Mister Hyde 35 Et 36
35
Que Frédérique vienne me réveiller nétait pas anodin. Quelle soit porteuse dune enveloppe à mon adresse non plus. Je pris le temps de décacheter la missive et de la lire avant de suivre la jeune femme. Le mot, signé dun simple « F » était ainsi libellé :
« Je vous ai attribué une salle deau particulière ainsi quun guide qui, je lespère est à votre convenance. »
La veille au soir, il avait fait de moi son complice mais par ce mot, il madoubait et me laissait carte blanche. Je suivis Frédérique en sifflotant non sans lui avoir confié mes affaires à porter. Arrivé à bon port, je la remerciai en ajoutant :
Vous êtes meilleure guide que serveuse.
La voir rougir fut délicieux.
***
Une large ouverture ménagée dans le fond de scène et masquée par un rideau presque invisible, donna passage à Julie qui sinstalla derrière le pupitre en plexiglas. Elle était vêtue dun débardeur en soie grège et dune jupe bouffante extra courte fait de même matière et de même couleur. Le tout donnait limpression quelle était nue tant le léger hâle de sa peau se mariait avec la teinte des vêtements. Aucun rappel à lordre ne fut nécessaire pour obtenir le silence des quatorze hommes présents dans la salle.
Bonjour messieurs, commença-t-elle. Jespère que vous avez tous passé une nuit agréable et que ce début de matinée vous fut plaisant. Nous allons maintenant passer à lévénement qui a motivé votre venue. La vente aux enchères daujourdhui concerne trois lots dont la mise à prix sera identique. À lissue de celle-ci, les acquéreurs prendront possession de leur bien jusquà demain vingt heures. Je présente aux autres mes regrets par avance.
Le premier lot est constitué par « Gourgandine » qui, pour une raison que je tairais, a déplu à son Maître.
Julie sinterrompit un instant, le temps pour celle que jappelais encore « brunette » apparaisse sur scène. Elle nétait vêtue que dun string noir qui ne cachait quasiment rien.
La mise à prix est de 5000 uros reprit Julie tout en faisant signe à la demoiselle de se retourner. Je rappelle que les enchères muettes ne peuvent être supérieures à 5000 uros et inférieures à 1000 uros. Par ailleurs, toute enchère contenant une fraction de ces nombres doit être énoncée à voix haute. Procédons !
La mise à prix est élevée mais la marchandise est de premier choix affirma mon voisin en levant la main.
10.000 pour le monsieur à la cravate blanche
Qui dit mieux ?
Les enchères durèrent une dizaine de minutes durant lesquelles Fanny, qui faisait de nouveau face à ses acheteurs, garda la même position et le même visage stoïque. Deux projecteurs léclairaient qui vraisemblablement lempêchèrent de voir nos visages et peut-être même de distinguer dans la masse, les invités qui rivalisaient de désir pour elle. Ce fut mon voisin à cravate blanche qui lemporta. À trente mille, il ny avait plus que trois compétiteurs, à trente-cinq, plus que deux. Les enchères montaient désormais par tranche de cinq cents uros mais arrivées à quarante mille, mon voisin sentit faiblir son adversaire. Il donna lestocade en énonçant la somme de quarante-deux mille cinq cents uros.
Julie attendit que le calme revienne et appela « Renarde ». Nathalie apparut. Elle ne portait quun string de dentelles vert qui laissait deviner la peau blanche de son pubis. Derrière moi, un long sifflet dadmiration se fit entendre. Décontenancée, la jolie rousse vacilla avant de reprendre la même posture que celle qui lavait précédée sur le podium.
Quinze mille cria lhomme qui venait de nous percer les tympans.
Vingt-cinq renchérit un autre tapi au dernier rang.
Le ton était donné. En un cinq syllabes, les deux concurrents avaient éliminé tous les autres protagonistes. Leurs enchères devinrent plus raisonnables puis, passées les trente-sept mille, elles sessoufflèrent.
Quarante-deux mille cinq cents énonça alors un petit homme posté au premier rang.
Les deux prétendants précédents se regardèrent et savouèrent vaincus.
Au tour de la blonde maintenant me glissa à loreille mon voisin à cravate blanche. Jai rêvé de sa bouche toute la nuit.
Je ne sais pourquoi mais je plaignis Fanny. Juste une seconde. « Soutim » Frédérique entrait sur scène.
La veille, je lavais trouvée belle. Jétais bien loin du compte. Ses seins, son ventre, ses hanches, loblonguité discrète de son pubis, la courbe de ses cuisses, celle de ses mollets, la finesse de ses poignets, de ses chevilles
Tout en elle était parfait. Jétais tellement fasciné que lorsque je me réveillai de ce songe éveillé, les enchères étaient déjà lancées.
Jentrai dans la danse à vingt-huit mille. Mon voisin sauta à trente mille et un grand type du genre vieux beau rajouta mille. Conscient de la faiblesse de mon compte en banque, jhésitais à surenchérir mais la voix de lhomme à la cravate blanche prononçant le nombre de trente et un mille cinq cents me fit perdre toute retenue. Je rajoutais cinq mille à la somme prononcée. Mon voisin se tint coi et peu mimportait la raison. Le vieux beau en revanche ne savoua pas vaincu. Il monta de cinq cents. Je limitai. Nous jouâmes ainsi jusquà atteindre quarante mille et je tenais la corde. Inquiet, je jetai un coup dil vers lui. Il fit signe quil jetait léponge. Javais gagné. Mais avant que Julie nabaisse son marteau, jen rajoutais une couche : quarante-deux mille cinq cents mentendis-je prononcer.
***
Des applaudissements éclatèrent signalant la fin de la vente mais la voix de Julie dans les haut-parleurs invita tout le monde à se rasseoir.
Nous avons trois vainqueurs et quatorze présents.
Un murmure admiratif séleva de lassistance lorsque Julie retira son haut et laissa tomber sa jupe. À pas comptés, elle vint se placer dans la lumière. Chacun énonça son enchère à voix haute. Cest à ce moment que Frédérique, couverte dune cape, vint me chercher.
Merci de mavoir achetée Maître, murmura-t-elle.
***
Sa voix était chaude, enivrante. Cest sans doute à cet instant précis que jai compris que jétais tombé amoureux. Midi allait bientôt sonner. Javais trente-deux heures pour lui faire partager ce sentiment.
36
Je quittais la fabrique le dimanche soir, repu dorgies et de plaisirs. Avant de monter en voiture, jallais naturellement saluer le maître des lieux que je trouvais occupé à pouponner.
Sans lâcher sa fille quil serrait affectueusement dans ses bras, il minvita à faire quelques pas dans la prairie qui jouxte les bâtiments. Nous parlâmes de tout et de rien mais surtout pas de Frédérique. Il était évident quil tenait à en éviter le sujet. Je ne compris pourquoi il mavait ainsi retenu quen approchant de mon véhicule.
