Histoire Des Libertines (18) : Agnès Sorel, La Dame De Beauté.

LA PREMIERE FAVORITE ROYALE

Agnès Sorel (1422-1450) fut demoiselle d'honneur d'Isabelle de Lorraine, épouse de René d'Anjou, le père de Marguerite d’Angleterre, dont nous avons parlée (récit 17).

Lorsque Charles reçoit en 1443 en grand cérémonial son beau-frère René d’Anjou (le Roi René) et Isabelle de Lorraine, Agnès paraît pour la première fois à la Cour.

Elle devient en 1443 la favorite du roi de France Charles VII, à qui elle donne trois filles qui seront légitimées comme princesses de France et mariées à des grands seigneurs de la cour. Elle est morte avant l'âge de vingt-huit ans, après avoir donné naissance à une quatrième fille qui n'a pas survécu.

Devenue demoiselle de la maison de la reine de France, Marie d'Anjou, Agnès fait semblant de résister aux avances du roi, pour accroître son désir et mieux se l'attacher.

Le coup de foudre sera partagé. Agnès ne va plus quitter le roi à table, au lit, au Conseil.

Après avoir enfin cédé à sa cour empressée, elle passe au rang de première dame officieuse du royaume de France puis gagne rapidement le statut de favorite officielle, ce qui est une nouveauté : les rois de France avaient jusque-là des maîtresses, mais elles devaient rester dans l'ombre. Charles VII a d'ailleurs eu d'autres maîtresses, mais elles n'ont pas eu l'importance d'Agnès Sorel.

C'est durant le séjour de Charles VII à Nancy, capitale du Duché de Lorraine, lors de fêtes royales vers la fin de l'année 1444, que le roi affiche à cette occasion sa maîtresse officielle qui fait sensation.

AGNES LA BELLE AU SEIN NU


Agnès Sorel était belle, mais dans les cours des rois et des princes, les dames à la beauté parfaite étaient légion… ou presque. Alors Agnès Sorel était au-dessus du lot.

Agnès Sorel a une vingtaine d'années quand elle rencontre Charles, et sur le plan physique, c'est sans aucun doute un " canon ", une femme qui serait aujourd'hui un " top model ".

Il faut dire que la reine Marie d'Anjou, si le roi fait la comparaison n'a, sur le plan de l'attirance physique, aucune chance.

Marie d'Anjou n'est pas très belle, des chroniqueurs affirment que " même un Anglais aurait peur d'elle", ce qui n'est pas très aimable. Elle n'a pourtant que 35 ans, mais les grossesses multiples lui ont encore davantage défiguré le corps. Les remises en forme après une grossesse n'étaient pas encore nées.

Agnès Sorel est décrite comme " la beauté " de l'époque. Olivier de La Marche va écrire, après sa mort, que c'était " une des plus belles femmes que j'ai vues ", alors que Jean Chartier dit de son côté, " entre les plus belles, c'était la plus belle et la plus jeune du monde ". Enfin, Monstrelet écrit " Comme entre les belles elle était tenue pour être la plus belle du monde, elle fut appelée damoyselle de Beaulté….".

Agnès Sorel était belle et, avec ses bijoux et pierreries, visiblement elle devait être resplendissante. D'ailleurs, c'est assez curieux, car le roi Charles VII n'aimait pas trop ce luxe. Pour d'autres chroniqueurs, il n'encourageait pas ces attitudes et il semble qu'il reprochait à sa belle de déploiement de luxe.

Les cheveux d'Agnès Sorel étaient blond cendré et elle avait une peau très claire. Suivant la mode de l'époque, elle portait de profonds décolletés qui laissaient apercevoir le galbe de sa poitrine. Elle avait également un grand front qu'elle épilait à l'occasion ainsi que les lèvres, soulignées de rouge comme l'exigeaient les critères de beauté de l'époque. Agnès prenait régulièrement des bains de lait d'ânesse (comme le faisait avant elle la reine Cléopâtre) afin de préserver la beauté de son teint clair. Les contrastes étant de mode, il fallait avoir un teint très clair, les cheveux soit brun très foncé soit blond très clair et avoir les lèvres bien rouges, ceci faisant d'elle une parfaite beauté.

La marque de fabrique d’Agnès est bien ce grand front qu’elle accentue en s’épilant les cheveux jusqu’au sommet du crâne avec des préparations à base de chaux vive et de fiente d’oiseau.
Un front grand et lisse est alors le must de l’érotisme. On enlève donc une couche supplémentaire en se débarrassant aussi des sourcils. Grande nouveauté, très hot, certains de ses proches racontent qu’elle se fait épiler le sexe! Une pratique inattendue puisqu’il est plutôt d’usage de décorer sa toison pubienne de petits rubans, voire de la parfumer pour les prostituées. Ajoutez à cela d’indécentes robes dévoilant presque les tétins, c’est clair, Agnès sait se démarquer et se faire remarquer !

