Hébergement D'Urgence (2)
Le soir, dès quon avait fermé, quon avait regagné lappartement au-dessus, je me mettais aux fourneaux. Le plus souvent, elle me regardait faire.
Que japprenne un peu
On passait à table.
On met pas la télé, hein ! Cest nul. Et puis cest bien mieux de discuter.
Et elle parlait. Beaucoup.
De son avenir.
Cest pas que je me plaise pas au magasin avec vous, hein, allez pas croire ça ! Mais jai pas lintention non plus de faire vendeuse toute ma vie. Sauf que je sais rien faire dautre et que je suis bien trop flemmarde pour me remettre à étudier. Alors, il y a pas trop dissue. Du moins pour le moment. Je verrai bien nimporte comment. Cest pas la peine que je me prenne la tête à lavance.
De son frère.
Il minquiète, lui ! Il fait vraiment nimporte quoi ! Et puis alors vous verriez ces fréquentations quil a !
Des mecs.
Autant il y en a tu téclates un max avec, autant il y en a dautres, ils sy prennent vraiment comme des manches. Seulement ça, tu peux pas savoir avant dy avoir mis le nez. Tiens, rien que pour le clito
Ten as la moitié, si cest pas plus, ils ont aucune idée de comment ça fonctionne. Ten as même qui savent seulement pas ce que cest ni où ça se trouve. Non, mais vous vous rendez compte ? On leur apprend quoi, alors, à lécole ? Cest comme le cunni. Jadore ça, moi, le cunni ! Cest trop génial. Sauf que pour trouver des mecs qui soient vraiment fans
Ça les branche pas, la plupart, quand ça les dégoûte pas carrément. Cest pour ça ! Si jamais un jour jen trouve un vraiment opérationnel de ce côté-là, je peux vous dire que je vais me le mettre de côté. Et que je vais pas le lâcher
On ne voyait pas le temps passer. Ni lun ni lautre.
Onze heures ! Déjà ! Va falloir aller dormir. Sinon demain matin
Mais elle narrivait pas à sy décider. Elle prolongeait encore et encore.
On sentend pas si mal, hein, finalement, tous les deux
Il y a pas de raison.
Quand même
Je me demandais. Je me disais que, si ça tombe, jétais en train de faire une énorme connerie. Parce quau magasin, ça se passait bien, oui, bon, daccord, mais le boulot, cest le boulot. Et peut-être quen dehors vous étiez chiant que le diable, que jallais memmerder comme cest pas possible. Surtout quon na pas le même âge. Et puis non, finalement, non, hein ! Au contraire. On peut parler au moins avec vous. De tout. Même de ce quon peut pas dhabitude. Parce que vous écoutez. Vous écoutez vraiment. Et vous jugez pas.
Effectivement, jaimais lécouter. Jaimais la regarder sanimer. Se passionner. Me confier, avec de moins en moins de pudeur, des choses de plus en plus intimes. Jaimais sa présence. Sa façon dêtre dans linstant. De considérer avec le plus parfait naturel tout ce qui relevait du sexe et du plaisir. Jaimais lentendre clamer sa jouissance, dans la chambre à côté, sans la moindre retenue, quand elle avait, comme elle disait, « levé un mec ». Mais mon bonheur nétait pas parfait. Parce quil y avait quelque chose que jattendais avec infiniment dimpatience, une impatience de plus en plus douloureuse, et qui ne se produisait pas. Elle avait pourtant été on ne peut plus claire là-dessus : si elle acceptait de venir se réfugier chez moi, cétait à la condition quelle pourrait, entre autres choses, y déambuler dans le plus simple appareil. Elle était certes, la plupart du temps, très peu vêtue : longs tee-shirts quelle enfilait le soir, dès quon était remontés, et sous lesquels les seins se mouvaient à laise. Il nétait pas rare non plus que, le matin, elle vienne prendre son petit déjeuner en simples sous-vêtements. Dont elle possédait une impressionnante collection. De toutes formes, de toutes couleurs et de toutes textures. Certains laissaient deviner un peu, dautres un peu plus encore, tandis quelle errait de la cafetière au grille-pain et du placard au frigidaire. Le spectacle, bien évidemment, me ravissait, mais, dans le même temps, me laissait profondément insatisfait.
* *
*
Ça ne la finalement pas été. Parce que ce dimanche matin-là, elle a surgi dans la cuisine, à pas de loup, complètement nue, un doigt sur les lèvres.
