Histoire Des Libertines (26) : Christine De Suède, La Reine Bisexuelle.

Christine de Suède (1626-1689) fut reine de Suède de 1632, à la mort de son père Gustave-Adolphe. Souhaitant se convertir au catholicisme, elle abdique en 1654, et se retire à Rome, où elle meurt en 1689. Une reine scandaleuse et moderne !

REINE A SIX ANS

unique de Gustave II Adolphe et de Marie-Éléonore, fille de l'électeur de Brandebourg, elle est élevée comme un garçon. Son père trouve la mort à la bataille de Lützen en 1632, alors qu'elle n'a que six ans. Sa mère névrosée la néglige.

Christine monte sur le trône sans opposition, sous la tutelle du chancelier Axel Oxenstierna, le très compétent « Richelieu » suédois. Elle reçoit un enseignement sévère. Oxenstierna est retenu en Allemagne par les péripéties de la guerre de Trente Ans et ne revient en Suède qu'en 1636. Son premier geste est d'éloigner la reine douairière, dont la santé mentale a été altérée par la mort de son mari, afin d'éviter son influence néfaste sur la jeune Christine qui a dix ans. C'est sa tante Catherine, comtesse des Deux-Ponts qui tint le rôle de mentor féminin.

Vive, curieuse, élevée comme un garçon, Christine parle français, allemand, italien et latin aussi bien que suédois. Elle invite savants et artistes à sa cour, puis vient à leur rencontre. Elle demande même des cours de philosophie à René Descartes !

Amoureuse des lettres et des arts, elle désirait transformer Stockholm en une Athènes brillante consacrée aux fêtes et aux études. Elle y fit venir Descartes qui, arrivé en octobre 1649, passa des heures à s’entretenir avec elle dans des salles glacées, prit froid et mourut le 11 février 1650.

FASCINEE PAR LE LIBERTINAGE, ELLE REFUSE DE SE MARIER

Majeure en 1644, Christine est couronnée en 1650. Les préoccupations de son entourage se portent sur la pérennité de la dynastie, et donc sur les projets de mariage. Le premier prétendant n'est autre que son cousin Charles-Gustave (le futur Charles X), mais Christine a une préférence pour le comte Magnus Gabriel De la Gardie.

Il était beau, et avait quatre ans de plus que la reine Christine. Elle le connaissait bien, car la mère de Magnus, Ebba Brahe, avait été la maîtresse de son père. Christine a toutefois en horreur les liens du mariage et va pousser son amant et favori à épouser Marie-Euphrosyne), la sœur de Charles-Gustave, donc sa cousine.

La reine Christine fut bientôt fascinée par le libertinage, elle se mit à dévorer les passages obscènes du Satiricon, puis se pencha avec curiosité sur les poèmes lesbiens.
Elle s’enticha d’un français nommé Bourdelot, qui sera « son professeur d’immoralité » : cet homme moitié abbé, moitié médecin l’avait guéri d’une fièvre. Il passait pour magicien, et eut bientôt une influence « néfaste » sur la jeune reine. Il détourna la reine du peu de foi qu’elle avait encore.

Le mécontentement gronde en Suède, à cause des manières de Christine, de son goût pour les modes étrangères, des dépenses exorbitantes de son sacre, de ses libéralités vis-à-vis de ses favoris et de ses invités. De plus, elle venait de prendre un nouvel amant, encore un, l’ambassadeur d’Espagne en Suède, le suave et séduisant Antonio Pimentel.

Refusant toujours de se marier, s'habillant en homme et fumant la pipe, les pamphlets de l'époque lui prêtent de nombreuses aventures aussi bien féminines que masculines. Mais en femme de caractère, elle fait front aux critiques.

ABDICATION ET CONVERSION

Elle annonce le 11 février 1654 son abdication. Christine négocie son abdication contre des donations. Elle quitte immédiatement la Suède et se convertit au catholicisme. Cette conversion d'un ancien souverain protestant représente une victoire symbolique dans la lutte de la papauté contre le protestantisme. Elle est accueillie avec faste à Rome le 20 décembre 1655.

MAITRESSE D’UN CARDINAL

Elle est logée au palais Farnèse et fait connaissance du cardinal Decio Azzolino avec lequel elle entretiendra une relation sentimentale jusqu'à la fin de sa vie.
A sa mort, en 1689, la reine le désignera exécuteur testamentaire. Les lettres de Christine sont le témoignage de l'amour qui unissait ces deux êtres.

Son caractère entier et sa liberté de mœurs ont tôt fait de lui aliéner ceux qui l'avaient reçue avec ferveur et le pape Alexandre VII va prendre ses distances.

Christine se fixera définitivement à Rome en 1668 et deviendra mécène des arts. Elle demeure dans le Trastevere au palais Corsini) qu'elle transforme en musée. Elle est l'amie des artistes comme le célèbre Bernini dont elle fera écrire la biographie à ses frais, apprécie les musiciens baroques. Elle obtient l'autorisation du pape d'ouvrir le premier théâtre public romain. En 1674, elle crée l'académie du Riario, qui deviendra l'Académie d'Arcadie, société de lettrés et d'artistes. Elle s'intéresse aux sciences et aux travaux de savants.

