Hébergement D'Urgence (8)
La salope ! Cest pas vrai quelle vous a dit ça ? Non, mais quelle salope !
Elle se coupait les ongles des orteils, assise sur une chaise dans la cuisine, nue, la jambe gauche pliée relevée haut, le talon bien calé contre la fesse, la joue posée sur le genou.
Elle veut me piquer ma place, quoi, en fait !
Je crois pas, non ! Plutôt se faire aussi embaucher.
Tu parles ! Ça se voit tout de suite quil y a pas besoin de deux vendeuses dans votre machin. Non, cest clair comme de leau de roche où elle veut en venir. Et quand je pense quelle vous a carrément balancé ses nibards sous le nez ! Faut vraiment être prête à tout, hein !
Elle a ramené sa jambe droite au large sur le côté, ce qui a délicieusement entrebâillé sa petite encoche damour, ma laissé longuement entrevoir ses pétales rosés.
Elle a relevé la tête.
Quest-ce vous allez faire ?
Comment ça ?
Vous allez lembaucher ?
Sûrement pas, non.
Je sais pas. Ce genre de nanas, quand elles veulent quelque chose, elles finissent toujours par lobtenir.
Pas ment.
Oh, si ! Elle va pas vous lâcher. Elle va revenir. Elle va vous faire du rentre-dedans comme cest pas permis. Vous êtes un mec. Et elle a lattrait de la nouveauté pour vous. En plus !
Elle a changé de pied. De jambe. Ça la lui a fait bâiller un peu plus encore. En replis feuilletés. En anfractuosités dentelées.
Mais si elle simagine que je vais lui abandonner le terrain comme ça ! Alors là, elle a tout faux. Je vais me battre.
Tauras pas besoin.
Elle ma jeté un regard tout à la fois lumineux et sceptique.
Cest vrai ?
Bien sûr que cest vrai.
Je me suis penché pour lui déposer un baiser sur le front.
Te prends pas la tête pour ça.
Elle ma retenu, les deux bras passés autour de mon cou.
Même si jai pas toujours lair, je tiens beaucoup à vous, moi, tu sais !
* *
*
Elle est allée passer son dimanche chez ses parents.
Faut bien, quand même, de temps en temps. Cest la purge, mais bon
Est rentrée sur le coup de sept heures.
Tu veux manger quoi ?
Je sais pas. Mais ce que je me disais, en rentrant, cest que peut-être on aurait pu aller au restaurant. Ça nous aurait donné loccasion de parler.
Ah, parce que tu trouves quon parle pas ?
Si ! Bien sûr ! Si ! Mais cest pas pareil au restaurant. Ça change. On nest pas chez soi. Il y a une atmosphère complètement différente. Alors on dit pas les mêmes choses. Ou on les dit pas de la même manière.
Et on sest retrouvés au restaurant tous les deux. Un restaurant quelle a choisi.
Cest moi qui vous loffre nimporte comment
Avec nappes blanches, chandelles torsadées cassis et lumières tamisées.
Cest pas que jaie des goûts de luxe, mais bon, ça dépayse une fois de temps en temps.
À peine le serveur avait-il pris la commande quelle sest lancée.
Je peux vous demander quelque chose ? Pourquoi vous avez pas de femme ?
Peut-être parce que je tiens à ma liberté.
Oui, non, mais ça, moi aussi ! Cest pas ça, ma question. Je parle pas dune femme à temps plein, mais de femmes dun moment, comme ça, juste pour se faire du bien. Vous en avez jamais eu ?
Si ! Si ! Bien sûr !
Mais pas depuis que jhabite chez vous. Ni même, je crois bien, depuis que vous mavez comme vendeuse. Au début, je croyais que cétait parce quil était plus en état de marche, votre bazar, que vous pouviez plus. Mais cest pas ça. Vous lavez sans arrêt en batterie. Alors, cest quoi, la raison ?
Il y en a peut-être pas
Oh, si, il y en a une, si ! ment
Et jai même ma petite idée là-dessus.
Qui est ?
Que vous adorez mentendre menvoyer en lair, depuis votre chambre, à côté. Vous voudriez rater ça pour rien au monde. Alors avoir une nana par les pieds, ça vous empêcherait dêtre à votre main
Si jose dire
Et comme vous savez jamais à lavance si je serai toute seule ou pas, vous préférez vous garder le champ libre, au cas où
Cest pas ça ? Je me trompe ?
Oui et non.
Ben, expliquez ! Restez pas comme ça avec votre air en lair, là.
Cest pas seulement que je préfère à nimporte quoi dautre tentendre ou te voir, comme lautre jour avec Baptiste, cest que, pour être tout à fait sincère avec toi, même quand il y a personne, même quand tes toute seule dans ta chambre
Vous vous donnez du plaisir sur moi.
Voilà, oui. On passe toutes nos journées ensemble. Je te vois. Je te regarde. Tu as tout un tas de gestes, dattitudes, de mimiques, dexpressions, de sourires qui mémeuvent, qui mattendrissent, qui me bouleversent et quand jy repense le soir
Cest bien de pouvoir se parler comme ça, hein ? Sans tricherie. Sans faux-fuyants.
Oh, oui, alors !
On sest souri.
Le serveur a débarrassé nos assiettes. Nous a apporté nos tournedos Rossini.
Je le savais tout ça. Je suis pas idiote. Mais comment je suis contente que vous layez dit, vous avez même pas idée. Que vous layez dit et que vous me préfériez, moi, à avoir des femmes en vrai. Cest une belle preuve de
De ?
Cest une belle preuve.
On sest encore souri. Plus rayonnant encore. Plus complice. Elle a hésité. Semblé chercher ses mots.
Et il y a que sur moi que vous vous le faites ?
Sest aussitôt reprise.
Non, non ! Me dites pas ! Me dites rien ! Juste
Il y a pas la fille de la cabine, là, au moins ?
Jamais de la vie.
Ah, bon, alors ça va
Cest dans la voiture, au retour, quelle ma posé la question.
Et si je vous faisais un cadeau, quelque chose en vrai avec moi, vous aimeriez que ce soit quoi ? À part coucher, bien sûr, parce que ça, cest exclu. Au moins pour le moment
Au moins pour le moment ? Je me suis bien gardé de relever, mais
Au moins pour le moment
Alors, hein, ce serait quoi ?
De pouvoir te voir.
Me voir ? Mais vous faites que ça. Toute la journée. Depuis des semaines
Non, mais te voir
De tout près
Ah, oui, mavoir le nez carrément collé sur le minou, quoi ! Cest ça, hein ?
Elle a posé sa main sur la mienne.
Vous savez que je vous adore par moments ?
* *
*
La porte de ma chambre sest entrebâillée. Ouverte. La lumière crue du couloir. Sa silhouette, en chemise de nuit vaporeuse, sest découpée dans lencadrement de la porte.
Vous êtes en train de vous le faire, hein ?
Elle sest approchée.
Ben oui, ment que vous vous le faites. Après une soirée comme ça !
Accroupie au bord de mon lit.
Je peux voir ? Puisque cest pour moi
Jai repoussé drap et couverture.
Elle est toute luisante.
Elle sest penchée.
Jai repris mon mouvement de va-et-vient. Avec emportement. Avec frénésie.
Et cest venu. Très vite. Presque tout de suite. À longues saccades haletantes.
Quest-ce quil y en a !
Elle est restée là, quelques instants, à mes côtés.
Elle retombe pas vraiment. Pas complètement.
Sest relevée, comme à regret.
À demain.
Éloignée. Retournée sur le pas de la porte.
Bientôt vous pourrez me voir comme vous avez envie. Très bientôt.
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