La favorite entretient aussi l’éclat de son visage. C’est qu’on vieillit vite au XVème siècle. Chaque matin, la belle applique, avant de se maquiller, un masque à base de bave d’escargots et œillets rouges, agrémenté de cervelle de sanglier, excréments de chèvre, vers de terre et sang de loup. Pour la pureté du teint, le soir, avant de se coucher, elle étale sur son visage et son cou un soin à base de miel.

Les tableaux de Jean Fouquet n’hésitent pas à la montrer avec un sein découvert. C'est d'ailleurs " le portrait dit officiel ", que le peintre tourangeau a réalisé quelques mois avant la mort de la belle dame. C'est " la vierge à l' entourée d'anges ". C'est un diptyque qui représente une vierge qui n'est autre qu'Agnès Sorel, elle est actuellement au Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers. C'était une commande d'Etienne Chevalier qui fut un des proches de la maîtresse du roi. Très " gonflé " le peintre de réaliser un tel portrait, car représenter la vierge sous les traits d’une " putain du roi ", c'est rare, osé et unique.

AGNES LA SCANDALEUSE

La favorite dérangeait à son époque. Agnès introduit à la Cour des modes pour le moins osées, en particulier ses décolletés vertigineux attirant tous les regards.

Un jour, l’archevêque de Reims s’était voilé la face en la croisant la gorge nue. Il s’était plaint ensuite auprès de Charles VII des ouvertures permettant de voir les seins des femmes! On pense à la pièce « Tartuffe » qu’écrira deux siècles plus tard Molière : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ! »

Au grand dam des moralistes, la jeune fille désargentée de petite noblesse était devenue la première maîtresse officielle de l'histoire de la royauté.
A 18 ans, Agnès Sorel a imposé un train de vie fastueux à la cour de France, les premiers décolletés épaules nues et une liberté de mœurs jugée scandaleuse.

Sûre de ses charmes, elle se maquille avec art, se couvre de bijoux et se pare de vêtements plus beaux que n'en a la reine elle-même. Elle n'hésite pas à choquer la Cour en mettant en avant ses avantages dans des robes « aux ouvertures de par-devant par lesquelles on voit les tétons » (d'après le chancelier Jean Jouvenel). La Dame de Beauté dévoile sans pudeur ses atouts. Très soucieuse, voir obsédée par sa beauté, elle entretient scrupuleusement son gagne-pain. Blonde et virginale, elle possède un corps menu au ventre bombé qui les fait tous craquer.


Son art de vivre et ses extravagances font scandale. Finis, les voiles ! Elle privilégie le décolleté épaules nues, qualifié de « ribaudise et dissolution » par les chroniqueurs religieux de l’époque. Chastelain parle de « ribaudise en fait d’habillement »

De vertigineuses pyramides surmontent sa coiffure. Des traînes allant jusqu’à huit mètres de long allongent ses robes bordées de fourrures précieuses : martre ou zibeline. Elle met à la mode chemises en toile fine, colliers de perles. Elle traite sa peau avec des onguents, se maquille avec un fard à base de farine et d'os de seiche pilés qui lui donne un teint d'albâtre très prisé à l'époque, se met du rouge à lèvres à base de pétales de coquelicots, ce qui est condamné par les prédicateurs du Moyen Âge. Elle se fait épiler les sourcils et les cheveux sur le haut du front, ce dernier étant devenu le pôle érotique du corps de la femme à cette époque. Pour se procurer ces atours précieux, elle devient la meilleure cliente de Jacques Cœur, marchand international et grand argentier du roi, qui a amassé des trésors dans son palais de Bourges. Elle consomme de grandes quantités d'étoffes précieuses et, bien sûr, toutes les femmes de la cour l’imitent. Agnès Sorel sait jouer de son influence auprès du roi en imposant ceux qu’elle soutient.


Le roi va beaucoup donner à Agnès, des bijoux, de l'argent, des terres. Il la fait comtesse de Penthièvre et lui octroie les fiefs de Beauté-sur-Marne (d’où le surnom bien connu de « Dame de Beauté »), Vernon, Issoudun, Roquesezière et lui offre le domaine de Loches. Rien qu’en 1444, le roi lui offre vingt mille six cents écus de bijoux dont des diamants taillés dont elle est la première à parer sa coiffure. Chastelain écrit qu'elle est mieux traitée que la reine, elle a " les plus beaux parements de lit, meilleure tapisserie, meilleure linge et couverture, meilleure vaisselle, meilleures bagues et joyaux… meilleur tout ».