Revenez me dit-il. Pas la semaine prochaine, ce serait trop proche. Mais dans deux semaines. Nous verrons alors comment réagira Frédérique à votre revenue. Je ne désespère pas de voir un grand sourire fleurir sur ses lèvres à cette occasion.
Bon retour Florian. Je ne vous retiens pas plus longtemps, vous avez de la route.
Disant cela, il posa sa main sur mon épaule en un signe amical. Je neus nul besoin de lui répondre, mon sourire avait suffi à léclairer sur mes intentions.
***
Hormis Julie qui sest conduite comme une dévergondée, tout semble sêtre déroulé à merveille.
Et de ton côté ?
Un enchantement ! répondit Lucile. Maman et Papa ont immédiatement adopté Franck. Quant à Gé, cest tout juste sils ne se sont pas battus pour avoir le droit de la changer. Jai eu beau leur dire que, des couches sales, il y en aurait pour tout le monde, ils se bagarraient à chaque fois pour linsigne honneur de renifler le caca de leur petite fille. Je me demande même sils ne men ont pas voulu dêtre la seule à pouvoir lui donner le sein
La fabrique était silencieuse, Lucile et Frédéric lovés lun contre lautre dans leur lit. Elle, le visage sur son torse, lui caressant ses cheveux, ils se turent un instant, savourant le plaisir dêtre ensemble.
Qua fait Julie pour que tu la qualifies de « dévergondée » elle na quand même pas allumé tous les invités
? demanda Lucile en caressant le ventre de son amant.
Pire ! Elle sest vendue au plus offrant. Mais elle nen est pas restée là. Pendant le déjeuner, elle a proposé à tous ceux qui allaient repartir bredouille de les sucer pour un somme cinq fois inférieure à son prix dachat. Je ne te dis pas la colère de son acquéreur
La main de Lucile descendit légèrement, interrompant le récit de Frédéric.
Tu as été tenté ?
Oui ! Tu sais combien la bouche de Julie mexcite. Elle est sans doute la meilleure suceuse que je connaisse. Elle ondule comme
Frédéric se tut, prenant conscience quil était en train daller trop loin mais Lucile, loin de se formaliser insista :
Comme
?
Laissons cela.
Non, non, je veux savoir.
Elle ondule avec la grâce dun cygne, lâcha Frédéric dun ton sec. Es-tu contente
?
Elle te suce mieux que moi ?
Linsistance de Lucile commençait à agacer Frédéric mais elle sétait saisie de son sexe et le caressait langoureusement.
Ça na rien à voir affirma-t-il sur le même ton.
Cest que
Je peux maméliorer, Monsieur murmura Lucile en rapprochant dangereusement son visage du membre désormais dressé.
Dun petit coup de langue sur le gland violacé, elle ponctua son discours. Frédéric ne put retenir un soupir.
Guidez-moi !
Nouvelle caresse de la langue.
Vous allez voir
Récidive.
que je sais être
Petit bisou.
une excellente élève.
Autre baiser.
Moi aussi
Elle captura lextrémité du gland entre ses lèvres humides pour le relâcher aussitôt.
je veux être
Elle enroula sa langue autour du nud.
un cygne.
Cette fois, elle goba le gland et le conserva un instant au chaud dans sa bouche.
Je veux être
Elle aspira le vit plus profond dans sa bouche sans toutefois lavaler en entier.
votre cygne.
Elle réitéra sa caresse tout en creusant la langue de façon à ce que celle-ci épousât parfaitement la forme du membre quelle suçait.
Éduquez-moi
Jusque-là Frédéric était resté stoïque et avait profité des caresses de Lucile sans broncher tout en écoutant son discours dont les paroles le touchaient profondément. Entendre la demande de la jeune femme éveilla sans doute en lui le M. Hyde qui ne somnolait que dun il.
Tu veux vraiment que je téduque, ma petite chienne interrogea-t-il dune voix glaciale tout en retenant par les cheveux le visage de Lucile qui sapprêtait à lui prodiguer dautres douceurs.
Il y eut un blanc. Lucile se sentit prise au piège de ses propres agissements, enfermées par les mots quelle venait à linstant de prononcer. Elle avait, encore, le choix. Elle pouvait, encore, arguer quil ne sagissait là que dune coquinerie, une façon démoustiller leur libido par un jeu, certes dangereux mais un jeu tout de même. Ou alors, répondre « Oui » et plonger dans linconnu. Il y avait dans le ton, dans la voix de son amant, une dimension de sérieux et de permanence qui lui fit peur. Elle opta pour une voie tierce :
Apprenez-moi à vous donner autant et plus de plaisir quelle le fait dit-elle en caressant avec la main, à défaut de sa bouche, le membre turgescent.
Fut-il déçu par la réponse ? Sans doute pas. Néanmoins, il dégagea la main de la jeune femme et se leva. Le charme était rompu et il en était le seul responsable. Lucile lappela tandis quil séloignait. Il ne se retourna même pas. Elle le suivit.
***
Lucile connaissait par cur le parcours que suivait Frédéric dans ce genre de situation. Dabord la salle de bains quil verrouillait pour ne pas y être suivi tandis quil calmait son désir, puis la cuisine pour avaler des litres de café et fumer des montagnes de clopes qui le feraient tenir jusquau petit matin. Ensuite, il allait généralement faire une longue ballade à pied pour ne revenir que sur les coups de midi, lorsquil était sûr quelle serait partie à la fac ou bien à la bibliothèque. Elle décida daller lattendre au point numéro deux de son périple. Elle attendit sans rien faire quil arrive : peut-être rebrousserait-il chemin si lodeur du café venait effleurer ses narines ?
Elle était nue et la nuit était fraîche, elle se pelotonna sur une chaise. À son approche, elle se leva. Une seconde elle hésita à se jeter dans ses bras mais elle y renonça et parla à distance.
Jaurais pu répondre « Oui » à ta question. Jaurais pu y répondre « Non » aussi. Mais je nai voulu y apporter aucune réponse définitive. Parce quil y avait, dans ton ton, la promesse dune permanence dont je ne veux pas. Je veux bien être ta « petite chienne » mais seulement quand tu en as envie. Cest-à-dire pas tout le temps. Je vois bien comment il tarrive de fuir Frédérique Nathalie ou Fanny parce quavec elles, tu es enfermé dans ton rôle de Maître et que cela te pèse. Je refuse quil en soit de même avec moi. Je veux quavec moi tu sois libre dêtre mon Maître ou mon amant. Tout comme je veux pouvoir rester ton amoureuse. Une chose est sûre cependant, cest que, chienne ou amante, je veux être celle qui te donnera le plus de plaisir. Pour cela, il va falloir que tu mapprennes. Peut-être même que tu méduques. À cela et à cela seulement, je suis prête.
Je suis daccord. Il ny a décidément que toi pour voir tous les défauts de ma cuirasse.
