Mister Hyde 31
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Frédéric arriva à Villard-de-Lans vers dix-neuf heures. Il navait pas repris le volant depuis son agression et éprouvait une appréhension certaine à le faire aussi avait-il conduit prudemment entre Grenoble et Villard. Il ne vit pas la voiture de Frédérique quand il gara son véhicule de location dans le parking et ne senquit pas delle lors de son passage à la réception. Il monta dans sa chambre, posa son sac puis descendit prendre un verre au bar avant daller dîner.
Il était installé à table depuis une dizaine de minutes lorsquil entendit résonner la cloche de la réception. « Elle arrive ! » se dit-il en se réjouissant davance de la surprise quelle aurait en le voyant. Lorsquarriva son dessert, il questionna la serveuse.
Vous ne la verrez pas ce soir, la dame a demandé à être servie dans sa chambre. Si vous voulez la voir, il faudra toquer à sa porte. Une gentille dame. Ça fait plaisir de la voir sourire.
Vous semblez bien la connaître
Oh ! Pas si bien que ça mais ça fait bien un an et demi quelle vient. Au début, elle cherchait quelquun et maintnant elle vient pour son travail.
Et
Dans quelle chambre puis-je la trouver, jaimerais la saluer. Ou plutôt non. Tiens ! Laissez-moi deviner. Elle est chambre 110, premier étage, première porte sur la gauche.
La serveuse en resta pantoise.
Je venais ici pour Noël quand jétais gamin. Mon frère et moi, on occupait cette chambre et mon père et sa femme celle den face. La dernière année, je me suis cassé la jambe et je crois bien que vous avez passé tout le séjour à vous occuper de moi.
Bon Dieu ! Le ptit Frédéric ! Je me disais bien que jconnaissais ces yeux malicieux dit-elle en lui pinçant la joue. Oh la la fripouille ! Tu men as fait voir
Si jmattendais
Elle le serra dans ses bras et lembrassa comme du bon pain.
On se voit demain ? Parce que ce soir je crois savoir que tu as quelquun de plus important à voir.
Non. Jai juste besoin de lui parler.
Alors grimpe ! Elle se lève tôt.
Frédéric ne se le fit pas dire deux fois et grimpa les marches quatre à quatre. Quand il toqua à la porte, il entendit la voix claire de Frédérique :
Il ne fallait pas vous déranger, jaurais
Ce nest pas le service détage.
Voir Frédéric neut pas lair de lui faire plaisir.
Quest-ce que tu fais là demanda-t-elle.
Je suis venu te parler. Tu me laisses entrer ?
Frédérique sesquiva et Frédéric entra. Nostalgique, il lança un coup dil à la chambre.
Ce nest plus le même papier peint, à lépoque, il y avait des lits jumeaux et pas darmoire, une commode.
Mais je ne suis pas venu ici pour ressasser de vieux souvenirs, je suis venu pour te présenter des excuses et te demander de pardonner ma bêtise et ma goujaterie.
Jaccepte tes excuses et je te pardonne ta goujaterie. Pas ta bêtise. Je veux que tu apprennes à correctement distinguer entre mes deux casquettes. Ce serait trop simple sinon. Pour ça, jai trouvé une punition qui te va comme un gant : je reprends ma liberté pour un mois à compter de vendredi dernier à dix-neuf heures cinquante-neuf. Ainsi, tu ne pourras pas me tenir rigueur de mon absence à notre rendez-vous du soir. Maintenant, je vais être franche : ton projet ne me déplaît pas mais je veux en connaître la motivation.
Si tu mavais posé la question vendredi je taurais répondu que je veux réunir les gens que jaime autour de moi pour mieux pouvoir les protéger. Depuis, jen ai discuté avec Lucile qui pense que mon désir semble plutôt être de vouloir réunir mon harem. Il est bien possible quelle ait raison.
Cest un des grands bienfaits de ton agression. Tu es devenu franc et sincère. Cependant, je te compte déjà deux concubines plus Julie qui a toujours des vues sur toi malgré son air revêche quand jévoque ton nom. Combien vas-tu nous en annoncer dautres ?
Une, peut-être deux : Nathalie et Fanny.
Frédérique sassit sur le lit, un peu surprise par son aplomb.
Pourrais-tu éclairer ma lanterne
?
Fanny cest la soumise que jai eu à ma sortie de lhôpital.
OK ! Ma remplaçante en quelque sorte dit Frédérique en reprenant son souffle.
Elle ne te remplaçait pas puisque jignorais ton existence. Tu nas aucune raison
Den être jalouse ? Ah si ! elle jouissait de toi pendant que je me morfondais. Bien sûr que jai des raisons den être jalouse. Jen ai même de lui en vouloir.
Si tu dois en vouloir à quelquun, cest plutôt au psy de lhôpital. Cest lui qui a conseillé à Nathalie de ne rien me dire de ton existence tant quon ne taurait pas retrouvée.
Ouh la Ouh la ! Doucement ! Quest-ce que Nathalie vient faire dans cette histoire ?
Cest la fliquette qui ma retrouvé.
Ouuuh ! cest compliqué tout ça.
