Mister Hyde 24 Et 25
24
Lendroit sentait le désodorisant bon marché sous lequel perçaient encore des relents de tabac froid et de sueur aigre. Mais cela ne dérangeait pas Frédérique. Elle avait sciemment négligé le code vestimentaire édicté par lhomme. Il allait donc la punir et cétait tout ce qui comptait. Lentement, elle se dénuda en prenant soin de plier chacun de ses effets puis elle sagenouilla, cuisses écartées et les mains en plateaux sous ses seins. Lhomme avança. Sa verge tendue émergeait de son pantalon. Il limposa à la bouche de Frédérique qui engloutit le gland puis la hampe tandis que sa langue séchappait vers les bourses de son maître dun soir. Très vite, elle prit la posture enseignée par Frédéric et glissa ses mains dans son dos pendant que la queue allait et venait jusquau fond de sa gorge. Lhomme était pressé mais consciencieux : il voulait se débarrasser de son désir tout en montrant à la femelle quil avait entre les jambes les caresses quil appréciait. Ensuite, il pourrait posément la punir en prenant tout son temps et serait de nouveau en mesure de la saillir lorsque prendrait fin le châtiment. Frédérique pensa quil savait ce quil faisait et quelle avait peut-être trouvé un dominant à sa mesure. Cela la fit sourire et dévier le trajet de la verge qui se coinça contre sa joue. Pour récompense, elle fut giflée et lhomme accéléra tout en linsultant pour son manque de concentration.
Il fallut plusieurs minutes à lhomme pour déverser dans sa bouche un sperme copieux au goût sucré. Elle avala et nettoya le sexe du boss puis, sur son ordre, alla se positionner sous une énorme poutre à laquelle il lattacha. Lhomme lui présenta un fouet, elle acquiesça. Elle voulait avoir mal et que les traînées rouges laissées par la lanière fassent perdurer la douleur. Elle voulait que lorsquil entrerait en elle par-derrière, sa peau se déchire. Elle voulait que la souffrance efface tous ses plaisirs passés. Ce nétait quà ce prix quelle pensait pouvoir oublier Frédéric.
***
Julie approcha le plug de ses lèvres. Elle lavait offert à Frédérique à lépoque, pas si lointaine, où elles jouaient encore ensemble. Mais Frédérique séloignait et Julie navait trouvé que ce moyen pour conserver le sentiment quelles sappartenaient encore. Finalement, elle repoussa lobjet et lenfonça sèchement dans son rectum. Le lubrifier aurait été un mensonge de trop.
***
Fanny se tourna mille fois dans son lit. Elle narrivait pas à dormir parce quelle navait pas eu sa dose de câlins et quil se passerait du temps avant que Frédéric la rappelle. Elle nétait ni triste ni jalouse, juste ennuyée de la certitude dêtre bientôt supplantée par Lucile. Trouver un nouveau mec ne serait pas bien compliqué bien quelle sût à lavance quelle serait ment déçue. Frédéric lui avait révélé trop de facettes delle-même pour quun autre que lui puisse les combler toutes. Elle sendormit en pensant que, pour la première fois elle lui mentirait en ne lui avouant pas les caresses quelle se prodiguait.
***
Nathalie se réveilla épuisée, dépitée. Elle avait fait lamour toute la nuit, avec un fantôme une ombre plutôt qui refusait de dire son nom et de se laisser voir. Elle, avait disparu aux premières lueurs du jour : son lit était vide, comme chaque matin.
***
Dans les couloirs du métro, ce matin-là, les lumières étaient moins agressives et les badauds moins tristes. Lucile esquissa un pas de danse tout en fredonnant une chanson.
***
Frédéric séveilla tard. Il était nu. Et seul. La colère le gagna. Non davoir manqué le départ de Lucile mais de lavoir accueillie chez lui et passé la nuit avec elle. Il ragea dautant plus quil ne pouvait sen prendre quà lui-même. Que lui était-il donc passé par la tête pour succomber aux charmes de cette gamine ? Il jeta sa tasse dans lévier où elle éclata bruyamment.
***
Frédérique arriva à son premier rendez-vous encore endolorie de ses folies nocturnes.
***
Viens si tu veux mais je te préviens, je suis de mauvais poil aujourdhui
Fanny sauta dans lascenseur, courut jusquà la gare, attrapa le train à la volée, déboula dans le métro et arriva chez Frédéric en moins dune heure. Puisquil était de mauvaise humeur, il avait besoin delle pour se détendre.
***
Les maladresses volontaires dont elle faisait preuve néchappaient pas au médecin grisonnant qui lui faisait face. Malgré son allure sportive et son teint hâlé, il était célibataire et ses seules compagnies féminines étaient constituées de ses patientes et de sa secrétaire. Les liens de famille qui lunissait à lune rendaient impossible toute relation quant aux autres, leur statut les rendait intouchables même sil sentait fréquemment quil y aurait matière à
son éthique le lui interdisait. Cette petite visiteuse médicale, en revanche, rien ne lempêchait de tenter sa chance. Il effleura sa main en saisissant la boîte de médicaments quelle lui tendait.
Frédérique sut aussitôt quelle allait être très vilaine.
***
Nathalie était mal à laise. Cétait la première fois quelle shabillait en fille et les regards de ses collègues le lui firent sentir. Elle aurait pu en être flattée, elle aurait pu se sentir désirable, elle aurait pu simplement en sourire mais non ! Elle sen voulut. Elle eut limpression de trahir son mari, davoir agi comme une dévergondée. Elle se jura de ne pas renouveler lexpérience.
