Mister Hyde 30

– 30–

– Tu n’as pas changé d’avis ?
Frédéric avait attendu trois jours avant d’appeler Nathalie. Il estimait que c’était le temps nécessaire à la consolidation ou à l’abandon de ce genre de décision. Face à la réponse négative de son ex, il poursuivit.
– Ça se passera chez moi, rue Molière. Tu viendras vêtue d’une jupe et d’un bustier, bleu de préférence et tous deux fermés par un zip. Dessous, tu porteras un string, un porte-jarretelles et des bas : même couleur. Pas de soutien-gorge, le bustier en fera office. Nous t’attendrons entre dix-neuf et vingt heures ce soir. Si tu arrives passé ce délai, notre accord sera caduc. Prends avec toi de quoi écrire.
Oh ! Dernière petite chose : la punition commence maintenant. Le vouvoiement est de rigueur. J’aimerais que tu me répètes ce que tu m’as demandé l’autre jour.
À l’autre bout du fil, la voix de Nathalie répéta sans trembler :
– Punissez-moi, s’il vous plaît.
***
Nathalie se présenta à dix-neuf heures passées d’à peine une ou deux minutes. Ainsi, elle voulait montrer sa détermination à en finir bien plus que l’urgence qu’elle ressentait. Lucile et Frédéric l’attendaient et l’accueillirent ensemble.
Galamment, l’homme prit son manteau et l’invita à entrer au salon à la suite de Lucile qui lui désigna un siège.
– Je comprends que tu sois surprise de la présence de Lucile. Elle n’interviendra pas, elle veut juste voir. Si sa présence te dérange, tu régleras le problème avec elle mais d’abord, je veux être certain que ta volonté n’est pas viciée par un quelconque élément dont je n’aurais pas connaissance. Je veux donc savoir ce qui t’a décidé.
Nathalie leva les yeux vers Frédéric qui, debout, lui faisait face.
– Je vais redevenir prof. C’est cela qui m’a décidé. J’ai besoin de laisser mes démons derrière moi une bonne fois pour toutes et je crois votre méthode plus rapide qu’une psychothérapie ou qu’une psychanalyse.

Voilà pourquoi je vous ai demandé de me punir à la place de Juan.
– Si j’agis en lieu et place de Juan, cela pourrait impliquer des relations disons… plus intimes. Tu en es consciente.
– J’en suis consciente et je me permettrais d’ajouter que si vous n’agissiez pas à sa place, cela pourrait aussi les impliquer. La seule personne que je crois susceptible d’empêcher cette éventualité, c’est Lucile, ici présente.
– Et je ne m’oppose à rien intervint cette dernière. Je te l’ai dit je crois : quoiqu’il advienne, je l’accepte si cela peut te faire du bien et mettre fin aux s que tu t’imposes au nom de Juan. J’en ai assez de te voir souffrir à cause de ce souvenir qui te bouffe et je veux tout autant que toi que cela cesse. Si j’ai voulu être là, c’est pour ça. Pour voir la fin de ton calvaire, ton retour vers la vie et le plaisir qu’elle engendre.
– Alors merci dit Nathalie dont l’émotion n’était pas feinte.
Je suis prête ajouta-t-elle en se tournant vers Frédéric.
– Pas moi répondit-il en souriant. J’ai encore quelques mises-en-garde à te faire. La première c’est que je vais être dur, très dur avec toi. Ne compte pas me voir baisser le niveau de ta punition sous prétexte que tes hurlements me vrilleront les tympans. Tu serais dans l’erreur. Je te conseille donc de prendre ton manteau et de partir.
La seconde, c’est que ce genre de séance peut être addictif. L’adrénaline que cela génère est un poison violent dont on peut très vite ressentir le manque. Et c’est sans compter la puissance du plaisir cumulé à celle de la douleur. Je ne voudrais pas que l’envie se transforme en nécessité. Je te conseille donc de prendre ton manteau et de partir.
Nous allons te laisser seule Lucile et moi. Tu viendras nous chercher quand tu seras sûre de ton choix. Si tu restes, j’aurais encore à te parler, si tu choisis de t’en aller, je te rendrais ton manteau et nous nous reverrons après-demain, comme prévu pour fêter ton retour au sein de l’éducation nationale.
Il ne sera plus jamais question de ce soir entre nous.
Es-tu d’accord ?
– Bien sûr que je le suis dit Nathalie sans hésiter et ce n’est pas la peine que vous sortiez. Ma décision est prise et je m’y tiens. Je ne suis pas venue ici, dans cette tenue imposée par vous pour reculer ou m’enfuir. Si je dois le redire, je le fais : je suis venue pour que vous me punissiez enfin de toutes les erreurs que j’ai commises depuis la mort de Juan et peut-être aussi de celles d’avant…
– OK ! l’interrompit Frédéric. À partir de maintenant, tu vas te soumettre à ma seule volonté et oublier la tienne. Tout ce que je te dirais de faire, tu le feras sans hésiter. À commencer par te mettre à genoux et recopier ce texte à l’aide du papier et du stylo que je t’ai demandé d’apporter.
Nathalie prit son sac et en sortit un bloc-notes et un stylo. Elle saisit le texte qu’il lui tendait et ne s’agenouilla qu’après. Il la gifla.
– L’ordre, dit-il. Je te donne les consignes dans l’ordre où tu dois les exécuter, tu suis cet ordre et tout se passe bien. Tu ne le fais pas, tout se passe mal. Est-ce compris ?
– Oui… Je… dit Nathalie un peu éberluée d’avoir été giflée. J’ai compris.
– Bien ! recopie ce texte.
« Je demande par la présente à Monsieur Frédéric *** d’accepter de me punir de toutes les turpitudes que j’ai fait endurer à mon défunt mari, à moi-même et à toutes les personnes que j’ai pu blesser au cours de ma vie. » Elle signa. Non sans s’être secrètement étonné de la dernière partie du texte. Comment avait-il su ? Elle n’était plus en capacité de poser la question. Elle lui rendit le texte dactylographié et sa page d’écriture.
– Parfait ! dit-il en prenant les feuillets sans même les regarder. J’ai encore une chose à te dire. Écoute bien car c’est important. Deux mots vont te permettre d’interrompre ou de mettre fin à la séance. Pour l’interrompre, tu diras « Blanc » pour la faire cesser le mot sera « Lucile ». A ces termes correspondent des signes au cas où je te bâillonnerai.
Pour « Blanc » tu lèveras deux doigts, l’index et le majeur, ton poing sera fermé. Tout comme pour l’autre signe qui voudra dire « Lucile » mais cette fois, c’est ton auriculaire qui restera dressé. Je voudrais maintenant t’entendre dire ces mots et te voir faire les gestes qui leur correspondent.
Nathalie s’exécuta.
– Bien. Une dernière chose maintenant. Ensuite nous nous rendrons à l’étage où nous attend mon donjon. Tu vas baiser mes pieds…
Souci de bien faire, Nathalie se précipita. Frédéric la retint d’un mot.
– Stop !
Ne sois pas si pressée. Tu devrais pourtant le savoir toi qui es prof, il faut toujours écouter les consignes jusqu’au bout avant de commencer à travailler. Cela évite bien des erreurs.
Je disais donc, que tu vas me baiser les pieds mais entre les deux, tu vas me refaire ta demande en m’appelant « Monsieur ». C’est ainsi que tu devras m’appeler ce soir, à chaque fois que tu t’adresseras à moi. As-tu bien tout compris ?