Pas tant que ça, tu vas voir : Nathalie et moi, nous nous sommes connus au lycée et nous sommes sortis ensemble. Comme elle est flic
enfin, était flic, elle a vu le signalement de ma disparition. Elle a demandé à être saisie de lenquête et elle ma retrouvé. Mais lorsquelle ta appelée pour tannoncer la nouvelle, tu avais disparu à ton tour et personne ne savait où tu étais passée. Donc, elle en a parlé au psy qui lui a conseillé de se taire tant que tu naurais pas refait surface ou que ma mémoire se soit débloquée. Ce qui explique que ce soit Lucile, qui est aussi sa cousine, qui mait appris ton existence.
Cest plus clair maintenant ?
Pas vraiment mais bon. Un jour ou lautre je finirais bien par comprendre.
Ça ne mexplique pas ce que vient faire Nathalie dans ton harem si ce nétait quune amourette de lycée
Ce nétait pas une amourette.
Taimer nest vraiment pas une sinécure Frédéric mais tu as mon accord. À une condition
Il y a une école maternelle à moins de deux kilomètres et la primaire est plus proche encore. Pour le collège il faut en compter trois mais le lycée est beaucoup plus loin.
Ça va. Bonne nuit maintenant.
***
Frédéric rentra à Paris le lendemain. Il aurait dû être satisfait davoir, sans combattre, obtenu lassentiment de Frédérique. Pourtant, quelque chose le dérangeait. Bien quil nen fût pas enchanté, la mise entre parenthèse de ses droits nen était pas la cause. Pas plus que le fait que Frédérique nait accompagné ni son bonsoir de la veille ni son bonjour du matin, dun baiser. Cétait une sensation plus pernicieuse quil narrivait pas à définir. Il eut beau y réfléchir durant tout le trajet qui le séparait de la gare de Lyon, il narriva pas à mettre le doigt dessus.
Lucile layant averti quelle lattendrait à Courbevoie, il prit le 29 jusquà Saint-Lazare puis un direct pour Bécon-les-Bruyères. Marcher lui fit du bien. Il arriva au pavillon, détendu. En ouvrant la porte extérieure, la musique lui sauta au visage. Elle emplissait lespace ; elle envahit son esprit. Incapable de bouger il avait peur quen se mouvant il ne brisât le charme Frédéric resta dans lentrée. Les lazzis des violons altii lui donnèrent limpression de senvoler tandis que leur soutien par les violoncelles et les cors le retenaient au sol. Les voix avaient sensiblement le même effet : les graves des barytons et des basses sondaient lEnfer alors que les voix des altos et sopranos linvitaient à visiter le ciel.
Encore ! cria-t-il lorsque brusquement la musique cessa.
Invisible, Lucile reçut le message. La mélodie repartit.
Profondes, les voix dhommes, alliées au charme plus élevé des sopranos donnèrent le ton, soutenues par la monotone langueur dun violoncelle au timbre grave. Frédéric sentit tout de suite la différence de version. Il en eut la confirmation lorsquune batterie imprima à la mélodie classique un rythme rock qui lencrait dans le présent. Lorsque les violons entrèrent en scène, il eut la vision dun combat entre les courageux fantassins et la lourde pièce dartillerie que figurait la batterie ; un duel à fleurets mouchetés, qui se termina en osmose.
Jen ai la chair de poule montra-t-il à Lucile qui venait dapparaître. Où as-tu trouvé ça. Cest
Splendide.
Un cadeau de papa, il lécoute en boucle quand il désespère du genre humain. Enfin, la seconde version parce que de la première il dit que cest lexacte représentation de ce quest une religion alors que lautre peint lâme humaine.
Frédéric ne fut pas sûr de bien comprendre le subtil distinguo quopéraient les versions mais là nétait pas limportant. Il prit Lucile dans ses bras.
Merci dit-il. Merci à ton père et merci à
ERA.
Et merci à ERA pour cette merveille. Cétait un accueil extraordinaire.
En fait, je ne tattendais pas. Je lécoutais pour moi.
Alors disons que je suis bien tombé.
Peut-être. Moi, cette musique me fait penser à toi : le seul homme que je connaisse qui soit écartelé aussi évidemment entre sa part angélique et sa part démoniaque.
Au fait, comment sest donc passé ton angélique voyage ?
Plutôt bien. De savoir quil y a une école toute proche a emporté sa conviction. Elle est daccord !
Et donc, ta part dombre ressent un malaise.
Ma part dombre en a pris plein la gueule avoua-t-il en éclatant de rire. Pour une fois, le maître est puni : elle reprend sa liberté pendant un mois
Mon pauvre chéri ! affirma Lucile en se moquant ouvertement de lui. Ça te chagrine
Oh non ! jen suis même plutôt content. Cest toujours bon douvrir les fenêtres dune maison pour aérer. Cest pareil pour Frédérique : un peu de vacances lui fera du bien. Mais il y a autre chose. Un truc qui me démange et je narrive pas à trouver ce que cest. Pourtant, je suis sûr de le savoir ! Mais voilà, je narrive pas à le nommer.
Arrête de chercher. Ça viendra en son temps. Viens plutôt técouter au casque, tu verras que jai raison.
Dautorité elle le guida jusquau sofa où elle lui mit un casque sur les oreilles. « Voxifera » explosa dans sa tête.
