Hébergement D'Urgence (15)

Et encore plantée, perplexe, devant le dressing. Toute nue, cette fois.
– Ah, vous fichez pas de moi, hein ! Vous seriez une nana, vous sauriez quelle épreuve c’est, chaque matin, de se choisir quoi mettre.
– Oh, mais je me moque pas. Absolument pas. Et je me plains pas non plus. Tu m’offres un spectacle des plus agréables.
Elle a soupiré.
– En attendant, on devrait faire des lessives plus souvent. Il y a plein de trucs qui me manquent. Non, j’ai plus qu’une solution, tiens ! Aller me servir au magasin.
– S’il y a que ça pour te faire plaisir…
– Oui, oh, alors là, faudrait pas que vous me le répétiez deux fois…
Son portable a sonné.
Elle a froncé les sourcils.
– Qu’est-ce que c’est encore que ça ? Allô, oui ? Qui ?
Elle a mis le haut-parleur.
– Hein ? Qui ?
– Alexis. C’est moi qui vous ai servi, avant-hier soir, à la table numéro 7.
– Ah, oui ! Oui ! Bonjour ! Alors comme ça, vous êtes pas du tout du genre coincé, à ce que vous dites.
– Il paraît.
– Et vous pouvez le prouver ?
– Sans problème.
– Vous êtes bien affirmatif.
– Mettez-moi à l’épreuve…
– Oh, mais c’est ce qu’on va faire. Alors vous savez pas, vous allez… Et puis non. Non. On vous fera part de nos exigences ce soir, au restaurant, discrètement, pendant que vous nous servirez. Ça n’en aura que plus de piquant. En attendant, je vais vous offrir un petit cadeau. Je viendrai sans culotte. Et j’ai le minou tout lisse. À ce soir ! Rêvez bien !
Et elle a raccroché.
– Bon, ben c’est pas trop mal parti, on dirait. Reste à voir, maintenant, ce qu’il a vraiment dans le ventre.
– Tu comptes t’y prendre comment sans indiscrétion ?
– On verra sur place. On improvisera. Même si j’ai déjà ma petite idée. Bon, mais on en était où, au juste, avant qu’il appelle ?
– Tu parlais de descendre te chercher une robe au magasin.
– Oui, non, mais je déconnais.


– Je t’en offre une si tu veux, mais à une condition, c’est que ce soit moi qui la choisisse et que tu la portes systématiquement sans culotte.
– Décidément, vous êtes vraiment rien qu’un gros cochon de vieux pervers…
Avec un grand sourire.

Je me suis dirigé tout droit vers une merveille de petite robe vert amande devant laquelle elle était tombée en arrêt à plusieurs reprises et qu’elle s’était promis de s’offrir dès qu’elle en aurait les moyens.
– Celle-là ! Mais elle coûte une fortune !
– T’occupe pas de ça ! Enfile-la !
Elle s’est longuement contemplée devant la glace. De face. De dos. De profil.
– Elle me va super bien, n’empêche ! Non, vous trouvez pas ?
– Tu es absolument ravissante.
– Je vous la rembourserai. Dès que je pourrai.
– Arrête de dire des bêtises ! Va ouvrir, tiens, plutôt…

* *
*

Un couple. D’une quarantaine d’années. Qui a longuement flâné entre les portants. La femme, une petite brune à la poitrine protubérante, a essayé, tour à tour, une bonne dizaine de pantalons tandis que le mari, impassible, faisait les cent pas dans le magasin.
Elle a fini par appeler Coralie à la rescousse.
– J’aurais besoin d’un conseil…
Une Coralie qui s’est empressée de la rejoindre dans la cabine d’essayage. Dont elle n’est ressortie, seule, qu’une bonne dizaine de minutes plus tard.
– Il y en a pour un moment… Elle veut voir des robes maintenant.
Murmuré tout bas, à la caisse. Discrètement. En jetant un petit coup d’œil sur le mari qui prenait son mal en patience en suivant des yeux le mouvement de la rue.
– Elle me drague, n’empêche, vous verriez ça ! Et pas qu’un peu…
Et elle y est retournée, une robe sur les bras. Et puis une autre. Trois. Quatre. Cinq.

– Elle y a mis le temps, dis donc !
– Ah, ben ça ! Pas loin d’une heure.
– Oui, mais elle a acheté…
– Grâce à qui ?
– Elle te draguait vraiment ? Eh bien, raconte, quoi !
– Vous êtes bien curieux…
– Fallait pas me mettre l’eau à la bouche.