***
Le pull bleu-roi quelle arborait jurait horriblement avec le pantalon couleur « granny-smith » quelle avait enfilé. Mais Lucile ny prêtait pas attention bien quelle fût lobjet de bien des regards ébaubis.
***
Malgré les traces évidentes de son passage, Frédérique navait pas pris la peine de lui laisser un mot. Les yeux embués, Julie regardait les vêtements sales de la femme quelle aimait.
***
Tranquillement assis devant son ordinateur, Frédéric piratait les données personnelles du personnel de son ancienne boîte. Les lèvres de Fanny qui aspiraient son sexe ne le troublaient pas plus que ça.
***
Comment lhomme sétait-il retrouvé derrière elle ? Frédérique ne se posait plus la question depuis que sa verge lavait pénétrée. Il senfonçait en elle et rien dautre ne comptait. Certes, il était brusque et maladroit et il prit son plaisir bien avant que celui de Frédérique ne séveillât. Elle sourit néanmoins et sagenouilla promptement pour redonner vigueur au mâle en rut quelle devinait sous les dehors civils du bon docteur.
Hmmm ! Tu suces divinement ! Voyons jusquoù tu sais aller dit-il en agrippant la chevelure de la jeune femme.
Le sexe du médecin était long et large. Beaucoup plus imposant que toutes les verges auxquelles elle avait eu affaire jusquà présent. Frédérique le goba pourtant jusquà lécurement et se garda de le rejeter malgré un bref haut-le-cur. Elle fut cependant soulagée quand, répondant sans doute à un fantasme ancien, il la dégagea de son pull et enfouit son outil entre ses seins. Seul le gland pénétrait désormais sa bouche. Elle en profita pour lui prodiguer toutes les caresses que connaissait sa langue. Il ne fut pas long à prendre son plaisir pour la seconde fois et fut sidéré de la sentir déglutir tandis que son nud turgescent tressautait encore entre ses lèvres.
Lorsque Frédérique monta en voiture, elle se dit que cétait son rendez-vous le plus intéressant depuis longtemps. Elle planifia de revenir aussi souvent que possible rendre visite au bon docteur
***
Frédéric ferma son ordinateur, satisfait. En moins de deux heures, il venait de pirater deux sites hautement sécurisés. Le premier avait été facile puisquil sétait ménagé une porte dérobée avant de le verrouiller et dont, bizarrement, le souvenir ne lavait pas quitté. Améli, le site de la Sécu, lui avait donné plus de fils à retordre avec ses sept pares-feux et ses diverses chausse-trappes destinées à balader les hackers et à les obliger à se dévoiler. Pour ce faire, il sétait connecté à divers VPN sur les cinq continents ; ses traces, sil en avait laissé, seraient difficiles à remonter. Dautant quil navait piraté quun seul compte et récupéré une adresse sans modifier une seule donnée.
Pour fêter sa réussite, il emmena Fanny dans sa chambre et lui prodigua toutes les caresses quelle aimait sans la rudoyer si peu que ce fût.
***
Fanny était aux anges. Jamais encore Frédéric ne lavait traité avec autant de douceur. Il lavait caressée, embrassée, ses doigts sétaient transformés en mille petites fourmis qui avaient pénétré son corps de millions de frissons, ses paumes avaient flatté sa peau avec tendresse ; son nez, sa bouche, ses joues aux poils renaissants, avaient flirté avec son épiderme de façon si suave quelle en resterait pantelante longtemps. Puis il lavait abandonnée, subitement, sans un mot. Cest à cet instant quelle décida quil était temps pour elle de partir pour ne plus jamais revenir. Elle aussi labandonna sans un mot.
***
Nathalie profita de lheure du déjeuner pour rentrer se changer mais même dans ses vêtements difformes, son malaise persista. Parce que ce nétait pas le regard de ses collègues qui lavait dérangé, cétait autre chose, de plus diffus, de plus intérieur. Quelque chose quelle refusait de nommer autrement quavec ce vocable sans âme. Quelque chose dont elle connaissait pourtant la définition autant que les implications. Quelque chose quelle avait croisé la nuit passée sous la forme diffuse dune ombre. Quelque chose qui lui faisait peur parce quelle risquait de briser son passé. Quelque chose qui lui murmurait que sa vie navait aucun sens et quil allait falloir lui en redonner.
***
Lucile sortit de la bibliothèque et appela Frédéric.
Frédéric sortit son téléphone, regarda lappelant et remis lengin dans sa poche.
Lucile ne laissa pas de message. Elle rangea son téléphone certaine quun jour, il appellerait.
25
Une barrière blanche encadrait le jardin et la maison à laquelle on accédait par un portail bas. Les fenêtres, aux volets clos, donnant sur la rue, devaient ouvrir sur la cuisine et la salle à manger. Les pièces à vivre étaient sans doute derrière. Debout, à proximité, Frédéric, un sac sur lépaule, observait lhabitation en imaginant la disposition intérieure : au rez-de-chaussée, la cuisine, la salle à manger et le living ; à létage deux ou trois chambres et la salle de bains ; les combles, sans doute aménagés en bureau ou en salle de jeux pour les s. Mais, neut été ces rayons de lumière qui filtraient des persiennes, la maison semblait vide et sans vie. Il nétait pourtant pas très tard. Il fit un pas pour traverser la route puis, aussitôt, recula de deux. Avait-il vraiment envie de savoir ce qui se cachait derrière ces murs de pierre ? Pas sûr. Pourtant il avait fait la route, pris le train, le car et marché un bon kilomètre. Alors, quest-ce qui le bloquait ? la peur de linconnu ? La crainte de voir disparaître la vie douillette quil sétait forgée depuis son accident ? Ou plus simplement le fait dêtre confronté à son ancienne vie, celle quil avait oubliée et qui ne lintéressait pas
? Il recula encore dun pas.