***
Frédérique chantonnait tout en conduisant. Malgré la surprise que lui avait causée lapparition de Frédéric, la veille au soir, elle avait su conserver calme et contenance. Elle avait même réussi à le bluffer en lui faisant croire quelle reprenait temporairement sa liberté. Elle baissa les yeux vers son entrecuisse lespace dune seconde : comment pourrait-elle être libre alors quelle était liée à lui par le cadenas qui verrouillait son sexe ? Comment pouvait-elle être libre quand elle était liée à lui par lamour quelle lui portait ? Impossible ! Limportant était quil le crût. Et il le croyait, de cela elle était certaine.
Elle sourit. Découvrirait-il un jour que si elle le privait de son obéissance pendant un mois, ce nétait pas pour se venger de son comportement vis-à-vis delle tandis quil exposait son projet mais pour avoir baisé Julie en ses lieux et places le soir même ? Quelle serait sa réaction sil en prenait conscience ? Il la punirait pour lui avoir menti, cétait certain. Elle allait tout faire pour que la vérité lui soit révélée. Julie servirait de messagère
Légère, elle se rendit à son premier rendez-vous. Puis au suivant. La semaine serait bonne. Elle se sentait forte.
***
Mardi : Nathalie regarda le costume soigneusement disposé sur son lit. Décidément, elle ne pouvait pas mettre ça. Passait encore pour les dessous mais cette tenue était celle dune pute ou dune salope, pas un vêtement pour elle. Dune main rageuse elle se saisit de la jupe et du bustier quelle alla expédier par le vide-ordures. Voilà, cétait fait une bonne fois pour toutes ; elle irait à ce rendez-vous habillée dune façon qui lui correspondrait. Il lui restait cinquante-sept heures pour trouver la tenue adéquate.
Elle fouilla dans sa garde-robe mais elle avait jeté tant deffets après la disparition de Juan que rien de ce quelle vit ne la satisfit. Pour être à la fois sexy et elle-même, elle navait quune solution : faire les boutiques. Elle shabilla en un tournemain et sen alla gaiement vers une séance de shopping.
***
Fanny rentra chez elle épuisée. Deux de ses collègues sétant fait porter pâles, elle les avait remplacées au pied-levé. Elle navait dormi que quatre heures ces trente-six dernières heures. Et encore, de façon morcelée. Elle avala un thé et alla se coucher : elle navait que dix heures pour récupérer avant de partir pour sa prochaine garde. Il était urgent de dormir.
***
Lucile observait Frédéric. Il écoutait la musique les yeux fermés, les bras ballants ce qui ne lempêcha pas de sentir la présence de la jeune fille.
Je comprends pourquoi cela te fait penser à moi cria-t-il pour couvrir les sons que lui seul entendait. Mais je préfère linterprétation de ton père. Elle est moins
personnelle.
Lucile enjamba Frédéric et fit sauter le casque.
Fais-moi lamour dit-elle.
***
Lucile oublia daller en cours ce mardi. Elle nalla pas plus à la bibliothèque le lendemain. Frédéric et elle sortirent tôt le jeudi matin.
Si Nathalie ne vient pas, je serais à Courbevoie vers vingt-et-une heures. Dans le cas contraire, je ne rentrerais pas de la nuit dit-il en se séparant de Lucile sur le quai du métro porte de Clignancourt.
Frédéric avait pris lhabitude de ne plus dire « chez toi » et, bien quil y passât plus de temps que dans son propre appartement, il ne disait jamais « chez nous », préférant désigner leur principal lieu de vie par le nom de la ville où se situait la maison. Cela ajouta à lagacement de Lucile.
Cest Notre maison ! répondit-elle en claquant un baiser sonore sur ses lèvres, puisque cest là que nous sommes heureux
Il la regarda séloigner et attendit le métro sans avoir la moindre idée du malaise qui habitait Lucile.
***
Lucile nétait pas heureuse en ce jeudi matin. Elle avait peur. Certes, elle avait donné son aval à la soirée quallaient passer ensemble Nathalie et Frédéric mais elle connaissait trop bien sa cousine pour ne pas la craindre. Sous ses dehors policés et sa pruderie affichée, Nathalie cachait une sensualité débridée dont Lucile était persuadée dêtre dépourvue : elle nétait pas certaine de savoir éteindre le feu que sa cousine ne manquerait pas dallumer dans le corps de Frédéric. Lucile était dautant plus inquiète que, cette fois, elle ne serait pas présente pour calmer le jeu.
***
Après avoir écumé les quatre temps, Italie 2, Beaugrenelle et les Halles, Nathalie était toujours à la recherche de la tenue idéale. Et désormais le temps pressait. Elle pensa avoir une dernière chance de la trouver en remontant les boulevards. Au pire, elle irait au Sentier voire elle pousserait jusque rue dAboukir. En cas déchec, elle sétait fait la promesse de se conformer à la demande de Frédéric. Autant dire quelle nenvisageait même pas que cela fût possible. « Je refuse darriver déguisée en pute chez un homme qui naura plus quà menfiler
» tel était en substance largument quelle se répétait pour se maintenir sous pression et ne pas lâcher prise. Elle sétait donné jusquà dix-huit heures, passé ce délai, elle entrerait dans un sex-shop rue Saint-Denis et rachèterait ledit déguisement.
