Hébergement D'Urgence (16)

Elle s’est précipitée sous la douche.
– Il a pas sonné, le réveil ! Mais fallait me réveiller ! Pourquoi vous m’avez pas réveillée ?
– T’affole pas ! Prends ton temps ! On n’est pas à un quart d’heure près.
– En attendant, je sens que je vais passer la journée au radar, moi ! J’ai quasiment pas fermé l’œil.
– Ah, ben ça, j’ai entendu. Il y avait récital cette nuit. À cause de qui ? De notre blondinet ou de la cliente éperdument amoureuse de tes seins ?
– Vous dormiez pas ? Si j’avais su que vous me matiez à grands coups d’oreilles…
– Eh bien ?
– Je vous aurais dit de venir me rejoindre.
– Pour ?
– Faites bien l’imbécile ! M’occuper de votre petit trou du cul, tiens, puisque vous tenez absolument à me l’entendre dire. Ça aurait rajouté un peu de piment.
Elle s’est rincée, s’est ébrouée. A enjambé le rebord de la baignoire. S’est séchée. Habillée.
– Vous en pensez quoi, vous, de cet Alexis ?
– Il est décidé à jouer le jeu, on dirait.
– Mouais… Mais quel jeu ? Il sait pas au juste ce qu’on attend de lui, en fait.
– Il se doute, je suppose.
– Oui, oh alors ça, c’est pas gagné. Il s’imagine peut-être que le plan, c’est qu’il me saute vite fait devant vous et puis basta… Chacun sa route. Seulement ça, moi, c’est pas ce qui m’intéresse. Des mecs pour me baiser, je peux en trouver à la pelle, si je veux. Non, ce qui me branche, c’est de le regarder faire des trucs avec vous. Et vous allez voir que, si ça tombe, dès qu’il va avoir compris de quoi il retourne vraiment, il va nous filer entre les doigts. Parce que c’est pas du tout sa tasse de thé.
– Ça, t’en sais rien du tout. Peut-être que ça l’est, au contraire, bien plus que tu ne l’imagines.
– Vous croyez ? Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
– Je sais pas. Une impression d’ensemble.
– Pourvu que vous ayez raison ! Parce que comment je le verrais trop bien dans le rôle. Et puis je me suis habituée à l’idée qu’il serait le premier.

Alors je serais trop déçue si ça se faisait pas.
Elle s’est concentrée sur ses cils qu’elle était en train de balayer, dans la glace au-dessus du lavabo, à petits coups de pinceau attentifs.
– Comment vous m’avez pervertie, n’empêche !
– Non, mais ce qu’il faut pas entendre !
– Ah, ben si, si ! Parce qu’avant vous, il y a eu Maxime et Hugo, que je matais tant et plus en douce, oui, bon, d’accord ! J’en profitais bien, ça, c’est sûr. Même après, quand je les ai plus eus, ce que j’ai pu passer comme temps à les imaginer et réimaniger ensemble ! Et je me suis pas contentée d’eux. Il y a plein de mecs, des mecs de la vie de tous les jours, que j’ai acoquinés, qui m’ont offert de ces spectacles, eux aussi, sans le savoir ! Mais tout ça, c’était une affaire entre moi et moi. Uniquement. Ça regardait personne d’autre. Sauf que quand je suis venue bosser ici, que je vous ai vu, presque tout de suite j’ai commencé à vous imaginer le cul en l’air avec quelque chose dedans, une bite ou n’importe quoi d’autre. J’arrêtais pas. De la folie, c’était. Quasiment chaque fois que j’imaginais deux mecs en train de s’enculer, vous étiez dans le coup. Et c’est là que j’ai commencé à me dire que peut-être un jour ça pourrait être pour de vrai. Sans y croire au début. Tu prends tes désirs pour des réalités, ma pauvre fille ! Mais à force d’y penser et d’y repenser, j’ai fini par me dire que, finalement, après tout, on savait jamais… Qui ne tente rien n’a rien. Et je me suis lancée. Première étape, la plus importante : réussir à venir loger chez vous. Je me suis bien débrouillée pour, avouez, non ? Après, ben après j’ai plus eu qu’à tisser ma toile pour vous amener, petit à petit, là où j’avais décidé. Et ça a bien marché. La preuve !
– Tu es démoniaque.
– Plaignez-vous ! Vous adorez ça, que je le sois. C’est pas vrai peut-être ?
– Je ne répondrai qu’en présence de mon avocat.
– Oui, ben en attendant, moi, j’ai plus qu’à aller changer de culotte ! Parce que de vous avoir raconté tout ça, là, elle est dans un état !

* *
*

– À quoi tu penses ?
– À rien.