Puis, soudainement, la maison sembla prendre vie. Les rayons de lumière se multiplièrent et des voix se firent entendre. Des voix de femmes dont il ne discerna pas les paroles mais doù filtrait une certaine agressivité. Une fenêtre souvrit sur les pleurs dun . La personne qui lavait ouverte simmobilisa le temps dun battement de cur en le voyant puis se retourna vers le fond de la pièce et les cris du marmot.
***
La moutarde navait mis quune petite dizaine de secondes pour monter au nez de Frédérique. Elle était pourtant arrivée pleine de bonnes intentions et disposée à faire amende honorable auprès de Julie quelle avait conscience de délaisser de plus en plus. Tout avait volé en éclat quand elle était entrée dans un salon plongé dans le noir où Franck était livré à lui-même.
Dun ton acerbe, elle avait rappelé Julie à lordre et sa compagne avait commencé par chouiner avant de semporter à son tour. Elle navait eu que le temps de refermer la fenêtre, incertaine de la vision quelle venait davoir.
Elle commença par consoler Franck, puis ce fut le tour de Julie. Lun comme lautre manquaient de tendresse. Elle en était pleinement lucide et totalement responsable. Finalement, elle sexcusa. De son égoïsme, surtout ; de ses absences prolongées, un peu moins.
***
Julie resta tétanisée. Frédéric se tenait sur le pas de la porte, un sourire gêné au coin des lèvres. Machinalement et sans un mot pour lhomme, elle finit par se retourner en criant dune voix de fausset :
Je crois que cest pour toi
!
Frédérique approcha. Elle tenait dans les bras un dont les yeux larmoyaient encore. Elle stoppa à quelques mètres de la porte.
***
À tout le moins, Frédéric venait de créer un tsunami dans la maison. Il avait tout imaginé sauf ça : une telle sidération que tout le monde resterait sans voix. Heureusement, son sac glissa de son épaule et il le rattrapa au vol. ce fut le signe du dégel.
Entre !
La voix de Frédérique était caverneuse, comme si quelquun dautre sexprimait par sa bouche. Dun pas dautomate, elle précéda Frédéric au salon et lui offrit, dun geste, de sasseoir. Elle prit place face à lui. Leur toujours dans les bras.
Je técoute.
Cette fois, la jeune femme avait parlé dun ton posé, dune voix claire. Une voix quelle navait pas utilisée depuis des mois, depuis que Frédéric lavait prise au piège ce soir de juillet, il y avait un siècle.
***
Je suis tombée amoureuse de Frédéric dès la première minute, le jour où tu las amené ici. Il rayonnait. Il posait sur toi un regard tellement doux, tellement rempli damour que je nai pas pu résister. Jai eu envie que ce regard, ce soit sur moi quil le pose. Mais, paradoxalement, je nétais pas jalouse. Jétais même heureuse pour toi. Jétais heureuse parce que je taimais et que je pensais que tu méritais cet amour. Et puis tu es venue avec un autre mec, une espèce de Matamore qui roulait des biceps et pensait que tout lui était du sous prétexte quil avait une belle gueule et, peut-être, une grosse queue. Ce jour-là, je tai détestée. Et je te déteste toujours. Pas parce que tu tenvoyais en lair avec un con, ça, ça arrive à tout le monde. Je tai détesté pour le mal que tu allais lui faire. Pour le mal que tu lui as fait. Tout ça pour un gros con mal embouché qui te foutait la main au cul à tout bout de champ. Cétait sordide, que tu le fasses souffrir à cause de cette raclure.
Tu voulais savoir. Maintenant, tu sais. Mais ça ne changera rien entre nous. Pour moi, tu resteras toujours une salope pour qui le cul a plus dimportance que le cur.
Maintenant que tu as eu ce que tu voulais, je ne te retiens pas. La porte est derrière toi.
Nathalie ne se le fit pas dire deux fois, elle rebroussa chemin, monta dans sa voiture et rentra chez elle.
Certes, elle en avait pris plein son sac mais ses souvenirs donnaient raison à Lucile : elle avait bel et bien abandonné Frédéric pour une histoire de cul, qui ne lavait dailleurs pas menée très loin. Et puis, après une longue série de voyage sans départ, il y avait eu Juan, lhomme quelle aimait encore plus de deux ans après sa mort. Le parallèle avec Lucrèce et Frédéric lui arracha un sourire triste. Enfin, la conclusion tomba : des deux hommes qui lavaient aimée, lun était mort et lautre lavait oubliée. Elle se sentit soudain perdue dans les limbes. Sa vie avait-elle eu un sens ?
***
Frédéric resta silencieux un long moment. Face à lui, Frédérique tenait Franck dans ses bras comme un bouclier mais lhomme ne pouvait sempêcher dêtre fasciné par limage quelle lui renvoyait : un Botticelli moderne. La ressemblance avec la belle Simonetta était tellement frappante, tellement évidente quil en restait muet. Il fallut une intervention hargneuse de Julie pour lui faire reprendre pied.