A seize heures, nayant toujours rien trouvé qui lui convînt, elle abandonna les boulevards pour la rue du Sentier où un passage rapide devant les vitrines la convainquit quelle faisait toujours faute route. Même déception rue dAboukir. De guerre lasse et en traînant les pieds, elle se tourna dans la rue Saint-Denis. Juste avant dentrer dans le premier sex-shop se trouvant sur son passage, elle lança un regard implorant vers une vitrine. Miracle ! le vêtement quelle avait si longtemps convoité lui tendait les bras.
***
Frédéric avait passé la journée à faire du rangement et du ménage rue Molière. Entrée, salon, chambres et même la salle de bains avaient été débarrassés par ses soins des bibelots et de certains meubles qui les encombraient et cachés dans le dressing. Le séjour devenu vivable, il sassit un instant pour réfléchir à la conception dun souper froid. Il rédigea sa liste de course mais, avant de sortir, lenvie lui prit de consulter ses mails. Demblée, il constata que le courriel adressé à Fanny navait pas reçu daccusé de lecture. Il lui en envoya aussitôt un second : « Je veux te voir. 26 ». Puis il attrapa sa veste et sortit.
***
« Saucisson, jambon cru et vin rouge ! Cest bien meilleur que le Prozac. » Fidèle aux directives paternelles, Lucile, de retour chez elle, sinstalla devant la télé avec un plateau bien achalandé.
***
Vêtue de sa nouvelle tenue, Nathalie jubilait. Parmi toutes les couleurs proposées, dont le bleu sous diverses variantes, elle avait choisi celle qui mettait en valeur à la fois sa flamboyante chevelure et son regard. Frédéric serait peut-être mécontent de navoir pas été obéi mais elle, ne cachait pas sa joie de se sentir si désirable sans avoir pour autant la dégaine dune fille de joie. Elle regarda sa montre et décida de soctroyer une limonade pour prix de ses efforts. Elle descendit jusquà Étienne Marcel et sinstalla à une terrasse.
***
Fanny venait de vivre quelques jours infernaux au travail, elle semblait être la seule infirmière immunisée contre les virus qui traînaient et décimaient les rangs du personnel hospitalier. Le principal sappelait, selon le cas : Usure, Fatigue, Lassitude, Épuisement
et sattaquait autant au moral quau physique de ses victimes. Lorsquelle-même quitta lhôpital en ce début daprès-midi, elle choisit de rentrer en transports de peur de sassoupir au volant.
Elle ne quitta son manteau quaprès avoir allumé son ordinateur. Durant les quatre derniers jours, la seule chose capable de la tenir éveillée était de penser aux messages quelle trouverait sur le tchat Domi quelle fréquentait et à la réponse de « Monsieur ». Elle commença par ouvrir sa boîte mail. Elle avait bien essayé un logiciel de messagerie mais les adresses « Wanadoo » faisaient désormais partie de celles quil faut configurer manuellement. Les histoires dIMAP et de POP lui étant étrangères, elle avait renoncé. Daucuns lui avaient bien conseillé de changer pour Gmail ou Hotmail mais elle avait cette adresse depuis quà lâge de huit ans, un camarade de classe féru de technologie la lui avait ouverte. « Internet explorer, cest très bien ! » avait-elle décrété et elle avait abandonné lidée de recevoir ses mails sur son cellulaire.
Elle trouva les deux courriers de Frédéric quelle lut dans le désordre. Le « Je veux te voir » lui parut comminatoire et linquiéta tandis que son premier message la rassura. « Ouf ! se dit-elle, ce nest que le complément du premier, pas un rappel à lordre ». Et elle se connecta au tchat.
***
18h55 : Frédéric rangea au frigidaire la seconde assiette soigneusement couverte de cellophane. Dans cinq minutes commencerait lattente et, malgré la confirmation quelle avait faite de sa venue, il nétait pas certain que Nathalie ne lui poserait pas un lapin.
Six minutes plus tard, le tintement de la sonnette le détrompa.
Nathalie avait estimé que grimper les escaliers et reprendre son souffle lui prendrait quatre minutes. Elle attendit en bas que sa montre indiquât 18h57 pour entamer son ascension. Le timing avait été parfait.
***
Je ne crois absolument pas que tu sois venue te faire sauter dit Frédéric en riant : réponse à la réplique quelque peu acerbe que Nathalie fit à sa phrase daccueil. Si tel avait été le cas, tu porterais bien gentiment la tenue que jai exigée. La question désormais est de savoir pourquoi tu es venue et surtout, pourquoi tu estimes nécessaire dêtre agressive à mon endroit
Nathalie, rouge de confusion, resta quelques secondes sans voix. Pour sencourager, elle sétait répété cette phrase tout laprès-midi, elle en avait même fait son leitmotiv depuis quelle avait jeté les frusques au vide-ordures. La phrase avait surgi tout naturellement de sa bouche tandis que Frédéric laidait à retirer son imper et découvrait la robe quelle venait dacheter.
Ça ma échappé dit-elle à court dargument, refusant par là-même de faire lhistorique de sa sentence.
La bonne humeur de Frédéric ne fit que la déstabiliser un peu plus.
