Lectures Érotiques (14). Stephen Vizinczey : Eloge Des Femmes Mûres (Editions Du Rocher, 2001)
L'AUTEUR
Stephen Vizinczey, né István Vizinczey le 12 mai 1933 à Káloz, est un écrivain hongrois naturalisé canadien.
Né en 1933, István Vizinczey n'a que deux ans lorsque son père est assassiné par les nazis Hongrois et est alors élevé par sa mère. Après la Seconde Guerre mondiale, il étudie à l'université puis au collège national des Arts de la scène de Budapest.
C'est alors que sa vocation littéraire apparait à travers l'écriture de poésies et de pièces de théâtre. L'une de ces dernières, récompensée par le Prix Attila József, qui devait être jouée au Théâtre national en 1956, est interdite par le régime communiste quatre jours avant la première et toutes les copies du script sont saisies. Cette même année, il prit part à l'Insurrection de Budapest contre l'armée soviétique et s'enfuit à l'Ouest à la suite de cette révolution avortée. Après un séjour en Italie, il émigre au Canada.
Il perfectionne son anglais en travaillant à des scripts pour le National Film Board of Canada. Il adopte alors définitivement cette langue pour tous ses travaux d'écriture et dirige notamment un magazine littéraire et politique : Exchange.
Il commence sa carrière d'écrivain anglophone en collaborant à Radio Canada mais c'est en 1965 qu'il prend la décision cruciale, quittant son emploi, de publier à compte d'auteur et de distribuer lui-même son premier roman, « Éloge des femmes mûres », prélude à un incroyable succès et à une reconnaissance internationale.
Il s'agit d'un écrit érotique subtil écrit dans un style très sobre. Le roman a enthousiasmé la critique comme les lecteurs. Véritable phénomène éditorial, le livre a figuré des mois et des mois dans la liste des meilleures ventes, au Canada d'abord, en France ensuite, par la grâce du bouche à oreille. Pur et simple bonheur de lecture, le roman s'est écoulé à plusieurs millions d'exemplaires dans le monde.
RESUME
« In praise of older women », écrit en Anglais en 1965, traduit en français sous le titre « Éloge des femmes mûres » en 2001, sous-titré « les souvenirs amoureux d'Andras Vajda », narre la découverte de la sexualité par un jeune homme, Andras, aujourd'hui devenu un respectable professeur entre deux âges à l'université du Michigan.
Récit de l'apprentissage amoureux, « Éloge des femmes mûres » est un véritable traité de l'érotisme, celui qui se pratique dans la découverte et le respect de l'autre, qui enrichit la connaissance de soi. Avec beaucoup d'humour et d'esprit, Stephen Vizinczey livre ici un classique de la littérature érotique moderne.
« L'éloge des femmes mûres » est le récit du timide Stefan Vajda, qui s'ouvre aux joies du plaisir charnel dans l'après seconde guerre mondiale.
Il s'agit d'une plongée dans les souvenirs d'un jeune Hongrois, Andras Vajda, de sa découverte de la sensualité et de la sexualité, à travers des profils de femmes très différentes, mais qui, toutes, sont des femmes mûres.
Andras Vajda, devenu professeur de philosophie, raconte son parcours amoureux de la préadolescence au début de l'âge adulte et démontre, à travers ses aventures érotiques, qu'un adolescent a tout à gagner à fréquenter des femmes mûres, expérimentées, plutôt que des jeunes filles trop pieuses, coincées, allumeuses, humiliantes, moqueuses ou trop étroites, susceptibles d'entrainer l'échec sexuel.
Le récit se déroule également sur fond d'analyse sociale et politique, le narrateur évoluant dans une Hongrie perpétuellement occupée, dont la population traumatisée et soumise finira par se révolter en 1956.
L'auteur expose sans pudibonderie ses questionnements, ses craintes, ses peurs, ses joies au travers des diverses rencontres féminines et des drames historiques vécus.
1962, Ann Harbour, Michigan, États-Unis. Le professeur à l'université de philosophie Andras Vájda relate sa jeunesse et notamment sa découverte de la sexualité et son attirance pour les femmes plus âgées, « mûres et pleines d'expérience ».