Je ne sais pas vraiment par où commencer, dit-il. Je ne suis pas certain des raisons de ma présence ici et encore moins si elle est une bonne chose pour vous, votre et votre amie. Je ne sais même pas si cest une bonne chose pour moi
Mais, au vu de vos réactions, il semble que je vous doive une explication
Jai passé près de six mois dans un hôpital, à la suite dune agression. À mon réveil, mes souvenirs tenaient en un visage de femme et trois prénoms : Lucrèce, Lucile et Frédéric. Pour le visage, je nai pas mis longtemps à découvrir à qui il appartenait, il est connu dans le monde entier. Pour les prénoms, étant donné lâge du visage qui me hantait, il ne fut pas très compliqué dy associer les noms de Borgia et de Desmoulins. Pour le troisième, il apparut comme une évidence que cétait le mien. Jétais devenu un voyageur du passé, perdu dans un présent qui ne métait rien et qui ne mintéressait pas. Jai quitté le boulot de mon prédécesseur, vendu ses parts de la société, acheté un appartement
et fait ce qui me plaisait, cest-à-dire pas grand-chose. Et puis il y a trois jours, une personne que lautre avait connu ma raconté quil y avait, dans ma vie davant, une femme et un . Jai fouillé : jai pris contact avec la policière en charge de mon affaire et jai appris votre nom et que nous travaillions, avant, pour la même entreprise. Vous retrouver a été un jeu d. Et je suis là
Frédéric laissa planer un silence de quelques secondes avant de reprendre.
Apparemment, je suis tombé du premier coup au bon endroit. Vous me connaissez, votre amie me connaît
Le seul doute que javais est à propos du petit bonhomme sur vos genoux
Mais quand je le regarde, je ne peux plus douter. Il me ressemble trop.
Il sappelle Franck.
Frédérique nestima pas nécessaire den dire plus. Elle avalait la somme dinformation que venait de lui fournir Frédéric tout en regrettant amèrement sa fuite et la rupture du contact avec la fliquette quelle avait eu une ou deux fois au téléphone dans les premières semaines après la disparition de Frédéric.
Je suis désolé, reprit Frédéric, mais si vous savez qui je suis, moi, jignore complètement qui vous êtes. Excepté votre nom, je ne sais rien de vous ni des relations qui nous unissaient. Quant à vous, mademoiselle, dit-il en se tournant vers Julie, jignore jusquà votre nom.
Je suis Julie, dit Julie en prenant la parole avec une autorité qui lui faisait défaut depuis trop longtemps. Jétais responsable informatique à la succursale de Caen ou travaillait Frédérique après votre séparation. Cest là que je vous ai connu tous les deux, elle comme collègue, vous comme supérieur. Vous étiez venu régler un problème suite à un piratage et vous vous êtes montré à mon égard, à la fois, désagréable, désobligeant et
extrêmement persuasif. Autant dire que je ne vous porte pas dans mon cur. Pour moi, vous faisiez un mort très convenable. Votre retour ne me comble pas de joie
Ça suffit Julie !
La colère de Frédérique était palpable mais elle était la seule à en connaître la vraie raison.
Je vais coucher Franck ajouta-t-elle en pensant que cela lui laisserait du temps pour réfléchir. Profitez-en pour refaire connaissance tous les deux, que nous puissions discuter dans le calme à mon retour.
Restés seuls, Julie et Frédéric se regardèrent en « chiens de faïence » en espérant que lautre prendrait la parole le premier. Ce fut Frédéric qui craqua.
Je me suis donc conduit comme un mufle avec vous
Vous êtes un violeur !
Assénée avec juste ce quil faut de conviction et de hargne, la phrase fit mouche. Frédéric pâlit et accusa le coup.
Je vous ai violée ? Sincèrement, je le regrette. Lhomme que je suis aujourdhui naurait jamais fait ça mais je suis prêt à assumer les conséquences des actes de celui que jétais. Je
Je ne sais pas quoi dire si ce nest que je me dégoûte. Cest
Cest dégueulasse ! affirma Frédérique du haut de lescalier. Cest dégueulasse et cest un mensonge, Julie. À moins que ce ne soit à moi que tu aies menti quand tu mas raconté votre rencontre. Dans mes souvenirs, le comportement de Frédéric ne tavait pas totalement déplu à lépoque et, si jai bonne mémoire, tu avais accepté de te le taper avec ma bénédiction. Alors, pourquoi tant de haine aujourdhui ?
Si Julie sattendait à une riposte, ce nétait vraisemblablement pas du côté de Frédérique. Elle se renfrogna donc, dans le fond du fauteuil quelle occupait, les jambes repliées entre ses bras. Pour rien au monde, elle naurait manqué la suite, même au prix de la pire des humiliations.
Bientôt, Frédérique apparut au bas des marches, portant toujours Franck dans ses bras.
Ne te préoccupe pas de ce quelle peut raconter, Frédéric. En ce moment, elle ne va pas très bien. Quand tu la connaîtras mieux, tu verras que cest une fille adorable mais elle a parfois besoin dêtre recadrée
Elle avait dit les derniers mots en posant sur Julie un regard lourd de sens qui échappa complètement à Frédéric, trop fasciné par la vision de la vierge à l quil avait sous les yeux. Puis lapparition séloigna. Le petit Franck lança un sourire à la ronde, accompagné dun léger signe de la main et il disparut à son tour. Seul le craquement des marches troubla un instant le retour du silence.
***
Cest qui le monsieur ?
La question nétonna pas Frédérique, elle connaissait suffisamment la curiosité de Franck pour nêtre surprise que par le temps quil avait mis à linterroger et, bien que la réponse soit déjà prête, elle mit quelques secondes à lénoncer.
Cest ton papa, mon Loulou. Il est parti pendant longtemps et puis le voilà de retour. Il est revenu parce quil taime et que tu lui manquais
Pourquoi
?
