Les Anges Boulangères

Elles étaient deux, deux semblables, brunes jeunes riantes avec lunettes aux montures noires larges épaisses et surtout casquettes.

Et sur les casquettes leur logo.

Leur logo était une sorte d’aréole, une aréole d’ange...

On voyait bien que cette aréole était symbole des devants de leurs chemisiers blancs, des pointus qui déchiraient leurs poitrails.
Auréoles sur coton blanc baignées de l’odeur de la farine du pain frais.

Elles étaient soeurs et vaquaient derrière leur comptoir en virevoltant. Elles servaient aux clients les baguettes les croissants les brioches à tête ronde ... et tutti quanti.

Moi, j’étais chaland coquin, j’ai dit, où donc sont vos maris ?
Elles ont dit, toutes deux, nous des maris on en a trois.
Et les trois sont là, derrière, au fournil.
Trois maris pour deux anges boulangères, voilà qui va bien.
Et d’ailleurs elles avaient l’air bien.

Au fournil depuis tôt, depuis le point du jour.

Est-ce que l’on bande matin quand faut se lever pour faire tourner farine eau sel et levure dans le pétrin d’acier clair ?

Elles ont dit, nous on a trois maris mais un seul est boulanger, les deux autres sont pâtissiers.
Le boulanger se lève le premier, tôt, trop tôt. Il prend sa douche puis fait le café. Il reste tout nu dans le froid de la cuisine
Nous on est sous la couette au chaud avec les deux pâtissiers. Mais celui que l’on préfère nous c’est le boulanger. Les pâtissiers dorment et nous, yeux grand ouverts, on mate la quique dressée du boulanger qui vaque dans le coin cuisine du loft entre cafetière et grille-pain.
L’odeur est la chose importante, odeur de chaud, odeur de café, odeur des tartines qui grillent.
Puis l’odeur du beurre qui grésille étalé froid sur la mie brûlante.

Nous, toutes deux, sœurs emmêlées sous la couette on regarde de nos yeux myopes le flou de sa bite dressée sur deux roupes velues.

Et on mouille à mater le boulanger, notre mari à nous deux et on se touche mutuellement pour bien confirmer nos sentiments. Et on sourit on lui sourit en nous rendormant pour une fin de nuit tandis qu’il va lui en bas au pétrin allumer le four.
Faut dire que la boutique est en dessous du loft qui fait appart pour nous cinq, nous les deux gonzesses et eux, nos trois maris.

Les pâtissiers se lèvent plus tard. Mais les gars mettent le réveil un quart d’heure trop tôt. Ils disent que c’est le meilleur moment de la journée et que pour rien au monde ils ne voudraient le manquer.
C’est tôt, très tôt. Non on dit qu’on voudrait dormir encore mais qu’à tout prendre on est d’accord pour se laisser faire mais qu’il faudra qu’ils fassent eux mêmes tout le boulot.

En fait ils sont toujours d’accord pour faire eux mêmes tout le boulot.

Cuisses ouvertes, genoux hauts, on les accueille. Ils sont synchros dans le grand lit king size. Ils enfilent sans préambule aucun sans préliminaires sans préparation sans prologue et on sait que les pâtissiers jonglent de chantilly et crèmes pâtissières.

Leurs glands est gros. On le sait car un jour c’est l’un, l’autre jour c’est l’autre. Enfin, on le sait, les deux glands sont tout aussi gros l’un que l’autre et tout pareil ont du mal à entrer. Nous on aime ça. Les papillons de nos ventres ouvrent leurs ailes pour accueillir ces têtes de dragon.
Des dragons qui crachent du feu, qui stroumpfent du stroumpf.
Nous, on est filles et on a coeur mandarine et des entrailles trempées capables d’éteindre la lave en fusion qui jaillit de leurs feux grégeois de marins byzantins un peu pirates.

Après on se rendort aussitôt pour profiter des dernières heures de nuit avant l’ouverture de la boulangerie et l’arrivée en rangs serrés des clients du matin en quête de baguettes, de chocolatines ou de chouquettes.
Les pâtissiers apaisés sont allés rejoindre le laboratoire et leur copain pour enfourner les croissants et autres viennoiseries dans le grand four brûlant.


Et nous, on dort encore un peu, du sommeil du juste, encafournées ensemble serrées sous la couette ventres, dégoulinants des offrandes des garçons, à touche de touffes façon velcro et jambes emmêlées.
Douche aprés réveil par l’iPhone tyrannique et visage un peu chiffonné on rejoint nos trois maris à la boulangerie en culotte et brassière sous nos blouses légères marquées Ange avec logo aréolique suggestif.

Moi, chaland coquin, j’avais entendu leur discourades et je pensais, alors le boulanger n’a-t-il pas lui, aussi, son moment ? Est-il lui mari marri ?

Que nenni s’écrièrent les anges boulangères chaussées de lunettes à grosses montures noires, les blouses gonflées de beaux nibars juvéniles arborant des aréoles aux tétons saillants parfaites répliques des logos auréoliques de leurs casquettes.
Et ces logos on les voyait partout sur les longues poches de papier servant à emballer les baguettes, sur les cartons légers dépliés dans lesquels elles rangeaient les briochettes, sur le papier déroulé de cylindre qui leur servait à emballer tout ce que chacun venait ici acheter et qu’elles pliaient et fermaient d’un petit bout de scotch.

Elles m’ont dit, le boulanger, lui, fait la sieste.
La sieste d’un mari boulanger, c’est bonheur absolu depuis début d’après-midi après le café jusqu’à réouverture de la boutique à seize heures. Surtout que c’est notre mari préféré à nous vu qu’il est costaud et endurant comme un athlète de compète et double triple sans relâche sur chacune de nous.

***

Enfin tout ça pour vous dire, mon bon monsieur, qu’ici, on a besoin de personne, avec ou sans Harley Davidson.

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