Permets-moi dêtre dubitatif mais, maintenant que je sais ce quil en est, je vais ranger le petit scénario que javais préparé et nous allons causer. À moins bien sûr que tu penses avoir commis une erreur en venant et que tu souhaites ten aller.
Je tai dit que cela mavait échappé
En réalité, je trouvais le déguisement que tu voulais me voir porter, humiliant, dégradant. Cest cette phrase qui ma donné le courage de le jeter.
Là je te crois. Dire ce quon pense nest jamais mauvais mais il faut parfois expliquer les raccourcis quon prend pour sexprimer. En plus, cette robe te va à ravir, bien plus jolie que le « déguisement » que je tavais choisi. Crois-le ou non mais je suis heureux que tu nen sois pas affublée car oui, il était volontairement humiliant et dégradant. Pourtant
Pourtant je lai porté sans faire dhistoire il y a quinze jours. La situation était différente : je venais pour être punie parce que je pensais que je me comportais comme une salope et une pute vis-à-vis de Juan. Je pensais le tromper à chaque fois que je rêvais dun autre homme. Ce nest plus le cas aujourdhui et quand jy réfléchis, ça na jamais été le cas. Mais je dois remercier Lucile : cest son intervention qui ma ouvert les yeux. Le plaisir que tu mas donné a été un plus mais il na été que ça. Ce nest pas toi qui mas réveillée, cest elle !
Jespère que tu le lui as dit. Elle taime vraiment tu sais et cest une fille bien. Mais du coup, ça nexplique pas ta présence
Nathalie prit quelques instants. Elle formula son discours en pensée avant de lexprimer à haute voix. Sil y avait bien une chose quelle ne voulait pas cest en dire trop et de façon trop crue.
Il y a, entre nous, un vieux compte à régler. Jai pensé quil était temps de solder nos dettes.
Étonné, Frédéric poussa Nathalie dans ses retranchements.
Nos dettes ? Ai-je bien entendu ? Cela sous-entend que jai une dette envers toi. Laquelle ?
Il ny avait aucune colère dans le timbre de Frédéric, juste de la surprise. Nathalie choisit soigneusement les mots quelle prononça. Encore le fit-elle avec hésitation :
Peut-être
cette
promesse sous-jacente que tu nas jamais tenue
Peut-être
parce que tu mas trompé avant que je le fasse et que, très vite, tu mas aussi quitté.
Nathalie retrouva dans le ton de la voix de son contradicteur la même tristesse quelle y avait perçu plusieurs années auparavant, lorsquils sétaient revus à la mort de Lucrèce. Elle en fut bouleversée. Se pouvait-il quil ait été à ce point ébranlé par leur séparation, brisée par elle dans les mêmes proportions que par le décès de Lucrèce ? Elle leva les yeux vers lui. Frédéric avait les traits défaits comme sil portait sur le visage son cur déchiré. « Oui pensa-t-elle. Il ma vraiment aimé autant que Lucile me la dit. Et Oui ! Il maime encore
»
Je suis désolée souffla-t-elle.
« Désolée » ! Mais « désolée » de quoi ? Cest totalement absurde ce que tu dis
Jai commis tellement derreurs
Frédéric balaya la réplique dun geste de la main.
Nous en commettons tous, moi le premier dit-il en se levant.
Veux-tu boire quelque chose ? Pour ma part, il est temps de sortir lartillerie.
Nathalie remercia intérieurement Frédéric de ce dérivatif et accepta un doigt de whisky.
Jai pris quelques cuites mémorables quand on sest séparés. Mémorables, ça veut dire que je naurais pas dû les oublier. Pourtant
Tu ne peux pas savoir comme cétait bon de ne plus avoir de souvenirs. Jétais redevenu une terre vierge, sans passé, sans erreurs commises, sans incapacité à protéger ceux que jaime puisque je naimais personne. Maintenant que cette foutue mémoire est revenue, je culpabilise de toutes les conneries que jai faites en nagissant pas, ou mal, ou à contretemps
Il tendit son verre à Nathalie.
Il y a quinze jours, tu es venue ici en pensant que jallais te punir à la place de Juan. Je mentais. Javais envie de te punir Moi. À cause de cette mémoire retrouvée. Parce que si tu avais été un flic ordinaire, tu aurais suivi les conseils du psy et tu serais passée à une autre affaire sans plus te soucier de moi. Un flic ordinaire naurait pas retrouvé Lucile. Un flic ordinaire ne maurait pas révélé lexistence de Frédérique et de Franck. Un flic ordinaire maurait permis de rester amnésique.
Il avala une large gorgée du liquide ambré avant de reprendre :
Si ce soir tu étais venue attifée comme je le voulais, je me serais vengé et sans doute aurais-je payé la dette que tu me reproches, par-dessus le marché. Mais tu es venue dans cette magnifique robe verte qui met si bien en valeur tes couleurs et ton corps. Si jétais encore amnésique, je te demanderais de tourner sur toi-même pour que je puisse apprécier ta beauté. Mais je ne le ferai pas. Parce que je suis redevenu ce type, en partie façonné par ses souvenirs et qui nose pas. Parce que ta robe dit « Non ! » et que je suis assez veule pour la croire.
