Mister Hyde 37

– 37 –

Lorsque le lendemain la voiture de l’homme se gara dans la cour, seule Lucile Nathalie et Frédéric ne furent pas surpris. Fanny, qui prenait le soleil s’enfuit aux bras de Julie que sa curiosité aurait plutôt invitée à rester. Frédérique partait travailler et ne prêta guère d’attention à ce type qui ne savait vraisemblablement où se rendre. Ce fut Franck, serviable, qui le guida jusqu’au bureau de son père. Frédéric le reçut à bras ouverts.
– J’ai plaisir à vous revoir Adémar-Louis, je ne pensais pas que ce serait aussi rapidement mais il faut battre le fer tant qu’il est chaud. N’est-ce pas ? Asseyez-vous et discutons de ce qui vous amène.
Adémar-Louis fut quelque peu surpris par cet accueil amical. Il bafouilla.
– Je viens…
Frédéric ne lui laissa pas le temps d’aller plus loin.
– Vous venez me parler de ma Renarde. C’est du moins ce que j’ai logiquement induit de votre appel de lundi. Est-ce bien cela ?
AL – c’est ainsi que nous le nommerions plus tard, lorsque l’amitié entre nous aura fait son chemin – fut décontenancé par la simplicité avec laquelle Frédéric aborda le sujet. Il resta sans voix.
– Je vais vous faciliter la tâche, Adémar-Louis. J’aime Nathalie. Nathalie c’est son vrai prénom mais nous y reviendrons plus tard. J’aime Nathalie. Je l’aime depuis longtemps et j’ai pour elle autant de respect que j’ai d’amour. Ce que je veux pour elle ? Son bonheur… Non, le terme est trop grandiloquent. Je veux son bien-être.
– Justement, intervint AL.
– Laissez-moi terminer voulez-vous. Je sais combien mon discours peut paraître paradoxal au regard de mes actes. Ne l’ai-je pas vendue aux enchères… Si ! Je l’ai fait. La raison officielle était une punition mais les motifs que nous mettons en avant ne reflètent pas toujours la vérité. J’ai organisé cette vente dans un but précis dont je tenais à ce qu’il restât secret. Votre présence ici démontre que, pour elle au moins, il est possible que j’aie atteint mon but.

Car, si je poursuis ma logique et que vous êtes bien là pour m’entretenir de Renarde, votre désir est que je vous la cède. Me serais-je trompé quelque part ?
AL était abasourdi. Depuis qu’il avait demandé et obtenu ce rendez-vous auprès de Frédéric, il s’interrogeait sur la meilleure façon de présenter et d’argumenter sa requête dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle sortait des sentiers battus. Pas un instant il n’avait soupçonné qu’elle puisse être accueillie aussi facilement et surtout, que Frédéric ferait tout le boulot pour lui. Cependant, et malgré l’apparente sympathie dont Frédéric faisait montre à son égard, celui-ci n’avait fait que formulé la question sans y apporter de réponse. Il était toujours possible que le maître de Nathalie use de ce ton conciliant pour mieux l’enfoncer lorsque viendrait le temps d’acquiescer ou non à sa demande. Cette idée le tracassa quelques secondes mais, perdu pour perdu, il joua son va-tout.
– Absolument pas ! affirma-t-il d’un ton qui se voulait assuré. C’est bien là la requête que je suis venu vous présenter. J’ai vécu avec Nathalie le plus incroyable des moments et il n’a guère fallu de temps pour que je prenne conscience que je ne souhaitais pas que cela prenne fin dimanche soir. Je suis, je le crois du moins, un homme honnête. Il n’était donc pas question que je procède à un larcin et qu’elle et moi vous mentions. J’ai donc pris sur moi de venir vous exposer la situation. Ce que, curieusement je n’ai pas eu à faire puisque vous vous en êtes chargé.
– Avant de poursuivre plus avant, je vais faire venir Renarde. Je tiens à ce qu’elle entende ce que j’ai à vous dire.
Frédéric pressa à trois reprises un des boutons de l’interphone posé sur son bureau. Le silence s’instaura entre les deux protagonistes jusqu’à l’arrivée de Nathalie.
Elle était vêtue d’une robe d’été courte qui mettait en valeur aussi bien ses courbes que l’opalescence de ses yeux et la rousseur de ses cheveux. Le seul défaut de cette robe était son absence de manche qui exhibait aux yeux de tous l’abominable cicatrice de son épaule gauche.
À cette vue, AL pâlit et une bouffée de colère l’envahit contre Frédéric qui ne pouvait qu’en être responsable. Il se tempéra néanmoins : l’enjeu était trop important.
Nathalie se tenait debout, la tête droite, les bras croisés haut dans son dos et les jambes écartées de trente à quarante centimètres : la position parfaite. Pourtant, son maître la morigéna.
– Est-ce ainsi qu’on accueille un invité mademoiselle ? Veuillez faire amende honorable et le recevoir comme il se doit.