Je te dois aussi des excuses pour avoir gâché ce moment. Parfois, je ne vaux pas mieux que le chien de Pavlov. Jentends un mot ou une phrase et je me change en M. Hyde. Cest
Chuuut ! dit Lucile qui, ayant parcouru les quelques pas la séparant de son amant, défaisait la ceinture de son peignoir pour se serrer contre son torse. Tu vas dire des bêtises.
Lentement, elle fit glisser ses mains le long du dos de son amant pour saccrocher au creux de ses reins avant de se laisser aller au sol.
Apprends-moi la souplesse du roseau pour que je puisse te sucer comme tu aimes. Apprends à tout mon corps à taccueillir pour que ton sexe se sente chez lui ou quil veuille. Apprends-moi à te faire lamour.
Les mains de Lucile caressèrent les fesses et les cuisses de son Frédéric puis elle les glissa dans son dos en signe de docilité.
Frédéric saccroupit face à elle et prit entre ses mains le visage de sa bien-aimée.
Suis-moi au donjon lui dit-il de sa voix la plus chaude. La cuisine nest pas le bon lieu pour ce genre dapprentissage.
Sans une hésitation, Lucile emboîta le pas de Frédéric. Comme une chienne suit son Maître, à quatre pattes.
***
Frédéric attacha son élève au pilori en lassurant quà défaut de savoir lui enseigner la souplesse, il serait capable de la rendre accueillante de toutes les façons possibles. Cependant il ne la traita pas en soumise et ses demandes ne furent en aucun cas des exigences. Elle sy conforma néanmoins car, à chaque instant, il sinquiétait de son confort et linformait des turpitudes quil pourrait être amené à lui faire subir dans le feu de laction.
Je vais commencer par ton sexe linforma-t-il. Quand tu auras joui deux ou trois fois, tu seras prête à affronter lexploration de nouveau horizons.
Joignant le geste à la parole, Frédéric porta sa main droite sur les lèvres de son amante. Habilement, il faufila un doigt entre les grandes lèvres déjà humides de la jeune femme. Ce faisant, il la berça de mots doux et de compliments sur sa beauté. Dun mouvement lent et calculé, il écarta les plus petites et libéra un ru de liquide. Il remonta alors sa première phalange jusquau clitoris de sa belle et entrepris de le masser. De sa main gauche, il fit subir le même sort au téton droit. Sous ses doigts, il sentit gonfler les deux appendices.
Jaime tes seins dit-il. Ils sont si réactifs. Jaime les voir pointer sous ton corsage quand nous nous promenons. Jaime les voir sassombrir de désir lorsque je les pince entre mes lèvres ou avec mes doigts. Jaime aussi les soupirs de plaisir que tu laisses échapper quand je presse ton clitoris ou que ma langue le cajole
Poursuivant la même politique, il énonçait et il faisait. Bientôt sa langue remplaça sa main droite tandis quentre son pouce et son index gauches il malaxait toujours plus fort le sein de sa compagne.
Sa bouche la dévorait maintenant. Tantôt avec la lenteur suave dun tango, parfois au rythme diabolique dun quadrille, tantôt avec la frénésie dun bon vieux rock mais le plus souvent à la cadence tempérée dune valse à trois temps. Ses lèvres et sa langue allaient ainsi dun bout à lautre du sexe de Lucile qui, dans linconfortable position où elle se trouvait, nen néprouva pas moins mille plaisirs inconnus. Combien de fois jouit-elle ? Impossible à savoir, elle eut limpression de vivre un orgasme permanent qui ne cessa que lorsque ses jambes, épuisées de tant de secousses, refusèrent de la porter plus longtemps.
Frédéric la délia et lallongea sur un épais tapis de laine mais ne cessa pas pour autant de labreuver de mots ni de sabreuver de son corps. Encore une fois, elle se cambra. La langue de Frédéric venait dentrer en elle et la dardait avec la puissance dun pénis tandis quun doigt explorateur sintroduisait dans son entrée secrète. Certes, elle nétait plus aussi vierge quelle laurait souhaité à cause de ce foutu plug quil lavait obligée à porter en punition mais cétait tout de même la première fois quune partie de lui la pénétrait par là. Elle cria un « OUI » qui déchira la nuit.
Mais encore une fois le sort fut contre elle. Dans linterphone directement relié aux chambres des s et qui marchait en permanence, Gé babillait. Cinq minutes plus tard, voyant que rien ni personne narrivait, elle se mettrait à pleurer. Lucile sauta sur ses pieds, attrapa au passage le peignoir de son homme et alla pouponner.
Resté seul, Frédéric ouvrit une des armoires et se vêtit du pantalon et de la chemise de lin noir dont il avait pris lhabitude de saffubler pendant les séances. Il erra ainsi quelques minutes dans la pièce passant dun meuble ou dun instrument de à un autre. Puis il appuya sur un bouton masqué par lombre dune armoire. Un bruit de moteur électrique se fit entendre et, lentement, ce qui semblait être le mur du fond séleva dans les airs dévoilant un immense miroir qui couvrait la presque totalité de la surface. À gauche, une porte découpée dans la glace ouvrait sur une salle. Elle était aussi longue que le panneau réfléchissant et profonde de quatre mètres. Munie dune quinzaine de fauteuils alignés face à la vitre sans tain, dun bar correctement achalandé et dun extracteur de fumée, elle permettait, le cas échéant, de recevoir des invités qui ne perdraient rien du spectacle se déroulant dans le donjon même si lenvie leur prenait de griller une cigarette. Sur le côté droit de la salle, un écran géant permettait despionner ce qui se passait dans la geôle, de lautre côté de la paroi.
Frédéric ouvrit la porte et sinstalla dans le premier fauteuil à sa portée. Il avait fait installer cette salle dans léventualité dun événement tel que celui qui sétait déroulé la veille et lavant-veille. Il se demanda sil navait pas, à cet égard, commis une erreur en ne situant pas la vente aux enchères dans le donjon, en cachant tous les acquéreurs potentiels aux regards de ses trois soumises.
Il se leva et quitta la salle. Décidément, il avait eu raison dagir comme il lavait fait. Il voulait quelles voient et elles avaient vu, elles avaient entendu les enchères. Ainsi, elles avaient désormais conscience de leurs valeurs et cétait exactement ce quil avait voulu. En revanche, quand il exigerait delles le récit de leurs punitions, il se cacherait là et elles ignoreraient si, oui ou non, il serait seul.
Il regarda sa montre et constata que lheure approchait où la fabrique se réveillait. Dans léventualité dune rencontre, il quitta ses vêtements. Sa nudité sèmerait le doute quant à ses activités nocturnes alors que sa tenue noire, trop connotée « séance avec une soumise », nen laisserait aucun et que Lucile serait bientôt découverte comme ayant été lobjet de ses attentions. Cest cela quil ne voulait pas.