Et si tu te trompais sur le message que véhicule cette robe ? Si au lieu dêtre un « Non » elle était un « Oui mais
» ?
Nathalie se tut un instant pour laisser à Frédéric le temps de détailler le vêtement.
Je nai pas choisi cette robe au hasard. Regarde-la bien et vois les possibilités quelle offre
Ça ne te rappelle rien ?
Frédéric nétait pas aveugle pourtant il refusait de voir. Nathalie lui décrivit la robe en joignant le geste à la parole :
À première vue, cest une robe moulante comme les autres mais si on détaille un peu plus, il y a sous la poitrine une fermeture éclair qui permet de séparer la jupe et le bustier. Une autre enserre la taille et permet de libérer le ventre. Ainsi, hormis la matière dans laquelle elle est faite et la couleur que je préfère de très loin au bleu que tu avais choisi, elle na que peu de différence avec la tenue que tu avais exigée de moi. Mais cette différence est de taille puisquelle est essentiellement psychologique : dans ce vêtement, je nai pas la désagréable sensation dêtre une pute. Sans doute parce que je nen suis pas une et que je ne le serai jamais.
Frédéric fut sidéré par la similitude quil y avait maintenant entre la tenue modifiée de Nathalie et celle quil avait exigé quelle portât. Il eut cependant un signe de refus.
Mais pour le reste, poursuivit Nathalie, rien. Cette robe nest pas un refus Frédéric, cest lexpression de mon désir. Il ne peut en aucun cas être aussi brut, aussi brutal que le tien mais il le rejoint, avec quelques bémols. Pour dire les choses de façon aussi crue que jen suis capable, jai envie de toi Frédéric mais pas aux conditions que tu imposes. Jai envie de sentir peser sur moi la même force que celle qui émanait de toi il y a deux semaines mais je veux garder une part de ma liberté. Sans quoi, je ne serais plus quune poupée et je ne serais plus moi-même. Voilà ! Je suis à toi. Avec les restrictions que je viens dénoncer.
Nathalie ferma la bouche et volta sur elle-même : un tour à petits pas, un autre plus rapide
Un troisième. Elle pria pour quil linterrompe. Il nen fit rien. Elle continua son manège mais chaque volte lui donnait un peu plus conscience du ridicule de la situation. Elle cessa de compter les tours puis, usée par le silence et linaction de Frédéric, elle simmobilisa.
Je vais partir dit-elle en prenant sur le sol la partie de la robe quelle y avait abandonnée. Je vais juste me rhabiller avant.
Il ne dit pas un mot. Il ne fit pas un geste. Nathalie enfila le bout détoffe dont elle zippa les fermetures, tendit la main pour exiger son manteau. Elle se sentit emportée. En un éclair Frédéric lenlaça : elle voyagea dans le passé. Le baiser quil lui donnait avait ce goût de miel, de lait et de caramel mêlés, le même que celui quils avaient échangé pour se dire « je taime » la première fois. Elle avait de nouveau dix-sept ans. Elle se promit de ne pas commettre les mêmes erreurs.
***
Assise en sous-vêtements dans le canapé, Lucile ferma les yeux. Aveuglée, elle put enfin laisser libre cours à son fantasme. Déformée pour les besoins du scénario, la voix de Frédéric lui parvint, lui enjoignant de se lever. Ce quelle fit sans sattendre, puisquofficiellement elle obéissait à la main qui prenait possession de son sexe.
Pour toi, je le suis toujours répondit-elle à la voix masquée qui, dans sa tête murmurait des horreurs. Jaime lidée que tu puisses te satisfaire de moi à tout moment.
La main glissa dans sa culotte et entra deux doigts dans son intimité tandis que le pouce ravageait son clitoris.
Oui ! Si tu veux que je sois ta chienne, je serai ta chienne. Je serai tout ce que tu veux que je sois.
Sentendre avouer ce désir à haute voix fut comme un coup de fouet pour Lucile. Son corps frémit, trembla sur ses bases mais elle se retint de jouir. Passant du « tu » au « vous » elle rétorqua à la voix qui venait de lancer linterdit :
Je sais quil est encore trop tôt et que ce nest pas la jouissance que vous me réservez.
Elle sagenouilla sur le canapé et, dos cambré, elle tendit ses fesses vers lextérieur.
Cest cela que vous voulez de moi. Je vous le donne de bon cur.
Le visage en appui sur le dossier du canapé, elle se débarrassa de sa culotte quelle laissa pendre sur sa cheville gauche.
Dun doigt, la main força son anus. Lucile simagina que cétait le sexe de Frédéric. Le plaisir la foudroya.
Mais ce fut quune fulgurance. Dès quelle ouvrit les yeux, Lucile prit la mesure des mensonges quelle faisait à son homme et elle redevint triste.
Elle jeta un il à sa montre. Frédéric ne rentrerait pas ce soir. Son affliction décupla.
