Road-Trip - L'Histoire De Stéphanie
Road-trip, lhistoire de Stéphanie.
Quand jai écrit Road-trip, mon objectif était de raconter lhistoire de Sophie et de Vincent.
Si vous navez pas lu ce chef-duvre (si, si, je vous assure ! Vous me connaissez, je suis modeste, mais là sans me lancer de fleurs, cétait du bel ouvrage ...), allez-y, je vous le conseille. Et puis ça sera plus facile pour comprendre le récit que vous avez sous les yeux aujourdhui.
Si vous lavez déjà lu, allez le relire.
Aujourdhui, ce nest pas une suite que je vous propose. Ce nest pas Road-trip 2. Raconter la suite de lhistoire de Sophie et de Vincent na pas vraiment dintérêt. Ils saiment et ils vivent heureux, selon les dernières nouvelles quils mont données. Ça ne fait pas une histoire tout ça. Et franchement, je les apprécie plutôt les tourtereaux et je nai pas envie dinventer des désagréments pour eux, afin de faire une suite. Déjà quau début de Road-trip, ils nont pas été épargnés ! Laissons- les à leur bonheur parfait. Ils le méritent largement.
Une fois mon histoire terminée et publiée, même si jétais contente davoir fait vivre une belle histoire damour à Sophie et à Vincent, il restait un personnage secondaire, dont je nai pas développé les sentiments, ni la psychologie : Stéphanie.
Stéphanie, on la oubliée sur le bord du chemin au milieu de Road-trip. Stéphanie était un faire-valoir pour mon histoire, rien de plus, un personnage secondaire. Cétait la méchante du premier épisode, en quelque sorte. Son cas était réglé, à ce moment-là.
Je me suis dit ensuite, que les choses nétaient pas aussi simples que ça, tout nest pas noir ou blanc. Je me suis dit aussi que peut-être je devais à Stéphanie la possibilité de sexpliquer (ce quelle na pas pu faire dans Road-trip).
Voilà donc aujourdhui, lhistoire de Stéphanie.
Prêts ? On y va alors
Huit mois ! Huit mois déjà que je suis seule.
Cette soirée, ce samedi soir, jy repense tous les jours, comme si cétait hier, la scène est gravée dans mon esprit. Vincent qui me fait face, ses regards, ses mots, durs, froids, qui fusent, qui me crucifient
Huit mois de solitude, de mal-être, de déprime. Jai essayé en vain de reprendre le dessus, de passer à autre chose. Compliqué, impossible même. On ne peut pas passer au-dessus de ça. Je vais devoir vivre avec, toute ma vie. Il va pourtant bien falloir que japprenne. Pour linstant, huit mois après, je ne sais pas faire.
Huit mois, tout juste dailleurs, jour pour jour. Une date anniversaire en quelque sorte, mais quon ne fête pas.
Huit mois, comme les huit mois que jai passé à tromper Vincent. Lerreur de ma vie.
Javais tout, et jai tout perdu. Perdu ? Non, j'ai tout gâché, plutôt. Quand on perd quelque chose, on peut parfois le retrouver.
Pourquoi jai fait ça ? Je me pose la question tous les jours. Il ny a pas un jour, pas une heure qui passe sans que je retourne tout ça dans sa tête. Cest la pensée qui occupe mon esprit quelques secondes après mêtre réveillée. Systématiquement. Celle avec laquelle je mendors le soir.
Pour quel profit ? Du plaisir ? Oui, jen ai eu avec Emeric. Un amant, cest autre chose quun mari, bien évidemment. Pas au niveau de lintensité, ni au niveau du ressenti. Non, cest autre chose. On brave linterdit, on joue avec cet interdit
Le plaisir est différent, le plaisir de la digression, de passer la ligne blanche. Cest sans contrainte un amant, il ny a que les bons côtés, jamais la pression du quotidien quon a avec son mari. Que des bons moments. Enfin des bons moments ? A linstant T, parce quaprès, je me maudissais. « Pourquoi jai fait ça », ça revenait comme le refrain dune chanson. Après la redescente, les remords. Et pourtant, jy retournais. Comme une e. Je minventais des excuses, je minimisais mes actes, ma faute, les implications de tout ça.
Quest-ce que javais à reprocher à Vincent ? Mais rien du tout, cest ça le pire. Il était parfait. Linfidélité ne va pas toujours de pair avec un couple qui ne fonctionne plus. Un paradoxe ? Je nen sais rien, ce que je sais cest que je lai fait. Il ne me manquait rien dans mon couple. Jai peut-être voulu vivre quelque chose dinédit. Avoir encore plus de plaisir. Le syndrome du toujours plus !
Je me suis souvent posé la question du pourquoi. Sauf que dès le début, jai ressenti de la culpabilité. Cest bien la preuve que je faisais fausse route. Pourtant, jai continué. Je nai pas écouté la petite voix qui me disait que je faisais nimporte quoi.
Jai tout de suite vu que Vincent ne passerait pas à autre chose, quil ne pardonnerait pas. Son regard, ce soir-là, fixé dans le mien, dur, inflexible. Ce regard que jai été incapable de supporter sur le moment. Javais trop honte. Jai compris aussitôt le mal que je lui ai fait. La véritable portée de mes actes mest apparue. Je lai ressenti comme une paire de claques dans la figure. Cétait au-delà de la tromperie, du sexe. Cétait de la trahison pour lui.
Dans un premier temps, je nai pas insisté. Je me suis dit quavec un peu de temps, il reviendrait peut-être là-dessus. A chaud, cétait impossible, surtout après ce quil a vu. Jétais en mesure de le comprendre. Je me suis dit quavec un peu de temps, il adoucirait sa position. On pourrait en discuter, mettre de côté la passion, la haine presque chez lui.
Et puis nous nous sommes revus, quand quelques jours plus tard, je suis retournée chez nous, enfin, ce nétait plus chez moi, pour récupérer mes affaires. Jai essayé de parlementer, de lui dire ce que javais sur le cur. Cest là que jai compris que cétait définitivement terminé. Il a eu cette phrase :
« Je suis sûr que tu es sincère quand tu me dis que cest moi que tu aimes, que cette histoire avec Emeric ne représente rien, que tu as été dépassée par les évènements.
Ces mots étaient définitifs. Ils ont été prononcés sans colère. Jai vu que cétait murement réfléchi. Même sil ma dit quil maimait encore, jai bien compris que cétait terminé.