Nathalie fit glisser les fines bretelles de sa robe qui se répandit aussitôt au sol. Elle était nue dessous. Elle fit un pas pour se dégager de la flaque de tissu et s’agenouilla sur le côté du fauteuil occupé par AL dont elle baisa le pied.
– C’est mieux ! constata Frédéric qui, d’un signe, intima à sa Renarde de ne plus bouger.
Nous sommes de grandes personnes et notre position à tous les deux nous permet d’éviter les combats de coqs. Je ne suis pas l’amoureux de Renarde, je suis son maître et Renarde, en tant que soumise, rien d’autre qu’une marchandise. Sa cession ne diffère pas d’une tractation commerciale classique. Sommes-nous d’accord ? dit-il en se tournant vers AL.
AL hésita un court instant. Maintenant qu’il la connaissait maintenant qu’il la désirait et qu’un « je ne sais quoi » lui titillait les sentiments, parler de Nathalie comme d’un vulgaire bifteck le mettait mal à l’aise. Sans compter qu’elle était présente et ne perdait pas une miette de la conversation… Il fit un effort sur lui-même pour ne pas la regarder. Encore une fois, Frédéric lui sauva la face. Un claquement de doigts, deux mots : « au pied » et Nathalie fit face à AL.
– Je crois que monsieur voudrait connaître tes pensées suggéra Frédéric en s’adressant à Nathalie.
Nathalie leva les yeux et les tourna vers son maître afin d’obtenir le droit de parler. Un clignement d’yeux et elle se tourna vers AL.
– Mon Maître me traite comme il le veut. Je sais qu’il le fait pour mon bien, c’est tout ce qui importe.

AL ne perçut pas l’ambiguïté de la réponse de Nathalie, Il ne décela pas le piège sous-jacent dans la seconde partie du bref discours de la soumise. « Je sais qu’il le fait pour mon bien » signifiait en réalité : « Je sais qu’il vous ment pour que je sache à quoi m’en tenir sur votre compte. » AL ne fut pas loin de tomber dans la chausse trappe.
– Puisque Nathalie…
– Renarde ! l’interrompit Frédéric. Tant qu’elle est à moi elle s’appelle Renarde !
La mise au point était cinglante, AL se le tint pour dit.
– Puisque Renarde à l’air d’accord, je ne puis qu’abonder dans votre sens et accepter qu’elle fasse l’objet d’une transaction commerciale.
En prononçant cette phrase, AL ne quitta pas Nathalie du regard mais elle resta imperturbable.
– Néanmoins, poursuivit-il, il serait malhonnête de ma part de taire que je ne peux être d’accord avec votre vision. L’accepter, oui ; je n’ai pas d’autre choix. Mais je me refuse à la cautionner moralement et je tiens à ce que, si contrat il y a, cela soit stipulé. Pour être franc, monsieur, ces manières de négrier me débectent.
Flegmatique, Frédéric resta quelques instants silencieux, les mains en pyramide devant sa bouche. En son for intérieur, Nathalie sourit. Elle connaissait si bien son Maître que même sans le voir, elle pouvait lire ses pensées. « Il hésite à pousser le bouchon se dit-elle. Être traité de négrier a dû le mettre dans une rage folle. Mais je parie qu’il va se contenir et mettre fin au jeu. L’homme (ainsi l’appelait-elle encore puisqu’elle ignorait son identité) a brûlé ses vaisseaux en l’insultant et Frédéric sait reconnaître quand quelqu’un est sincère… »
Sans un regard pour AL, Frédéric se pencha vers Nathalie et caressa sa toison rousse.
– Qu’en penses-tu Renarde, on lui donne sa chance ?
La question était rhétorique et la Renarde se tint coite.
– Voici ce que je vous propose dit Frédéric en fixant désormais AL. Vous serez l’invité de Renarde durant une année.
Deux solutions s’offrent à vous : vous venez habiter ici ou vous venez quand bon vous semble mais Renarde ne quittera pas ce lieu tant que je n’aurais pas évalué la confiance que je peux vous accorder. Par ailleurs, et je tiens à ce que cela soit bien clair, je vous délègue mes pouvoirs, ce qui ne fait de vous qu’une sorte d’usufruitier, pas un maître à part entière. Toutes les décisions importantes, nous les prendrons donc ensemble. Au moindre manquement, le contrat ne tiendra plus. Deux choses encore pour en finir. Vous pourrez décider à tous moments d’abandonner vos prérogatives sur Renarde, que vous soyez lassé, qu’elle vous ait déçu ou pour n’importe quelle autre raison, il ne vous sera demandé aucun compte. Mais si vous tenez l’année entière, Nathalie seule décidera de la suite des événements. Un conseil, donc : soyez pour elle ce que vous voulez être. Ne forcez pas votre nature pour lui offrir ce que vous croyez qu’elle désire. On se trompe toujours à ce jeu-là.