– Oui Monsieur laissa fuser Nathalie.
Nathalie se pencha pour baiser le pied droit, refit sa demande en regardant Frédéric dans les yeux puis réitéra sa révérence vers le pied gauche. Satisfait, Frédéric lui tendit la main et l’accompagna au donjon.
Lucile suivit le mouvement.
***
Frédéric avait guidé Nathalie au centre de la pièce, là où pendaient deux chaînes d’acier à l’aspect ancien terminées par des bracelets de cuir flambant neufs ; l’une surplombant la patiente d’une dizaine de centimètres, l’autre s’arrêtant à la moitié de son oreille.
Lucile était restée debout et regardait la scène. C’était la première fois qu’elle pénétrait dans un donjon. Le lieu l’impressionna.
Elle sursauta lorsque Frédéric lui prit la main pour la guider jusqu’au siège central où il la fit s’asseoir. De là, lui dit-il, elle ne perdrait rien du spectacle. Elle acquiesça timidement.
Frédéric revint à Nathalie. Il expliqua :
– Je vais t’attacher. La chaîne gauche est plus basse que la droite pour ménager ton épaule parce que je veux que ta souffrance ne vienne que de moi.
Mais avant, je veux être sûr que tu m’as obéi. Relève ta jupe.
Nathalie obtempéra découvrant les bas, le porte-jarretelles et le string tous trois d’une couleur bleu sombre qui tranchait admirablement avec la blancheur de la peau et s’alliait parfaitement avec la crinière rousse de la jeune femme.
– Tourne demanda-t-il.
Elle tourna jusqu’à lui faire face. Il posa le dos de sa main sur le pubis voilé de bleu.
– Tu as chaud. J’aime ça.
Tourne encore ajouta-t-il.
Nouveau demi-tour et cette fois une caresse, lente et possessive qui enveloppa le fessier.
– Ton cul est superbe ! il l’a toujours été. Je vais avoir un plaisir fou à le fouetter. Tu peux te rajuster.
Sur ces mots et sans attendre qu’elle ait pu rabaisser sa jupe, Frédéric lui saisit le poignet droit et, l’entraînant en l’air, le captura dans le bracelet de cuir. L’instant d’après, il pratiquait la même opération sur le poignet gauche en prenant soin de ne pas tirer sur l’épaule.
La position de Nathalie n’eut naturellement pas la symétrie à laquelle il était habitué mais comme il avait l’intention d’épargner le haut de son dos, cela n’avait d’autre importance que le manque d’esthétisme. Il haussa les épaules et abandonna sa patiente en lui demandant d’écarter les jambes.
Tout en se déplaçant, il continua de parler :
– Je vais également t’attacher les chevilles, à l’aide d’un objet qu’on nomme un écarteur. C’est grâce à lui que mes divers instruments auront accès à la zone de ton sexe sans que tu puisses te refermer.
Il le présenta à Nathalie tout en restant légèrement de côté de façon à ce que Lucile le vit aussi. Puis il s’accroupit pour en ceindre sa patiente.
– Voilà, nous sommes prêts dit-il en se relevant. À chaque nouvel instrument dont j’userai, je ferai les présentations ainsi, tu auras une petite idée de ce qu’ils savent faire avant de goûter leur morsure.
Nathalie s’aperçut qu’il était nu hormis une ceinture dont les accessoires, pendants à de petits crochets, lui faisaient comme un pagne.
– Voici le premier, pas besoin de te dire comment il s’appelle, je pense que tu le sais. Il a deux frères, un aîné, un cadet, dont tu feras bientôt la connaissance mais pour l’instant, attardons-nous sur celui-là. Il est parfait pour débuter, ni trop lourd ni trop léger et ses lanières sont assez longues pour permettre bien des surprises au contraire de ses frères qui sont assez peu polyvalents.
Vois comme il vole bien ajouta-t-il en imprimant au manche du martinet un mouvement de rotation en constante accélération. Il siffle, c’est un vrai bonheur de l’entendre.
Nathalie sentit l’air que déplaçait l’engin avant d’en sentir la piqûre. Au début, ce ne fut qu’un effleurement du téton mais bientôt il heurta tout son sein. Elle lâcha un long cri uniquement fait de douleur. Frédéric dirigea son fouet vers l’autre mamelon. Elle avait trouvé long le temps de la préparation, les secondes de lui parurent interminables. Lorsque les paumes de Frédéric remplacèrent les claquements secs sur sa peau tendre, elle bénit son tourmenteur d’avoir su s’arrêter à temps.
– Tu aimes les bijoux demanda-t-il tandis qu’il faisait rouler les tétins entre son pouce et son index.
– Oui Monsieur répondit Nathalie d’une voix essoufflée.
– J’en ai pour toi. Ferme les yeux pendant que je t’en orne.
Nathalie ferma les yeux et les rouvrit aussitôt sous l’effet de la douloureuse surprise qu’il lui faisait. Une longue chaînette était accrochée à ses tétons par deux pinces que serraient des ressorts. Lorsqu’il tira dessus, si doucement que ce fut, la souffrance lui coupa le souffle. Elle cligna des yeux pour en chasser une larme. Cet instant suffit à Frédéric pour disparaître. Le premier coup claqua sur la fesse de Nathalie. Il n’était pas très fort mais de surprise elle sursauta. Cela fit bouger la chaînette et le mal irradia ses seins.
C’est à cause du bijou qu’elle appréhenda la frappe suivante. Mais elle ne vint pas. La voix de Frédéric la remplaça.
– Maintenant que tu as compris le principe, j’aimerais que tu me racontes par le détail toutes les raisons qui font que tu as demandé cette punition. Prends bien le temps de réfléchir car je veux une chronologie mais ne soit pas trop longue, tu te refroidirais et, dans ta situation, ce n’est pas une bonne chose. Préviens-moi dès que tu seras prête.
Frédéric s’éloigna à pas de loup pour se rapprocher de Lucile.
– Son manque d’habitude fait qu’elle a besoin d’une pause. Son corps doit se remettre de cette première attaque et son esprit se préparer à la suivante mais de façon inconsciente. D’où ma demande de récit qui, par ailleurs, devrait l’aider à supporter la deuxième charge murmura-t-il à l’oreille de Lucile. Si on ajoute à ça un peu de pression…
J’attends cria-t-il d’un ton impatient qui fit sursauter la jeune fille à ses côtés.
Désolé si je t’ai fait peur, stresser son sujet fait partie du jeu et on dirait bien que j’ai réussi.
En effet, Nathalie prévenait qu’elle était prête. Frédéric regagna sa place. Il frappa d’emblée par en dessous, entre les cuisses.
– Je t’écoute dit-il.
Le discours de Nathalie fut ponctué de cri mais elle narra par le détail les raisons qui, selon elle, nécessitaient qu’elle fût punie. Frédéric ne trouva pas les premières très convaincantes jusqu’à ce qu’elle aborde le proche passé.
– Je me suis mise à le tromper… En pensée. Mais c’était quand même des tromperies.
– De quand ça date ?
– Quelques mois…
– Sois plus précise.
– Je ne peux pas. Ça s’est fait comme ça. Un jour, j’ai eu envie d’un homme.
– Qui ?
– Je ne sais pas, un homme… Quelqu’un avec deux bras, deux jambes, des yeux… Un homme.
