qui ma laissée en bas. « Ça ira ? » Ça allait aller, oui. Et jai entrepris la périlleuse escalade de mon escalier. En tanguant dun mur à lautre. En ratant des marches plus souvent quà mon tour. Troisième étage, enfin ! Mon étage. Ma porte. Mes clefs. Mes clefs ? Non. Pas moyen de mettre la main dessus. Mais elles étaient passées où mes clefs ? Cétait pas possible, ça ! Jai vidé mon sac par terre. Jai maugréé. Jai farfouillé. Jai tempêté. Jai fait un tel tintamarre que mon voisin de palier un vieux dau moins cinquante ans, un directeur de banque, célibataire a fini par venir voir ce qui se passait. « Mes clefs ! Je les trouve pas ! » Elles étaient sous mon nez. Jai été prise dune nausée. De vertiges. Je me suis raccrochée à lui pour ne pas tomber. « Ça tourne ! Hou là là ! Comment ça tourne ! » « Oui, ben le mieux, cest que vous alliez vous coucher ! Vous y verrez plus clair demain
» Il ma ouvert ma porte, soutenue, cahin caha, dans le couloir. Et cest là que je me suis vue dans la grande glace en pied du fond. Non, mais la tête de la bavure ! Ma robe était déchirée sur toute sa longueur, maculée de tâches de boue et de vomissures. Jen avais plein les jambes, plein la figure et jusque dans les cheveux en larges plaques séchées. Un éclair de lucidité. « Faut que je me douche ! Faut que je me douche dabord ! Je peux pas me coucher comme ça.
Exactement comme moi avec le rideau de la cabine dessayage
Tout a valdingué. Mes parfums. Mes gels. Mes flacons. Mes produits de beauté. Tout. Le voisin a surgi, lair affolé. « Quest-ce qui se passe ? Vous vous êtes pas fait mal au moins ? » Il ma aidée à me relever. « Ça va ? Vous êtes sûre ? » « Cest à cause de ma robe. Elle y est plus, dans le dos, la fermeture Éclair. Ils me lont piquée, là-bas, les salauds ! » Et je suis obstinément repartie à sa recherche. Sans plus de succès. « Non, vous voyez, elle y est plus, hein ! » Il me la descendue dun coup, jusquau creux des reins. « Ah, merci ! Vous lavez retrouvée où ? » Il na pas répondu. Il sest penché sur les décombres de mon armoire murale quil sest ef de repousser, en tas, dans un coin tandis quune fois la robe retirée, je mescrimais tout aussi infructueusement sur lagrafe de mon soutien-gorge. « Laissez-moi faire ! » Et il men a libérée. Jai pouffé dun rire interminable. « Je suis gourde, hein ! Oh, mais le string, je vais y arriver toute seule, vous allez voir ! »
Elle en doutait, Chloé.
Ça métonnerait. Dans létat où tétais
Quant à Julien, il ne la lâchait pas des yeux. Il buvait ses paroles. Et il bandait. Il bandait sans discontinuer.
Jai dû my reprendre à trois fois, quatre fois, mais jy suis finalement parvenue. Je lai triomphalement brandi à bout de bras. « Ah, vous voyez ! »
Ça, pour voir, il devait voir.
Et, dans la foulée, jai entrepris de gravir le rebord de la baignoire.
Tas pas fait dans la dentelle, dis donc !
Il mécoutait pas. Ou il faisait semblant de pas mécouter. Il ma sortie de la baignoire, il ma enveloppée dans une grande serviette blanche et il ma portée jusquà mon lit. Je me suis accrochée à lui, les deux bras noués autour de son cou. « Me quitte pas, Cyrille, me quitte pas, mon amour, je ten supplie ! » « Lâche-moi ! Je suis pas Cyrille. » Mais je voulais rien entendre. Je restais arrimée de toutes mes forces à lui. « Tout ce que tu voudras, je ferai. Tout. Mais mets-la moi ! Jai trop envie. Mets-la moi ! » Et je suis partie à la recherche de sa queue. La gifle ma cueillie par surprise. Je lai lâché. « Quand je couche avec une femme, moi, elle a toute sa tête. » Et il est parti. Mais je vous dis pas, le lendemain matin, quand je me suis réveillée, que jai repensé à tout ça. Pour le coup, cest moi quavais envie de me foutre des baffes. Plein de baffes. Non, je crois que, de ma vie, jai jamais eu aussi honte.
Il y a eu un long silence. Que Chloé a finalement rompu.
Eh ben, dis donc ! Tu las revu ?
ment ! Quand on habite sur le même palier
Et ?
Je peux vous dire que jétais pas fière. Je rasais les murs.
Ça, elle se doutait bien, Chloé, oui. Nous aussi, Julien et moi.
Mais lui ? Il réagissait comment, lui ?
Toujours le même. Comme sil sétait jamais rien passé. En apparence
* *
*
La nuit était tombée.
On va se baigner ?
Aussitôt dit, aussitôt fait. On sest dépouillés de nos maillots.
Pauline ma poussée du coude.
Regarde !
Javais vu, oui. Julien bandait. Il bandait encore.
Ce quil sest empressé de courir dissimuler dans les vagues. Mais on allait pas laisser passer. Ah, non, alors ! Loccasion était trop belle.
Dis donc, Julien, il y a pas un truc qui dépasse, là ?
Oui. Comme une protubérance.
Il a ri, mi-gêné mi-complice.
Jy peux rien.
Ty peux peut-être rien, mais pas question que tu nous empêches, une nouvelle fois, de dormir tout à lheure. Va falloir régler le problème avant.
Oh, mais il demandait pas mieux, lui, hein !
Ah, il demandait pas mieux ? Ben, il allait voir ce quil allait voir, alors !
Et on la entouré. Toutes les trois. Encerclé. Nos mains ont commencé à courir sur lui. En même temps que les vagues. Avec elles. Sur ses épaules. Sur son torse. Sur son dos. Sur ses fesses. Elles se sont enhardies, nos mains. Elles lui ont effleuré la queue. Y sont revenues. Chloé sen est emparée, a esquissé un bref mouvement de va-et-vient, sest éloignée. Pauline la remplacée. Deux ou trois allers et retours. Sans vraiment insister. Et puis moi. Qui ai à peine eu le temps de poser les doigts dessus. Il a giclé. Dans un grand râle.
On a protesté. En chur. Toutes les trois.
Oh, non ! Pas déjà
Oui, oh ben alors là, tu vas nous devoir une revanche.
* *
*
Cest Chloé qui a commencé, là-bas, près de la porte. À peine la lumière éteinte. En clapotis ininterrompus. En souffle court.
Pauline a constaté.
Elle se le fait
Et elle aussi, elle se lest fait. Les draps ont vibré. Sa cuisse est venue sarrimer à la mienne. Son souffle dans mon cou. Mes mains sur moi. Mes mains sur mes seins. Mes mains en bas. Sur mon bouton. Mes doigts sur mes lèvres gonflées. Mes doigts qui se sont insinués entre elles. Pauline a doucement gémi, laissé tomber sa tête sur mon épaule.
Je vais jouir ! Je vais jouir ! Je jouis
En tout petits cris éperdus.
Ça a été presque aussitôt mon tour. En même temps que Julien qui a grondé sourdement son plaisir sur sa couchette, là-bas, le long de la cloison.
(à suivre)
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