Maintenant, je vous laisse entre vous. L’année commence maintenant.
Frédéric quitta son bureau le sourire aux lèvres. AL et Nathalie restèrent seuls.
– Dois-je vous appeler Maître ? demanda la jeune femme.
AL lui tendit la main et l’aida à se relever.
– Pas tout le temps dit-il. Pas tout le temps. Appelle-moi AL ou Adémar-Louis, c’est mon prénom. Moi je t’appellerai par le tien : Nathalie. Rhabille-toi maintenant, s’il te plaît. Nous avons à parler.
Nathalie obéit sans pouvoir s’empêcher d’objecter.
– Mais…
– Chuut ! la coupa-t-il en posant un doigt sur sa bouche. Pour le moment nous ne sommes qu’un homme et une femme et nous allons faire connaissance.
***
AL passa tout le week-end à la fabrique. Mais on ne le vit pas. Contrairement à Nathalie qui alla d’appartement en appartement poursuivre ou compléter les auditions de ses témoins et de Fanny. Qu’avait-elle raconté à AL pour qu’il la laisse libre de ses mouvements ? Ce n’est pas difficile à deviner :
– Je suis prof et j’ai été flic. La cicatrice qui vous intrigue tant, je la dois à une balle reçut lors d’une intervention. Sous la peau, j’ai des os en plastique et malgré cela, il m’arrive encore de souffrir comme si les éclats étaient toujours enfoncés dans ma chair. Pour le reste, ma vie n’a guère d’intérêt. Je sais aussi que vous vous interrogez sur les raisons de ma soumission. Ce serait trop long à raconter. Vous avez dit que pour l’instant nous ne sommes qu’un homme et une femme. La femme que je suis mène une enquête. Je veux découvrir ou se cache le salaud qui a martyrisé mon amie pendant que nous étions tous les deux le week-end dernier.
Que Faisait AL pendant ce temps ? Nul n’en sait rien.
***
Quand Frédéric quitta ceux qu’il appelait désormais « les tourtereaux », il courut retrouver Lucile. C’est à peine s’il l’avait quittée plus d’une heure mais elle lui manquait terriblement. Était-ce un effet secondaire de leurs fiançailles ? Frédéric ne se posait pas la question. Il voulait juste pouvoir la voir, la toucher être sûr qu’elle était réelle et qu’il ne l’avait pas rêvée. Depuis son accident, cela lui arrivait parfois : l’impression de rêver sa vie. Cela correspondait à des instants très brefs qui ne duraient guère plus que le temps d’un éclair mais le plongeait systématiquement dans l’inquiétude et dont les stigmates s’installaient dans le temps pour ne se résorber qu’avec la présence apaisante de sa compagne. Son anxiété disparut en la voyant donner le biberon à leur .
– Nous n’avons pas encore un couple mais je crois vraiment que l’avenir est prometteur dit-il en enlaçant d’un même élan la mère et la fille. Je ne voudrais pas m’avancer mais je pense même que Nathalie va le mener par le bout du nez. Maintenant, il faut régler le problème de Fanny et ne pas perdre de vue Frédérique. Je ne sais plus si je te l’ai dit mais j’ai invité Florian à se joindre à nous le week-end prochain. S’il vient c’est qu’il est accroché et…
Lucile ne l’écoutait pas vraiment. D’ailleurs, elle ignorait qui était Florian et ne s’intéressait vraiment qu’à une seule des conséquences du week-end passé : bientôt, Frédéric ne serait qu’à elle seule. Les méthodes employées par Frédéric pour atteindre ce but, c’était le cadet de ses soucis. Elle attendit que Gé soit endormie entre leurs bras pour la coucher et entraîna Frédéric dans leur chambre.
***
Frédérique rentra tard ce vendredi soir et si voir une voiture inconnue dans la cour l’étonna, elle n’en laissa rien paraître. Julie se chargea de lui faire un résumé détaillé de la journée pendant qu’elles dînaient.
– Tu es une vraie concierge ma chérie. C’est terrible. Tu n’as rien d’autre à faire de tes journées ?
– C’est facile pour toi de dire ça rétorqua l’informaticienne désœuvrée. Tu as un travail alors que moi je ne sers à rien. Tu as un mec qui s’occupe de toi au moins une fois par semaine tandis que moi… c’est le désert. Comment veux-tu que je ne m’occupe pas en glanant les potins.
– Ce n’est pas mon mec, je te l’ai déjà dit mille fois et puis, si j’en crois la rumeur, tu ne t’es pas privée, niveau mecs, la semaine dernière. Mais après tout, peut-être que tu devrais tomber malade…
Le ton de Frédérique était malicieux. Cela déplut fortement à Julie.