Il y avait une forme de défi dans la voix de la jeune femme. Frédéric changea son martinet contre un fouet à longue lanière qui lui permettrait d’atteindre, selon son choix, le dos ou la face de Nathalie mais en se gardant bien de le lui annoncer.
Le fil de cuir atteignit le ventre de Nathalie alors qu’elle parlait. Elle mit quelques secondes à reprendre sa phrase.
– Un soir j’ai cessé de me battre. Je me suis caressée en pensant à d’autres hommes que lui…
– D’autres z’hommes… reprit Frédéric en insistant sur la liaison. Peut-on savoir les noms de ce pluriel ?
Il marqua sa question d’un coup qui zébra la poitrine de Nathalie et fit danser la chaîne. Il ne sut pas si le silence qui suivit était dû à la réflexion ou à la douleur.
– Anonymes… c’étaient des anonymes… La somme des désirs que je me cachais.
La voix de Nathalie flûtait, celle de Lucile inonda la pièce :
– Menteuse !
En quelques secondes, Lucile fit face à sa cousine.
– Tu subis tout ça pour t’en sortir et tu continues à mentir. Pourquoi ? Tu veux nous faire croire, à toi comme à Frédéric, comme à moi, que ton ombre de l’autre nuit n’avait pas de nom. Mais il n’y avait qu’à te regarder le matin pour savoir qui tu avais envie qu’elle soit. Il n’y a eu qu’à voir ta tête quand tu as su qui elle était, pour comprendre. J’espère que si moi j’ai compris, tu as eu le courage de lui donner un nom, son nom. J’espère aussi que tu ne crois pas que c’est pour faire plaisir à Frédéric que j’ai permis ce que tu es en train de tourner en mascarade. Non ! c’est pour toi, pour toi seule…
– Je ne mens pas Lucile, c’est vrai. Ce soir-là, mes désirs n’avaient pas de nom, pas de visage non plus. C’est arrivé un peu plus tard, un soir où j’étais allé voir Frédéric à l’hôpital, la veille ou l’avant-veille de sa sortie. Cette nuit-là, j’ai rêvé de Juan pour la dernière fois. Son visage s’est noyé dans la brume et c’est celui de Frédéric qui l’a remplacé. J’ai continué à me caresser et j’ai joui. J’ai joui comme jamais mes mains n’avaient réussi à le faire quand je pensais à Juan. Il n’y a que depuis ce jour que mes rêves ont un nom et je n’avais aucune intention de le cacher. Mais « Monsieur » m’a demandé un récit chronologique, je n’ai fait que suivre ses ordres. Tu es intervenue trop tôt. Je crains que ça ait tout gâché.
Détache-moi Frédéric, s’il te plaît. Il semble que nous ayons fini.
***

– Tu n’as pas tenu ta parole.
Frédéric avait quitté son attirail et s’était rhabillé. Il prononça sa petite phrase en tendant la main à Lucile pour la faire sortir du donjon. La jeune fille pensa qu’elle aurait aussi bien pu y rester, les quelques mots l’avaient frappée plus fort qu’une volée de bois vert. C’est elle, désormais, qui méritait d’être punie.
Lui, n’ajouta rien. Une fois dans le salon il commanda une pizza, demanda à Lucile à quel parfum elle voulait la sienne et se faufila dans la cuisine ouvrir une bouteille de vin.
Ils dînèrent en silence et se couchèrent côte à côte sans se toucher.
***
Nathalie bougonna et pesta contre Lucile durant tout le trajet qui la séparait de chez elle. Mais une fois arrivée, elle dut se rendre à l’évidence, elle se sentait plus légère. Les aveux qu’elle avait faits, même si elle eût préféré qu’ils se fissent selon les règles établies par Frédéric, l’avaient soulagée d’un grand poids. Autre avantage de la soirée, elle disposait de nouveaux fantasmes. Elle se déshabilla et se hâta d’aller les tester dans l’obscurité de sa chambre.
***
Son téléphone s’était lentement déchargé depuis deux jours. Il n’émit donc qu’une brève sonnerie avant de s’éteindre. Nathalie ne le brancha pas pour autant, elle était occupée à relire la lettre d’excuse de Lucile et se demandait comment y répondre sans vexer sa cousine qui, tout bien réfléchi, n’avait commis, contrairement à elle, aucune faute.
Elle n’avait pas fait cette démarche la veille bien qu’elle fût attendue pour fêter sa réintégration au sein du corps professoral mais à cet instant, il le fallait. Elle sauta donc dans sa voiture et fila sur Courbevoie : ce message-là, elle ne pouvait le délivrer qu’en personne.
***
Lucile la reçut sur le pouce.
– Frédéric n’est pas là et je pars à un colloque…
– Je t’emmène si tu veux, j’ai des tas de choses à te dire et c’est urgent. S’il te plaît…
Lucile accepta, elles partirent pour Villetaneuse.
– Je ne sais pas vraiment par où commencer, entama Nathalie après avoir démarré et enclenché la première. Ou plutôt si : c’est à moi de te faire des excuses, pas le contraire. Je me suis conduite comme une conne l’autre jour et comme une égoïste aussi. Je ne sais pas quelle impression ça t’a donné mais ce que je vivais était très fort, très pur. La douleur que je ressentais au début était en train de se transformer en plaisir. J’attendais chaque coup avec l’angoisse qu’il me fasse mal et l’espoir qu’il me fasse jouir. C’était magique… Pas une seconde je n’ai pensé à toi, à ce que tu voyais, entendais, ressentais. Je n’étais intéressée que par moi, par mon corps qui exultait. Je prenais mon pied ma chérie. Cerise sur le gâteau, ce que je racontais m’excitait et en même temps me retenait de jouir. Alors j’ai pris mon temps, Je n’ai pas annoncé qu’il y avait une suite. J’ai menti par omission.
S’il n’y avait eu que Frédéric, cela n’aurait pas eu de conséquences. Ma faute, c’est d’avoir négligé ta présence. Je te dois des excuses. J’espère qu’avec le temps tu les accepteras…
– Il n’a jamais cessé de t’aimer tu sais. Même pendant les années où vous ne vous êtes pas vus, il t’a aimé. Tout comme il aime Frédérique. Il veut votre bonheur, même si cela doit lui faire mal. Ton histoire a réveillé Lucrèce. Il se cache pour lui parler mais je le sais. Il fait ça la nuit quand il croit que je dors. Et moi je les écoute. Parfois même, je devine ce qu’elle va lui répondre. Il est tellement fou d’elle qu’elle le hante pour de bon. C’est pour ça qu’il ne veut pas que ce qui lui arrive t’arrive aussi. Te punir, c’était se punir de retenir Lucrèce comme il le fait.
Quand il a retrouvé la mémoire, c’est à moi qu’il est venu parler, parce qu’il avait besoin d’un être de chair et d’os en face de lui. Mais aujourd’hui, tous ses secrets, c’est à elle qu’il les confie. Je ne veux pas, il ne veut pas que tu tombes dans le même travers. Et si pour ça il doit te baiser jusqu’à plus soif… Qu’il en soit ainsi. Il me donne beaucoup plus que l’Amour physique, je ne suis pas jalouse de son corps. Je n’en suis pas non plus propriétaire. En revanche, je comprends son besoin de posséder les autres. Il en a besoin pour ne pas sombrer. Et moi je ne veux pas qu’il sombre.