– C’est sûr que je lui plais bien, ça, il y a pas photo.
– Elle te l’a dit ?
– Pas au début, non. Au début, c’était plutôt des coups d’œil. Répétés. De plus en plus insistants. Dans le registre. « T’es tellement bien foutue que je peux pas m’empêcher de te regarder. Non, mais comment t’es bien foutue ! »
– Et toi ? Tu réagissais comment ?
– Moi, oh, ben d’abord ça m’a plutôt amusée à l’intérieur. Et puis, très vite, j’ai trouvé que c’était pas vraiment désagréable. Presque troublant. Elle m’admirait vraiment, je le sentais bien. Et ça, venant d’une femme ! Parce qu’une nana, en général, quand elle te regarde, elle cherche plutôt la faille. À te trouver tout un tas de défauts. Tandis que là ! Et c’était surtout sur mes seins qu’elle flashait. En plus ! Ce qu’elle a fini par me dire. Avec les yeux accrochés dessus. « Ils sont absolument magnifiques. » Et vous pouvez pas savoir ce que ça m’a fait plaisir. Parce que vu comment je suis complexée de ce côté-là…
– Il y a vraiment pas de quoi !
– Ils sont petits.
– Mais adorables.
– Et après, vous savez ce qu’elle m’a demandé ? Que je les lui montre. Elle m’a suppliée. « S’il te plaît ! Oh, s’il te plaît ! »
– Tu l’as fait ?
– Oh, ben oui ! Oui. Ça comptait manifestement tellement pour elle qu’à moi aussi ça m’a donné envie d’avoir ses yeux dessus. Et alors ces regards éblouis qu’elle y a posés ! Elle courait éperdument de l’un à l’autre. En répétant sans arrêt « Oh, merci ! Merci ! Merci ! »
– Elle te les a touchés ?
– Non. Enfin si, oui, dans un sens. Elle y a posé ses lèvres à la fin. Tout au bout. Très vite. Les deux. Et puis elle m’a demandé si j’avais déjà fait des trucs avec une femme.
– T’en as déjà fait ? Tu m’as jamais dit.
– Pas vraiment, non. Ou alors des trucs tellement insignifiants que ça vaut vraiment pas la peine d’en parler. Ça l’a fait sourire. « Tu auras ensoleillé ma journée. »
– Et, apparemment, elle a aussi en soleillé la tienne.


* *
*

On a choisi une table isolée.
– Ça nous facilitera la tâche.
Alexis a pris la commande, impassible, très professionnel, comme si de rien n’était.
Elle n’a pas fait allusion à quoi que ce soit.
Quand il nous a apporté l’apéritif non plus.
– Il doit être sur des charbons ardents, n’empêche !
C’est quand il a déposé devant nous les assiettes de hors d’œuvres qu’elle est passée délibérément à l’attaque.
– J’aurais une réclamation à faire.
– Je vous écoute, Mademoiselle.
– Pourquoi les serveurs, ici, n’officient-ils pas dans le plus simple appareil ? Cela nous permettrait, à nous, les femmes, de nous régaler les yeux en même temps que le palais.
– Je soumettrai la suggestion de Mademoiselle à la direction.
– J’y compte bien.
Il s’est éloigné.
– Vous avez vu sa tête ? J’adore.
Elle est revenue à la charge au dessert.
– En attendant que la direction se décide à adopter ma proposition, ce qui risque de demander un certain temps, vous pourriez peut-être nous raconter un peu comment vous êtes fait…
Il a jeté un discret petit coup d’œil autour de lui.
– C’est-à-dire ?
– C’est-à-dire qu’elle est comment votre queue ? Faut pas qu’on vous fasse un dessin quand même ?
– Dans une honnête moyenne.
– C’est pas ça, ma question. Elle est longue ? Épaisse ? Bien proportionnée ? Et le bout ? Il fait harmonieusement corps avec la tige, le bout, ou bien il se donne des allures de vouloir prendre son indépendance ? À se boursoufler ? Et les couilles ? Elles sont du genre à rouler bien fermement sous les doigts ou à s’y étioler ? Je sais pas, moi ! Vous la connaissez quand même, non ?
Il a esquissé un sourire.
– Ah, pour ça, oui !
– Eh bien alors ! Je croyais que vous étiez pas coincé…
– Je ne le suis pas.
– Mais vous n’êtes pas un descriptif. Bon, ben vous savez pas alors… C’est quand votre jour de congé ?
– Demain…
– Eh bien demain, vous viendrez faire le service chez nous.
À poil. Qu’on se rende compte par nous-mêmes.

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