– Tu veux tout savoir, les mecs de la semaine dernière, je les ai sucés pas autre chose. Malade, je le suis déjà. J’ai des toiles d’araignées plein la chatte à force de ne pas m’en servir…
– Quelle élégance ! Il est vraiment temps que tu ailles consulter. Si tu veux l’adresse d’un praticien qui s’intéressera de très près à ton cas, n’hésite pas à me demander. J’en ai justement vu un cet après-midi qui n’a pas cessé de m’interroger sur ton compte…
Frédérique n’en dit pas plus pour savourer le visage stupéfait de son amie.
– De quoi tu parles ? Je ne comprends rien.
Pédagogue, avec un rien de condescendance dans le ton, Frédérique expliqua :
– Tu te souviens du médecin qui est venu ausculter Fanny ? Eh bien j’avais rendez-vous avec lui en début d’après-midi…
– Et… ?
La continuation de la phrase de Julie était « … qu’est-ce que ça peut bien me foutre… » mais Frédérique poursuivit son récit imperturbablement.
– Et il n’a pas arrêté de me poser des questions sur toi. Je crois qu’il a pour toi des pensées très cochonnes. Peut-être que tu devrais tomber malade ou au moins faire semblant. Un cabinet médical, c’est un lieu qu’on sous-estime souvent en termes de charge érotique mais je peux te dire que ça peut devenir un endroit surprenant. Surtout si la table d’examen est d’un modèle à toutes épreuves.
Julie n’écoutait plus vraiment. Elle s’imaginait déjà en petite tenue devant cet homme. Comme par hasard, elle aurait oublié de mettre un soutien-gorge et protégerait bien mal sa pudeur avec ses petites mains. Et puis, lorsqu’il s’approcherait pour l’ausculter, elle découvrirait un renflement important au niveau du bas ventre de l’homme. Renflement qu’elle aurait toutes les peines du monde à ne pas libérer pour le cajoler dans sa bouche…
Frédérique agita sa serviette devant les yeux de Julie pour la faire revenir sur terre. Une question fusa :
– Il consulte le samedi ?
***
Fanny était à cran. Sa peau la tiraillait, ses cicatrices naissantes la démangeaient. Elle aurait aimé s’endormir mais dès qu’elle fermait les yeux, l’homme à la cravate blanche apparaissait pour la battre de plus bel toujours plus violemment.
À côté d’elle, Nathalie se sentait impuissante à la calmer et plus encore à la consoler. Elle avait beau chercher les mots et étaler avec douceur un onguent soi-disant calmant, rien ni faisait. Ni ses paroles de réconfort ni l’onctueuse crème n’arrivaient à leurs fins. Alors, en désespoir de cause, Nathalie lui parla d’Adémar-Louis.
– J’ai un nouveau Maître dit-elle.
Fanny sursauta, paniquée par la punition qu’encourrait son amie si Le Maître : le seul et unique, le leur, l’apprenait. Nathalie la rassura.
– C’est lui qui m’a donnée. Enfin, pas tout à fait donnée. Il m’a prêtée. Pour une année entière.
– Mais alors, tu vas nous quitter…
L’inquiétude de Fanny était palpable. Elle voyait dans ce prêt la suite d’une punition interminable.
– Mais non, ne t’inquiète pas, c’est lui qui viendra me retrouver ici. Moi, je ne bougerai pas. Simplement, pendant un an, c’est un autre que Frédéric qui s’occupera de moi. Entre nous deux, ça ne change rien.
– Mais c’est un inconnu pour toi. Si ça se trouve il est…
L’anxiété ne quittait pas Fanny. Son expérience de l’inconnu avait été tellement traumatisante qu’elle n’arrivait pas à capter la quiétude de Nathalie.
– Ne t’inquiète pas. Je t’assure que ce n’est pas une brute. La preuve : il attend patiemment que je rentre pour que nous discutions…
– Mais… Ton Maître t’attend et tu es là à perdre son temps avec moi. Il ne faut pas ! Il ne faut pas, il va te punir Il va…
– Mais non. Il a parfaitement compris que c’était important pour moi de m’occuper de toi, de trouver le salopard qui t’a fait ça. J’ai sa permission et pas de limite d’heure. Et je suis certaine que demain sera comme aujourd’hui. Frédéric a choisi pour moi quelqu’un de calme et de réfléchi. Tu sais, quand il a préparé la vente, il a rencontré un à un tous les hommes susceptibles de nous acheter. Celui qui a payé pour toi l’a trompé. Il est venu ici sous une fausse identité mais après avoir collecté tous les témoignages, j’ai déjà quelques pistes pour le retrouver. Ce sera sans doute long, très long pour toi. Mais nous y arriverons. Pour moi, en revanche, je pense qu’il a trouvé quelqu’un de bien. Je ne le connais pas encore, bien sûr mais j’ai déjà confiance. Alors, tranquillise-toi. Bientôt, nous serons au bout de nos peines.
Les deux filles discutèrent encore quelques dizaines de minutes et, quand elle sentit que Fanny allait s’endormir, elle appela Julie. C’était son tour d’être garde de nuit.