Frédéric, nu, traversa la cour sous le regard étonné de Nathalie qui depuis quelque temps sétait mise au jogging. Sans perdre contenance, il la salua dun sourire et entra dun pas de sénateur dans la partie des bâtiments que Lucile et lui sétaient octroyée.
***
Nathalie ne perdit pas de temps à sinterroger sur ce quelle venait de surprendre et sélança dun pas alerte vers la forêt. Elle courut pendant au moins une demi-heure avant de sarrêter à la frontière du bois et de la route. Dun geste preste, elle regarda sa montre pour constater quelle était en avance dun bon quart dheure. Avec un peu de chance, il ne la ferait pas attendre aussi longtemps.
De fait, un cabriolet se gara rapidement dans le refuge marqué par une borne kilométrique. Le conducteur sortit du véhicule et appela. Nathalie sortit du Bosquet où elle sétait cachée en entendant approcher la puissante voiture. Lhomme rit de bon cur.
Vêtue dun mini short rouge et dun débardeur noir sans manche, lhomme la trouva belle à croquer. Il le lui dit et linterrogea sur la raison de sa cachette.
La confusion répondit-elle.
Lhomme rit de plus belle.
Avec quoi, grands dieux, aviez-vous peur quon vous confonde ? Avec une cabine téléphonique
?
Vous le savez très bien affirma-t-elle sur un ton à la fois choqué et contrarié. Maintenant, jaimerais savoir les raisons de ce rendez-vous.
Nathalie nétait pas née de la dernière pluie. De son passage dans la police, elle avait retiré la certitude que personne nest à labri de lespionnage et, fine mouche, avait rapidement soupçonné Frédéric de se livrer à une inspection régulière de tous les PC présents à la fabrique. Si besoin en avait été, elle en avait eu la confirmation le vendredi soir précédent en découvrant parmi les invités, un homme quelle avait croisé sur le net et avec lequel elle avait discuté sans jamais accepter de le rencontrer. Elle lavait reconnu grâce à sa photo de profil et, comme par hasard, il avait remporté les enchères la concernant. Trop de hasards
Cela sentait le coup monté. Donc, lorsque la veille au soir, il lui avait proposé ce rendez-vous, elle accepta.
Quarante-deux fois, je tai proposé une rencontre. Quarante-deux fois tu as refusé. Jai pensé quaprès ce week-end
Ce week-end, vous maviez achetée. Lorsque vous mavez parlé de ce rendez-vous, je vous appartenais encore. Avais-je vraiment le choix puisque je devais satisfaire tous vos désirs ?
Mais maintenant, tu ne mappartiens plus et pourtant tu es là
Frédéric est-il au courant ?
La question nest pas là, répondit Nathalie en secouant vigoureusement la tête en signe de dénégation. La question est de savoir pourquoi vous avez exigé de moi, ce rendez-vous.
Lhomme la regarda. Il la détailla, plutôt. Son regard nétait en aucun cas concupiscent, il était celui dun homme qui cherche, qui fouille son vis-à-vis en attente dune confirmation. Cela dura peu, quinze secondes, peut-être vingt mais cela sembla une éternité à Nathalie qui nosait plus bouger. Lhomme, enfin, ouvrit la bouche.
Jai eu envie de vous dès notre première discussion. Je ne vous connaissais pas, je ne savais pas quelle tête vous aviez mais peu mimportait. Le constat était là, violent : vos mots, vos pensées, la façon dont vous les exprimiez éveillaient en moi un désir dont je ne me pensais pas capable. Nous nous sommes retrouvés et nous avons repris notre dialogue. Le même sentiment mhabitait à chaque fois : une volonté de possession qui allait bien au-delà de lentendement. Pourtant, vous aviez dressé des barrières qui auraient dû me faire entendre raison. Mais non. Elles ne mont pas freiné. Je me suis mis à vous imaginer. Autour des yeux que vous maviez décrits, jai créé un visage, puis un buste, puis un corps tout entier. Lors de nos rendez-vous épistolaires, je vous ai demandé confirmation de mes pensées. Parfois vous opiniez, parfois vous déniiez. Et la folle ronde de mon imagination reprenait.
Lorsque Frédéric est entré en contact avec moi pour me convier à ce week-end
particulier, jai accepté, sans hésiter une seconde. Cette rencontre que vous me refusiez avec tant de vigueur, jallais vous la voler et jen étais heureux.
Vous nétiez pas la blonde. De cela, je fus certain dès la première seconde. Il y avait en elle une assurance et une sérénité qui ne peuvent venir que de lhabitude de soffrir. Vous nétiez pas la brune : son regard ne correspondait pas à celui que vous maviez décrit. Vous étiez donc la rousse. Et mon cur a bondi car cétait la teinte de cheveux que mon fantasme vous avait donnée. Je nai alors plus eu quune seule idée en tête : remporter les enchères.
Quand vous êtes venue me chercher, jai opté pour le silence. Parler maurait trahi, vous mauriez reconnu. Je ne le voulais pas. Du moins pas si vite. Jai, aussi vite que possible, étanché mon désir pour moccuper enfin de vous, du plaisir que jallais vous donner. Et, ce faisant, je me suis rendu compte que vous posséder de la sorte était insuffisant. Cest pour cela que je vous ai fixé ce rendez-vous.
Lhomme se tut. Nathalie sétait bien doutée quelle avait déjà croisé lhomme qui lavait achetée sur lun des quelques tchats quelle avait fréquenté. Mais désormais, elle savait avec certitude duquel il sagissait. « Frédéric est décidément un adorable salopard » se dit-elle. « Il prépare sa sortie avec beaucoup dintelligence et de finesse. Et en plus, il sest réservé le beau rôle
»
Je nai rien dit à Frédéric avoua Nathalie. Je ne lai vu quen coup de vent et la situation ne prêtait pas à ce type de révélation. Et pourtant je suis là, en totale contradiction avec mon serment de soumise. Je nen suis pas fière mais cest vous qui mavez mise dans cette situation.
Tu aurais pu ne pas venir
Javais accepté.
Sous la contrainte
Une contrainte de façade. Javais envie de vous dire oui.
Lhomme fit un pas vers Nathalie.
Et moi jai envie de te prendre dans mes bras.
Elle recula.
Non !
Lhomme sarrêta.
Tu as raison. Frédéric est ton maître et tu ne peux le trahir plus que tu las déjà fait. Je comprends. Si cela te convient, je vais solliciter un rendez-vous et lui demander de te céder à moi. Ainsi, il ny aura plus de tricherie.
Si vous voulez, monsieur répondit Nathalie dont le cur battait la chamade. Sil accepte, je serais à vous.
Sur ces mots, Nathalie senfuit en courant.
Resté seul, lhomme décrocha son téléphone.
***
Cest lété, les premiers fruits sont mûrs dit Frédéric en rangeant son téléphone. Devine qui vient dappeler
?