L'évocation des multiples aventures d'Andras passe par ses premiers émois d' devant les amies de sa mère, la sensualité de sa tante, à ses nombreuses déconvenues d'adolescent, puis l'initiation à la sexualité, grâce à des femmes d'âge mûr (35-40 ans).
Andras Vajda sent très tôt les aiguillons de la chair. Difficile pourtant de découvrir les mystères féminins avec les filles de son âge, entre celles qui se déplacent toujours en groupe, celles qui ne peuvent s'empêcher de rire à chaque proposition un peu sérieuse, et les cruelles qui enflamment vos sens, avant de s'enfuir au dernier moment.
Il fait remonter sa découverte de la sexualité à l'enfance. En 1935, son père, partisan de l'amiral Horthy, est assassiné par les nazis hongrois. De fait, dès ses deux ans, il se trouve seul garçon au milieu de la maison budapestoise de sa mère, fréquentée exclusivement par ses amies, dont les formes réveillent déjà chez cet une forte attirance. Éduqué chez les pères franciscains, il fait toutefois sienne la croyance du sacré, ce qui le guidera plus tard sur la voie d'une vie raisonnée.
La Seconde Guerre mondiale se termine pour lui alors qu'il a douze ans, emportés avec un flot de réfugiés fuyant les Russes, recueilli par les Américains des troupes d'occupation de Salzbourg.
Certains passages ont pu être considérés comme amoraux ou choquants : à onze ans et demi, ce garçon hongrois, orphelin de père et précoce sexuellement, issu d'une famille catholique pieuse, que l'auteur dit être "franc, affectueux et vaniteux", doté d'un sens du commerce développé, joue au proxénète dans un camp américain, en présentant des femmes mariées, mais sans le sou, à des soldats. Cela est évidemment choquant, comme le fait qu'il joue les voyeurs et se laisse débaucher. L'explication suggérée est qu'il a toujours été attiré par les amies de sa mère.
Andras se fait vite apprécier par les GI's, et devient rapidement pour eux un entremetteur de choix. Il a donc à cette occasion tout loisir de s'interroger sur les motivations des soldats qui demandent ce genre de relation, mais également des femmes qui doivent y avoir recours. Après un premier amour à la française avec une des femmes, dont il est, en quelque sorte, le souteneur, et la froideur professionnelle de Fräulein Mozart, il en conclut que l'amour marchandé n'est pas ce qu'il recherche.
Bien que le colonel, directeur du camp, ait émis le souhait de ramener Andras à Chicago avec lui, l'adolescent décide de retourner à Budapest, où vit sa mère. Il découvre alors la vie étudiante, et subit les adolescentes, dont il ne comprendra jamais ni le fonctionnement, ni l'intérêt que l'on peut y porter. Trop superficielles, trop candides et inexpérimentées, ses relations avec les gens de son âge lui laissent systématiquement un goût de regret.
Andras grandit, donc le roman devient moins pervers et plus érotique.
Andras, cultivé, lit « le rouge et le noir » de Stendhal et s'inspire des gestes de Julien Sorel vis à vis de Mme de Rénal. Il visualise le film « le diable au corps », tiré du roman éponyme de Raymond Radiguet, et se prend pour François, amoureux d'une jeune femme plus âgée.
Nous avons droit aux sauts de puce frénétiques d'Andras, de Maya qui l'aguerrit, à Klari qui le traite "d'horreur", tout en lui ouvrant ses cuisses, à Illona, qui l'étiquette de "dépravé" et le repousse, à Zsuzsa, femme des camps libertine, à Mici, la vierge frustrante, à Nusi, mère de cinq s esseulée, à l'italienne frigide, à Ann la capricieuse qui veut, ne veut plus puis veut encore.....
C'est finalement avec Maya Horvath, la voisine de pallier, qu'Andras va connaître sa première véritable expérience sexuelle.