Alors, non seulement je te pardonne mais je te supplie de m’aider à le maintenir à flot.
Merci pour la balade, je vais descendre ici.
Bisous ma chérie.
Nathalie se retrouva seule et perdue dans une banlieue où le sens unique semblait de mise. Elle mit un temps fou à rentrer chez elle.
***
Lui qui ne sonnait jamais grésilla comme une centrale électrique en plein court-jus. Nathalie se saisit de son téléphone fixe avec circonspection.
– Tu fais quoi avec ton téléphone ? J’essaie de te joindre depuis ce matin et je tombe direct sur ta messagerie… Je te rappelle que tu devrais être à la brigade depuis… Oh et puis merde, on s’en fout. Rapplique vite fait. Tu dois me rendre ton insigne et ton arme. Mets le gyro, si tu en as un. Je t’attends.
Son ex-supérieur était véner. Nathalie ne prit pas plus de cinq minutes pour trouver son téléphone et ses chaussures, son arme de service, son insigne et sa carte. Son téléphone était effectivement exsangue, elle le brancha sur l’allume cigare, alluma le gyrophare et le klaxon deux tons et démarra en trombe.
La démarche ne lui prit pas plus de cinq minutes à l’issue desquelles elle rentra chez elle. Son portable, légèrement regonflé, elle put l’allumer tout en grimpant les marches. Elle tapa le code pin et aussitôt surgirent des messages. Plusieurs émanaient de Lucile, Nathalie put ainsi compter les jours de coma de l’engin, l’un venait du fou furieux qui lui avait servi de chef. Le dernier, le plus ancien, venait de Frédéric : « Je t’attends jeudi soir, même heure même tenue. Programme différent. En cas d’absence, je ferai de même tous les jeudis jusqu’à te voir. »
On était vendredi, elle avait donc raté le coche et Frédéric devait être en route pour voir Franck et Frédérique. Elle lui envoya tout de même un texto accusant réception et l’informant qu’elle viendrait la semaine suivante. Ensuite, elle appela Lucile.
***
Frédéric sourit en lisant le « smeusse » de Nathalie. Agenouillée face à lui, Frédérique l’interrogea du regard.
– Avec un peu de chance, tout rentrera bientôt dans l’ordre lui dit-il. Pour le moment, viens me faire jouir. Après, nous parlerons.
Il se dégrafa tandis que sa soumise avançait vers lui avec un air gourmand. Puis elle l’enjamba et s’empala sur lui.
Il s’attendait à être sucé, la surprise fut divine. D’autant que les lèvres infibulées de Frédérique étaient agrémentées d’un tout nouveau cadenas qui rendait le passage si étroit que les délices vinrent vite.
– Ne bougez pas Maître, s’il vous plaît. C’est moi qui dois vous faire jouir, pas le contraire…
Aussitôt il gela son bassin ce qui ne l’empêcha nullement de dévorer la poitrine qu’elle lui agitait sous le nez.
Depuis qu’elle avait cessé d’allaiter, les seins de Frédérique avaient tissé. Pour le plus grand plaisir de son Maître : il avait toujours eu du mal avec les poitrines opulentes qui lui faisaient systématiquement penser à la chanson de Brassens et à Brive-la-Gaillarde. « Pas très érotique tout ça » spécula-t-il, heureux que cette idée reculât d’autant son plaisir.
De ventousages en mordillages, il sentit le corps de Frédérique se tendre. Et lui n’était pas prêt : sa tête vagabondait sans s’intéresser plus que ça aux caresses sensuelles que lui prodiguait l’étroite vulve de sa femelle.
À nouveau elle l’arrêta quand il voulut reprendre la direction des opérations. Mais cette fois ce fut d’un baiser auquel il répondit avec ferveur. Elle en profita pour s’échapper et s’empaler aussitôt quelques centimètres plus haut. Frédéric ne résista pas aux quelques allers-retours langoureux que l’anneau fit sur son vit.
***
Frédérique venait de coucher Franck. Entre son retour de promenade en compagnie de Julie et son coucher, Frédéric avait pu profiter de son fils trois bonnes heures. Ils avaient joué, fait la course et un concours de grimaces… Frédéric avait hâte d’être au lendemain pour recommencer. Mais pour l’instant, ils allaient dîner.
– Ce dont tu voulais parler tout à l’heure peut-il être dit devant Julie ou est-ce plus… intime ?
Depuis quelque temps, Frédérique maniait le langage et ses hésitations avec beaucoup plus d’assurance que dans ses souvenirs. Frédéric s’en inquiéta l’espace d’un instant, juste le temps de se demander si une inspection de l’ordinateur ne lui apprendrait pas de nombreux désagréments. Cependant, il répondit d’un ton serein.
– Tout à fait, elle est également concernée.
Et pour bien lui montrer qu’il ne négligeait pas sa présence, il s’adressa directement à elle.
– Il s’agit d’un projet que j’étudie actuellement mais j’ai besoin de votre assentiment et de celui de Frédérique, bien entendu, pour le mener à bien. Je vous explique ?
Julie opina, quelque peu sur la défensive. Frédéric ne se soucia pas de l’opinion de sa soumise.
– J’ai à Paris un bien qui, si je le vends, pourrait rapporter entre un million cinq et deux millions. Or, je ne m’en sers presque pas et je n’y suis pas attaché. En revanche, j’ai trouvé, à moins de cent kilomètres de notre belle capitale, une friche industrielle à vendre. Entre l’achat et les travaux pour la rendre habitable, il faut compter de neuf cent mille à un million et entre un an et dix-huit mois de travaux. Ma question est : accepteriez-vous de venir y vivre ?
Je sais, poursuivit-il que nous ne nous entendons pas le mieux du monde mais nous ne serons pas obligés de vivre constamment les uns avec les autres. Je prévois d’y faire des appartements pour chacun de façon à ce que tous et toutes puissent avoir leur intimité et se retrouver seul ou inviter des amis quand ils le souhaitent.
– Cent kilomètres de Paris… Ce serait bien pour le boulot et quand même assez à l’écart.
– Le premier voisin est à huit cents mètres.
– Mais de mon boulot à moi, tout le monde s’en fout ! Moi je vis ici et je bosse ici. Pas question de monter sur Paris, même à cent kilomètres.
Frédérique foudroya Frédérique du regard mais cela ne lui fit ni chaud ni froid :
– On n’est pas en train de discuter de nouvelles règles, on parle de changer de lieu de vie. Cette affaire, elle concerne la mère de Franck, pas la soumise de Frédéric. Ici, j’ai mon travail et j’ai mon fils. Pas question d’abandonner l’un et de trimballer l’autre comme un bagage mal ficelé. Ma réponse est non ! c’est ferme et définitif.
Frédéric tenta bien de la ramener au calme mais elle se leva d’un bond et prit la direction de sa chambre.
– Cette nuit, je dors dans ma chambre, pas toi ! Et elle claqua la porte.
Julie se leva à son tour en s’excusant :
– Désolée… C’était une jolie histoire.
En partant, elle posa sur la joue de Frédéric un bisou qui semblait signifier : Alliance.
***
Frédéric dîna seul et regarda le canapé avec un sourire amusé puis il descendit au donjon pour s’installer nu dans son trône. Il n’était pourtant pas dupe et savait parfaitement que Frédérique ne viendrait pas. Cependant, selon les règles établies, elle n’avait pas interrompu leur relation. Elle avait donc le devoir de se présenter à lui avant vingt-deux heures.