Julie tenta bien d’extirper quelques infos croustillantes à Nathalie mais d’un banal « on m’attend », la jolie rousse coupa court. En traversant la cour, elle eut une étrange impression : celle de quitter une vie pour entrer dans une autre. Cela lui fit bizarre de penser que Frédéric n’était plus son maître. Elle savait que, même si l’expérience avec Adémar-Louis échouait, il ne la toucherait plus jamais. Désormais, le seul but de Frédéric était d’être fidèle à Lucile, qu’elle soit la seule femme de sa vie. Pour cela, il devait confier ses soumises à d’autres. Nathalie respira un grand coup et alla retrouver AL. Le cœur battant, elle se demanda quel acte d’obédience il allait exiger d’elle.
***
AL s’était endormi. Il faut dire qu’il venait de passer une journée longue et ennuyeuse que la solitude dans laquelle Nathalie l’avait laissée n’avait pas rendue plus excitante. En le voyant ainsi, le corps affaissé dans un fauteuil club, Nathalie ne sut que faire. Devait-elle le réveiller ou le laisser dormir ? Elle décida de dîner frugalement le temps d’opter pour l’une ou l’autre des solutions mais à peine eut-elle ouvert son réfrigérateur qu’elle le referma et alla le réveiller.
– Je vous présente mes excuses pour vous avoir abandonné et mes remerciements pour m’y avoir autorisé. Il est tard maintenant et vous êtes épuisé. Permettez-moi de vous montrer votre chambre.
Mal embouché au réveil, comme beaucoup d’hommes, AL posa sur Nathalie un regard qui reflétait son mécontentement. Mais il la reconnut et soupira.
– Quelle heure est-il ?
– Un peu plus de minuit monsieur. Voulez-vous que je vous montre votre chambre ?
– Non ! dit-il d’une voix où perçait encore l’exaspération. Je suis insomniaque et donc, je me rendors rarement après avoir dormi. Même très peu.
– Oh je suis désolée affirma Nathalie qui ne savait pas comment se tenir ni comment réagir. Quoi que je puisse faire, je suis à votre disposition.
– Si ce n’est pas trop demander, j’aimerais un café. Ensuite, je vous demanderai de vous asseoir en face de moi. Je voudrais que nous discutions.
Nathalie se précipita dans la cuisine et glissa une capsule dans la cafetière. Elle avait oublié de demander comment il aimait le café. Réparant cette omission, la voix de AL lui parvint : « Ristretto ! Double ! ». Nathalie fit couler un café très court, changea la capsule et renouvela l’opération. Elle prit un plateau, une sous-tasse, une cuillère, un sucrier et amena le tout à son nouveau Maître.
Celui-ci sourit en la voyant.
– Vous portez le plateau comme une vraie soubrette. J’avais déjà pu apprécier ce talent la semaine dernière mais qu’il me soit réservé cette nuit, m’enchante.
– Comme beaucoup d’étudiante, j’ai été serveuse pour me faire de l’argent de poche dit-elle en présentant le plateau sans le poser.
Nathalie était pliée en deux et offrait à AL la vision de son décolleté. Il ne se gêna pas pour y plonger les yeux et fit durer son plaisir quelques secondes.
– Posez ce plateau voulez-vous. Et asseyez-vous.
Nathalie s’exécuta tandis qu’il continuait à parler.
– Vous avez devant vous un homme heureux, Nathalie. J’aime le peu que je sais de vous et votre corps me ravit. Votre chevelure, vos yeux, vos seins, votre ventre, vos cuisses, vos fesses… Tout en vous éveille mon désir. Mais avant d’en arriver là, je veux tout savoir de vous. De votre naissance jusqu’à aujourd’hui. Il paraît que tout maître demande à sa soumise un acte d’obédience. Moi, c’est cela que j’exige de vous.
La surprise de Nathalie ne fut pas feinte, elle s’attendait à ce que l’acte marquant sa soumission soit sexuel – Frédéric lui-même avait exigé une fellation avant de la sodomiser – et AL ne demandait que sa biographie ? Elle n’en revenait pas. Au moins, il fallait qu’elle s’agenouille, ne serait-ce que pour démontrer par sa position qu’elle le reconnaissait pour Maître. Il l’arrêta.
– Restez assise. Je sais ce que vous êtes et je vous reconnais comme telle. Je sais aussi ce que je suis pour vous et n’ai aucun souci à cet égard. Je vous écoute…
Nathalie raconta. De sa petite enfance dans un pavillon de Colombes à la vente aux enchères, elle n’omit rien. Ni sa trahison envers Frédéric quelque dix ans plus tôt, ni son amour pour Juan, ni son désespoir, ses années d’abstinence sexuelle, son retour à la vie, ni sa découverte de la soumission, ni le plaisir qu’elle ressentait sous la morsure du martinet. Elle raconta tout. Y compris sa blessure et les horreurs qu’elle eut à supporter en tant que flic, le mépris de ses collègues profs et sa déconvenue de Suresnes… Elle lui donna même un bref aperçu du discours qu’elle tint à ses collègues de Beauvais et lui décrivit en détails les impressions qu’elle ressentît tandis qu’offerte aux regards de tous, elle entendait grimper les enchères qui décideraient de sa valeur marchande. Lorsqu’elle se tut, le soleil brillait déjà depuis plusieurs heures.