Sa liaison leur apporte beaucoup de bonheur, mais Andras ne sait pas se satisfaire de ce qu'il a, et lorsqu'il parvient enfin à séduire Klári, soeur de Maya, il en retire des doutes sérieux quant au bien-fondé du libertinage.
Les conquêtes d'Andras se succèdent, mais certaines lui sont plus favorables que d'autres. Étant parvenu à séduire une artiste de renom, menant grand train, il peine à la suivre dans son appétit et son rythme de vie, tout en continuant de suivre ses études à côté. Cette liaison se termine ainsi, en le laissant complètement épuisé. D'autres, avortées, lui font se méfier fortement de la rencontre avec les vierges et de la masturbation, qu'il déconseille vivement, quoique de façon détournée, lorsqu'il donne ses cours de philosophie en 1962.
Fuyant la Hongrie après les événements de 1956, il part pour Rome, où il tente d'obtenir un poste universitaire avec ses titres obtenus à l'université de Budapest.
Il s'entiche en tout cas de Paola, journaliste italienne qui se dit frigide. Après beaucoup de patience et de persévérance, il parvient à lui montrer que sa frigidité n'était qu'un blocage psychologique, en l'initiant à la sodomie. Andras prend ainsi de plus en plus d'assurance, et sa situation de novice face à des femmes expertes est en passe d'évoluer.
Il profite de cette période faste, sous l'impulsion de Paola, pour entamer sa thèse de doctorat, La Théorie de la mauvaise foi chez Sartre, appliquée à l'ensemble de son ?uvre philosophique.
Pouvant enfin trouver un poste, mais à Toronto, il quitte l'Italie et Paola, et fait la connaissance du Nouveau Monde et de ses particularités concernant la sexualité, qui passe après l'argent, la télé, la bière, le hockey et la bouffe, lui confie son taxi d'origine autrichienne.
Il entre à l'université de Toronto, y donne ses cours de philosophie, et obtient trois ans plus tard son doctorat. Après quelques nouvelles expériences, qui lui apprennent la satiété sexuelle, il poursuit sa route d'universitaire à l'université de la Saskatchewan et d'homme aimant les femmes.
Andras se réconfortera dans les bras d'épouses délaissées, papillonnant sans beaucoup se préoccuper de fidélité. Les aventures ne seront pas ment plus reposantes : femmes en manque de confiance de soi, ou au contraire exigeant une condition physique à toute épreuve.
QUELQUES EXTRAITS POUR INVITER A LA LECTURE
« Ce livre s'adresse aux jeunes gens, mais il est dédié aux femmes mûres et c'est des rapports entre ceux-là et celles-ci que je me propose de traiter. Je ne suis pas expert en pratique amoureuse, mais j?ai été un bon élève des femmes que j?ai aimées, et je vais essayer d?évoquer ici les expériences heureuses et malheureuses qui ont, je crois, fait de moi un homme ». (Première phrase du livre)
« Paola disait qu?en la désirant et en jouissant d'elle, je lui donnais le sentiment d'être une vraie femme, et il arrivait qu?elle soit la bienheureuse mère de mon plaisir »
« Même avec les frigides, il vaut mieux avoir à faire à une femme mûre »
« Pendant un de nos brefs moments de répit, je voulus savoir quand elle avait décidé de me céder. Etait-ce quand j'avais été sur le point d'abandonner et lui avais demandé si elle voulait retourner dormir ?
? Non, j'ai pris cette décision quand je t'ai dit que tu grandissais trop vite et t'ai fait mettre à côté de moi près de la boîte aux lettres
J'étais sidéré. Cela rendait futiles et ridicules tous mes débats intérieurs et tous mes stratagèmes; et cela voulait dire aussi que nous avions perdu de nombreuses et précieuses semaines. Pourquoi ne m'avait-elle donné aucun signe d'encouragement ?