Comme de juste, elle ne vint pas et il allait s’assoupir quand il entendit du bruit dans l’escalier.
– Je ne pensais pas vous trouver ici dit Julie en évitant de trop le regarder. Mais comme vous n’étiez pas au salon, je suis descendue à tout hasard.
– Laissez-moi le temps de me couvrir et je vous écoute.
– Euh oui, bien sûr.
Pudiquement Julie se retourna tandis que Frédéric enfilait son pantalon.
– C’est bon, vous pouvez regarder, je suis décent.
Décent, il fallait le dire vite. Son torse était nu et son pantalon moulant et taille basse. Cela ne masquait pas grand-chose de ce qu’elle avait entrevu.
– Oui. Je voulais vous dire que… je trouve que c’est une très bonne idée. Très généreuse aussi. Enfin là, je parle pour moi. La bonne idée, elle est surtout pour Franck. Habiter avec ses deux parents, c’est toujours mieux.
– C’est aussi ce que je pense. C’est tout ?
« Toujours aussi mufle » pensa Julie en acquiesçant.
– Cela fait-il de nous des alliés ?
Elle fut surprise par la question mais sa réponse fusa au bout d’une seconde à peine :
– On peut dire ça, je crois.
– Alors je monte avec vous. Entre alliés, trinquer, ça se fait…
Aussitôt sur la défensive, Julie esquiva.
– J’évite de boire, je tiens très mal l’alcool et après, je ne me contrôle plus.
– Et vous avez peur que j’agisse mal avec vous…
Julie baissa les yeux sans répondre.
– C’est quand même fou qu’entre nous, tout bloque sur le cul. Mais on n’a jamais rien fait ensemble bordel. À part vous menacer d’une fessée, je ne vous ai jamais touchée. Je crois que votre bisou de tout à l’heure était notre contact le plus érotique. Merde à la fin, je sais me tenir…
– Mais pas moi, pas quand je bois et même parfois sans boire. J’ai peur d’avoir un comportement que je regretterai. Il vaut mieux que j’aille me coucher.
Julie prit la direction de l’escalier. Frédéric ne fit rien pour la retenir si ce n’est sourire quand elle se retourna.
L’espace d’un battement de cil, elle hésita. Puis elle grimpa une marche, deux et trois mais elle ne franchit pas la quatrième et dévala celles qu’elles venaient de monter.
– Et merde ! Tant pis pour les regrets. Fais de moi ce que tu veux…
Son sourire ne quitta pas Frédéric quand il demanda :
– Et si, justement, je ne voulais rien faire de toi…
– Ce serait pire que tout.
Julie était blême, Frédéric cessa de sourire.
– Déshabille-toi dit-il en retirant son pantalon.
***
– Tu sais que je ne suis pas tendre.
– Je le sais.
– Tu sais que j’aime manier le fouet.
– Je le sais.
– Tu sais que j’aime les femmes agenouillées.
– Je le sais.
– Que crois-tu mériter pour ta conduite de ce soir ?
– Vous pouvez faire de moi tout ce que vous voulez. Quoi que je mérite vous me le donnerez.
– Et si je ne te donnais rien alors que toi tu me donnerais tout…
– Ce ne serait pas très généreux de votre part mais c’est votre droit d’exiger sans rendre.
– Tu m’as accusé de viol, j’ai assez peu de raison d’être généreux avec toi…
– J’avais peur pour Frédérique, je voulais qu’elle fuie loin de vous. Et puis, je vous en veux. Vous m’avez humiliée cette nuit-là, au bureau. Humiliée, excitée… Sans rien me donner. Sans me prendre comme vous auriez pu le faire. J’avais pourtant joué le jeu selon vos règles, je méritais cette récompense. Je pense la mériter ce soir aussi.
– Qu’as-tu à m’offrir en échange ?
– Mon obéissance, pour cette nuit. Ma persuasion, pour l’avenir : vous avez un projet auquel Frédérique s’oppose vent debout. Je peux la convaincre de l’accepter. Vous avez commis une erreur ce soir : vous avez négligé Frédérique. Ce n’est pas le projet en lui-même qu’elle rejette, c’est votre comportement à son égard. Vous avez considéré son acceptation pour acquise, du coup, vous vous êtes adressé à la mauvaise partie d’elle-même. D’ailleurs elle vous l’a dit. À partir du moment où Franck est impliqué, c’est à la mère et non à la soumise que vous deviez vous adresser.
– Tu as raison. Et tu es loin d’être aussi bête que tu veux le faire croire avec tes airs nunuches et tes fringues à la mode. Pourquoi fais-tu cela ?
– Parce que les hommes aiment ça et que j’aime les hommes.
– Donc ton obéissance c’est…
– Le meilleur moyen de vous avoir.
– Approche.
Dès que Julie fut à sa portée, Frédéric saisit sa crinière et la tira jusqu’à une sorte de tréteau dont les pieds étaient rivés au sol. Il bascula le torse de la femme sur l’étroit tablier et entreprit de ligoter poignets et chevilles aux quatre pieds. Ceci fait, il enserra la taille de Julie dans une étroite ceinture cloutée sous le tablier et qui immobilisa ses hanches. Le premier coup claqua aussitôt après sur les fesses de la fille. Elle le reçut sans broncher.
Frédéric cessa sa fessée au bout de quelques minutes, lorsque le cul de Julie fut bien rouge et qu’elle commença à ressentir une douleur assez vive pour la faire geindre. Mais contrairement à ce qu’il aurait fait avec Frédérique ou Fanny, il ne calma pas le feu qu’il venait d’allumer ni ne marqua de pause. Il se saisit d’un martinet léger aux lanières longues et fines et le fit tournoyer dans le sens des aiguilles d’une montre. Il visa l’entrejambe. Avec cette impulsion, ce sont le clitoris et le sexe de Julie qui furent atteints.
Julie n’avait reçu le fouet qu’une fois, longtemps auparavant. Elle était alors tout juste bachelière : une jeune péronnelle à la fois casse-cou et naïve. L’homme en avait largement profité mais elle l’avait ensuite proprement envoyé sur les roses. Depuis, elle avait toujours refusé le fouet sauf, tacitement, quand elle avait accepté la proposition de Frédérique qui ne s’était jamais concrétisée. Ce soir, elle goûtait donc à la flagellation pour la seconde fois et elle découvrit un univers fort différent. Frédéric ne la frappait pas comme une brute, pour lui faire mal mais de façon ciblée et modérée, pour lui faire plaisir. L’intensité douce, la régularité espacée des coups lui firent considérer le martinet comme un ami à la langue certes rêche, mais agile. Lorsque la cadence augmenta, elle devint folle. Lorsque brusquement tout cessa, elle ressentit une immense frustration.
– Hey ! Non ! ne put-elle s’empêcher de récriminer.
Pour toute réponse, elle vit apparaître le sexe tendu de Frédéric dans son champ de vision mais trop loin d’elle pour qu’elle pût le happer.
Dans sa position, lever la tête pour croiser le regard de Frédéric n’était pas chose aisée : les muscles de son cou et de son dos regimbaient. Mais Frédéric s’accroupit, leurs visages se firent face.
– Madame serait-elle insatisfaite du traitement que je lui inflige ? Aurait-elle quelques revendications… ?