Il me reste cette image. Celle du dernier regard que jai lancé à Vincent, alors que je quittais lappartement avec mes deux valises. Plusieurs années de vie de couple dans deux valises. Je me suis retournée alors quil était debout dans le salon. Nos regards se sont croisés. Il a failli dire quelque chose, mais il sest tu. Son regard sest baissé et il a regardé le tapis. Des regrets ? Du dégout ? Quest-ce quil ressentait ? Du dégout, je ne crois pas.
Jai franchi la porte de lappartement, laissant derrière moi, lavenir, la joie, lattente, tout ce qui manimait avant, le bonheur en quelque sorte. Ces sentiments ont disparu, comme leau aspirée par le siphon de lévier. Le bruit de la porte claquée derrière moi a longtemps résonné dans ma tête. Arrivée sur le trottoir, jai jeté un regard vers les fenêtres de lappartement. Jai vu la silhouette de Vincent qui me regardait. Nous sommes restés une trentaine de secondes ainsi, puis il sest détourné.
Après quelques jours, jai pu vraiment tirer un trait
faire le deuil de notre amour. Mes maigres espoirs de recoller les morceaux sétaient écroulés, aspirés avec leau sale dans lévier. Les films que je métais faits, les quelques espérances que jentretenais, tout ça a été balayé.
Je le comprenais bien sûr. Si cest lui qui mavait fait ça, je reste persuadée que jaurais mal pris les choses.
Parce que la coupable, cest moi. La responsable de ce désastre, cest moi. Un désastre, oui, le mot est bien adapté. Tout ça pour quoi en plus ? Quelques séances de baise? Une quinzaine en huit mois. De la baise, oui, cétait bien ça.
Et puis ces trois jours à lhôtel
Là, je me suis surpassée.
Je ne souhaite pas me défausser, mais jai souvent été passive dans laffaire, une suiveuse. Bien sûr, je pouvais dire non à Emeric, mais cest lui qui a provoqué cette liaison lors des vacances. Cest lui qui a insisté pour quon puisse se revoir après les vacances. La vidéo, cest lui toujours. Lorganisation de ces foutus trois jours, encore lui.
Bien entendu je pouvais dire non, à chaque fois. Je ne lai pas fait. Jy trouvais mon compte ?
Pas complètement, parce quà chaque fois après, javais honte de moi, oui, je sais, je rabâche, je lai déjà dit. Mais cest vrai. Quand je suis rentrée ce samedi matin de ce prétendu séminaire, croyez-moi, je nai jamais été aussi mal de ma vie quand il a fallu passer la porte de notre appartement et faire face à Vincent. Je narrivais pas à le regarder.
Je nétais pas bien, dès les premiers jours, javais honte de moi. Je métais laissée embarquer dans ce truc, passer trois jours dans un hôtel de charme à une demi-heure de chez nous avec Emeric. Jai réussi à faire bonne figure, mais ça a empiré le vendredi. Je ne savais pas comment gérer la culpabilité qui me rongeait. Tout laprès-midi, jy ai songé, mes collègues me regardaient dun drôle dair, ils voyaient bien que jétais absente, ailleurs.
Jai voulu tout arrêter, rentrer, tout effacer, passer la soirée et la nuit avec Vincent, je voulais lui dire quil me manquait, me jeter dans ses bras, my réfugier. Jai quitté le bureau plus tôt, pour passer récupérer mes affaires à lhôtel et laisser un mot à Emeric. Jai même consulté les horaires de TGV, pour rendre mon retour anticipé plus crédible auprès de Vincent et calculer mon heure darrivée. Pas de bol, Emeric était déjà là. Je lui ai annoncé mon intention. Une fois de plus, jai été faible, il ne ma pas laissé partir, il ma convaincue, ma dit quon partirait tôt le lendemain matin. Je suis restée. Jai grillé une chance de plus. Peut-être que si jétais rentrée ce vendredi soir, Vincent aurait pu me pardonner. Jai aussi et surtout grillé le peu de considération que javais encore de moi. Mon amour-propre a une fois de plus été roulé dans la farine. Jen veux à Emeric, mais je men surtout à moi-même.
Le lendemain matin, Emeric, ma fait perdre mon temps, il voulait quon couche ensemble une fois de plus, cette fois, je lui ai résisté, je me suis énervée. Javais vraiment décidé de tout arrêter avec lui, mais jai encore tergiversé, repoussant la rupture à plus tard. Je suis partie en retard de lhôtel, jai encore dû inventer le mensonge de plus, le retard du soi-disant TGV.
La honte ! La honte de ce que jai fait, bien sûr. La honte de mettre laissée emportée, davoir été aussi passive.
Jai surtout eu honte des mensonges que jai servis à Vincent. Cest ce qui me taraude le plus encore aujourdhui.
Une succession de mensonges et de dissimulations. Jai été prise dans lengrenage. Il fallait toujours en rajouter une couche. Quand on entrouvre la porte au mensonge, on nen sort plus, la spirale infernale. Un en appelle un autre, cest sans fin. Cest de ça que jai le plus honte. Pas seulement davoir baisé. Cest ça qui me rendait malade à lépoque, les mensonges. Et pourtant, jai continué
Ma vraie tromperie, elle est là.
Le summum a été atteint avec ces trois jours. Là, il a fallu bâtir un scénario, une suite de mensonges.
Moi qui parlais toujours dhonnêteté et de franchise comme base dune relation humaine, quelle soit amoureuse, amicale ou même professionnelle, jai inventé pendant huit mois plus de mensonges que pendant tout le reste de ma vie. Pour ça en plus, pour cette tromperie. Mes principes je les ai trainés dans la boue.
Pire, jai menti à Vincent en le regardant droit dans les yeux.
Jai merdé dans les grandes lignes. Céder à Emeric, je navais quà dire non.
De la faiblesse ? Oui surement. Soyons tout de même honnête, je ne peux pas complètement rejeter la faute sur Emeric ? Il ne ma pas e à le faire. Jétais consentante. Comme on dit lhomme propose, la femme dispose !
Jai cédé pendant les vacances, je me suis laissée emporter. Elles étaient tant attendues ces vacances, après les confinements. Elles avaient un doux parfum de liberté retrouvée, dinsouciance. Jai perdu la tête, jai oublié les bases de mon couple, de la fidélité
Jai dit à Emeric que cétait terminé. Une fois, une seule, une folie, ça peut se comprendre.
Oui, ça peut se comprendre, à la seule condition de ne plus recommencer. Une faiblesse passagère ça peut arriver, Vincent aurait peut-être pu laccepter, me pardonner. Cest ce que javais lintention de faire. Emeric a voulu remettre ça le lendemain. Jai refusé tout net. Une fois, une seule, sur un coup de tête, oui. De toute façon, Vincent ne laurait jamais su. Pourquoi sêtre lancés dans cette relation suivie ? Là on est entré dans la trahison, la vraie, dans ladultère organisé.