– Qu’est-ce tu regardes dehors alors ?
– Je dois être sacrément coincée finalement…
– Toi ! Vaut mieux entendre ça que d’être sourd.
– Pas pour tout. Mais pour certains trucs, oui. Les nanas, par exemple. Parce que comment elle me faisait du rentre-dedans, l’autre femme, hier. Et moi, je suis restée là, plantée comme une bûche, à sourire bêtement. Elle avait beau me tendre tout un tas de perches, je les attrapais pas. Mais le pire, c’est que ça me plaisait. Que plus ça allait et plus ça me troublait. Mais non, rien. J’étais tétanisée. Elle m’a pris de court en fait. Je m’attendais pas à ça.
– Tu lui as montré tes seins quand même…
– Oui, oh, tu parles ! Il a fallu qu’elle insiste encore et encore. Qu’elle me supplie. En tout cas, si c’était à refaire, je peux vous assurer que, ce coup-là, je resterais pas à danser d’un pied sur l’autre, je foncerais. Non, mais quelle conne je fais ! Je me l’étais toujours dit, en plus, que si l’occasion se présentait un jour, que si la nana me plaisait, j’hésiterais pas. Je sauterais le pas. Oui, oh, ben, en réalité, beau boulot !
– Elle reviendra peut-être.
– Je crois pas, non. Et quand bien même elle reviendrait… Elle m’a cataloguée. Elle insistera pas.
– Ça, t’en sais fichtre rien.
– Oui, ben faudrait qu’elle soit sacrément accro alors.
– Elle l’est ment. Une fille comme toi !
– Oui, oh…

* *
*

On a tout préparé ensemble. Charcuterie en entrée. Coq au vin. Plateau de fromages. Salade de fruits et gâteau au chocolat.
– Il mangera avec nous ?
– Sûrement pas. Ça fausserait tout. Non, il nous servira.

Il était à l’heure.
– Bon, il est ponctuel. C’est déjà ça.
Elle l’a entraîné à la cuisine.
– Tout est là. Vous n’avez plus qu’à vous mettre en tenue. Comme convenu. Et à nous apporter, pour commencer, deux whiskies dans la salle de séjour, à côté.
Où on est allés s’installer, elle et moi.
Il nous y a presque aussitôt rejoints.
Avec nos verres. Entièrement nu.
– Posez ça là !
Il a obtempéré et il a fait demi-tour.
– Eh ! Pas si vite ! Qu’on ait le temps de jeter un coup d’œil sur le matériel quand même !
Il est revenu sur ses pas.
– Approchez-vous ! Plus près ! Encore !
Elle la lui a longuement examinée.
– Pas mal ! Si, c’est vrai ! Tout compte fait, pas mal. Ça se tient. Vous trouvez pas, vous ?
Elle ne m’a pas laissé le temps de répondre.
– C’est bien à peu près comme ça que je l’imaginais. Assez fine, mais pas trop quand même. Et longue. Surtout longue. Ce sera parfait pour ce qu’on veut en faire…
Il a imperceptiblement souri.
– Les couilles, par contre, c’est pas trop ça qu’est ça. En général, je les aime plus consistantes, moi. Mais bon, on peut pas tout avoir. Elle est en état de marche au moins ? Oui ? On verra ça. En attendant, si vous nous serviez les hors d’œuvre ?
Qu’il s’est empressé d’aller nous chercher.
– Et maintenant parlez-nous un peu de vous. Vous êtes marié ? En couple ?
– Ni l’un ni l’autre.
– Ah, oui ? C’est pas ce qu’on nous a dit. Bon, mais on s’en fout. Ça n’a aucune importance. Ce qui nous intéresse, nous, c’est… Qu’est-ce que vous êtes venu faire ici ce soir, en fait ? Vous vous attendez à quoi au juste ?
– Je n’en ai pas la moindre idée.
– Et c’est ce qui fait, pour vous, tout l’intérêt de la chose.
Il a souri.
– Exactement.
– Bon. Eh bien, on va éclairer votre lanterne alors… Ce soir, si vous en êtes d’accord, vous allez aller rendre une petite visite aux tréfonds de mon patron.
Sa queue a fait un bond impressionnant.
– Oh, ben un peu que vous êtes d’accord, on dirait.
Elle a ri et elle l’a prise en mains, décalottée à fond. L’a fait coulisser trois ou quatre fois.
Et elle s’est levée.
– On finira de manger plus tard. On a mieux à faire.

Dans la chambre, elle a amarré nos deux queues l’une à l’autre. Bout contre bout.

– Laissez-vous faire…
Elle les a longuement lustrés l’un avec l’autre. L’un contre l’autre. Et elle a constaté…
– Ils mouillent. Tous les deux.
Elle m’a fait agenouiller sur le lit. M’a consciencieusement et interminablement préparé.
– J’adore ça, faire ça.
Et elle a donné le feu vert à Alexis. Qui ne s’est pas fait prier pour s’enfoncer voluptueusement en moi. Elle, elle est venue se placer face à moi sur le lit. Tout près. Les mains sur mes épaules.
– Je veux vos yeux ! Laissez-moi vos yeux ! Jusqu’au bout. Jusqu’à la fin.
Les siens brillaient d’un noir intense.
On ne les a pas baissés. Ni l’un ni l’autre. Tout le temps que ça a duré. Jusqu’à ce qu’il décharge dans un flot de gémissements auxquels les miens ont répondu.
Les doigts de Coralie ont lacéré mes épaules.
– Tu aimes, hein ! Oh, oui, que tu aimes ! Vous aimez…

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