Pourquoi il est parti ? Parce quil a été très malade alors, il a eu besoin de se soigner mais il va mieux maintenant. Il nest pas tout à fait guéri mais il va mieux et il a très envie de te voir. Demain, tu pourras jouer avec lui et lui poser toutes les questions que tu veux, daccord ? Maintenant, cest lheure de faire dodo. Et puis, maman et papa ont à parler aussi.
Gros poutous petit loup.
Frédérique fit mine de séloigner mais la petite voix la retint.
Maman ?
Oui mon Loulou
Tu lui feras un gros bisou pour moi. Comme ça, il dormira bien et il guérira vite.
Cest promis mon chéri. Fais de beaux rêves.
Maman
Oui mon Chéri ?
Moi aussi je laime.
***
Au salon, latmosphère était glaciale. Julie lançait à Frédéric des regards meurtriers quil avait toutes les peines du monde à éviter. Quil lait violée, cétait possible. Encore que sa compagne se soit montrée catégorique quant au caractère mensonger de laccusation. En revanche, il ne doutait pas un instant de sêtre conduit comme un mufle avec elle, cette fille était une vraie tête à claques et ses mains le démangeaient. Le retour de Frédérique fût, à cet égard, une bénédiction.
Franck est fou de curiosité à ton égard dit-elle en sasseyant. Je suis sûre quil est en train de tourner dans son lit en listant toutes les questions quil va te poser demain. Personnellement, je nen ai quune
Frédéric se tint coi. À vrai dire, il ne savait pas comment réagir face à cette femme qui était lexacte incarnation du fantasme qui le hantait depuis des mois.
Pourquoi es-tu revenu ?
Cette question, il se la posait depuis la veille, sous diverses formes dont lincontournable : « Mais quoi donc suis-je venu faire dans cette galère
? », qui avait pris tout son sens face aux attaques de Julie. Il sinterrogeait mais ne répondait pas, ni à lui, ni à Frédérique. Il en était bien incapable. Un imperceptible mouvement de la lèvre lui fit sentir que la jeune femme sagaçait de son silence.
Cest une foutue bonne question. Je me la pose depuis deux jours sans savoir y répondre. Il y a une heure à peine, jhésitais à rebrousser chemin mais je suis là. Je ne sais pas pourquoi. Est-ce de la curiosité ? Peut-être bien. Encore que je la trouve assez incongrue. Ma seule certitude, cest quil fallait que je vienne, que je vous rencontre et que je vous raconte. Je nai peut-être pas lair, comme ça
mais jai failli y passer, je suis passé à deux doigts de la faucheuse et, pire encore, à un seul de finir dans une chaise avec pour unique compagnie un appareil à dialyse. Depuis, je mintéresse assez peu aux « pourquoi », je suis mon instinct et mon instinct ma dit quil était important que je vous rencontre. Je comprends vos réticences, votre méfiance à mon égard, Je peux même comprendre lagressivité de la demoiselle mais répondre à votre question, non, je ne peux pas. Je ne sais quasiment rien de ma façon de vivre avant cet accident, de vous et du petit bonhomme, jignore tout. Je vous lai dit, je ne connaissais pas votre existence il y a deux jours. Jai fait aussi vite que possible compte tenu de votre disparition des radars. Bien entendu, Nathalie aurait pu vous retrouver bien plus tôt mais les flics sont soumis à des tas de règles dont je me suis affranchi. Notamment, ils nont pas le droit dutiliser les moyens que jai mis en uvre découvrir votre cachette. Ce qui est sûr, cest que jai ressenti lurgence de vous voir. Pas seulement à cause de lexistence dun mais parce que jai eu le sentiment que cela allait, au moins, expliquer le seul manque que jéprouve dans ma nouvelle vie. Ce manque, quel est-il ? Je ne saurais le dire. Cest une sorte de trou noir que rien de ce que je fais, de ce que je vis ou de qui je rencontre narrive à combler. Vous vouliez savoir ce que je suis venu faire ici
Je suis, très prosaïquement, venu boucher un trou.
Frédérique avait écouté avec beaucoup dattention le discours de Frédéric. Il lui avait rappelé lhomme que des amis lui avait présenté, celui dont elle était tombée amoureuse et quelle avait fini par rejeter. Le docteur Je en quelque sorte. Lagression dont il avait été victime navait-il été que le moyen de redonner la prééminence à cette facette de sa personnalité, une façon de le réinitialiser ? Elle était en passe de le croire quand il avait parlé de manque. Et très vite elle avait eu la conviction que ce manque, elle seule était à même de le combler.
***
Il arrivait parfois à Lucile, au cours de ses recherches universitaires, de tomber sur des illustrations graveleuses ou juste évocatrices de lacte sexuel. Dordinaire, elle ny prêtait guère attention mais depuis quelle avait passé la nuit avec Frédéric, sa perception de ces dessins avait changé, certains lui rappelant de façon un peu trop brutale les souvenirs dont elle devait se contenter face au silence assourdissant de son amant. Cest en observant lune de ces images quelle perdit ce jour-là le fil de son travail. Lhomme et la femme étaient debout, lui sur ses deux pieds, elle sur une seule jambe, lautre reposant sur le bras de lhomme qui saccrochait à ses épaules. Cétait exactement ainsi que Frédéric lavait prise dans lentrée de son appartement. La vision quelle avait sous les yeux éveilla aussitôt son désir. Elle sortit son téléphone et tenta, pour la énième fois de le joindre.
***
Les premières notes d« Âme Câline » retentirent fort à propos pour briser le silence qui sétait instauré entre Frédérique, Julie et Frédéric. Il raccrocha mais prit, en sexcusant dun regard, le temps de textoter « Je te rappelle plus tard » à sa correspondante.