Parce que jai été faible. Quand Emeric ma relancée après les vacances, je lai à nouveau repoussé, une fois, deux fois, trois fois. Je me suis même fâchée une fois au téléphone avec lui devant son insistance. Enfin, avec le recul, jai peut-être fait semblant de me fâcher seulement. Parce que jai fini par dire oui.
A ce moment-là, pour moi, au début, ce nétait pas grave finalement, pas de sentiments, que du sexe. Javais bien entendu limpression de tromper Vincent, dêtre une femme infidèle. Il ne lapprendrait pas. Je me sentais capable darrêter quand je voulais, de gérer. Et je gérais. Oh pour gérer, je gérais. Le nombre de choses que jai inventé pour Vincent, le nombre de faux prétextes, dexcuses bidons pour justifier mes retards et dexcuses tout court que je minventais à moi-même.
Parce que oui, jai trahi Vincent, mais je me suis aussi auto-persuadée du côté futile de cette relation de pacotille.
Des remords ? Oui, jen avais, des doutes aussi. Je ne suis pas si insensible, ni aussi naïve. Jen ai eu bien entendu rapidement et à chaque fois. Aussitôt la première fois, même. Comme je le disais tout à lheure, quand Emeric a voulu le refaire le lendemain, jai refusé. Je lui ai dit que cétait une erreur, quil ne fallait pas, quil ne fallait plus du moins. Je me suis sentie mal pour Vincent, pour Sophie aussi.
Mais je lai refait. Je me suis dit que tant que Vincent nen savait rien, ça restait confort. Que mon amour pour lui restait entier. Que ça navait rien à voir. Jai cloisonné. Ça même avec le recul, jen suis toujours convaincue aujourdhui. Jamais mon amour pour Vincent na faibli. Cest peut-être ça le pire finalement.
Et puis il a fini par savoir. Quoi lui dire à part des platitudes. Rien, je navais rien à lui dire. Je navais rien pour ma défense. Ce que jai fait est indigne. Indigne de moi, indigne pour notre couple. Indigne pour Sophie aussi, nous étions amies.
Ça finit toujours pas se savoir, cest obligé. Comment jai pu croire que jallais passer au travers.
Je me suis cherchée des excuses. Un peu facile, comment excuser ce que jai fait ?
Je ne peux men prendre quà moi-même.
Mon comportement, le fait que finalement, jai vécu cette histoire assez passivement, mapparait aujourdhui, avec le recul, comme extrêmement normal. On a tous grandi au sein dune éducation nous vantant les mérites de lamour éternel, des princesses, que linfidélité cest mal. Je répétais avant tout ça quuntel était un salaud, parce quil cocufiait sa femme, ou que Madame X était une salope parce quelle enchainait les aventures. Cest le fruit de léducation, limage que revoit la société. Ainsi, lorsque moi aussi jai été rattrapée par linfidélité, il ma été impossible daccepter limage de salaud ou de salope que jai collée aux autres pendant des années, à tous ces gens que jai jugés en me pensant si intouchable. Chercher à nier, à minimiser ma faute, à me cacher derrière mon petit doigt pendant huit mois, cest parce quil métait difficile, voire impossible de se dire quen fait cest MON choix, MA décision et que je suis devenue ce quon ma appris à haïr durant la quasi-majorité de ma vie.
A lépoque, je nai pas mesuré ce qui pouvait arriver. Maintenant, je le mesure parfaitement. Je lai fait, je paye mes fautes. Au prix fort, en plus. Je dois assumer les conséquences. Ces conséquences que jai prises en pleine face, que je prends encore dailleurs. Le temps ny fait rien. Du moins, il en faudra encore beaucoup de temps pour que ça satténue.
Lamour apporte tellement de joie, de plaisirs. Mais lamour fait aussi tellement mal, amène tant de peines parfois. Mais ces peines, cest moi qui les ai provoquées.
Même après notre dernière conversation, jai eu lespoir quavec le temps Vincent puisse me pardonner. Un faible espoir, mais un espoir tout de même. Enfin, jessayais de men persuader plutôt. Oh pas tout de suite, avec le temps. Malgré les mots quil ma dits et qui semblaient définitifs, je maccrochais à ça tout de même.
Puis, par un ami commun, jai appris quil était en couple avec Sophie.
Comment leur en vouloir à tous les deux ? Sophie et Vincent ont souffert, à cause de moi. Ils se sont trouvés. Je ne peux men prendre quà moi.
Jai pleuré quand jai appris que cest à loccasion dun voyage en Italie. Que ce voyage, Vincent lavait préparé pour nous deux à la base, quil voulait men faire la surprise.
Après une période de forte déprime les premiers temps, je reprends un peu le dessus. Je vais mal, toujours, mais je survis plus ou moins, dirons-nous, après lécroulement initial qui a suivi notre rupture.
Malgré tout, chaque jour, je dois affronter le regard de ceux qui savent. Le regard de ma sur en premier lieu, chez qui jhabitais. Je ne suis que trop consciente de ce que jai fait. Il est inutile quon me le rappelle sans arrêt. La double peine en quelque sorte. Ces regards, ces allusions, je ne les supportais plus. Mon image de femme parfaite, à qui tout réussit, sest bien fissurée dun seul coup.
Afin de ne pas se fâcher avec ma sur, jai commencé à chercher un appartement rapidement.
Les affaires avaient été partagées entre Vincent et moi. Ce que jai gardé se trouvait chez un garde-meubles.
En partant de chez ma sur, jai pu profiter quelques temps, de lappartement dun ami, Nicolas. On se connait depuis le lycée, lui et moi. Il devait partir pour une mission au Canada de plusieurs mois.
Nicolas et moi, on se parlait souvent. Nous avions tous les deux le cur brisé. Ça rapproche, même si cétait pour des raisons différentes. Nous étions séparés tous les deux depuis peu. Bon Nicolas, cest sa copine Sarah qui lavait trompé. Même si les circonstances sont opposées, on a mis notre mal-être en commun. Peut-être que le fait den parler provoquera chez Nicolas, lenvie de pardonner à sa copine.
Je logeais donc chez Nicolas. Ça me laissait du temps. Du temps pour quoi faire ?
Pour refaire ma vie ? Franchement, je ne me projetais pas là-dessus. Refaire ma vie, retrouver quelquun, je ne limaginais pas. Je nen avais pas envie. Vincent était trop présent dans ma tête pour que ça soit envisageable.