– Allez dormir, lui dit AL, vous devez être épuisée. Mais avant, j’aurais une dernière requête, si vous le permettez…
Abasourdie. Nathalie fut abasourdie par cette demande formulée avec autant de politesse : il voulait sa permission alors qu’il pouvait tout exiger d’elle. Elle estima que cela méritait plus qu’un accord tacite.
– Bien sûr dit-elle. Et prenant son courage à deux mains, elle l’interrogea : comment dois-je vous appeler ?
Il se leva, s’approcha d’elle, glissa deux doigts sous son menton et l’obligea à se lever.
– Ne vous l’ai-je pas dit ? la questionna-t-il en rivant son regard dans celui de la jeune femme.
– Si… Mais je pensais à quelque chose de plus respectueux.
– Déshabille-toi ! Ton obéissance est la seule marque de respect que j’exigerai de toi et le souvenir de ta nudité m’aidera à passer les heures de solitude que je m’apprête à vivre.
Comme la veille, Nathalie fit glisser les bretelles de sa robe sur ses épaules. La robe tomba et avec elle les dernières appréhensions de Nathalie. Elle avait un maître qu’elle appellerait désormais Monsieur.
– Monsieur est-il satisfait de sa soubrette ? demanda-t-elle en baissant les yeux.
– Très !
Il s’éloigna de Nathalie pour la contempler à loisir, commanda qu’elle tournât lentement sur elle-même, tourna quelques minutes autour d’elle comme pour graver son image dans sa mémoire et l’envoya se reposer.
***
Nue et allongée sur son lit, Nathalie ne dormit pas. Monsieur ne l’avait pas touchée et pourtant, il l’avait gorgée d’émotions. En si peu de temps, en si peu de mots, il avait gagné sa confiance, sa soumission et, plus que tout, sa loyauté. À maintes reprises elle fut dévorée par l’envie de quitter sa chambre et d’aller le rejoindre mais elle ne voulut pas le décevoir en revenant trop tôt : elle devait pouvoir lui dire qu’elle n’avait pas réussi à dormir bien qu’elle eût essayé à plusieurs reprises.
Enfin, vers onze heures, elle quitta sa chambre. Nue, elle avança jusqu’au salon où il attendait – assis dans le fauteuil club qu’il semblait ne pas avoir quitté – un livre entre les doigts.
– Monsieur désire-t-il quelque chose ? demanda-t-elle après avoir frappé sur l’encadrement de la porte pour prévenir de sa présence.
– Désir… désir… Je ne désire pas quelque chose répondit-il en souriant mais quelqu’un. Ou… Plutôt quelqu’une. Je vous mets au défi de trouver de qui il s’agit.
Nathalie pâlit. Il arrivait parfois à Frédéric de lui poser ce genre de questions déroutantes qui s’avéraient être des pièges. La réponse en semblait toujours flagrante au regard du contexte et des paroles prononcées en amont mais la réponse était souvent plus subtile que ne le suggérait l’évidence. Elle était trop souvent tombée dans le panneau avec pour récompense une solide fessée pour risquer de commettre la même erreur avec Monsieur. Pour autant, elle ne pouvait lui avouer son ignorance. C’eut été écoper d’une punition certaine et elle ne voulait pas que leurs rapports commençassent ainsi. Elle joua soit va-tout :
– Serait-ce de moi que vous parlez, Monsieur ?
– Si fait ! affirma-t-il en lui tendant la main. Mais pourquoi tant d’hésitation ?
– Parce que, dit-elle en s’agenouillant et en baissant les yeux, j’ignorais qui de votre soubrette ou bien de Nathalie avait l’honneur d’être désirée.
– Ma soubrette ou Ma Nathalie sont une seule et même personne. L’une et l’autre m’enchantent puisqu’elles ne sont qu’une et que par bonheur elles sont Toi. Et comme en plus tu es nue, prête à t’offrir à moi, mon bonheur ne saurait être plus complet.
Nathalie leva vers lui des yeux pleins de reconnaissance. Il n’y avait en lui aucune malice. Cela confirmait ce qu’elle avait pressenti le week-end passé : l’homme qui lui faisait face pouvait tout, de la douceur à la violence avec pour seul guide le plaisir. Du plaisir, elle en avait eu. Même lorsqu’il avait pincé ses tétons avec d’abominables bijoux. Même lorsqu’il avait martyrisé son clitoris à l’aide d’une cravache miniature. Même lorsqu’il l’avait attachée à un mètre du sol pour la baiser en la balançant sur son vit. Pourquoi, dans ces conditions, n’aurait-elle pas de plaisir s’il se montrait tendre et attentionné. Son sexe, aux lèvres gonflées et humides, prédisait au contraire toutes les joies du monde.