Ce petit ton suffisant, cette façon de la narguer… c’était tout ce que Julie détestait chez Frédéric.
– Comment vais-je répondre à cela ? poursuivit-il. Je sais ! En muselant cette jolie bouche. Dans laquelle il introduisit trois doigts qui mimèrent aussitôt un « face fucking »
Julie fut surprise, non par l’acte lui-même mais par la profondeur que Frédéric imposa. Elle eut un haut-le-cœur.
– Hum ! Pas bon les doigts, constata Frédéric. Ça c’est meilleur ! ajouta-t-il en se redressant. Suce !
Julie engloutit le membre. La main gauche de Frédéric insufflait le rythme qu’il voulait lui voir suivre et l’accompagnait dans ses va et vient, soulageant d’autant les muscles inexistants de la femme. De la main droite, qu’elle ne pouvait voir, il tenait toujours le martinet qu’il abattit sur sa fesse droite. Il eut un geste de déconvenue. Il arma de nouveau son bras et cette fois, atteignit sa cible. La raie des fesses. Les lanières claquèrent en bout de course juste sur l’anus de Julie qui ne put résister au sursaut. Du coup, elle lâcha sa proie.
– Cela mérite bien une petite farandole dit Frédéric en s’éloignant d’elle.
Il visa le centre de la croupe mais plus haut cette fois. Les queues de cuir tombèrent juste. Le petit trou de Julie fut martelé. Il fit ainsi durer le plaisir quelques minutes puis inversa le sens giratoire de son instrument de sorte que les lanières atteignissent clitoris et lèvres du sexe de Julie. Elle ne put retenir ses cris : jamais elle n’avait vécu orgasme aussi puissant.
Frédéric la détacha puis l’abandonna pour aller s’installer sur son trône. Il laissa à Julie le temps de récupérer et, quand enfin elle se redressa, il l’appela d’un claquement de mains.
– Wahou ! C’était détonnant dit-elle.
– Il y a d’autres façons de me remercier que de t’ébaubir sur les prouesses de mes instruments. Tu te souviens de ma troisième question ?
La question laissa Julie perplexe. Elle bafouilla :
– Euh, je crois, oui.
– Alors qu’attends-tu ? Un ordre peut-être…
À tout hasard, Julie s’agenouilla.
– Bien ! Approche maintenant. Les mains dans le dos.
« Les mains dans le dos. » Julie se rappela des paroles de Frédérique le soir où elles étaient allées pécher une soumise. Elle n’allait pas tarder à avoir confirmation de son intuition. Frédéric voulait une pipe.
Elle avança lentement, droite comme un « i » sur ses genoux. Elle escalada l’estrade comme elle put et se retrouva placée entre les deux cuisses de l’homme qui lui montra son sexe sans prononcer une parole.
Frédéric avait les deux bras sur les accoudoirs du fauteuil, il ne les bougea que pour lier en chignon la chevelure châtaine qui lui masquait la vue. Dessous, le visage de Julie montait et descendait lentement le long de la tige érigée.
On ne sait pour quelle obscure raison mais Frédéric était persuadé que Julie allait montrer dans cet exercice un talent formidable. Il ne se trompait pas. Il se leva pour admirer la serpentine ondulation du torse de la femme et regretta aussitôt de n’avoir pas placé une caméra lui permettant d’immortaliser la fluidité des mouvements.
– Ta bouche est un écrin Julie. Un écrin dans lequel j’aimerais jouir mais je t’ai promis d’autres plaisirs. Il n’est pas temps que je prenne le mien. Cesse, s’il te plaît.
Julie leva les yeux tout en conservant dans sa bouche le gland de l’homme. Frédéric crut percevoir dans ce regard à la fois étonnement et déception. C’était bien les deux sentiments qui animait Julie à cet instant. Elle s’étonnait de la douceur avec laquelle Frédéric lui avait parlé et était déçue par l’instruction qui lui commandait d’arrêter. Elle obéit pourtant à l’injonction pressante de la main qui l’invitait à se lever.
« Comment Frédérique a-t-elle fait pour transporter tout ça de Caen et pour l’installer sans que j’en sache rien ? » se demanda Julie tandis qu’elle se laissait mener vers le fond de la pièce. Elle semblait voir la salle pour la première fois. Quand elle en avait appris l’existence, elle n’avait pas été surprise : Frédérique en avait besoin pour se raccrocher à l’espoir que son Maître reviendrait. Mais maintenant qu’elle le vivait de l’intérieur, Julie était estomaquée par le travail titanesque que cela avait demandé. Elle calcula, à l’aune de ce labeur, la profondeur du désespoir de son amie et regretta amèrement les mensonges qu’elle lui avait faits.
Docilement, elle fit le tour du pilori tandis que son guide expliquait :
– L’avantage du pilori, c’est qu’il n’a pas de sens. Le mien en a deux. D’un côté, la patiente est courbée, bras et cou insérés dans les trous dédiés et tu peux constater que j’ai ajouté une petite planchette qui permet également d’emprisonner les chevilles. Ainsi, plus question d’échapper au moindre désir du tourmenteur : en l’occurrence, moi. De l’autre côté, un aménagement différent qui oblige la patiente à s’agenouiller sur la petite estrade en glissant ses mollets dans les couloirs prévus à cet effet. Je te laisse deviner les possibilités qu’offre cette position car c’est elle que j’ai choisie pour toi.
Installe-toi je te prie.
Incapable de résister, Julie obéit. L’écartement entre les deux guides des jambes était tel qu’elle sentit ses adducteurs se tendre comme la corde d’un arc. Elle posa son cou et ses poignets dans les cavités que Frédéric referma à l’aide d’un lourd panneau de bois. Dans la situation où elle se trouvait, les opportunités pour Frédéric étaient effectivement multiples. L’ouverture de ses cuisses offrait une vue imprenable sur son sexe ou son anus et son dos était tout autant explosé. Par-dessous, sa poitrine n’était guère plus protégée, seul son ventre pouvait échapper à la vindicte du martinet.
– Quel dommage ! fit la voix de Frédéric. Il ne t’a sans doute pas échappé que, dans cet agencement, il m’est difficile de me faire sucer – encore que la planche qui enserre ton cou ne te laisse guère d’espace – te baiser la bouche serait sans doute une expression plus adéquate. J’avais donc fabriqué une marche qui me permets de me mettre à hauteur et je ne la trouve pas. Un oubli de Frédérique, certainement. Le résultat, c’est que je vais devoir t’enculer sans que ma queue soit lubrifiée par ta salive…
La voix, éloignée au début, s’était rapprochée peu à peu. Frédéric dit les derniers mots, penché au niveau du visage de Julie. Celle-ci laissa tomber sa tête et ne répondit pas. Elle ferma les yeux pour se préparer à l’assaut.
La douleur qu’elle ressentit ne fut pas celle attendue. Frédéric pinçait les lèvres de son sexe entre deux doigts mis en étau. Si elle s’était parfois soumise, les dominants qui la manièrent – excepté celui qui l’avait fouettée – se gardèrent toujours de pratiques douloureuses dans cette partie de son anatomie. Frédéric, lui, s’en foutait royalement. Elle cria pour qu’il cesse, il n’en fit rien dans l’immédiat jusqu’à ce que d’un puissant coup de rein, il s’enfonçât en elle.