Chuuuut ! Faites pas de bruit ! Il vient juste de sendormir. Faut quil récupère, le pauvre
Ah, ça, cest sûr quil devait en avoir besoin. Vu la pantomine que ça avait été toute la nuit. Et qui venait tout juste de sachever un quart dheure auparavant.
En attendant, jai une de ces faims, moi !
Et elle sest empressée daller se préparer son petit déjeuner. Le plus silencieusement possible. Elle allait, venait, se retournait, revenait, repartait, recommençait. Et je lai eue. Tout à loisir. De face : ses petits seins menus, fragiles, moirés, tout attendrissants avec leurs pointes rosées encore toutes tendues des plaisirs de la nuit. De dos : ses fesses. Pommelées à souhait. Bien délimitées par une longue échancrure de rêve. Encore de face : lencoche damour offerte dans toute sa vérité. Avec juste, tout en haut, un petit échantillon de poils frisotants dun léger châtain clair. Un enchantement. Un pur enchantement.
Elle a fini par venir sasseoir en face de moi.
Vous savez quoi ?
Avec un sourire ravi.
Eh ben, celui-là, bonne pioche, cest un acharné du cunni. Doué en plus. Et comment il tient la distance ! Quand ça dure comme ça et que cest hyper bien fait, tu sais plus où thabites. Tes plus rien quun bloc de jouissance. Je donnerais tout pour ça, moi !
Elle sest crispée. A esquissé une petite grimace.
Ça va pas ?
Oh, si ! Mais elle redescend sa jute ! Et cest quil y en a ! Jaurais dû mettre une culotte.
Elle a vidé dun trait son bol de café au lait.
Ça aussi, jadore ! Le garder après, le mec. Le sentir ruisseler. Continuer à cheminer en moi. Surtout quand il ma bien fait jouir. Mais cest un truc, ça, vous pouvez pas comprendre, vous, les hommes.
Elle sest levée.
Bon, mais je retourne dormir avec. Dormir ou bien
On sait jamais. Des fois quil en soit encore
Est-ce quelle allait le revoir ? Ce fut, tout au long de la semaine qui suivit, son seul et unique sujet de préoccupation.
Quelle idiote ! Non, mais quelle idiote je fais ! Parce que je lui ai donné mon portable, ah, ça, il y avait pas de risque que j oublie ! Mais pas lui ! Il a fait celui quentendait pas. Jaurais dû insister, putain ! Pas le lâcher. Jai pas osé. Javais peur quil aille simaginer des trucs. Que jallais le coller, vouloir faire la love story, tout ça ! Sauf que maintenant, jai plus aucun moyen de le joindre. Et sil se repointe pas à la même boîte que lautre jour, ben je peux faire une croix dessus.
Elle se perdait dans ses pensées.
Oui, oh, de toute façon, faut pas rêver. Ça doit être le genre de mec, il te saute une fois et puis il est content comme ça. Il disparaît dans la nature. Faut que jen prenne mon parti
Ce qui ne lempêchait pas, le soir, tandis que je préparais le repas, dappeler à tour de rôle toutes les copines de son répertoire, assise en tailleur sur le canapé, son éternel tee-shirt, sous lequel elle ne portait généralement rien, relevé haut sur les cuisses.
Le type avec qui je dansais samedi
Oui, cest ça ! Baptiste
Non ? Tu sais pas ? Cest la première fois que tu le voyais. Bon, ça fait rien
Mais si jamais tas des infos, tu me fais signe, hein ! Je compte sur toi.
Et elle recommençait avec une autre.
À table, après, elle repoussait son assiette, croisait les bras sur la table.
Ça me fait déprimer, mais déprimer à un point, vous pouvez pas imaginer ! Non, parce que comment il savait y faire, ce salaud ! Il te me les mordillait, les babouettes, il te me les suçotait, il te me les aspirait, il te me les léchait
Juste comme il fallait
Juste quand il fallait
Et puis il y avait pas que ça ! Parce que sa queue
Elle soupirait, se levait dun bon.
Je vais me coucher, tiens !
Le vendredi soir, sur le coup de minuit, elle sest encadrée dans lembrasure de la porte de ma chambre.
Il ma appelée ! Si, il ma appelée. Une heure on est restés tous les deux au téléphone. Plus dune heure. Et il veut quon se revoie. Pas demain, il peut pas, mais samedi prochain, sûrement. Ce que je suis contente ! Si vous saviez ce que je suis contente !
(à suivre)
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