Jai toujours aimé le sexe, mais depuis huit mois, cest labstinence. Ça ne me gêne pas, je nai plus denvies, plus de libido. Une fois, jai failli terminer la soirée avec un garçon rencontré lors dune fête où mavait trainé une copine. Cétait il y a un mois.
Nous avons un peu flirté. Jétais plutôt mal, pas à laise, mais jai essayé de jouer le jeu. Je me suis dit que ça pourrait me faire du bien, me changer les idées, maider à repartir. Au dernier moment, jai pris peur et je suis partie laissant en plan le pauvre garçon devant son immeuble. Il na rien compris, je suppose. Impossible pour moi de mimaginer coucher avec lui. Impossible de coucher avec qui que ce soit. Mon cerveau narrivait pas à lassimiler. Quelque part, je me punis avec ce blocage. De lauto-flagellation en quelque sorte. Si javais consulté des psys, cest surement ce quils mauraient dit.
Cétait Vincent qui occupait mon esprit. Pendant toute la soirée déjà, je mimaginais avec Vincent. Tour à tour, je me voyais dans ses bras ou bien jimaginais Vincent mobserver avec ce garçon avec un regard désapprobateur.
« Excuse-moi, ce nest pas toi, cest moi », lui ai-je dit en tournant les talons et en courant vers la station de taxis les larmes aux yeux. Quel fiasco !
Voilà ma vie. Boulot, maison, dodo, boulot ...
Quasiment pas de loisirs, peu de vie sociale. A chaque fois que je tente den avoir, cest un échec.
Quelques copines ne me lâchent pas. Mais jévite parfois de les voir. Jai le sentiment de les embêter avec mes histoires.
Souvent, tous les jours même, Je me pose la question de savoir si cest mieux de ne jamais avoir connu le vrai bonheur, ou bien de lavoir pleinement vécu pour quil disparaisse ensuite.
Emeric ?
Je ne lai pas revu depuis cette soirée, il y a huit mois.
Après le départ de Vincent et Sophie, nous nous sommes enguelés. On sest rejeté la faute lun sur lautre. Ce con dEmeric nassumait rien, ne se sentait responsable de rien. Je le traite de con, mais à ce moment-là, je nassumais pas grand-chose non plus. Enfin, je commençais tout juste à me rendre compte de la portée de ce qui marrivait.
A 22 heures, jai appelé ma sur et je suis partie chez elle.
Depuis, Emeric a essayé de son côté de me recontacter. Le salaud, il voulait quon se revoie.
Je lui ai raccroché au nez. Il navait même pas la perception de sa responsabilité dans cette histoire. Pour lui cétait Sophie qui exagérait, qui en faisait trop. Il ne la pas dit, mais pour lui, par extension, cest moi, qui aurais initié cette relation. Tout juste si cest moi qui lui ai sauté dessus lors de cette semaine de vacances. Tout juste si je ne lai pas allumé avant. Je nai, certes, pas dit non, mais cest bien lui qui a pris toutes les initiatives.
Franchement, avoir tout gâché, avoir menti à Vincent, lavoir trompé, avec un connard pareil, encore une désillusion de plus.
Aujourdhui, je viens de recevoir un SMS, de mon amie Marie. Je ne lai pas vue depuis un an. On se connait depuis lécole maternelle. On a fait les quatre cents coups ensemble : s, ados et quand on était jeunes. A chaque âge, ses conneries et on les a toutes faites ensemble.
Marie est partie il y a trois ans pour le Laos, travailler pour une association humanitaire. Elle fait la classe à des s à Vientiane, la capitale du pays.
Elle est de retour en France pour les fêtes de fin dannée, et bien sûr, elle veut quon se revoie, comme à chaque fois quelle est de retour au pays.
Marie est arrivée vers 19 heures, pour passer la soirée avec moi. Elle connait bien entendu ma situation. Nous échangeons par mail régulièrement et je lui ai annoncé ma séparation, puis mon divorce. Un reste de pudeur, même vis-à-vis de ma plus ancienne amie ma empêché de métendre sur le sujet. On a juste échangé des phrases bateau du genre « cest la vie », « ça arrive à tellement de couples » :
- Alors raconte-moi Steph. Comment cest possible, vous étiez le couple parfait, comment vous en êtes arrivés là ?
- Tu sais, les aléas de la vie
- Allons dis-moi, vous étiez fusionnels, jamais un aléa de la vie naurait pu vous séparer. Vous étiez assez forts pour passer au-dessus de tout ce qui pouvait vous tomber dessus.
- Oui, je sais ...
Une larme a perlé au coin de mon il et a coulé sur ma joue :
- Excuse-moi Steph, je ne voulais pas être indiscrète.
- Non, je sais, pas toi.
- Tu sais, lors dune séparation, on a souvent pas grand monde à qui se confier. Depuis le temps quon se connait toutes les deux, quon est confidente, tu peux y aller et me parler. Tu sais que je ne te jugerais pas.
Je me suis lâchée et jai tout raconté à Marie. Cest la première fois que je pouvais parler de ça avec quelquun, vraiment en parler du moins, mettre mes tripes sur la table. Je pleurais bien sûr, mais franchement sortir tout ça, dire ce que je ressentais, ce que jai ressenti, ma fait un bien fou. En quelque sorte je me suis exorcisée, jai évacué une partie de mon mal de vivre :
- Cest des choses qui arrivent.
- Oui, mais jai merdé dans les grandes lignes, comment aurait-il pu me pardonner ! Tu parlais tout à lheure de notre couple avant, de ce que nous étions lun pour lautre. Jimagine bien quil a ressenti tout ça, comme la pire des trahisons.
- Le truc, cest que je pense, malheureusement pour toi, que cest définitif. Autant, je reste persuadée que Vincent taurait pardonné à un moment donné, autant là, sil a trouvé quelquun dautre, cest foutu. Il est entier, il ne reviendra pas là-dessus.
- Je ne peux pas lui en vouloir de ça. Mais oui, jai perdu tout espoir de le reconquérir un jour.
- Bon, tu nas plus dattaches, tu es dispo, pourquoi ne viendrais-tu pas avec moi ?
- Où ça ? Au Laos ?
- Oui, au Laos. Oh, pas définitivement, pour quelques temps, quelques mois. Changer de vie même pour un temps court, te ferait du bien. Au retour tu serais prête à repartir du bon pied.
- Je ne sais pas
Et puis il y a mon boulot. Ils ont besoin de moi. Je nai plus que ça le boulot. Cest ce qui me permet de tenir le coup.