? Je voulais que tu fasses ta demande. Il vaut mieux que la séduction vienne de toi, surtout la première fois »
« Une des raisons pour lesquelles les femmes mûres se méfient souvent des jeunes hommes (...), c'est l'absence de point de comparaison qui ne permet pas de reconnaître même les qualités les plus exceptionnelles »
« Ensuite nous fîmes l'amour, de l'après-midi ensoleillé jusqu'à la tombée de la nuit. Je n'ai pas appris grand-chose de plus depuis ces moments hors du temps : Maya m'enseignait tout ce qu'il y avait à savoir. Mais « enseigner » est impropre : elle se donnait seulement du plaisir et m'en donnait aussi, et je n'avais pas conscience de perdre mon innocence en découvrant les voies de ses territoires, inconnus de moi. Elle se délectait de chaque geste - ou simplement de toucher mes os et ma chair. Maya n'était pas de ces femmes qui ne comptent que sur l'orgasme pour récompense d'une fastidieuse besogne : faire l'amour avec elle était une communion, et non de la masturbation entre deux étrangers dans le même lit. »
MA LECTURE
Ce livre est un grand plaidoyer pour la grâce féminine de femmes plus âgées. Il couvre aussi toute l'histoire de la Hongrie (la seconde guerre mondiale, l'occupation soviétique, le Printemps de Prague....) que l'on découvre, placée sous le signe de l'amour mais aussi de la résistance, de l'exil.
« Eloge des femmes mûres » est un récit qui traite avec sensibilité et retenue de l'éducation sentimentale d'un jeune homme timide, qui trouve affection et initiation sexuelle auprès des femmes mûres.
Pour Andras, l'initiation sexuelle ne peut être pleinement vécue qu'avec un compère plus mûr, capable de vous enseigner les délices et les secrets. Cet homme nous confesse qu'il fut heureux en fréquentant des femmes plus mures que lui et parfois bien malheureux avec celles de son âge, souvent cruelles et inexpérimentées.
J'ai aimé les nombreux portraits de femmes qu'il rencontre, toutes très différentes et pas toujours des plus sympathiques mais toujours plus âgées que lui, décision prise après de mauvaises expériences avec des adolescentes de son âge, dont il garde un souvenir cuisant. C?est une subtile description de tout ce qui fait l'amour, de ce qui nous forme à l'amour et qui nous fait aimer l'amour.
L'auteur conçoit la sexualité comme un partage, une aventure, une ascension. Le style sobre et toujours égal de l'auteur lui permet d'offrir une très belle vision de l'érotisme, le vrai, qui se pratique dans la découverte et le respect de l'autre, qui enrichit la connaissance de soi.
Ces aventures érotico-sexuelles sont décrites de façon sensuelle, ainsi que la découverte du corps féminin et cette attirance pour des conquêtes plus âgées. Andras Vajda fait son éducation avec élégance et est un personnage attachant. Sa découverte de la sensualité et du plaisir partagé est très bien décrite. De plus, Vizinszey ne tombe jamais dans la vulgarité ou le voyeurisme.
Il s'agit d'un éloge de la femme mais surtout de l'introspection d'un jeune homme, en recherche d'amour durable mais souvent déçu par les attentes de l'autre, par la durée éphémère de la passion, par la vanité des sentiments, par la complexité du sexe féminin et qui rappelle que les femmes les plus expérimentées sont les amantes les plus voluptueuses.
Cette lecture fait voyager dans le corps, la tête et les sentiments mais aussi dans le temps et l'espace. C'est une analyse de l'évolution d'un jeune homme sous l'angle de sa sexualité et de son rapport aux femmes. Il est également question de la condition des femmes.
UN OUVRAGE POLITIQUE
À plusieurs reprises dans le livre, l'auteur laisse le cours de l'Histoire prendre le pas sur la narration de la vie sexuelle d'Andras.
Alors qu'Andras est engagé dans un amour impossible avec la compagne d'un de ses professeurs, il découvre également la réalité de son temps. Dans la Hongrie devenue communiste, tout est sujet à problème, et les cours qu'il suit, la fréquentation dudit professeur, en fait un objet de surveillance pour les Services de la Sûreté. Plus tard, lors d'un défilé du 7 novembre, il est témoin de l'arrestation d'un homme qui craque sous la pression du simulacre de liberté qu'on lui laisse, en le forçant à prendre part au défilé et à porter le portrait de Mátyás Rákosi.