Seul le Dauphin, le futur Louis XI, la hait. Un jour il poursuit, l’épée à la main, l’infortunée Agnès dans les pièces de la maison royale. Pour lui échapper, elle se réfugie dans le lit du roi. Charles VII, courroucé par tant d’impertinence, chasse son fils de la cour et l’envoie gouverner le Dauphiné.

UNE TETE, PAS SEULEMENT UN CORPS

Le roi devient au cours des premiers mois, très fier de sa conquête, il va " braver tous les interdits ", il " reprend du poil de la bête ", c'est à dire du courage. Le roi est heureux, et ce sont certainement les plus beaux moments de sa vie.

Sa dévotion envers la belle devient publique. Elle est belle mais elle a quelque chose de plus, pour Minois, elle est " douceur et tendresse ", mais aussi " culture et modestie ".

Les mots sont importants. Elle a un cerveau et quel cerveau, ce n'est pas seulement une belle dame, sans cervelle, juste très bonne au lit. Non elle est cultivée et bénéficie d'une personnalité très attachante.

Oliver de La Marche écrit " elle possède un langage honnête, et bien poli qui était en elle ", elle a une culture qui la met largement au-dessus des " autres filles de la cour et de son âge ".

Mais elle reste toujours à sa place, elle n'en rajoute pas, en tout cas en public. On peut même penser que, vis à vis de la reine Marie, elle a un peu de remord, à la fois d'être si belle et d'avoir ouvert le cœur du roi.

C'est Agnès Sorel qui va pousser Charles VII à achever la reconquête du royaume, en reprenant la Guyenne et la Normandie aux Anglais

Intelligente et bien entourée, la favorite a une main de fer dans un gant de velours. Car il ne faut pas croire, Agnès a toujours un avis et surtout un avis politique. Le roi l’intéresse aux affaires du royaume et l’invite même durant ses conseils. Très vite, elle assoit son pouvoir moral et politique sur le roi de France. Agnès bat des cils et lui impose ses alliés comme conseillers.

LA PUTAIN DU ROI

Très intelligente, Agnès Sorel cherche à se construire une place à la cour en se créant autour d'elle un réseau d'amis. C'est également une intrigante qui sait user de son influence sur le roi pour obtenir, pour ses amis, des charges importantes à la cour. À la cour, on accuse Agnès Sorel de dilapider l’argent du royaume vu tout ce qu’elle se procure et de s’habiller de façon aguichante. D’ailleurs, à Paris, on la surnomme la putain du roi.

Pour Agnès Sorel, ce qui choque, ce n'est pas non plus le sort de la Reine, mais c'est surtout que cette favorite devient un personnage officiel, c'est une souveraine sans le titre. Et c'est le début dans notre Histoire de France, des grandes favorites comme Mme de Pompadour, Mme de Maintenon, Diane de Poitiers…..

Agnès Sorel n'est pas populaire, Chastelain écrit:

« Cent milles murmures s'élevaient contre elle et non moins contre le roi »

Entre la Pucelle qui fait la guerre et la Dame de Beauté qui fait l'amour, les moralisateurs et les censeurs préfèrent la première.

Elle apporte à la cour une gaîté, mais aussi une mode jugée durement par la partie la plus austère de l'entourage du roi. Elle a des tenues dites " indécentes ", avec des robes comportant de larges décolletés qui dévoilent ses seins. Elle porte aussi des traînes de longueur exagérée. Certains affirment que cela est de « la ribaudise »". Jouvenel des Ursins sera très sévère, car Agnès et ses tenues incitent à la débauche et au vice.

Il écrit au roi, lui demandant « en son hostel mesme il mist remesde tant en ouvertures de par devant par lesquelle on voit les tétins, tettes et seings de femme…. «

Et il ajoute un peu plus loin dans son Discours à la charge de Chancelier, les mots de " puterye et ribaudie ", et tout autre péché qui ne plut à Dieu.

Thomas Basin, de son côté parle de " la belle Agnès, mais aussi de ce troupeau de concubines qui était hélas, que trop onéreux pour le Royaume ".

A-T-ELLE TROMPE CHARLES VII ?

Agnès a favorisé la carrière du principal ministre, le chancelier Pierre de Brézé, intelligent et bel homme. Le dauphin Louis a fait courir le bruit que Brézé et « la catin » étaient amants.

Le futur Louis XI lui-même, avant de la détester, aurait convoité la belle. Qui ne l’aurait pas désiré ?