- Déjà, nulle nest irremplaçable. Et puis, tu ne pars pas pour dix ans.
- Oui
Je ne sais pas
Cest sûr que depuis le Covid, je nai fait que bosser. A part ces foutues vacances au Pays Basque. Jai pas mal de jours à prendre
- Tu nas plus aucune attache ici. Personne qui tattend le soir. Tu nes pas obligée de rester des années. Deux mois, trois mois, six, tu verras
- Je ne sais pas
Ça me tente
Avec tous les congés et RTT accumulées, jai au moins un mois et demi à prendre Je pourrais demander un congé sans solde en plus.
- Ça serait super Vraiment ! Tu pourrais facilement passer à autre chose, crois-moi. Cest lendroit rêvé pour ça. Les Laotiens ne sont pas riches, mais ils partagent tout ce quils ont. Tu ty sentiras bien. Et puis on sera ensemble ! Réunies comme avant. Le duo infernal !
- Je ne sais pas
Cest sûr quavec toi, ça va me changer les idées. Tu mas manquée toutes ces années. Cest sûr quavec toi ici, tu maurais empêchée de faire cette connerie. Du moins, tu maurais tout de suite arrêtée.
- Alors cest oui ?
- Et je ferais quoi là-bas ?
- Bah tu pourrais travailler pour lassociation !
- Je ne suis pas capable de faire maitresse décole.
- Oh tu sais, ce nest pas compliqué. Mais je pense à autre chose. Notre économe vient de rentrer en France. Le suivant narrivera que dans six mois. En attendant on est dans la mouise. Tu pourrais assurer ça pendant le temps de ton séjour. Même si tu ne restes pas six mois, ça rendra un sacré service.
- Econome ? ça consiste en quoi ? Jai les compétences ?
- Mais oui
En fait ça consiste à tout faire, tout organiser, tout prévoir. Complètement dans tes cordes.
- Ça je sais faire. Cest ce que je fais tous les jours au boulot
- Je fais un mail demain à Matthieu, le responsable de lassociation sur place. Il va être trop content. Il ne sait pas comment sorganiser pendant ces six mois. Si tu prends les choses en main au moins quelques temps, cest toujours ça de gagné. Tu nous enlèves une sacrée épine du pied.
- Vu comme ça
- Et puis, tu toucheras un petit salaire. Oh, ça ne sera pas mirobolant. Mais si tu prends un congé sans solde, tu ne resteras pas sans ressources. En plus, là-bas on na pas besoin de grand-chose pour vivre. On a quelques jours pour peaufiner tout ça. Je repars mi-janvier
Jai accepté. Un peu réticente au départ, je me suis rangée derrière les arguments de Marie. Cest certain que ça me changerait radicalement les idées. Un autre pays, une autre culture, travailler pour une association, surement une belle expérience, ça ne pouvait que mêtre bénéfique.
Au boulot, ils ont un peu fait la gueule que je leur ai annoncé que je prenais tous mes jours de vacances en retard et un congé sans solde à la suite. Trois mois sans moi, comment allaient-ils faire ? Quils se débrouillent ! Comme la dit Marie, nulle nest irremplaçable. Je ne mabsentais que pour trois mois. Depuis plus de dix ans, je me dévouais corps et âme pour la boite. Ils me devaient bien ça. Le fait que je mengageais dans lhumanitaire pour ce laps de temps a aidé à faire passer la pilule. Le fait que mon service était organisé et tournait comme une horloge suisse a fini de les convaincre que mon absence serait plutôt indolore. Mon adjoint assurerait pendant mon absence, il était autonome et connaissait les tenants et aboutissants du fonctionnement du service.
Marie a organisé une visioconférence avec Matthieu, le responsable de lassociation sur place. Il ma semblé être quelquun de très sympathique. Après, une demi-heure sur zoom, cest un peu juste pour se faire une idée dune personne. En tout cas, il était ravi de mon arrivée. Il la répété au moins dix fois.
Avant de partir, jai écrit une longue lettre à Vincent. Pour lui annoncer mon départ, et pour mexcuser du mal que je lui ai fait. Jai aussi fait une autre lettre à Sophie, pour lui dire combien je regrettais tout ça.
Vientiane !
Jobservais la ville depuis larrière du taxi qui nous amenait de laéroport. Je couplais mes impressions avec les commentaires de Marie.
Comme chaque arrivée dans une ville asiatique, cest le choc. Mais pour Vientiane, cest un micro-choc en fait. Vientiane est une petite ville.
En débarquent à Vientiane, la capitale du Laos, la première impression cest la chaleur lourde, humide qui vous tombe sur le râble, comme une chape de béton. Surtout après avoir quitté Paris quelques heures auparavant en plein hiver.
Nétant pas habituée à ce climat, les premières jours, je portais des shorts, débardeurs, petites robes, des vêtements dété tout simples que je portais en France. Et je me suis vite sentie en décalage par rapport aux femmes laotiennes qui sont pour la plupart en pantalon, teeshirt manches longues, jai très rarement vu des épaules dénudées ! Au début je pensais que cétait principalement culturel, mais pas tant que ça. Moi qui en short suis en nage, javais du mal à comprendre comment elles supportaient cette chaleur ainsi vêtues.
Pourtant, je nétais pas « dévisagée » mais je me sentais complétement hors-sujet, comme une intruse. Jai rapidement compris la vraie raison, du port de vêtements longs est la climatisation à fond dans les centres commerciaux, les bureaux, les voitures.
Lautre choc, cest la vie. Vientiane vit
tout le monde est dans la rue, travaille, se déplace. Pourtant Vientiane, bâtie sur les rives du Mékong est une petite ville, avec peu de circulation et dautomobiles. On est vraiment loin de la frénésie des autres capitales asiatiques, comme Bangkok par exemple. Vientiane est considéré comme le plus grand village dAsie. Mais Vientiane vit, bouge, est vivante. A toute heure du jour et de la nuit, les rues sont animées.
Larchitecture coloniale française se mêle aux temples à toits dorés et aux bâtiments de style soviétique plus récents. Vientiane est un mélange de belles maisons, de petits commerces, de marchés en plein air et de restaurants de rue.
Autres restes de lIndochine française, les boulangeries y sont nombreuses. On trouve des baguettes de pain sur les marchés.
Tous les panneaux sont en laotiens mais aussi en français, on est moins dépaysé en arrivant.