Frédérique pâlît. Sa certitude venait dêtre battue en brèche par quelques notes de musique. Elle connaissait trop Frédéric pour douter de laffection quil avait pour le mystérieux contact. Elle, car il ne pouvait sagir que dune femme, avait sa sonnerie dédiée et il prenait le temps de la rassurer sur sa disponibilité. Avait-il refait sa vie malgré tout ? Cétait plus que probable. Elle se sentit bête davoir espéré, ne serait-ce que quelques secondes, quelle allait retrouver son Maître, que tout redeviendrait comme avant
***
Tout en gardant un il sur Frédérique, Frédéric se demanda pour quelle foutue raison il avait répondu à Lucile alors quil la fuyait depuis deux jours. La pâleur de la jeune femme, en face de lui, le détourna des réponses possibles.
Ça ne va pas ? senquit-il.
Frédérique ne répondit pas. Du moins pas tout de suite. Sans ce fichu appel, elle aurait sans doute tout déballé à Frédéric. Maintenant, elle nétait plus certaine den être capable. Trop de questions se bousculaient.
Vous devriez la rappeler, elle doit sinquiéter
Frédéric émit un rire et secoua la tête en signe de dénégation.
Cest juste une personne qui ma beaucoup fait avancer dans la découverte de ma vie passée
Il ny a pas durgence.
Donc, pas de petite amie
Pas de petite amie ! répondit-il en tentant de se persuader quil navait pas envie que Lucile le fût ou le devînt et que, quoi quil en soit, Fanny navait jamais rempli ce rôle.
Sur ces paroles, Julie se leva et quitta la pièce en marmonnant un truc du genre : « Putain de menteur ! ». Elle fut rattrapée par la voix de Frédérique qui la sommait de sexpliquer.
Je nai pas à mexpliquer, répondit Julie. Je dis que ce mec est un menteur parce que jen ai la conviction. Tout comme je suis sceptique sur le hasard auquel nous devons son retour. En revanche, je suis intimement persuadée quil éprouve bien un manque
mais pas celui quil décrit. Écoute-le encore et il va te convaincre. Et puis, il te bouffera toute crue.
Julie jeta un dernier regard de défi à Frédéric puis elle quitta la salle.
Il y a bien eu quelquun, annonça Frédéric ; évitant ainsi à la mère de son fils dénoncer la question. Mais ce nétait en rien une « petite amie » et puis cest terminé, à son initiative. Quant à la personne qui vient dappeler
Elle ne mest rien. Du moins, pas comme vous lentendez.
En utilisant le présent, il ne mentait pas à Frédérique. Pas formellement. Il ne se mentait quà lui-même.
Les neurones de Frédérique sentrechoquèrent à la vitesse du son, reliant entre elles chaque bribe dinformation pour les traduire en langage épuré. « Pas sa petite amie » signifiait sa soumise ; « elle ne mest rien » ainsi que la précision quil avait apportée criait quil était amoureux. Une larme perla à son il quelle réussit à retenir. Il avait reproduit avec dautres les schémas quelle seule avait su cumuler.
Alors cest vrai, dit-elle, vous mavez oubliée.
Puis elle se mit à raconter :
Nous nétions plus amants depuis
un certain temps lorsque vous avez disparu. Mais nous étions autre chose, bien autre chose que les parents désunis de Franck. Notre relation avait évolué non vers une unité mais vers un unisson. Cétait à la fois puissant et beau, sauvage et libre. Y avait-il de lamour entre nous. Oui ! Je vous aimais à en mourir et vous maimiez à en perdre la tête. Mais je ne suis pas morte, je me suis juste desséchée à attendre votre retour. Vous, vous avez perdu la tête au sens propre du terme. Du coup, celle qui ne vous est rien, je la bénis et celle qui nétait pas votre petite amie, je la remercie. Parce que, finalement, elles vous ont rendu à moi. Dans un sens, jétais ces deux femmes pour vous, jétais juste, humblement, à vous. Et je le suis toujours. Jétais
Je suis, la mère de votre fils mais, plus que tout, je suis votre femelle. Si vous voulez encore de moi.
Frédérique se tut. Frédéric se tut. Lun tentait de comprendre tandis que lautre espérait une réponse. Frédéric tendit la main.
Venez dit-il, allons marcher.
***
La lune éclairait chichement la route et la clarté du lampadaire narrivait pas à contrebalancer la noirceur ambiante. Le couple fit quelques pas silencieux dans la nuit puis Frédérique prit le bras de son accompagnateur.
Les échos que jai eu du « moi davant » sont bien différents de ce que vous mavez affirmé. Pour dire la vérité, cela semble coller plus à lhomme que je suis aujourdhui quà celui que jétais hier. Du coup, je ne comprends pas. Votre copine me traite de violeur, vous attestez que jétais votre maître
Cela ne correspond absolument pas aux descriptions de « lautre moi » qui mont été faites. Tous ceux que jai rencontré, même sils ne sont pas légion, parlent de ma gentillesse et de ma discrétion. Le terme humilité a même été employé à plusieurs reprises et par certains qui certifiaient me bien connaître. Alors, où est la vérité ?