***
La langue de Frédéric caressait, pilonnait, pénétrait ou léchait son anus. Nathalie ne boudait pas son plaisir. Depuis quelle avait quitté Frédéric, elle sétait volontairement privée des sensations exquises que lui avait prodiguées lhabileté de son amant. Même à Juan elle avait interdit de câliner, de quelque façon que ce soit, lorifice interdit. Consciemment ou non, ce privilège était réservé au seul de ses camarades de jeu qui lavait initiée. Lorsque, tandis quil lembrassait, la main de Frédéric sétait posée sur ce quun soir il avait appelé « sa croupe », Nathalie avait compris que, lun comme lautre, ils iraient jusquau bout : elle, se donnerait à lui ; il la posséderait. Morceau par morceau, croche après croche, il avait démembré sa robe. Sa bouche avait mis le feu à ses seins, ses doigts au reste de son corps. Cétait si tendre, si érotique quelle noffrit aucune résistance et se laissa porter par les baisers. Ils étaient si tendres, bien plus que dans ses souvenirs où ils occupaient pourtant une place de choix. Bien plus précis aussi. Comme si les récentes retrouvailles de Frédéric et de sa mémoire avaient ravivé la connaissance quil avait du corps de la jeune femme. Lorsquil sallongea sur elle, elle ne put retenir son plaisir : le sexe de lhomme venait dépouser sa raie, comme une promesse pour le proche avenir.
Il lui laissa le temps de jubiler puis, tout en picorant son cou de bisous assassins, il murmura :
Ce soir, je me sens comme il y a dix ans, un puceau bourré de fantasme et dopé aux hormones. Or, tu las dit, il est temps de solder nos comptes. Le premier des tiens consiste dans la satisfaction dune demande maintes fois formulée : aller jusquau bout de la fellation. Dès que je taurai libérée, tu vas me sucer et me boire. Ainsi, tu commenceras à payer tes dettes. Ensuite, tu texcuseras pour mavoir trompé et quitté pour une histoire de cul sans intérêt. Pour pouvoir te pardonner, il faudra que je te punisse. Ce nest quaprès cela quenfin, je réglerai la créance que tu as contre moi. Si ce programme te convient, exprime ton accord sans laide des mots. Si tu ty opposes, tu connais les paroles quil convient de prononcer
Les propos de Frédéric, le ton ferme et feutré de sa voix, la pression de son corps sur le sien, la présence affirmée de son gland aux portes de son anus
tout cela agit sur Nathalie comme un aphrodisiaque. Elle accepta les termes du contrat dimperceptibles mouvements du bassin.
Frédéric profita encore quelques minutes de la chaleur du corps de Nathalie, de son odeur de lait frais, de ses frémissements dêtre à nouveau sous le joug dun homme. Il se délecta de lui faire sentir sa puissance et lemprise quil avait sur elle jusquà ce quenfin, il la libérât.
Le premier objet que vit Nathalie en se retournant fut le sexe de Frédéric. Il était plus long et plus épais que dans ses souvenirs et elle en éprouva quelques appréhensions pour le proche avenir. Mais elle ne se laissa pas le temps dêtre effrayée : Frédéric avait dicté les règles, elle devait sy tenir. Elle se redressa puis sagenouilla. De toute sa vie, elle navait jamais adopté cette position devant un homme pourtant, elle sy plia de bonne grâce pour la seconde fois en quinze jours et découvrit quelle y trouvait plaisir et excitation. « Peut-être nest-ce que la deuxième fois » pensa-t-elle en caressant le sexe du bout de sa langue. « Peut-être aura-t-il encore envie de moi après ce soir » spécula-t-elle en avalant lentement le membre. « Peut-être ne serait-il quà moi si je navais pas été aussi conne » médita-t-elle en caressant la hampe du bout des doigts tandis que sa langue saffairait autour du gland gorgé. Peut-être peut-être peut-être
À chaque action correspondait un nouveau rêve, une nouvelle pensée destinée à entretenir et à augmenter son désir mais la voix de Frédéric vint interrompre ses conjectures :
Jai toujours aimé que tu me suces et toujours rêvé de jouir dans ta bouche dit-il en posant ses mains dans la chevelure de feu. Mais puisque je vais également te punir, jai idée de timposer un petit supplément : tu garderas mon sperme en bouche pendant que je te fesserai. Ce nest quaprès que je tautoriserai à avaler
Prépare-toi maintenant, je vais jouir.
Ces paroles firent à Nathalie un curieux effet et pas seulement pour ce quelles signifiaient : elle navait jamais eu damant prolixe. Bien entendu, ils avaient murmuré des mots doux mais pas un ne lui annonçait la couleur à lavance. Elle trouva cela à la fois excitant et inquiétant. Dautant que les rares fois où elle sétait accidentellement retrouvée avec du sperme dans la bouche, elle lavait aussitôt recraché. Là, il lui fallait laccepter et le conserver avant de lavaler. Trois actes pour lesquels elle était novice. Heureusement, les mains de Frédéric caressant ses cheveux semblaient lui dire que tout allait bien se passer. Lorsquelle sentit frémir le sexe dans sa bouche, elle était prête.
Les lèvres fermement serrées autour du membre, elle accueillit le premier jet en le cassant avec sa langue. Elle fit de même avec les suivants. « Cest si facile » se dit-elle tandis quelle pompait le dard pour en extraire la moindre goutte et que Frédéric grognait son plaisir.
La bouche hermétiquement close, Nathalie suivit docilement Frédéric jusquau canapé. Sur un signe de lui, elle sallongea sur ses genoux. Alors, commença la fessée.