Troisième grande découverte, le peuple laotien. Et en me promenant dans la rue, les gens te disent bonjour amicalement, te font des sourires. Des s, des adultes
même les chauffeurs de tuktuk et de taxi ne sont pas là pour nous arnaquer. Ça mest arrivé plusieurs fois, en demandant le prix pour une course, les chauffeurs sortent une antisèche avec les prix de tous les endroits touristiques selon le nombre de passagers.
Je me suis installée chez Marie les premiers jours, en attendant que le logement de léconome, à côté du sien, se libère.
Quand nous sommes arrivées de Paris, léconome était en cours de déménagement. Il a eu juste le temps de me montrer le principal avant de rentrer.
Matthieu, le responsable de lassociation que jai rencontré, ma dit de me plonger à fond dans les dossiers en cours, dappréhender le tout, de prendre mon temps.
Cest ce que jai fait. Bon, à priori, lancien économe gérait comme un bon père de famille. Dannée en année, cétait la même chose, les mêmes dépenses, les mêmes entrées. Aucune originalité, rien qui ne déviait de lordinaire. Sans parler de prise de risque, la gestion cest aussi innover, aller de lavant. Sinon, les organisations se sclérosent et on en arrive au point où en était lassociation, le ronronnement, le stand-by.
Aussitôt, jy ai vu plein dopportunité de développement. Ça ma sauté aux yeux. Il y avait, à mon sen, de nombreuses possibilités
Jen ai parlé à Matthieu., qui ma dit de préparer un projet. Mais lassociation avait peu dargent, peu de dons ou subventions, on ne pourrait pas faire de folies.
Matthieu était un bon responsable pour lassociation, mais cétait un homme de terrain, un idéaliste. Il avait écouté ces dernières années son gestionnaire, terre à terre, lui dire quils navaient pas les fonds à chacune de ses idées de développement. A force, ça a dû devenir une évidence pour lui. Il ne se posait même plus la question de savoir sils pouvaient ou non. Il sest certainement bridé de manière inconsciente.
Il ma fallu deux semaines de travail acharné pour monter mon projet.
Je devais le présenter aux autres membres de lassociation lors dune réunion.
Jai relu mon dossier, pour bien me lapproprier, préparé des supports, pris quelques contacts en France et ici au Laos. Là-dessus, jétais pleinement dans mon élément. Mon expérience de ces dernières années ma beaucoup aidée, même si jabordais un sujet que je ne maîtrisais pas. Les méthodes restent les mêmes, malgré tout. Mes vieux réflexes dorganisatrice et de conduite de projet mont permis davancer vite.
Toutefois, jai essayé de ne pas faire une présentation trop « managériale », déviter la déformation professionnelle, dêtre dans lempathie et pas dans la gestion pure et dure.
Contrairement à mes expériences professionnelles précédentes, je nétais plus dans le même milieu, pas avec les mêmes objectifs, même si la finalité était la même, développer lactivité et au moindre coût :
- Bien, je vais vous présenter ma proposition de projet de développement de notre association. Je viens de le terminer. Je vous présenterai aussi les actions que je vous propose de mettre en place pour le faire vivre. Ensuite, nous pourrons en discuter.
Déjà, je vous remercie de votre confiance. Je viens darriver, jai peu de recul, je ne connais pas ment tous les tenants et les aboutissants, mais vous mavez fait confiance et mavez laissé carte blanche. Jespère que ce projet va vous convenir.
Marie en face de moi ma fait un clin dil et à croisé son index et son majeur en signe dencouragement.
Matthieu et les autres membres de lassociation mécoutaient concentrés :
- Dabord un simple rappel de ce que vous maîtrisez mieux que moi : notre raison dêtre. Là, je ne vais rien vous apprendre, vous connaissez tout ça mieux que moi, mais cest important de le préciser.
Nous intervenons dans le respect des valeurs du pays, de sa population et de ses traditions. Nous travaillons en direct avec la population en concertation avec les autorités locales. Nous gérons les budgets engagés, achetons nous-mêmes les fournitures ou contrôlons les achats effectués si ce nest pas le cas. Lassociation est indépendante de toute organisation politique, religieuse, caritative ou commerciale. En clair, nous sommes autonomes et responsables de nos actions et de la manière de les financer.
Toute aide nous est précieuse. Nous sommes une petite association, nous sommes peu nombreux. Les subventions et les aides que lon reçoit nous permettent de fonctionner, bien sûr, mais elles sont faibles et limitent nos actions.
Dans mes activités professionnelles précédentes, jai eu loccasion de faire des missions daudit, de plus les montages financiers et la gestion dune activité, jai fait aussi.
Nous nous occupons de léducation des s du pays. Notre action reste limitée, faute de moyens suffisants.
Rien que pour léducation, voilà en gros ce que nous pourrions ou devrions faire pour avoir une action efficace. Je précise que ce que je vais vous énoncer, cest les avis que jai recueillis parmi vous. Vos souhaits, vos idées :
Rénover ou construire de nouvelles salles de classe et des dortoirs pour les s venant de la campagne.
Fournir des kits scolaires, nous le faisons déjà, mais nous pourrions faire mieux.
Sensibiliser les s à lhygiène. Nous le faisons déjà mais il y aurait tant à faire sur le sujet. Lobjectif étant bien sûr daméliorer la santé des s en favorisant des bonnes pratiques dhygiène.
Construire un réfectoire dans les écoles et distribuer des repas aux s.
Organiser des activités extrascolaires, arts plastiques, informatique, cours de français et danglais par exemple, des animations sportives, culturelles, musicales par exemple.
Vous allez me dire que tout ça cest des vux pieux. Pourtant je peux vous dire que ce serait possible.
Pour cela, il faut diversifier et augmenter nos ressources.
Trouver des moyens de financement est le défi de la grande majorité des associations que ce soit dans les pays développés ou en voie de développement.
Trouver des mécènes est certes une solution mais rarement durable. Les mécènes sont volatiles. Il est de la responsabilité des associations de diversifier leurs sources de financement et daugmenter leur pourcentage dautofinancement.
Pour cela, le développement dactivités génératrices de revenus est nécessaire.
Toute aide nous est précieuse.
Ce que je vous propose cest un plan daction en trois axes :
Premier axe, revoir la manière dont nous finançons nos projets et comment nous engageons nos fonds
Aujourdhui, presque la totalité des subventions passent dans léducation.
Ce que je vous propose cest de récupérer ces sommes pour financer dautres projets :
- Comment ? On ne peut pas lâcher les s, on est là pour ça à la base, leur donner léducation
- Combien ds sont scolarisés dans nos deux écoles ?