Lucile tourna la tête en souriant.
Un amoureux transi ?
Sincèrement, je ne pensais pas que ça marcherait aussi bien. On ne se méfie jamais assez des joies dinternet. Je savais que ça pouvait coller entre Florian et Frédérique mais je viens de raccrocher davec Adémar-Louis : Nathalie a un amoureux
Lucile se jeta dans ses bras pour lembrasser à pleine bouche.
Cest génial mon Amour dit-elle sans vraiment cesser dembrasser son amant. Grosse teuf en perspective.
Encore plus grosse que tu le crois murmura-t-il en se séparant de Lucile pour poser un genou à terre et mettre la main dans sa poche.
Jai une question à te poser et selon ta réponse, je ferais le voyage jusquà Hérouville pour voir tes parents
Il sortit de sa poche un écrin noir et blanc quil présenta à Lucile en souriant. Secrètement, il espérait ne pas avoir à formuler sa question mais Lucile se taisait, ses mains masquaient sa bouche. Il se lança.
Lumière de mes jours, feux de mes nuits. Mon rocher, mon âme » dit-il en paraphrasant Nabokov. Veux-tu que nous brûlions ensemble dune même flamme pour les jours quil nous reste à vivre ?
Lucile prit la bague et la glissa à son doigt. Puis elle prit entre ses mains le visage de Frédéric et lembrassa. Elle ne lui dit pas « Oui », elle se réservait pour quand ils seraient devant monsieur le Maire.
***
Bouleversée par sa courte entrevue, Nathalie alla directement frapper chez Fanny. Au fil des jours, les deux jeunes femmes étaient devenues amies et confidentes, il était donc naturel que Nathalie allât lui narrer son aventure. Mais Fanny était en larmes et, de confidente, Nathalie devint consolatrice.
Entre deux sanglots, Fanny raconta lhorreur de ces deux jours passés en la compagnie dun salaud. Trente-deux heures durant, lhomme à la cravate blanche lavait battue, martyrisée et navait tenu aucun compte de ses cris dalerte et de ses suppliques de mettre fin à son supplice. De fait, de la poitrine jusquaux genoux, Fanny nétait que plaies et bosses : son corps nétait plus quun immense hématome strié de zébrures de fouet et de marques profondes laissées par des paddles. Lintérieur de ses cuisses, les lèvres de son sexe étaient tellement cramoisies quon les aurait dits noirs. Quant à son dos à ses fesses à ses cuisses ou à ses mollets, la peau en était par endroits éclatée par les coups dune badine.
Ne voulant pas laisser son amie seule, Nathalie appela Frédéric par téléphone. Il arriva à peine deux minutes plus tard, il lui fallut moins de deux secondes pour être fou de rage, moins de vingt pour joindre un médecin et moins dune minute pour le convaincre de tout laisser tomber et de rappliquer dare-dare à la fabrique.
***
Lurgence nest pas de savoir pourquoi ou comment, Docteur. Il me semble quelle est plutôt évidente, vous ne croyez pas. Alors, je vous en prie, faites votre boulot. Les explications viendront en leur temps.
Le médecin examina Fanny sous toutes les coutures et se rapprocha de Frédéric.
Cest impressionnant, sans doute très douloureux mais moins grave quil y parait. Votre amie na ni fracture ni lésion interne. Mais nous ferons une série de radios pour être certain quand elle pourra se déplacer sans souffrir le martyr. En apparence, seuls lépiderme et le derme ont subi des violences. Mais laissez-moi vous dire que cest là luvre dun malade. Celui ou celle qui a fait ça est bon à enfermer.
Ne me regardez pas sur ce ton répondit Frédéric, je suis incontestablement responsable de létat de Fanny mais totalement innocent des agissements qui lont provoqué. Autrement dit, le malade, ce nest pas moi. Maintenant, il serait bon que vous me disiez comment la soigner.
Cest cet instant que choisit Frédérique pour débarquer dans la mêlée.
Frédéric ? Docteur ? Quest-ce qui se passe ?
En voyant la charmante visiteuse médicale quil avait eu la joie de rencontrer une ou deux semaines auparavant, le médecin sadoucit.
Votre voisine a subi quelques désagréments physiques. Voyez donc dans vos échantillons si vous avez lune ou lautre de ces pommades. Et rapportez aussi une boîte danti douleur. Celui dont vous mavez entretenu lautre jour serait parfait pour le cas qui nous occupe.
Frédérique fila comme le vent, le médecin se retourna vers Frédéric.
Je vais arrêter votre amie deux bonnes semaines, le temps que les hématomes disparaissent et que les plaies cicatrisent et je programme les radios en début de semaine prochaine. Mais là où je suis le plus inquiet, cest pour son moral. On ne subit pas de tels assauts sans y laisser des plumes. Peut-être faudra-t-il quelle se fasse aider.
Frédéric régla le praticien et le raccompagna à sa voiture. En chemin, ils croisèrent Frédérique et Julie, les bras chargés de petits tubes de pommade.
Pour aujourdhui, appliquez cette pommade en couche épaisse expliqua le docteur à Frédérique sans quitter Julie du regard. À partir de demain, vous appliquerez celle-ci sur les plaies et lautre sur les hématomes. Normalement, dici à huitaine, la peau de votre voisine sera comme neuve. Prenez soins delle et soyez douce, je crois que cest ce dont elle aura le plus besoin ces prochains jours.
Sur ce, il monta en voiture en se demandant dans quelle maison de dingues il avait atterri.
***
Les filles et Frédéric se relayèrent jour et nuit auprès de Fanny. Les filles la câlinaient tandis que Frédéric se tenait à lécart, dans un fauteuil. Le jeudi, ny tenant plus, fanny prit la parole.
Ce nest pas votre faute.
Bien sûr que si ! Tout ce qui vient de tarriver est entièrement ma faute.
Avec un petit sourire narquois au coin des lèvres, Fanny regarda Frédéric.
Jai rencontré quelquun, il ny a pas longtemps, qui ma expliqué que les français confondent souvent les erreurs et les fautes. Vous avez commis une erreur en faisant confiance à un être qui nen était pas digne. Vous vous êtes fourvoyé, voilà tout. Et moi, qui lai vu agir, je crois pouvoir affirmer sans crainte de me tromper quil vous a dupé bien plus que vous ne vous êtes trompé. Vous savez, jai bossé en unité psy. Des personnes comme lui, manipulatrices et sadiques, jen ai rencontré. Généralement, on les reconnaît à certains signes dans leur comportement. Lui, il avait lair clean. Je navais rien remarqué dinquiétant, ni vendredi soir ni samedi quand je suis allée le chercher. Vous navez pas à vous en vouloir. Il aurait bluffé nimporte qui. Que ce soit tombé sur moi, cest juste la faute à pas de chance. Pas celle de mon Maître dont je sais quil prendra toujours soin de moi comme il la fait jusquà présent.