Convertie au catholicisme, elle reste tolérante dans un siècle qui ne l’est pas. Elle s'inquiète en 1686 du sort des protestants de France, qui doivent subir la politique des conversions es menées par le pouvoir royal. Elle critique plus particulièrement les dragonnades.

C’est à Rome qu’elle meurt en 1689, à 63 ans. Elle aura l’insigne honneur d’être une des deux seules femmes enterrées dans la basilique Saint Pierre.

LA SCANDALEUSE SEMIRAMIS SUEDOISE FAIT « EXECUTER » SON AMANT

L’argent suédois rentre mal. Christine fera en vain deux tentatives pour retrouver le trône de Suède, une autre pour devenir reine de Pologne et une troisième pour devenir reine de Naples.

En 1652, encore en Suède, elle rencontre Giovanni Monaldeschi (1626-1657), qui s’était rendu en Suède, à l'invitation du comte Magnus Gabriel De la Gardie, alors amant de la reine. Bientôt, celle-ci le remplace à ses côtés par le jeune Giovanni.

Lorsque Christine quitte la Suède, elle emmène Monaldeschi, le nomme grand écuyer et lui confie diverses missions d'ordre diplomatique.


Depuis la fin 1656, Monaldeschi entretenait une relation amoureuse avec une française avec laquelle le marquis décide finalement de rompre. Pour se venger, la dame fait parvenir les lettres du marquis à la reine. Celle-ci avait alors une nouvelle relation amoureuse en la personne du capitaine de sa garde personnelle, Ludovico Santinelli, comte de Pesaro.

Monaldeschi, souhaitant regagner les faveurs de la reine, tente de salir la réputation de son rival Ludovico Santinelli, en faisant croire que celui-ci écrit des lettres diffamantes sur la souveraine. Ludovico parvient à prouver sa bonne foi et la reine, qui possède par ailleurs les fausses lettres de Monaldeschi, décide alors de faire exécuter celui-ci.

Lors d’un voyage en France, persuadée de la trahison de Giovanni, elle le fait mettre à mort par ses gens à Fontainebleau le 10 novembre 1657.

Cette affaire embrassera Mazarin et Louis XIV et est à l’origine de son surnom de « Sémiramis suédoise ».

FEMME LIBRE, UNE FEMME SCANDALEUSE QUI AIMAIT LES FEMMES

La reine Christine a un physique ingrat. Elle est de petite taille, son visage a des traits irréguliers, mais ses yeux bleus donnent à son regard un éclat métallique qui peut séduire. Élevée à la dure, comme un garçon, elle affecte une apparence négligée et s'astreint à gommer toute féminité dans la façon de s'habiller et dans son comportement.

Rebutée par les liens du mariage, les chroniqueurs de son époque lui prêtent, outre ses nombreux amants, des expériences homosexuelles.

Près de deux mille ans après Sappho, une nouvelle femme va revendiquer son homosexualité -ou plutôt sa bisexualité, il s’agit de la reine Christine de Suède : elle s’habille en homme, elle refuse de se marier, couche aussi bien avec des hommes que des femmes.

Toute sa vie, ses amours seront également partagés entre les hommes et les femmes, tel celui pour Ebba Sparre (1626-1662), qu'elle appelle " Belle " dans des lettres enflammées.


Ebba Sparre était la fille du maréchal suédois Lars Eriksson Sparre. Sa beauté était célèbre. Est-ce en la voyant jouer le rôle de Vénus dans un ballet amateur que Christine tomba follement amoureuse d’elle ?

C’est une vraie passion qu’éprouva Christine à l’égard de la superbe comtesse Ebba Sparre. Lorsque Christine a quitté la Suède, elle a continué à écrire des lettres d'amour passionnées à Ebba. Elle fit épouser à Ebba le frère de son amant Magnus.

Parmi les amantes de Christine, on peut aussi citer :

• Jane Ruthven, fille d’un noble écossais, qui avait été général en Suède.

• Louise van der Nooth, née en 1630, autre dame d’honneur de la reine, qui était la fille d’un colonel hollandais. Veuve, sa mère s’était remariée en Suède. Louise devint dame d’honneur de la reine, qui l’appréciait tout particulièrement, au point de lui remettre 6.000 talers au moment de son départ de Suède.

• Rachel Silva, nièce de son homme d'affaire à Hambourg.

À Lyon, lors de son voyage en France, la belle marquise de Ganges (1635-1667), se baignant, la trouble. Au Louvre, où ses manières de soudard choquent, elle y frôle le corps de la célèbre courtisane Ninon de Lenclos, dont nous reparlerons.

On ne peut manquer d'évoquer la rencontre en 1656 de Christine de Suède avec Ninon de Lenclos (1620-1705), alors en résidence surveillée chez les religieuses de Lagny pour la punir de son « libertinage».