- 80 à peu près, il ny a que trois instits ici, cest des laotiens, on doit les payer. Marie est responsable pédagogique, elle les chapeaute. Ils parlent tous les trois français, même si au bout de trois ans passés ici, Marie commence à se débrouiller en laotien, cest plus facile
- Avec trois instits, on nira pas plus loin, Ce que je vous propose cest de financer nos écoles autrement
- Cest-à-dire ?
- Le parrainage
- Le parrainage ?
Un parrain ou une marraine en France, un scolarisé, voilà le crédo. Les dons du parrain financent la scolarité, la fourniture des kits et certaines activités extra scolaires. Pour 100 euros par an, on peut faire beaucoup ici. Pour que ça fonctionne, il faut des parrains ou des marraines en nombre. Pour que ça fonctionne dans le temps, il faut créer le lien avec l parrainé. Envoyer des photos de l aux parrains, leur faire rédiger des lettres, pourquoi pas des contacts dématérialisés. Il faut tenir les parrains au courant des progrès scolaires des s. En clair les rendre partie prenante. Ce ne sont que les premières idées, nous pourrons en discuter ensuite ensemble. Une sacrée campagne de communication en France sera aussi nécessaire.
Autre point, le bénévolat. Il y a des cursus universitaires et des écoles dédiées à la solidarité et à lhumanitaire. Pourquoi ne pas passer des accords avec certaines dentre elles, pour recevoir ici des étudiants en stage.
Il nous faut un community manager, un responsable marketing, avec qui je pourrais travailler. Il faut que nous soyons actifs sur les réseaux sociaux, quand je parlais de campagne de communication, cest là où il faut frapper, les réseaux sociaux. Cest gratuit et ça touche de plus en plus de monde. il faut démarcher les entreprises, il faut monter ce projet « parrainage », le faire connaitre. 150 parrains ou marraines cest 150 s qui vont être scolarisés
Jai cherché sur internet, jai trouvé les coordonnées dune école, je les ai contactés, ils sont prêts à nous envoyer des élèves. La scolarité qui dure trois ans, prévoit au moins un an de stage sur le terrain.
Deuxième axe, les dons et les aides. Je travaillais avant de venir dans le domaine du recyclage des déchets.
Il y a quelques années un scandale a éclaboussé la boîte. Les déchets qui auraient dû être recyclés atterrissaient dans des décharges. Ils facturaient au prix fort le recyclage à des communes. La direction a changé, mais depuis ils rament pour redorer leur blason. Je vais contacter mon ancien directeur. Je suis à peu près sure que je peux le persuader de financer nos activités ici.
Autre chose, avant de quitter la France, en fin dannée dernière, jai discuté avec une collègue. Sa fille a eu son diplôme dinfirmière. Elle souhaitait faire un temps dans lhumanitaire.
Une infirmière sur place, ça peut nous aider sur le volet santé hygiène et prévention.
Troisième axe, les populations locales, les impliquer plus. Je vous parlais de recyclage des déchets. On pourrait mettre en place avec des étudiants ici les premières bases de protection de lenvironnement, le tout financé encore par mon ex-boîte. Je suis certaine quils marcheraient dans ce projet. Ils pourraient mettre ça en avant pour leur communication.
Donc pour résumer, augmentation des entrées, répartition des fonds différente, bénévolat et implication de la population locale.
Ça nous permet de développer notre activité première, léducation des s et en plus de diversifier nos actions, vers lenvironnement par exemple. Ça ne coutera pas des fortunes, puisque les dépenses seront pensées au cordeau et financées.
Un long silence suivit mon intervention. Mathieu restait coi.
- Bon, ça ne vous intéressé pas ? Cest ça ?
- - Euh
Comment dire
mais cest génial !
- Cest vrai ? Vous êtes intéressés ?
- Complètement
- Bon, il reste pas mal de boulot, même si jai pris quelques contacts en France, ça nest que de la théorie tout ça. Maintenant, il faut mettre en place concrètement les choses. Avoir les idées, cest une chose, les mettre en pratique et les faire vivre, sen est une autre.
- Une pragmatique !
Je voyais Matthieu régulièrement pour faire des points détape. Puis on a commencé à se voir quasiment tous les jours.
Un matin, je suis entrée dans le bureau de Matthieu :
- Matthieu, un de mes partenaires vient de me contacter, une entreprise avec qui je travaillais quand jétais en France. Ils vont nous envoyer 70 ordinateurs recyclés. Oh, pas du matériel de première jeunesse, mais remis à neuf.
- Mais cest génial !
- On va pouvoir ouvrir notre atelier informatique, pour les gamins, et pourquoi pas le soir pour les adultes. Dautant plus quun stagiaire arrive la semaine prochaine et a de bonnes connaissances en informatique. Jai sélectionné ce profil.
- Montre-moi ça
Jai fait le tour du bureau et jai étalé mon dossier sur le bureau de Matthieu et je me suis placée debout à ses côtés.
Pendant que je tournais les pages pour lui montrer, sans men rendre compte ma hanche a touché son épaule :
- Excuse-moi Matthieu, fis-je en mécartant.
- Non, cest moi qui mexcuse
Nous avons repris létude du dossier, je me sentais gênée par ce contact rapide. Enfin gênée nest pas le terme, troublée plutôt. Je travaillais en étroite collaboration avec lui, nous nous côtoyions tous les jours, passions du temps ensemble. Des liens sétaient créés ment. Pour moi cétait de bonnes relations de travail, et pourquoi pas de lamitié, cest ce que je me disais, mais alors pourquoi étais-je troublée par ce contact furtif ? Il mest revenu en mémoire que ce nétait pas la première fois. Il y a quelques jours, nos mains se sont effleurées, jai eu le sentiment de ressentir la même chose ce jour-là :
- Stéphanie ?
Matthieu venait de me sortir de mes rêveries :
- Oui
- Je voulais te dire que
euh
depuis que tu es là, il souffle
comme un vent de fraicheur dans lassociation.
- Vraiment ?
- Oui
et pas seulement
- Comment ça ?
- En fait
il souffle comme un vent de fraicheur dans ma vie aussi
- Tu veux dire que
- Oui, je veux dire ça.
Il sest levé, ma pris dans ses bras et ma embrassée. Jai dabord été surprise, mais jai apprécié.
Notre baiser dabord timide, est rapidement devenu fougueux. Jétais plaquée sur le bord du bureau. Ses mains parcouraient mon corps, mes seins, mon ventre. Les miennes sont passées sous sa chemise et caressaient son dos.
Il a soulevé mon débardeur et a sorti mes seins pour les embrasser. Je lagrippais par le cou. Ses mains descendaient sur mon ventre cherchant le bouton pour ouvrir mon short.