Peu à peu il calma le rythme et ses allées-venues se firent plus langoureuses. Julie le sentait entrer et sortir de son sexe et la douleur qui irradiait encore de ses lèvres se noya bientôt dans le plaisir que prodiguait la queue. Elle se mit à gémir. C’est le moment qu’il choisit pour parler :
– Ta jolie chatte est toute mouillée, comme je les aime. Tu sens comme ma tige coulisse bien dedans. Elle y est comme chez elle. C’est pour ça que je ne te bourre pas comme la salope que tu es. Pour ça que je ne claque pas ta croupe non plus. Pourtant j’en meurs d’envie : ton cul appelle la fessée. Mais tu te crisperais et cela, je ne le veux pas. Ton petit trou est si détendu que je pourrais glisser mon pouce sans que tu t’en rendes compte. Une simple gifle sur ta fesse et il se refermerait. Je ne voudrais pas le forcer. Au contraire, je le veux aussi accueillant que ta fente.
Les mots parvenaient à Julie. Si elle en comprenait le sens, si elle en discernait les effets sur son corps, elle était incapable d’y répondre. Tout son être n’était occupé que de la suite dévastatrice qu’allaient provoquer les lancinants allers-retours. Elle perçut une première tension. Dans son ventre. Puis une seconde. Et les allées-venues cessèrent. À l’écoute, Frédéric avait deviné les signes. Il s’échappa et alla reprendre plus haut son entreprise de sape.
Le gland de Frédéric perforant son anneau fut une découverte pour Julie. Les hommes qui l’avaient prise ainsi étaient toujours pressés d’entrer. Pas lui. Il s’enfonça à peine, bloquant son nœud dans l’étreinte des muscles. Patiemment, il attendit leur détente tout en caressant son fessier de caresses sucrées. Enfin, il avança. Par à-coups, comme un éclaireur qui chercherait à deviner les secrets d’un terrain inconnu. Il ne faisait pas mal, bien au contraire. Son invasion n’avait rien de brutale mais elle marquait une forme de possession absolue que personne ne lui avait jamais imposé. Elle concentra ses efforts pour rester immobile. C’était pour elle le meilleur (et peut-être le seul) moyen de goûter pleinement cet instant de plaisir.
Bientôt il fut au fond. Bien trop tôt selon elle. Alors commença la décrue. Aussi lentement qu’il l’avait pénétrée, il reflua. Pour mieux revenir.
Trois allers-retours suffirent pour que Julie ne tienne plus. Pour accompagner son tumulte, Frédéric la pilonna jusqu’à l’extinction du fracas.
C’est seulement à cet instant qu’il la quitta, le sexe encore raidi par ses désirs inassouvis. Il libéra Julie de ses entraves avant même qu’elle fût revenue à la réalité.
La détente ne dura qu’un instant. Lorsqu’elle fut debout, Frédéric lui lia coudes et poignets dans le dos. Elle n’eut besoin que de baisser les yeux pour savoir ce qu’il attendait d’elle. Julie s’agenouilla sans attendre. Elle titilla d’abord le sexe en le picorant de bisous qui tombaient au jugé. Puis elle goba le gland qu’elle dorlota de la langue et des lèvres. Enfin, elle l’aspira. Avec la même lenteur qu’il avait mis à la sodomiser, la langue creusée pour épouser la forme du pénis. Elle l’avala tout entier bloquant le nœud au fond de sa gorge dont elle joua pour le masser. Cela occurra quelques bruits de glotte mais la caresse était si savante et si agréable que Frédéric ne s’en soucia pas.
Julie relâcha son étreinte et commença d’ondoyer. Ses mouvements étaient si déliés que Frédéric eut l’impression que Julie flottait dans les airs. Sa bouche avait la légèreté, la grâce et la volupté du frôlement d’une aile de papillon. Il tenta de se retenir mais la caresse était trop suave pour qu’il y parvînt : il se répandit sur la langue et dans la gorge de Julie qui ne cessa qu’une fois le plaisir enfui.
– Merci ! dit Frédéric en aidant Julie à se relever. Tu m’as fait vivre un grand moment.
Julie ouvrit la bouche, la referma et déglutit.
– Merci à vous dit-elle sur un ton faussement volubile.
Frédéric la délia et l’accompagna jusqu’à ses vêtements posés en tas à l’entrée de la salle. Quand elle fut rhabillée il prit sa main, la porta à ses lèvres et congédia la belle. Julie sortit à petits pas. Elle serait bien restée.
***
Le samedi fut morose. Frédérique faisait la gueule, Julie n’osait pas se retrouver seul avec Frédéric, seul Franck était d’humeur joyeuse. Les deux hommes de la maison passèrent ensemble une bonne partie de la journée.
***
Frédéric écourta son séjour. Rien ne le pressait de rentrer, si ce n’est le mutisme dans lequel Frédérique s’était enfermé à son égard : elle ignorait tout bonnement sa présence. Il partit par le train du dimanche après-midi. Ce fut Julie, accompagnée de Franck qui le conduisit à la gare. Perverse, la femme avait revêtu pour l’occasion une jupe courte et un pull moulant. L’une mettait en valeur la beauté de ses jambes tandis que l’autre ne laissait rien ignorer de la liberté des seins sous le cachemire. La présence de Franck était indispensable. Le fils servit de chaperon au père.
***
Il rentra rue Molière car si Frédérique le battait froid, lui boudait Lucile depuis son intervention intempestive. Par acquit de conscience – nouveau terme pour désœuvrement – il alluma son ordi et vérifia sa boîte mail. Outre de nombreux spams vantant les mérites de tel ou tel produit, des indésirables liés à son inscription sur un tchat et quelques messages de sa banque en rapport avec sa fortune en numéraire, il ne trouva que deux courriers dignes d’intérêt. Le premier était de Lucile, le second de Fanny ainsi libellé.
« Monsieur,
Votre silence s’éternise et je considère qu’il me rend ma liberté. Je ne peux vous cacher que cette indifférence à mon égard me peine mais je me plais à imaginer qu’elle est plus douce que les paroles que vous pourriez me dire. N’ayant d’autre choix, j’en prends acte.
J’aimerais malgré tout solliciter de vous une dernière faveur. J’ai décidé de poursuivre la route que vous m’avez montrée, celle de la soumission. J’ai donc besoin de vous pour trouver un maître digne de vous succéder. Seule, je crains de ne pas y arriver. J’espère en vos conseils et peut-être, si vous ne trouvez pas cela trop déplacé, en votre présence lors de mes futurs rendez-vous.
Je sais que je vous demande beaucoup mais ma confiance en vous est telle que je peux envisager un refus de votre part sans désespérer de mon avenir.
Votre dévouée
Fanny. »
Frédéric répondit aussitôt sa lecture finie.
« Je serai là pour toi maintenant et toujours. »
Puis il ajouta, pour parer à toute éventualité :
« Hormis jeudi soir prochain, je suis disponible tous les jours. »
Et il signa : « 26 »
Enfin, il ouvrit le mail de Lucile qui ne contenait que trois mots : « Tu me manques » suivis du dessin scanné d’un cœur en larmes. C’était puéril mais charmant. Frédéric ferma son ordi et courut à Courbevoie.