Mais jamais
Je sais bien Frédéric que vous navez pas voulu ça. Je le sais et vous ne méritez pas de vous en vouloir. En revanche, jestime que vous me devez un service et je vais vous le demander sans attendre : je veux que vous mappreniez à manier le fouet, le paddle et le martinet. Parce quun jour ou lautre, je retrouverais cette ordure et je lui ferais subir le même sort que celui quil ma imposé.
Frédéric acquiesça. Le désir de vengeance le tenaillait aussi.
***
Frédéric se mit au travail. À partir du pseudo utilisé par lhomme à la cravate blanche sur le tchat où il avait discuté avec Fanny, il tenta de remonter ladresse IP de son ordinateur. Il tomba sur un VPN, un réseau privé auquel on se connecte pour éviter dêtre tracé.
Cest une sorte de magma informe où les adresses se mélangent, séchangent, se noient, expliqua-t-il à Fanny. Il faudrait des semaines pour en débrouiller lécheveau. Il y a certainement un moyen plus simple
On pourrait commencer par une simple enquête de police intervint Nathalie qui ne quittait que rarement le chevet de Fanny.
Fanny et Frédéric la regardèrent avec un air horrifié. Lidée de mêler les flics à leurs recherches ne leur plaisait pas du tout du tout.
Qui vous parle de ça ? demanda Nathalie. Un flic, vous en avez un sous la main, même si je nai plus de carte, jai encore une tête.
La première chose à faire, cest dinterroger les témoins et la victime. Si je regarde bien autour de moi, jai une victime à ma droite et un témoin en face de moi. Dans le bâtiment den face, jai deux autres témoins. Que demande le peuple ? En plus, je suis prête à parier que tout ce joli monde sera très coopératif. Et pour une fois, je ne suis pas cynique en le disant.
***
Nathalie passa sa matinée à interroger les témoins. Elle vit dabord Frédérique, puis Julie et, bien que celles-ci ne lui aient pas appris grand-chose, elle les prévint quelle les reverrait le lendemain pour éclaircir ou préciser certains points. Ensuite, elle consacra près de quatre heures à Fanny dont elle enregistra chaque parole. Par lambeaux, dabord, puis de façon plus fluide, elle se fit raconter par la victime tout ce quelle avait subi avant de mettre laccent sur les détails. Tout était important, son port de tête quand il frappait, le sourire ou le rictus quil arborait en contemplant le résultat de ses sévices, la posture quil prenait en photographiant sa victime, lordre dans lequel il utilisa les instruments de
Nathalie obligea Fanny à passer en revue chaque seconde de son calvaire. Vers treize heures, lorsque Lucile apporta le repas, elle les força à sarrêter.
Repose-toi, conseilla Nathalie à Fanny. Demain, nous reprendrons. Je sais combien cest difficile et douloureux pour toi mais tu ne te doutes pas à quel point nous avons avancé. Cet après-midi, je vais voir Frédéric et ce soir, je viendrais te faire un résumé de toutes les informations que jaurai collectées.
Dors ma chérie ajouta-t-elle en lembrassant sur la joue. Dors, tu en as besoin.
Lucile et Nathalie quittèrent ensemble lappartement de Fanny dès quelles eurent la certitude que celle-ci dormait.
Jai encore trahi Frédéric dit Nathalie de but en blanc.
Lucile sarrêta et se contenta de répondre :
Raconte.
Nathalie se lança dans le récit de son week-end et conclut par le rendez-vous du lundi matin.
Excellent argument le « Je devais toujours accepter ce quil me demandait ». Cest un peu tiré par les cheveux et dune mauvaise foi parfaite, je suis sûre que Frédéric va adorer, affirma Lucile en guise de résumé.
Nathalie blêmit mais Lucile la rassura.
Je te taquine. Frédéric est, à ton égard comme à celui du monsieur qui tes cher, dans les meilleures dispositions. De cela, je peux tassurer. Mais je crois quand même que ce serait pas mal que tu lui annonces la couleur avant leur rendez-vous de demain matin. Disons que ce serait, « fair-play » de ta part.
***
Nathalie toqua à la porte ouverte de la bibliothèque sans faire un pas à lintérieur.
Va mattendre dans mon bureau dit Frédéric sans lever le nez. Je te rejoins dans cinq minutes.
***
Nue et agenouillée, Nathalie attendit Frédéric, son collier posé à plat sur ses mains présentées en plateau devant elle. Il néprouva aucune surprise de la voir ainsi installée mais, juste pour la forme, il linterrogea sur son étrange posture.
Je vous ai menti, Maître. Menti par omission. Jaurais dû vous dire que lhomme qui ma achetée avait exigé de moi un rendez-vous et que jy suis allée.
Sans se départir de son calme, Frédéric observa Nathalie. Aucune colère ne voilait son regard.
Tu as baisé avec ce type pendant ce « rendez-vous » ?
Non Maître, bien sûr que non ! nous ne nous sommes même pas touchés.
La question avait sincèrement blessé Nathalie, cétait indubitable. Malgré cela, Frédéric décida de jouer un peu avec elle.
Lundi matin
tu las vu pendant ton jogging ?
Oui Maître.
Nathalie baissa les yeux. Elle sut dinstinct le tour quallait prendre la conversation et lexcitation la gagna.
Donc, tu étais quasiment à poil quand vous vous êtes vus. Ton short laisse apparent la moitié de ton cul et ton débardeur rose ne laisse rien ignorer de ta poitrine. Tu voulais quil te désire
Nathalie hésita comme elle avait hésité le lundi matin avant denfiler un débardeur noir qui révélait moins sa poitrine à rétablir la vérité sur ce détail, avant davouer :
Oui Maître.
Es-tu arrivée à tes fins ?
Je crois que oui, Maître.
Et tu ne las pas soulagé de son désir ?
Non Maître. Je
Même pas une petite pipe ?
Noooon !
Pourquoi ?
Parce que je nétais plus à lui.
Nathalie avait levé les yeux en criant son indignation, elle les rabaissa en prononçant sa dernière phrase.
Mets ton collier et viens ici ! ordonna Frédéric. Debout, je veux vérifier quelque chose.
Nathalie obéit et se présenta à lui les jambes écartées et les mains derrière la nuque. Frédéric plaqua aussitôt sa main sur le sexe de sa soumise et le fouilla dun doigt.
Tu mouilles ! Mais pour qui ?
Pour vous Maître, pour vous
Frédéric fit le tour de sa femelle et lui claqua le cul.
Penche-toi !
Nathalie se plia en deux.
Si je tenculais, là, tout de suite ! Que dirais-tu ?
Rien Maître. Je suis à vous.
Tu es à moi ? Est-ce bien sûr ? interrogea-t-il en enfonçant deux doigts dans le rectum de la belle.