La vérité
Jai vécu presque deux ans avec lhomme que vous décrivez : gentil, serviable, humble et discret mais aussi cassé par un chagrin secret et inextinguible. Et puis un soir, sans que pour autant lautre disparaisse, vous vous êtes affirmé, vous avez pris en main votre vie et la mienne. Vous vous êtes dévoilé. À moi seule dabord, puis à un petit cercle dintimes
De très intimes. Je ne pense pas quil existe au monde plus de trois ou quatre personnes qui connaissent cet aspect de votre personnalité. Vous vous cachiez des autres et de vous-même aussi. Votre gentillesse, votre serviabilité ? Un paravent pour masquer lamour que vous portez aux gens. Votre humilité ? Une façon efficace de refréner vos désirs et votre soif de pouvoir. Votre discrétion ? Le meilleur moyen de ne pas révéler vos secrets. Croyez-moi, vous navez jamais été lhomme que vous paraissiez, vous navez fait que limposer aux autres et à vous-même. À vous-même surtout
Je suis donc un menteur
Vous êtes un dissimulateur. Du moins, vous létiez puisquaujourdhui vous semblez affirmer haut et fort ce que vous navez jamais cessé dêtre : un dominant. Cependant, il reste une part dombre, un verrou que votre accident na pas fait sauter. Je vous laisse deviner lequel.
Frédéric serra son téléphone au fond de sa poche et prit congés, refusant lhébergement que lui proposait Frédérique. Une nuit de réflexion à lauberge de la ville souvrait devant lui. Il en avait bien besoin.
***
Julie était allongée dans Leur chambre, sur Leur lit. Elle lisait et avait revêtu une nuisette quelle savait plaire tout particulièrement à Frédérique. Voulait-elle ainsi échapper à la colère de sa compagne. Pas sûr. Aussi fut-elle déçue de la voir entrer calme et silencieuse mais surtout ignorante de sa présence.
Frédérique pourtant était bien en colère. Et pas uniquement contre Julie. Contre Frédéric également, qui avait refusé son invitation pour, avait-il dit, réfléchir sereinement dans la solitude.
Elle entra dans la chambre affublée dun air renfrogné et sans un regard pour Julie. Quelques brefs instants, elle fouilla dans larmoire. Julie lobserva une seconde ou deux puis retourna à sa lecture. Lindifférence, se disait-elle serait le meilleur moyen de susciter son intérêt
Cela permit surtout à Frédérique de récupérer et dissimuler en toute discrétion certains objets dont elle voulait faire la surprise à Julie. Une surprise désagréable : Frédérique avait la ferme intention de punir sa compagne pour ses mensonges de la soirée.
Ferme ton livre et lève-toi dit-elle en se retournant.
Julie obéit aussitôt tandis que Frédérique mettait de la musique en sourdine.
Danse pour moi ajouta-t-elle en se jetant sur le lit.
Julie se déhancha doucement. Ses mouvements épousèrent peu à peu la mélodie qui sortait faiblement des haut-parleurs pour la plus grande satisfaction de Frédérique. Au bout de deux minutes, la spectatrice sortit de sa poche un objet quelle tendit à la danseuse.
Corsons un peu les choses
Tu sais quoi en faire
Narrête pas de danser.
Julie saisit le plug et, tout en se trémoussant, lui fit gagner le logement prévu à cet effet. Lustensile était large, bien plus que celui dont elle usait dordinaire mais lorsquelle tenta de le lubrifier en le portant à sa bouche, Frédérique lui fit un signe de dénégation. Contrainte, elle força le passage. La partie de plaisir commençait mal. Il fallut plusieurs minutes pour que lengin trouvât sa place et que la douleur fût moins vive et, lorsque retentirent les premières mesures de « The Final Countdown », elle se demanda si les sautillements quimpliquait la musique nallaient pas remettre en cause cet équilibre précaire. Mais Frédérique la détourna de son inquiétude en exigeant delle un strip-tease. Bien entendu, il ne fallut pas les cinq minutes neuf secondes de la chanson pour que sa nuisette se retrouve au sol et, dès quelle le fut, Frédérique lui lança un nouvel outil.
Des pinces à tétons
Tu sais que je ne supporte pas ces machins, ça me fait un mal de chien
Je dois avoir envie que tu aies mal, je suppose. Et de toute façon, tu es une chienne. Une chienne, une salope et une menteuse
Mets ces pinces !
Le ton de Frédérique ne souffrait pas la contradiction, Julie sexécuta en grimaçant. La douleur lui vrilla la poitrine, ses yeux sembuèrent.
Maintenant viens ici, sur le lit. Mets-toi à quatre pattes, le dos tourné vers lextérieur.
De son expérience de soumission, Frédérique avait retiré un grand nombre de connaissances que Julie navait pas : notamment celle de moduler sa voix pour la rendre impérieuse. Julie fit un premier pas et se plia en deux. Les deux souffrances, celle de ses seins et celle que la marche avait réveillé dans ses reins, venaient de se télescoper. Le tourment quelle vivait était insupportable.
Chochotte ! Viens ici.
Tant de mépris en un seul mot. Julie, les larmes aux yeux, saffala sur le lit.
Je vais te poser des questions auxquelles tu répondras sans mentir. Si tu te tais, je te punirais. Si tu mens, je te punirais. Si tu mas menti, je te punirais même si ta réponse rétablit la vérité. Est-ce bien compris ?
Julie opina, Frédérique poursuivit.
Bien. Fais ce que je tai demandé.
Péniblement, Julie prit la position imposée par Frédérique. Les pinces, alourdies par une chaînette dun poids conséquent, tiraient ses seins vers le sol et lui envoyaient de piquantes et désagréables décharges tandis que son rectum trouvait dans cette situation un confort auquel elle ne sattendait pas. Durant les courtes secondes qui suivirent elle tenta de ne plus penser aux désagréments quelle vivait. La première question fut un bien meilleur dérivatif que sa pitoyable ébauche de concentration.
Quand tu as accepté dêtre celle que joffrirais à Frédéric, tu voulais vraiment sa queue ou tu voulais ma chatte
?