Nathalie s’approcha et entreprit de dégrafer le pantalon de Monsieur. Doucement, d’un effleurement de la main sur la sienne, il l’arrêta.
– Pas comme ça dit-il. Tu avais raison tout à l’heure, c’est Nathalie que je désire. Que la soubrette reste à l’office ou est sa place et toi, montre-moi le chemin de ta chambre.
***
Ils mirent un bon quart d’heure à arriver jusqu’à la chambre. Juste le temps nécessaire pour le déshabiller, qu’il tombe en tentant de marcher tout en retirant son pantalon, qu’ils calment le fou-rire qui les emporta suite à la chute, qu’ils s’embrassent à pleine bouche, qu’il caresse les seins et les fesses de sa belle comme s’il s’agissait de trésors… et qu’enfin, il la prenne dans ses bras pour passer le seuil de la porte.
Nathalie était bouleversée quand elle atterrit sur le lit et qu’elle sentit la bouche de AL embrasser goulûment son sexe.
Il l’embrassa avec la passion que met un homme presque noyé à inhaler la première bouffée d’air. Il glissa en elle une langue dévorante, inquisitrice qui remua comme un serpent fou jusqu’à ce qu’elle perde la tête. Ce n’était pas la classique gâterie dont les hommes banals gratifient leurs aimées ; c’était un baiser de ferveur et de flamme, voluptueux et idolâtre. Nathalie ne résista pas. Elle s’envola. Plus haut, plus loin qu’elle n’était jamais allée. Puis elle devint feuille, tombant en vrille légère et ballottée au gré du vent ou de l’appendice serpentin qui fouillait son intimité.
Les mains plaquées au delta des cuisses de sa Femme, AL n’avait de vivant que sa bouche. Les yeux clos, il goûtait avec voracité le plaisir de Nathalie. Sur ses lèvres résonnaient les cris de sa belle, sur sa langue vibraient les spasmes qui agitaient le corps de son amante, dans sa gorge s’écoulait les flots de son orgasme. Nathalie pantelait mais il ne lui laissait aucun répit. Il voulait que cette première fois soit parfaite, inoubliable. Il la retourna et reprit ses caresses en montant jusqu’au périnée. Pas plus haut, surtout, pas plus haut. Chienne, Nathalie plia sous elle ses genoux et cambra le dos. Elle s’offrait, toute entière ; appelait de ses vœux la caresse ultime, celle qu’elle n’avait jamais tolérée que d’un homme. AL sut d’instinct la signification de cette offrande. Il n’y répondit pas. Il la frustra, volontairement. Non parce que l’envie ne le tenaillait pas. Tout au contraire. Mais parce ce cadeau, Nathalie le faisait dans le feu de l’action et qu’il n’en voulait pas. Il voulait que pour cette caresse, Nathalie le supplie et qu’elle le fasse à froid, en toute conscience. Alors, seulement il la lui accorderait, comme une aumône. De la même façon, il ne la pénétrerait pas. Pas avant qu’elle l’implore. D’ici là, elle n’aurait droit qu’à sa bouche. Sa bouche qui, chaque fois, la ferait jouir jusqu’à l’épuisement.
***
Nathalie s’éveilla, la faim au ventre et la mémoire pleine de souvenirs frémissants. À son côté, AL dormait, serein. Elle se leva dans l’aube naissante de ce dimanche matin. Elle avait fait, en dormant, plus que le tour du cadran. Silencieuse, elle se faufila jusqu’à la cuisine dont elle ferma la porte pour éviter que le bruit qu’elle ferait n’éveillât Monsieur. Elle sortit la bouilloire et fit chauffer de l’eau, prépara son thé qu’elle agrémenta de biscottes beurrées surmontées d’une fine couche de confiture. « Demander la permission d’aller acheter du pain » nota-t-elle pour elle-même. « Demander à Monsieur ce qu’il veut déjeuner et peut-être dîner », ajouta-t-elle à sa liste. « Demander aussi – pourquoi pas – s’il souhaite que je porte une tenue particulière », ainsi se fit-elle une liste de toutes les questions qu’elle avait à poser à Monsieur tandis qu’elle déjeunait d’un solide appétit. Elle prit conscience que toutes ces permissions, tous ces conseils, elle ne les avait jamais sollicités de la part de Frédéric. Avec Monsieur, en revanche, elle le ferait parce qu’elle voulait être pour lui, parfaite. Lorsqu’elle entendit du bruit en provenance de la chambre, elle glissa dans la cafetière une capsule et fit couler un « ristretto » ouvrit précipitamment la porte qu’elle avait fermée dans un souci de discrétion, fit couler un second café en urgence et s’agenouilla sur le froid dallage de la cuisine.