Par ailleurs, Vizinczey se fait également à plusieurs reprises le porte-parole de l'esprit hongrois. Il joue ce rôle, notamment en glorifiant l'histoire du théâtre national de Budapest, où il passe une soirée, avant qu'il ne soit détruit en 1965 par le régime Kádár, mis en place par pouvoir communiste, et remplacé par une station de métro. Il relate notamment les représentations de Bánk Bán durant la Révolution de 1848 contre l'Autriche. La "personnalité historique" des Hongrois, selon le mot de Lajos Kossuth, se forge autour de ce type d'événements.
Tout un chapitre est consacré à l'implication d'Andras dans l'insurrection de Budapest en 1956.
Son tout petit rôle, il le justifie et le rattache à l'Histoire de l'esprit hongrois. Il le fait ainsi remonter à Petöfi, auteur du poème qui devint le mot d'ordre de la Révolution de 1848, et même à la Bataille de Mohács de 1526. Bien qu'il s'agisse là d'une défaite hongroise face aux Ottomans de Soliman le Magnifique, le fait que l'Empire ait pu par la suite disparaître et que la nation hongroise, "nation millénaire", subsiste, forge l'identité nationale, sa fermeté et sa résolution face à une occupation étrangère.
Cet esprit est également incarné par Miklós Zrínyi, noble hongrois qui, après avoir été assiégé en 1566 dans sa forteresse de Szigetvár, se lance dans une charge suicidaire et pénètre si profondément dans le campement du même Soliman le Magnifique que celui-ci, estomaqué d'une telle vigueur de la part d'un peuple soumis, en meurt vraisemblablement de rage peu après.
Il évoque également les cloches de János Hunyadi, commémorant l'anéantissement des forces turques devant Nándorféhervár, arrêtant ainsi l'expansion ottoman aux dépens du Saint-Empire romain germanique. Il parle encore de la postérité des Hunyadi, dont le fils du précédent, Mátyás, choisi pour être couronné roi, et qui gouvernait parfois vêtu comme un paysan, ou György Dózsa, paysan révolté qui fut martyrisé par les aristocrates hongrois en 1514, ou encore le prince Rákóczi, meneur de la guerre de libération contre l'Autriche mais qui finit en exil après sa défaite, sur le mot selon lequel Dieu pouvait tout, sauf le faire citoyen autrichien.
L'auteur met ainsi sur un même pied la survie de l'esprit hongrois face aux occupations successives des Tartars (1241), des Turcs (1526-1700), des Autrichiens (1711-1918) sous différentes formes, des Allemands (1944-1945) et des Russes à partir de 1945.
CE ROMAN ET MOI
Ceux et celles qui me suivent dans les récits sur mon couple candauliste et mon hypersexualité savent que, pendant longtemps, j'ai recherché comme amants des hommes bien plus âgés que moi.
Cela fut le reflet de mon complexe d'Electre, que j'ai déjà évoqué.
L'homme qui me dépucela, alors que j'avais juste 15 ans, l'âge de la majorité sexuelle, Gianni, un touriste italien, ami de mon père, avait deux fois mon âge.
J'ai passé mes années de lycéenne et d'étudiante à mettre dans mon lit mes professeurs, rejetant totalement mes condisciples, incapables à mes yeux de m'apporter ce que j?attendais.
Je rappelle aussi, qu'à une exception, les hommes que j'ai aimés avaient au moins une dizaine d'années de plus que moi : Philippe, qui a 12 ans de plus, ce fut aussi le cas d?Hassan et plus récemment de N.
Je ne peux donc que comprendre Andras, lorsqu'il recherche l'expérience des femmes mûres.
Oui, l'initiation sexuelle ne peut être pleinement vécue qu'avec un partenaire plus mûr, capable de vous enseigner les délices et les secrets. Faute d'avoir pu l'accomplir dans le cadre de mon complexe d'Electre, je l?ai réalisé ainsi.