***
Nathalie trouvait le temps long. Depuis le vendredi passé, elle écumait les cinémas pour tromper son attente. Elle avait vu tellement de films depuis trois jours qu’elle avait les yeux rouges de fatigue. « 19, se dit-elle. Si je continue à ce rythme-là il va bientôt ne rester que les navets. » À nouveau, elle fut tentée de demander que le rendez-vous fût avancé d’un jour ou deux. Elle y renonça aussi vite jugeant que Frédéric ne l’entendrait pas de cette oreille. L’homme dont elle avait fait la connaissance dans son donjon n’était pas aussi malléable que celui qu’elle avait aimé dix ans auparavant.
Elle regarda son programme et renonça, ses yeux la piquaient trop. Elle héla un taxi et lui donna son adresse. Le donjon trottait dans sa tête. Pourquoi y avait-elle pensé. Quelle idiote elle faisait. Aussitôt chez elle, elle se débarrassa de ses chaussures, enfila des pantoufles et bougea la souris de son ordinateur. La luminosité de l’écran l’éblouit mais elle avait besoin d’en savoir plus sur certains points.
Dans la barre de recherche google, elle ne tapa que deux lettres : SM. Elle jeta un rapide coup d’œil aux résultats et décida de faire précéder sa demande des lettres « B » et « D ». Les réponses furent plus pertinentes. Elle cliqua sur le premier article dont elle abandonna la lecture au bout de quelques minutes. « Deux sur vingt jugea-t-elle. C’est mal écrit, bourré de termes techniques pas ou mal définis, aucun plan. C’est nul. » Le second étant plutôt axé sur le bondage, elle le remisa également. En revanche, elle s’intéressa à l’existence d’un tchat exclusivement consacré aux relations dominant/dominé. Elle y tenta sa chance.
Elle choisit « Curieuse » comme pseudo et se déclara neutre, les autres propositions étant : soumis(e), dominant(e) ou switch. Le temps de se déshabiller et d’enfiler son pyjama, elle avait quinze messages dont deux émanaient de femmes. Elle les lut mais les élimina d’office. D’emblée elle supprima aussi ceux qui lui parlaient en abrégé ainsi qui ceux qui ne lui disaient que « bonsoir » sans même regarder à quelle obédience ils s’étaient affiliés. Elle n’en conserva que trois : l’un commençait comme un cours magistral, le deuxième lui demandait ce qu’elle recherchait et le troisième, moins classique, lui proposait un scénario susceptible – selon l’auteur – de déterminer ses penchants. Prof elle-même, elle sut à l’avance que son « collègue » allait la barber. Un second message de la même source impatiente la convainquit définitivement de ne pas lui répondre. Restaient deux : le curieux et le psychologue. Les deux la tentèrent : que ce soit par les questions posées ou par la façon de gérer une situation qu’elle se faisait forte de perturber, ils allaient lui en apprendre long sur les dominants. Elle se lança.
***
Frédéric arriva chez Lucile ventre à terre. A lui aussi elle lui manquait et il n’avait besoin que d’un signe, si minime soit-il, pour passer outre à leur dispute. L’erreur de Lucile avait eu lieu, il fallait composer avec. La jeunesse, l’inexpérience, la confrontation avec un monde qui lui était tout à fait étranger… était autant d’explications et de circonstances atténuantes au comportement de Lucile. « Je suis un idiot, conclut-il. Mon rôle est de comprendre et d’excuser pas de condamner. » C’est exactement ce qu’il dit à Lucile en la prenant dans ses bras. La jeune fille, de son côté ne fut pas avare d’excuses et appris à Frédéric qu’elle avait renoué les liens avec Nathalie.
– Je ne suis pas sûr que l’expression soit pertinente dit-il en riant et en l’embrassant mais j’en suis heureux.
Ils firent l’Amour. Point d’orgue de toute réconciliation. Puis il raconta ses déboires. Il commença par Fanny, passa au cas de Nathalie et enfin se lança dans l’exposition de son projet. Elle trouva l’idée plutôt originale mais ne put s’empêcher une pointe de sarcasme :
– Tu réunis ton Harem, en quelque sorte.
– Je ne voyais pas ça sous cet angle mais tu as raison. C’est exactement ça. Je réunis mon harem.
C’est bon d’avoir quelqu’un capable de m’ouvrir les yeux sur les évidences ajouta-t-il en l’embrassant.
Sauf que je m’y suis pris comme un con. J’ai considéré que Frédérique serait d’accord avant même de lui en parler. Du coup, je l’ai totalement négligée et…
– … Elle t’a envoyé chier.
Tu sais qu’elle me plaît bien. Elle a un sacré caractère. Si tu m’en avais parlé avant, je te l’aurai dit. Ton projet, il a des tas de conséquences sur la vie de toutes les personnes concernées. Mais celle pour qui ça en a le plus, c’est Franck.
Frédéric la regarda, éberlué.
– Ah ! Naturellement, tu as pensé en mec. Il serait temps de chausser tes lunettes de père. Quel âge a ton fils ?
– Deux ans mais je ne vois pas…
– Quand ton projet sera prêt il aura ?
– Quatre ans. Où veux-tu en venir.
– A l’école mon vieux. Quand on a quatre ans, on va à la maternelle. Où est la maternelle la plus proche ?
– Je vois. Tu marques un point. Tu ferais une mère redoutable.
– Je ferai une mère redoutable, le conditionnel n’a pas lieu d’être.
– Oh Putain ! Décidément, c’est ma journée…
– Quand on ne veut pas se faire battre, on ne tend pas de verge. Tu devrais le savoir mieux que n’importe qui.
– Pax ! dit-il en mettant ses deux mains devant lui en guise de bouclier. Je me rends. Aide-moi plutôt à trouver un moyen de rattr le coup avec Frédérique.
– Où est-elle cette semaine.
– Dans le Vercors lundi et mardi, entre La Tour-du-Pin et Bourgoin-Jallieu le reste de la semaine.
– Ok. Là, je suis paumée. C’est où tout ça ?
– Du côté de Grenoble
– Donc elle dort à Grenoble. C’est la merde ça.
– Non. Elle dort à Villard demain soir et à La Tour à partir de mardi. L’auberge de Villard a une très jolie vue et La Tour du Pin est une ville magnifique. Sans compter qu’elle aura moins de kilomètres à faire.
– Je suis impressionnée. Tu connais toute la France aussi bien ?
– Je n’ai aucun mérite, ma marraine habitait Meylan, j’ai des cousins à La Tour et je me suis cassé la jambe à Villard-de-Lans. Tu vois, aucun mérite.
– Je vois. N’empêche que j’en ai appris plus sur toi en dix minutes que ces trois derniers mois. J’ai une autre nouvelle pour toi : tu pars pour Villard-de-Lans demain matin. J’espère qu’il leur restera des chambres… Je crois que ce serait plus prudent de téléphoner.
***
Nathalie ferma son navigateur. Elle n’était pas restée plus de trois quarts d’heure à discuter avec ses deux correspondants. Le curieux l’avait inondé de questions insipides mais ne répondait jamais aux siennes. Quant à l’autre, il voulait des détails, toujours plus de détails et exigeait qu’elle répondît avant même d’avoir lu son message en entier. Et en plus, le goujat avait la prétention de corriger ses fautes de frappe. Elle l’avait congédié en lui signalant qu’elle n’était pas dactylo.
« Quelle bande de pithécanthropes ! S’ils sont tous sur le même moule, autant rester nonne » pensa-t-elle. Et elle alla se coucher l’esprit serein.

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