Christine, au bout de deux heures d’entretien, aurait demandé à Ninon de se mettre nue devant elle ; et celle-ci se serait exécutée, « avec une grande lenteur et des gestes savants »

CHRISTINE, FEMME MODERNE ?

La reine Christine incarne ce que l’on peut trouver de plus complexe et de plus contrastant dans une personnalité. Christine de Suède apparaît comme un personnage complexe : entière, quasiment frénétique dans ses engouements, ni belle ni élégante…

Christine de Suède mérite notre attention, parce qu'en tant que femme, elle pose aujourd'hui encore, des questions sur ce que nous appelons : « féminité » et « masculinité »

Passionnée, dispendieuse, criminelle, savante, amie des plus grands érudits de son temps, comme le philosophe Descartes, telle fut Christine, qui régna sur la Suède ; Il y a une grande modernité chez ce personnage, femme de pouvoir et de culture aux mœurs libres, qui renonça au mariage et s’habillait en homme. Son indépendance et son esprit suscitent encore aujourd’hui fascination et admiration

La reine Christine était laide et séduisante, plus mâle que les hommes de guerre, plus politique que ses diplomates, plus érudite que ses savants.

Tiraillée entre le masculin et le féminin, entre foi et savoir, entre la rigueur de Luther et les splendeurs du catholicisme, entre son amour pour les femmes et l’Etat qui exige un héritier, Christine de Suède cherchait la vérité, sa vérité - en dépit de la rapacité des nobles, de l’ardeur des prétendants, de la folie de sa mère et surtout, en dépit des fulgurances de ses propres passions.

CHRISTINE ET MOI

J’ai choisi de parler de Christine dans cette rubrique consacrée aux grandes libertines de l’histoire, parce qu’incontestablement, dans sa manière de vivre, elle en fût une. Ses choix ont choqué son époque et l’ont d’ailleurs conduit à choisir sa liberté plutôt que le pouvoir.

Le de son amant Giovanni Monaldeschi ne peut évidemment qu’inspirer l’horreur.

Il était cependant important que, dans ces récits, il y ait aussi des femmes bisexuelles ou lesbiennes, et il y en aura d’autres, dont je parlerai, que leur bisexualité soit contestée (comme la reine Marie-Antoinette) ou avérée (comme Lady Hamilton, Juliette Récamier, Mme de Staël, Colette), qu’elles soient bisexuelles (comme Simone de Beauvoir) ou lesbiennes exclusives (comme Natalie Clifford Barney ou Renée Vivien)

Il est toutefois à noter que, malgré mes recherches, Christine de Suède est la première bisexuelle assumée dont je parle depuis la poétesse Sappho !

Cela ne veut pas dire que le saphisme avait disparu entre temps, mais seulement qu’il était l’objet d’une telle répression sociale et religieuse qu’il était soigneusement dissimulé, y compris dans les classes dites supérieures. Il en était d’ailleurs de même en ce qui concerne l’homosexualité masculine, pour laquelle la répression, pouvait aller jusqu’à la mort.

En assumant sa bisexualité, en l’affichant, Christine a marqué une rupture et a été pionnière. De ce point de vue, elle mérite d’être célébrée pour avoir fait avancer la cause des femmes.

La bisexualité est, bien évidemment, le point qui me rapproche de Christine de Suède. Comme elle, je suis une femme qui aime les femmes. Il est vrai que, depuis 4 ans, mon comportement a changé. Ma bisexualité n’est plus (sauf dérapage, mais ils sont rares sur ce point) un aspect de mon hypersexualité car je suis amoureuse d’une femme, Agun, que je considère comme mon épouse. J’en ai parlé récemment.

La masculinité de Christine vient de sa plus tendre enfance. Bien évidemment, je récuse absolument l’image de la lesbienne au look de camionneur. Pour aimer les femmes, pas besoin de vouloir ressembler à un mec ! Au contraire, c’est la féminité qui m’attire chez une femme et qui a fait aussi mon succès auprès de mes amantes.

Christine de Suède a prouvé aussi qu’on pouvait être libertine, avoir du charme et du succès, sans être belle. Chez Christine, son esprit était un des éléments essentiels de sa capacité de séduction. Comme elle, je pense que l’intelligence, la culture, l’amour des lettres, des arts, de la musique, fait partie de ce qui fait la séduction d’une personne. C’est même un élément essentiel pour une relation durable. C’était un élément essentiel dans mes sentiments pour mon père, homme pétri de culture, de mythologie et d’histoire. Et c’est évidemment au cœur de mon couple avec Philippe !

PRINCIPALES SOURCES SUR LE WEB

Voici les principales sources utilisées pour préparer ce post :

« Les Scandaleuses, Christine Vasa, reine de Suède : http://www.logpateth.fr/blogpress/?p=1870

Le blog « il était une fois le féminin » : http://eve-adam.over-blog.com/2015/01/christine-de-suede-une-femme-hors-norme-1-4.html

Le blog « la plume et le rouleau » : http://laplumeetlerouleau.over-blog.com/article-4084064.html

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