Muselée par le sperme quelle devait conserver, Nathalie reçu le châtiment, ballottée entre un sentiment dhumiliation extrêmement puissant et une excitation qui ne létait pas moins. Ils atteignirent leur paroxysme lorsque Frédéric exigea quelle se cambrât encore pour lui offrir son cul. Le visage à plat sur les coussins, les genoux repliés, le dos arqué, elle leva son fessier de plusieurs centimètres. Tout son corps la brûla de honte et de désir et, quand les doigts forcèrent son anus, elle se concentra sur sa bouche pour éviter de jouir.
Tu es prête maintenant. Montre-moi
Nathalie neut pas besoin dexplication pour comprendre ce quelle devait montrer. Dans un état second elle quitta le canapé et sagenouilla naturellement face à Frédéric. Sans précipitation, elle ouvrit la bouche pour lui montrer que pas une goutte du précieux liquide ne sétait perdu durant la fessée puis, sur un geste de lui, elle avala en exagérant son acte dun mouvement du buste.
Tu es parfaite lui sourit-il. Je taime.
***
La soirée était morne : les trois ou quatre dominants qui avaient éveillé son intérêt étaient absents. Fanny discuta avec quelques autres mais se lassa très vite. Ils étaient tous tellement imbus deux-mêmes, tellement persuadés quau bout de quelques phrases elle tomberait en extase devant leur puissance quelle abandonna la partie. Pour se remettre, elle relut les courriels de Frédéric puis alla se coucher. « En lui, au moins, je peux avoir confiance » se dit-elle en fermant les yeux.
***
Lucile sétait couchée mais ne pouvait dormir. La jalousie la taraudait : « Pourquoi me refuse-t-il ce quil offre si généreusement à toutes les autres ? » Cette petite phrase tournait en boucle dans sa tête sans que lidée lui vînt quil refusait aux autres ce quil noffrait quà elle.
***
Il avait exigé de la prendre à quatre pattes. Elle avait obéi sans hésiter et maintenant, elle sentait sa poitrine salourdir de désir et son sexe souvrir toujours plus. « Tu es très belle ainsi » avait-il dit juste avant que Nathalie sentît le sexe de son amant perforer sa porte étroite. Elle neut pas mal, contrairement à lidée quelle sen faisait et rapidement elle éprouva du plaisir. Cétait différent de tout ce quelle connaissait. Tant par les sensations générées que par leur intensité. Alors, elle enchaîna les orgasmes tandis que la tendresse de Frédéric muait peu à peu en sauvagerie bienfaitrice.
***
Après une douche pendant laquelle Frédéric lavait soigneusement et tendrement lavée, ils shabillèrent et sattablèrent devant le souper. Frédéric restait silencieux tandis quun flot de paroles brûlait mais ne franchissait pas les lèvres de Nathalie. Ce fut donc lui qui parla le premier :
Quand tu pinces les lèvres de cette façon, cest que tu penses que ce que tu vas dire est une connerie. Nous sommes entre nous, tu peux la dire.
Ce sera la seule fois
Frédéric ne se méprit pas en comprenant laffirmation comme une question. À dire vrai, il espérait aussi que cette soirée ne serait pas unique. Cependant, il ne répondit pas de façon aussi franche que la jeune femme le souhaitait. Il biaisa en lui parlant de son projet. Cela sonna comme une promesse hypothétique aux oreilles de Nathalie. Mais avec une condition de taille : elle ne serait pas seule. Or, abstraction faite de Lucile quelle savait incontournable et quelle acceptait, elle nétait pas sûre de pouvoir supporter la présence des autres.
Je vais rentrer dit-elle en ravalant sa deuxième demande.
Frédéric resta immobile et silencieux laissant Nathalie dans lexpectative.
Il me faut mon manteau dit-elle.
Frédéric leva les yeux.
Et moi jai envie de ta bouche
Ce nétait pas un ordre, juste une constatation. Pour Nathalie cétait aussi une confirmation : le même désir au même moment. Elle sagenouilla devant lui et dégrafa son pantalon.
***
Fanny nen revenait pas. « Monsieur » lui avait proposé de vivre sous le même toit que lui. Enfin, pas tout à fait sous le même toit mais si proche que cela revenait pratiquement au même. En échange, il nexigeait rien, la laissant libre de convoler avec dautres maîtres si cétait cela quelle voulait ou
Il navait rien dit du « où » mais Fanny avait bien compris quil navait pas envie quelle parte. Cerise sur le gâteau, il y avait à quelques kilomètres du futur lieu de résidence, une maison de repos en manque dinfirmières. Fanny réserva cependant sa réponse. Il lui donna trois jours :
Il me faut ta réponse au plus tard à neuf heures lundi matin. Jai rendez-vous chez le notaire à quinze et je dois entre-temps passer à la banque. Ne me fais pas faux-bond. Toutes les autres ont donné leur accord.
Frédéric avait débarqué chez elle sans prévenir vers onze heures ce vendredi matin. Elle le reçut en peignoir puisquil lavait sortie du lit. Jamais elle ne lavait vu aussi passionné. Ni aussi étonnant. Sa proposition faite, il repartit comme il était venu laissant Fanny comme bringuebalée par une tornade.
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