Une grande amitié va la lier à Jacques Cœur qu’elle protège, ce qui fait monter celui-ci dans l’honorabilité et favorise son commerce, le marchand devenant le grand argentier du roi. Il est l’un de ses trois exécuteurs testamentaires avec Étienne Chevalier et le médecin d’Agnès.

Certains auteurs ou romanciers feront d’une liaison entre Jacques Cœur et Agnès Sorel la clé des malheurs du grand argentier.

Jacques Cœur étant très jalousé pour sa grande fortune, ses ennemis et les envieux parviennent à le perdre. Après la mort d’Agnès Sorel qui le protégeait, Charles oublie ses services et l’abandonne

UNE MORT SUSPECTE

Sa mort fut si rapide qu’on soupçonna un empoisonnement.

Trois suspects potentiels furent désignés :

• Le dauphin Louis, futur Louis XI, ne la supportait pas.

• Antoinette de Maignelais, la cousine germaine qui lorgnait la place de favorite et aurait été aidée par le médecin d’Agnès, Robert Poitevin.

• Enfin, le grand argentier du roi Jacques Cœur qui aurait été l’amant d’Agnès et qui aurait pu vouloir s’en débarrasser.

Les analyses pratiquées en 2005 sur sa dépouille ont révélé des traces de substances toxiques (mercure) sans qu'il soit possible d'affirmer si elles étaient d'origine criminelle ou dues aux remèdes qui lui ont été administrés... Elle souffrait en effet d'une infection parasitaire que l'on traitait alors couramment au mercure. Ce produit, mortel à haute dose, était également utilisé pour soulager les femmes enceintes.

Charles VII, désespéré par la mort de sa maîtresse, fait inhumer son cœur dans un mausolée au cœur de l'abbaye de Jumièges, aujourd'hui disparu, et son corps dans la collégiale Saint-Ours, à Loches. Profané à la Révolution, son tombeau a retrouvé en 2005 sa place dans une nef latérale de cette belle église romane.

AGNES ET MOI

Ceux et celles qui suivent mes récits ne seront pas surpris que je me retrouve dans le personnage d’Agnès Sorel. « Dame de beauté », diront certains ? Il ne m’appartient pas d’en juger, pas davantage que la référence à la grande intelligence de la maîtresse de Charles VII.

Au-delà, je retrouve dans cette pionnière l’exhibitionnisme et la provocation qui me caractérisent également. Comme Agnès, j’aime porter des décolletés vertigineux, indécents, qui cachent à peine mes seins. Comme Agnès, je pense qu’il est dommage de cacher ce qui plait tant aux hommes.

Philippe a toujours insisté pour que je montre le plus possible, ou cache le moins possible, mes seins. C’est un des critères qui lui faisait choisir mes robes les plus indécentes, en particulier le jour de notre premier mariage, où depuis l’officier d’état-civil jusqu’aux invités, chacun put à sa guise « se rincer l’œil ».

Il en est de même dans le choix des chemisiers, qui doivent être le plus échancré possible, et pourquoi pas translucides et, naturellement sans soutien-gorge. Philippe a su, dès le début, à quel point mes seins étaient une zone érogène, quand je suis consciente de l’effet qu’ils font sur les hommes. C’est d’ailleurs à partir de ce « point faible » que Rachid, dûment averti, m’a possédée dans l’ascenseur de notre immeuble, alors qu’il était pour moi un inconnu, puis fait de moi tout ce qu’il voulait.

C’est aussi pour cela que j’aime les plages nudistes ou au moins celles où je peux être « topless ».

Et pourtant, dans ce domaine de l’exhibition, je ne suis jamais allée aussi loin qu’Agnès Sorel. Ce qui était permis à la Cour de Charles VII ne serait pas admis aujourd’hui !

Agnès, en son temps, a créé une mode et une manière d’être. Porter des robes qui mettent le corps en valeur, qui choquent, qui suscitent la jalousie et l’envie, est une chose qui me plait énormément.

Agnès a aussi inventé, ou plutôt remis aux goûts du jour les soins du corps, un art que pratiquait déjà ma chère reine Cléopâtre. Moi aussi j’aime prendre soin de mon corps, afin qu’il ne porte pas le poids des maternités et suscite toujours le désir.

Héritière des hétaïres, j’aime comme Agnès que mes lèvres soient bien rouges, car ainsi les hommes peuvent imaginer mes talents de fellatrice.

Pour toutes ces raisons j’ai aimé raconté le destin d’Agnès Sorel et sa réputation. Je suis une lointaine héritière de cette « ribaude » !

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