Lair ambiant chaud et humide nous faisait transpirer et collait nos corps serrés lun contre lautre.
Je me suis écartée de lui, et jai terminé douvrir sa chemise. Jembrassais son torse. Du bout de la langue je goutais à la saveur de sa peau, je men enivrais.
Je me suis baissée et jai ouvert son pantalon, jai caressé son membre en érection, puis lai pris dans ma bouche.
Au bout dun moment, il ma relevée, ma soulevé et posé sur le bord du bureau. Il a enlevé mon short et ma culotte, puis sest baissé pour embrasser mon intimité dénudée.
Jappuyais sur son crâne, pour prolonger cet instant. Il sest relevé, ma pénétrée.
Je magrippais à son cou et lemprisonnais avec mes mollets.
Lorgasme vint rapidement et fut particulièrement intense.
Il sest écarté, sest rhabillé sans un mot. Jai fait de même, gênée, ne sachant que dire, que penser :
- Excuse-moi Stéphanie
- Texcuser de quoi ?
- Nous
je naurais pas dû
- Mais si, ça cest fait tellement naturellement, spontanément. Pourquoi regretter quoi que ce soit. On en avait envie, peut-être nous le cachions nous. En tout cas, je crois que cest mon cas. Je crois que tu connais un peu mon histoire, mes mois de déprime. Je navais pas fait ça depuis longtemps, je ressentais comme un blocage, plus denvie, plus de libido. Et là, tout naturellement, cest venu, sans que je men rende compte. Un an que je navais pas fait ça. Mon blocage a disparu aussitôt que nous avons commencé. A vrai dire, je ne me suis même pas posée la question de ce blocage. Je lai fait. Nous lavons fait.
Le soir, nous avons fait lamour, cette fois de manière plus posée, après un repas romantique en tête à tête. Un an que je navais pas fait ça. Ce fut
. merveilleux.
Ça navait rien à voir avec ce que je faisais avec Emeric. Ni vraiment comme avec Vincent. Pourtant, il y avait de ça. La même tendresse, la même manière de vouloir donner à lautre, de communiquer avec nos corps. Il manquait juste la plénitude, la parfaite connaissance de lautre, que javais avec Vincent, mais que je navais pas encore avec Matthieu.
Jétais
amoureuse ? Je crois bien que oui. Leuphorie qui emplissait mon esprit alors que je reprenais mon souffle après un orgasme phénoménal. Ce sentiment dexister à nouveau, ce sentiment de redevenir adolescente, ça ne pouvait pas tromper. Jétais amoureuse.
Jai posé ma tête sur lépaule de Matthieu. Nul besoin de parler, ni lui ni moi, aucun mot naurait pu traduire ce moment. Pourtant, tous les deux nous savions. Nous étions bien. Heureux dêtre là allongés sur ce lit Il ma pris la main. Très vite, je me suis endormie.
Un an que je navais pas dormi avec quelquun à mes côtés. Je crois que jai pensé à Vincent juste avant de sombrer dans le sommeil. Mais à une image de Vincent enfin apaisée. Je tirais un trait définitif sur mon histoire avec lui. Je nen faisant pas mon deuil, non, je la clôturais. Mon deuil commencé il y a un an était terminé.
Enfin, je passais à autre chose, jouvrais les parenthèses qui sétaient refermées sur ma vie. Je me libérais du poids qui mencombrait.
- Alors heureuse, me demanda Marie, un soir où on prenait lapéro avec les amis de lassociation.
On sétait un peu écarté du groupe. Je regardais Matthieu discuter avec les autres :
- Oui, le bonheur. Jétais si mal dans ma peau en arrivant. Et là, je nage dans le bonheur.
- Profite, Steph, tu y as droit aussi au bonheur.
- Et toi ici depuis trois ans, tu nes pas restée célibataire. Si ?
- Bah non, mais cest un peu gênant.
- Pourquoi ?
- Cétait Matthieu
- Ah ?
- Rassure-toi, cétait quelques temps après mon arrivée ici. Au début cest tout nouveau tout beau, après quelques mois on déprime un peu, léloignement, la famille tout ça. Mathieu a été là. On était juste sex-friends, rien de plus. Je vois bien quavec toi, il y a bien plus de son côté, quavec moi à lépoque. Nous nous sommes vu quelques temps, et puis Matthieu a eu une histoire avec une laotienne, ça a duré quelques mois, moi avec un garçon qui travaillait à lambassade de France, je lai rencontré dans une soirée. On s est éloignés, depuis cest terminé.
- Ah oui
- Tinquiète pas, pour moi cest de lhistoire ancienne, ça remonte à deux ans. Il ne sest rien passé depuis, aucune ambiguïté. On est passé tous les deux à autre chose. Vas-y fonce ma puce. Vis ta vie. Et puis ce nest pas la première fois quon sort avec le même garçon
- Oui, cest vrai, mais la dernière fois cétait au lycée !
- Il sappelait comment déjà ?
- Oh je ne sais plus, mais quel con prétentieux
Cette conversation avec Marie a eu lieu il y a deux ans.
Depuis ? Eh bien, je suis restée au Laos. Avec Matthieu. Je suis salariée de lassociation maintenant. On rentre en France, pour y continuer notre vie. On sinstalle sur la côte atlantique, au bord de la mer. Un cadre idéal pour y bâtir lavenir. Je suis heureuse dans mon couple, cest le bonheur. Marie, quant à elle est rentrée il y a six mois. Elle est aussi en couple maintenant.
Vincent ? Jy pense toujours bien évidemment, il a été trop important pour moi. Dune certaine manière, il lest toujours, mais la cicatrice sest refermée, grâce à Matthieu. Depuis deux ans, on séchange des mails avec Vincent, on se donne quelques nouvelles. On arrive à se reparler. Il ny a plus de rancur de son côté, il est passé à autre chose. Il est toujours avec Sophie, ils ont eu des jumeaux lannée dernière. Jen suis heureuse pour eux. Il ma envoyé des photos des bébés, ils sont trop mignons. Nous nous sommes même parlé au téléphone à loccasion de la nouvelle année. Jai pu aussi échanger quelques mots avec Sophie. Ça a terminé de mapaiser.
Il y a deux ans, au moment où jétais au fond du trou, en pleine dérive, jamais je naurais pu penser que je remonterais aussi vite, que je referais ma vie.
Dici trois mois, je mettrais au monde une petite fille, cest surtout pour ça quon rentre en France.
Le bonheur, je vous dis.
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