Oui Maître ! Je
Je
Je
suis
à vous. Tototota
lement ! cria Nathalie que la surprise et la douleur faisait bégayer.
Totalement ? Ça veut dire jusquoù ?
Jai accepté dêtre vendue. Peut-on aller plus loin ?
Bien sûr ! Il reste des domaines que tu nas pas explorés. Lurophilie par exemple.
Malgré linconfortable position quelle occupait et qui, lui coupait partiellement la respiration, Nathalie pâlît à cette évocation.
Eeeuh
Je ne suis pas sûre de comprendre.
Si je te pissais dessus. Comment réagirais-tu ?
Nathalie déglutit difficilement avant de répondre.
Je naimerais pas ça.
Là nest pas la question. Obéirais-tu ?
Incapable de répondre, Nathalie se tut. Frédéric laissa le silence sinstaller puis le brisa :
Il me semble que je tai posé une question.
Nathalie avait la bouche sèche, le sang lui montait au cerveau et ses yeux se voilaient de petites étoiles ; elle était incapable de réfléchir pour séchapper de ce piège. Pourtant, elle devait répondre. Mais elle était tiraillée entre sa raison qui criait de dire non et ses obligations de soumise qui lincitaient à accepter.
Oui finit-elle par articuler.
Oui quoi insista Frédéric. Oui je tai posé une question ou oui
Oui, je vous laisserai pisser sur moi dit-elle vaincue.
Frédéric retira ses doigts et laida à se redresser.
Dis-moi ça en me regardant.
Nathalie leva les yeux, ouvrit la bouche mais aucun son ne sortit.
Je ne peux pas ! admit-elle.
Frédéric la prit dans ses bras et la câlina un instant.
Cest bien ! lui dit-il à loreille. Tu te connais assez pour savoir où sont tes limites et pour les avouer. Ton prochain maître va adorer.
Nathalie séloigna de Frédéric. Elle sagenouilla. Une larme perlait sur sa joue.
Vous me répudiez, Maître ?
Non, la Renarde. Je ne te répudie pas, je te confie à un autre qui tapportera beaucoup plus que je ne le ferais jamais.
Frédéric souriait. Nathalie le regarda avec un soupçon de timidité qui se mua bien vite en détermination.
Ai-je la liberté de parler franchement ? demanda-t-elle.
Frédéric opina.
La vente aux enchères était un coup monté, nest-ce pas ? Vous avez décidé de passer la main et vous vous êtes choisi des remplaçants. Cest bien cela
?
Frédéric sourit de plus belle.
Je savais bien que lune dentre vous le devinerait. Et javais parié sur toi. Tu me connais assez, Nathalie, et tu es suffisamment intelligente pour percer à jour toutes mes intentions je ne te mentirai donc pas. Je veux passer la main, cest vrai. Je ne veux plus de ce harem. Pas parce que je ne vous aime plus mais parce que jaime Lucile plus que je nosais lespérer. Quand jai retrouvé la mémoire, jai voulu construire ce lieu comme un havre où je pourrais vous protéger. Mais je me suis vite rendu compte quil était une prison plus quun lieu de paix, pour vous. Et surtout pour Lucile. Je ne veux imposer cela ni à vous, ni à elle. Surtout pas à elle. Parce quen retour à la quiétude quelle moffre, jimpose le chaos dans son âme. Cest dégueulasse et je ne peux plus le supporter.
Pourquoi ce moyen, me diras-tu. Parce que si je vous avais dit de but en blanc daller chercher ailleurs, vous ne lauriez pas fait. Jai voulu jouer mon rôle jusquau bout. Et mon rôle imposait lusage dun subterfuge. Ironie du sort, cest Fanny qui men a donné lidée. Cétait un de ses fantasmes. Jai bien mal réussi mon coup avec elle. Avec toi et peut-être avec Frédérique, il semble que je men sois mieux sorti.
Il tendit la main à Nathalie qui refusa de se lever.
Je suis encore à vous pour quelques heures, ne me les gâchez pas en me rendant ma liberté trop tôt et minterdisant de vous remercier. Demain, votre dernière exigence sera que je rende hommage à mon nouveau Maître. Jignore encore ce quil mordonnera de faire pour me soumettre à lui. Ce que je sais en revanche, cest que je ne pourrais obéir si vous ne mavez pas dit « adieu » auparavant.
Sur ces derniers mots, Nathalie glissa ses bras dans le dos, ouvrit la bouche et tira la langue. Frédéric approcha et posa trois doigts sur la langue. Il les poussa dans la cavité et fouilla la gorge de Renarde. Nathalie eut un hoquet de rejet quelle réprima. Frédéric fit refluer ses doigts puis revint à la charge. Lorsquil les retira, ils étaient luisants de salive. Saccroupissant, il les planta dans le sexe de la jeune femme avant de les présenter à nouveau à sa bouche. « Suce ! » ordonna-t-il. Nathalie sexécuta et quand elle les eut nettoyés il réitéra sa manuvre afin de les mouiller de bave. Cette fois, cest son cul quil fouailla puis derechef il exigea quelle les rende propres. Désormais, Nathalie savait quil allait la prendre par tous ses orifices sans se soucier de son plaisir et quaprès chaque orgasme, il lui imposerait de le nettoyer. Elle bascula en avant et lui baisa les pieds.
***
Nathalie avait totalement oublié la raison de sa présence dans le bureau. Pas Frédéric. Il força Nathalie à prendre un siège et à procéder à son interrogatoire. Nathalie éprouva quelques difficultés à endosser son costume de fliquette : cétait la première fois quelle procédait, nue, à laudition dun témoin.
***
Le téléphone de Frédéric ronronnait désormais sans discontinuer. Pour insister ainsi, Lucile était soit très en colère, soit avait de lui un besoin urgent. Frédéric attendit néanmoins davoir achevé son entretien avec Nathalie pour rappeler.
La conversation dura peu et Frédéric prit la poudre descampette mais revint sur ses pas.
Sois gentille, occupe-toi de Gé pendant mon absence dit-il en sadressant à la cousine de sa compagne.
Et sois au donjon à vingt et une heures. Cette fois, il sadressait à la soumise.
***
Lorsquà neuf heures moins cinq Nathalie pénétra dans la salle, Frédéric était déjà là, vêtu de sa tenue de lin noir. Consciencieuse, elle se déshabilla et vint se placer à genoux devant celui qui, pour un soir encore, était son maître. Elle navait plus sur elle que son collier, Frédéric se leva pour y accrocher une laisse. Il lui fit faire le tour de la pièce à quatre pattes et usa de la poignée de la laisse comme dune cravache lorsquil jugeait quelle avançait mal ou quelle ne cambrait pas assez le dos.