C?est ainsi que j'ai trouvé, dans Philippe, tout à la fois un mari, un complice, un père, un libérateur de mon hypersexualité, celui qui m'a poussé jusqu'au bout de ma nature. C'est ce qui fait que ce qui unit est indestructible.
Je suis aujourd'hui ce que Stephen Vizinczey appelle une femme mure, ayant dépassé le seuil des 40 ans. Et comme les femmes qui ont fait l'éducation sexuelle d'Andras, j'ai peu à peu été attirée par des amants plus jeunes que moi, alors que j?avais, pendant tant d?années, rejeté les avances des garçons de mon âge.
C?est insensiblement et inconsciemment que c'est fait ce changement radical.
La première expérience dans ce sens fût lors de ce fameux voyage au Brésil, où, sans l'avoir voulu, je me suis offerte à ces jeunes inconnus, rencontrés sur la plage de Copacabana, Pedro et Joao (récit numéro 8). Ce fût pour moi un choc, une découverte.
Et la confirmation, la vraie rupture, fût la rencontre avec Rachid (récit numéro 10). J'avais plus de 30 ans, il en avait à peine 18 ans. Lorsqu'il m'a prise la première fois, dans l'ascenseur de mon immeuble, alors que je ne le connaissais pas, ce fût pour moi comme un second dépucelage.
Pendant les deux ans et demi où je fus sous sa coupe, Rachid m'a livrée à beaucoup d'expériences. Celle qui reste ancrée dans ma mémoire, ce fut ces séances du mardi après-midi, où j'allais à la cité de la ville où nous habitions alors et où j?étais offerte aux jeunes choisis par Rachid et ses acolytes.
J'ai raconté ces séances, où j'étais souvent la première expérience de ces jeunes. Parmi ces nombreux jeunes qui furent alors mes amants, il y avait beaucoup d'impatience, de difficulté à se maîtriser, à me voir autrement que comme une « kahba », qu?ils méprisaient et ne considéraient que comme une « vide-couilles ».
C'est ce que j'étais pour eux, d'autant plus que j'étais l'épouse de T, un notable qu'ils bafouaient en baisant son épouse, comme ils le dirent sur un tag, longtemps inscrit sur le centre social du quartier.
Je suis cependant fière de ceux qui, nombreux, dont j'ai réussi à maîtriser l'impétuosité, que j'ai apprivoisés, éduqué au plaisir, leur apprenant à être tendre, à penser à leur partenaire.
Je me souviens de leur avoir donner une immense fierté lorsque, non seulement ils prenaient leur pied, mais quand ils savaient que j'avais joui sous leurs assauts.
C?était très important pour moi et j'insistais beaucoup auprès des organisateurs de ces après-midi, Rachid, Kamel, Sofiane, pour que les heureux élus soient en nombre limité, afin que je dispose de tout le temps nécessaire pour les initier et faire d?eux les amants qui, demain, donneraient satisfaction à leur compagne.
Je dois avouer que cette expérience, brutalement interrompue par Hassan (voir récit 30) me manque. Quand j'en ai l'occasion, je demande à Philippe de me trouver des amants bien plus jeunes, pour retrouver un peu de ces sensations.
On dira que je suis devenue une « cougar ». Je n'aime guère ce terme.
D'abord parce qu'on ne stigmatise pas un homme qui a une relation avec une femme bien plus jeune que lui. Comme pour le donjuanisme et l'hypersexualité, il y a deux poids et deux mesures. Un jeune homme, comme le magnifie Stephen Vizinczey, a tout à apprendre d'une femme mûre, comme une femme mûre a tout à donner à un jeune mâle.
Je ne suis pas une cougar. Je suis une femme mure, toujours hypersexuelle et qui espère bien continuer à susciter le désir des hommes, pour le plus grand plaisir de mon mari candauliste. Qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, pourvu qu'ils m'envoient en l'air. Mais quand ils sont jeunes, je suis fière quand je réussis leur éducation et à faire d'eux des amants performants, en sachant que d'autres femmes bénéficieront de leurs performances.
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