Je ne laurais pas dit de cette façon mais, en réalité, je voulais les deux.
Donc tu mas menti
Non ! Je tai dit une partie de la vérité. À lépoque, lautre partie ne tintéressait pas. Il ny avait aucune raison pour que je ten fasse part.
Mais tu as omis
Je nai rien omis. Tu mas demandé si jétais motivée pour me soumettre à ton homme et je létais. Son comportement avec moi mavait excitée et javais vraiment envie de sentir ses mains sur mon corps et sa queue en moi. À cet instant T de ma vie, je désirais ton mec et je commençais à tomber amoureuse de toi. Accepter de me soumettre à lui pour une ou deux nuits, cétait un peu comme gagner le gros lot. Je te rendais service et je me faisais du bien. Tout était parfait. Et pour toi aussi. Tu te foutais complètement de savoir si javais des motivations cachées. Donc, je ne tai pas menti.
Mais tu as menti quand tu lui as dit quil tavait violée
Oui !
Et non. La nuit où nous avons bossé ensemble, il ma traité comme une gamine et il ma fait ramper, au sens propre du terme. Total, jai eu envie de lui. Ce week-end où je devais jouer les béni-oui-oui et satisfaire à toutes les demandes du Maître, il a disparu. Moi jai été frustrée. Et je le suis encore. Cette frustration, cest, pour moi, comme un viol à lenvers. Je ne peux pas voir un homme sans rêver à ce quil maurait fait, à ce quil aurait dû me faire. Du coup, je suis bloquée et je crois quil est le seul à avoir la clé. Enfin, il était, parce quapparemment, il la perdue.
Conneries ! Ça reste un mensonge.
Oui.
Frédérique agita sous les yeux de Julie un lourd martinet quelle venait de sortir de Dieu sait où.
Un mensonge, cest dix coups. Je te donne tout à laddition ou tu préfères les manger séparément ?
Tu as vu dans quelle position je suis
Alors, fais comme tu veux. Nessaie pas de me faire porter le chapeau pour des responsabilités qui sont les tiennes.
OK. Dans ce cas, on fera un tir groupé. Mais tu sais, ça peut être dur à supporter.
Je te promets de ne pas faire ma chochotte. Allez ! Pose tes questions.
Sans rien dire, Frédérique promena le bout des franges sur le dos et les fesses de Julie puis elle remonta sur ses épaules et sur son cou avant de longer son torse et ses hanches.
Tu es partie tout à lheure en le traitant de menteur et cétait convainquant. Ce qui létait moins, cest ta justification. Tu nes pas du genre à croire les choses sur un simple coup de tête. Jai trouvé ton explication oiseuse maintenant, je veux la vérité.
Un long silence fit suite à la question. Les options de Julie étaient limitées, trop limitées pour quelle pût choisir lune des deux sans dommage. Dire la vérité signifiait à coup sûr de perdre Frédérique à jamais. Continuer à mentir aurait, au bout du compte, le même résultat mais lui permettrait sans doute de gagner un peu de temps. Elle opta pour le mensonge.
Cétait une intuition
Une simple intuition. Et puis, jétais en colère et jétais triste. Jétais jalouse aussi. Parce que le retour de Frédéric signifie que je vais te perdre. À plus ou moins brève échéance, il va te reprendre et tu choisiras de le suivre. Sil ne le fait pas, tu sombreras comme après sa disparition et je finirais par te perdre parce que, dune façon ou dune autre, tu men rendras responsable. Il te ment, jen ai la conviction. Je nen ai pas la preuve.
Fais ce que tu veux
Le discours de Julie ébranla quelque peu la certitude de Frédérique. Néanmoins, elle resta suspicieuse : il manquait un maillon à lexplication de Julie, un point crucial qui avait emporté la croyance de sa compagne et quelle lui cachait. Elle poussa ses investigations.
Lintuition, ce nest pas ton truc. Tu es une fouineuse qui ne laisse rien au hasard et encore moins aux supputations. Quand tu as une intuition, tu fouilles pour la confirmer ou linfirmer. Je sais que régulièrement, tu visites mes affaires, mon téléphone, mon ordi. Parce que tu as besoin de preuves tangibles, toujours, tout le temps
Je sais aussi que tu sais te taire quand il le faut : tu ne mas jamais parlé de tes découvertes à mon sujet. Je sais aussi pourquoi tu agis comme ça, tu as honte dêtre une fouille-merde !
Julie resta ferme sur ses positions.
Punis-moi, quon en finisse
Frédérique leva le martinet qui resta en suspend un instant avant de retomber sous le nez de Julie.
Ça nen vaut même pas la peine dit Frédérique en quittant la chambre.
***
Seul dans sa chambre dhôtel, Frédéric se repassait en boucle le film de la soirée. Il navait pas appelé Lucile. Les révélations de Frédérique et les assertions de Julie layant passablement chamboulé, il avait estimé préférable de ne pas prendre contact. Il pensait la gamine à même de découvrir la moindre fluctuation de sa voix et de sen inquiéter. Des questions intrusives et blessantes en auraient fatalement découlé et il ne voulait cela pour rien au monde.
***
Seule chez elle, Nathalie sassit devant sa coiffeuse et se maquilla.
Seule chez elle, Fanny commença à regretter sa décision.
Seule chez elle, Lucile sinterrogea sur le silence de Frédéric malgré le texto du début de soirée.
Seule dans son lit, Julie pleura.
Seule dans le canapé du salon, Frédérique finit par sendormir.
Seul dans sa chambre dhôtel, Frédéric rêva de Simonetta.
Une seule nuit pour six destins
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!