Jaurais dû tapprendre à marcher. Je crains que ça ne fasse mauvais effet sur ton futur maître lui dit-il en frappant son sexe par larrière. Tu dois creuser ton dos, non pas le bomber et garder tes mains dans lalignement de tes genoux. Que tu ailles lentement, ce nest pas grave. Au contraire, ce nen sera que plus gracieux. Mais que tu ne mettes pas ce joli petit cul en valeur, ça, cest un pêché.
Frédéric se saisit dune longue badine et ordonna à sa Renarde de refaire un tour. Nathalie sappliqua, elle ne reçut quun coup.
Cest bien ! affirma Frédéric. Tu apprends vite. Nous verrons tout à lheure si tu noublies pas aussi vite. Mais pour linstant, voici ta récompense.
Il dénoua la cordelette qui tenait son pantalon et présenta sa verge molle à la bouche de sa patiente.
Fais-moi bander dit-il.
Nathalie approcha sa bouche du membre flaccide et le goba avec délicatesse. Lenteur et douceur étaient les sensations qui présidaient les fellations dont Frédéric était lobjet. Nathalie sappliqua à respecter ces directives tacites. Elle aspira et étira la hampe endormie en lenserrant entre ses lèvres où elle la fit coulisser. Sa langue tournoya autour du gland que le désir ne gorgeait pas encore puis, brusquement, elle mit fin à toute pression. Elle écarta les lèvres et, forte de la salive qui tapissait sa langue elle laissa le sexe patiner languissamment dessus.
Mains sur les hanches et visage baissé vers sa soumise, Frédéric contemplaît les allées-venues de sa queue dans la bouche de Nathalie ainsi que les ondoiements du dos et de la nuque de sa femelle. Jamais il ne se lassait de ce spectacle, il sen reput donc jusquà ce que sa queue donne les premiers signes de plaisir.
Dun geste tendre, il interrompit Nathalie. Il voulait la baiser, sépancher dans sa bouche pouvait attendre.
Dun coup sec sur la laisse, il la guida vers le fond de la pièce et la fit monter sur un piédestal qui lui permettait de rester debout tout en prenant sa femelle en levrette. Lorsquelle eut grimpé sur le podium, il la prit sans ménagement et sans attendre. Il senfonça en elle dun puissant coup de reins et la besogna comme un forcené. La violence de lassaut fit crier Nathalie car, si elle appréciait dêtre prise comme une chienne elle préférait de beaucoup que ce fut avec lenteur. Ballottée comme un bateau arraisonné, elle supporta la charge et patienta que la vigueur de son Maître se calme. Mieux que quiconque, elle pensait savoir que lorage ferait bientôt place à la brise. Elle faisait erreur. Frédéric labandonna pour reprendre sa bouche. Les instants de douceur grâce auxquels il calmait ses ardeurs, il les passerait entre ses lèvres ; les pénétrations de ses deux autres orifices seraient, au contraire, brutales.
Il entra de nouveau en elle après lavoir immobilisée dun ordre péremptoire. De bateau ivre, elle était devenue la porte dun château que lagresseur défonçait à grands coups de bélier. Les secousses incontrôlables faisaient vibrer son corps, fendillant toujours un peu plus le désamour quelle affichait pour la sauvagerie dont il usait sur elle. Dagressée, elle se sentit devenir bestiale. La chaleur montait en elle et les coups de boutoirs transformaient peu à peu sa douleur en plaisir. Ils transformaient aussi la vision quelle avait dun tel comportement. Moralement, elle lacceptait : puisquil était son Maître il avait tous les droits. Mais son corps, jusque-là, sétait toujours asséché. Or, à cet instant précis, ce nétait plus le cas. Son corps se soumettait à cette tyrannie comme il sétait plié aux coups de martinet ou de cravache. Une brèche venait de souvrir qui lui faisait aimer cette férocité.
Un autre passage par sa bouche et linvasion reprit de plus belle dans un déchaînement de fureur. Elle tenta dobéir et de rester inerte mais le plaisir lenvahissait. Elle répondit en ondulant au pilonnage dont elle était la proie. Cétait sa façon de ralentir la montée de lorgasme. Alors, subitement, Frédéric stoppa net.
Ne bouge pas ordonna-t-il en lui claquant les fesses avec violence. Ferme les yeux et écoute ton corps.
Elle sattendait à être de nouveau bringuebalée. Il nen fut rien. Frédéric sétait radouci. Certes il la besognait toujours mais ses mouvements étaient plus amples, plus paresseux. Elle était redevenue bateau. Mais cette fois cétait les vagues qui à leur gré, lemportaient vers la terre, vers cette île toujours inconnue quon appelle lorgasme. Elle se laissa couler en lui comme un naufragé rampe sur le sable avec la volonté daller toujours plus loin vers lintérieur, vers ces terres inexplorées qui muent à chaque retrouvaille. Elle mordit son poignet pour un cri quand elle sentit Frédéric jouir en elle. Jamais, depuis leurs dix-sept ans, il ne lavait refait et voilà quaujourdhui, au dernier jour de leur contrat, il lui accordait ce cadeau. Elle serra les paupières jusquà voir des étoiles et se laissa aller à un plaisir sans bornes.
Mais il lui prit la bouche et la força à nettoyer les traces de son emportement, brisant net son rêve. Elle suça le vit encore dur, sentit sur sa langue les goûts emmêlés de leurs fluides, rendit ses lèvres, ses joues, sa langue aussi douces que possible mais ne put se défaire de limpression que, sil avait bien éjaculé, Frédéric navait pas joui.
Pourtant il reprenait vigueur et bientôt il linterrompit pour encore lembrocher. Il pressa son gland dur contre la porte étroite et entra en vainqueur. Il neu nul besoin de batailler, le chemin était libre. Il senfonça en elle comme on se promène sur les sentiers dune forêt : tantôt marchant dun pas alerte tantôt baguenaudant. Parfois, il marquait une pause, parfois il poussait un peu plus loin dans le sous-bois. Mais quoi quil fasse, elle gémissait. Lorsquil lavait enculée la première fois, elle avait aimé la sodomie mais ce soir, la magie était exceptionnelle. Elle était un violon dont larchet de linstrumentiste faisait vibrer chaque corde pour lui faire chanter des sons ininventés. Pour la deuxième fois elle bascula dans le vide insondable du plaisir. Pour la deuxième fois, il éjacula dans son corps. Pour la deuxième fois elle se sentit happée par des territoires vierges, dont il la ramena comme la première fois. Mais à linstant où elle émergea, elle ne fut pas dupée comme elle lavait été quelques minutes auparavant. Ce nétait pas son plaisir à elle quil souhaitait circonscrire : elle nétait en réalité que la victime collatérale de linterdit quil simposait. À elle, au contraire, il avait offert des orgasmes inégalables. Pour cela, il était allé jusquà mettre en péril son désir le plus cher : navoir plus dyeux, de vie, de vit, que pour Lucile.
Nathalie seffondra, exténuée de plaisirs et dAmour. Elle venait de recevoir le plus beau des cadeaux dadieu.
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