AL entra dans la pièce, lui aussi était nu. La première chose que Nathalie vit de lui fut son sexe. Bien qu’encore endormi, elle remarqua qu’il était lourd de désir inassouvi. L’eau lui monta à la bouche. Elle s’imagina quémandant la permission de le sucer pendant qu’il déjeunerait. Cette idée eut en elle un tel retentissement qu’un flot de cyprine inonda sa chatte. En un instant, cette pensée s’ancra à son cerveau. Un seul ingrédient manquait encore : le courage d’oser.
AL posa la main sur la tête de Nathalie et la salua poliment à l’instant même où l’idée entrait dans sa pensée. Elle la rangea soigneusement dans un proche recoin de son esprit et répondit aux questions civiles de Monsieur.
– J’ai merveilleusement bien dormi, merci Monsieur de vous en inquiéter. J’espère qu’il en fut de même pour vous.
Elle attendit poliment sa réponse avant de reprendre :
– Je suis une piètre ménagère, Monsieur et je ne suis rendu compte ce matin que nous manquons de pain et de nourriture pour le déjeuner et le dîner. Me donneriez-vous la permission d’aller faire quelques courses, il y a un marché à quelques kilomètres et…
AL l’interrompit, lui accorda ce qu’elle demandait à condition de l’accompagner et lui demanda si c’était tout.
– Non Monsieur, j’ai tout une liste de demande à vous faire. Mais je crois que la plus urgente est de savoir si…
Elle hésitait à se lancer et crut remarquer dans la façon dont Monsieur s’asseyait sur le tabouret de bar, une bonne dose d’exaspération.
– Si ? demanda-t-il d’une voix qui confirma son impression à Nathalie.
Elle se lança après avoir respiré un grand coup.
– Si vous m’autoriseriez à vous sucer ?
Il ne répondit pas tout de suite mais elle constata de visu que sa demande avait porté.
– Je suis sûr que tu peux faire mieux. Je trouve ta demande un peu plate.
Nathalie rougit de confusion. Elle avait l’impression d’être déjà allée beaucoup plus loin qu’elle ne l’avait jamais fait et Monsieur trouvait que c’était trop peu. Elle fit appel à tout son courage et reformula sa requête.
– Permettez-moi de vous sucer, Monsieur, s’il vous plaît. Je meurs d’envie de sentir votre queue dans ma gorge.
– C’est mieux ! Mais pas encore assez.
Jusqu’où donc voulait-il qu’elle aille ? Nathalie leva sur lui un regard implorant et interrogateur. Son visage était verrouillé et il la dominait de toute sa hauteur. Il était assis sur le tabouret, la jambe droite repliée en appui sur une des barres transversales du siège, la jambe gauche tendue, le pied posé au sol. Nathalie n’avait, jusqu’à présent eu d’yeux que pour son sexe, en découvrant son pied, elle eut la certitude d’adopter la bonne attitude.
Elle glissa ses mains dans son dos et se pencha lentement sur le pied qu’elle baisa avant de remonter.
– Je vous en supplie Monsieur, permettez-moi de vous sucer dit-elle du ton le plus humble.
AL se pencha et caressa la joue de sa soumise.
– Quand tu t’en donnes la peine, tu es parfaite. Tu peux venir chercher ta récompense.
Nathalie se déplaça latéralement pour atteindre l’entrecuisse de Monsieur. Elle leva son visage et lécha lentement les bourses et la hampe de son nouveau Maître. AL saisit la chevelure de la jeune dame pour en faire une queue qu’il serra fortement dans sa main droite ; ainsi, il disposait d’un guide pour contrôler la fellatrice et lui imprimer la profondeur et le rythme de sa caresse. Cela ne dura pas longtemps, la frustration de Monsieur était telle qu’il ne fallut que quelques va et vient avant qu’il emplisse la bouche de Nathalie. Satisfait, Monsieur lui fit signe qu’elle pouvait avaler. Elle obéit et remercia son maître.
– J’ai beaucoup apprécié ta bouche lui dit-il. Tout comme j’ai aimé que tu me supplies pour obtenir le droit de t’en servir. Mais tu m’as dit avoir d’autres demandes, je souhaite les entendre maintenant.
Nathalie débita ses questions les unes à la suite des autres. Pour certaines, AL envoya valser la réponse d’un revers de main qui signifiait : « Je m’en fiche. » Pour les plus importantes – à ses yeux – il prit la peine de formuler sa volonté.
– Il m’arrivera de choisir tes vêtements, sans doute assez souvent. Je le ferais par mail quand nous serons loin l’un de l’autre, par oral ou en déposant directement sur ton lit les habits que je voudrai te voir porter. Les sous-vêtements, en revanche, dépendent de moi et de moi seul. Je te laisse libre de coiffer tes cheveux comme tu l’entends mais je reste décisionnaire sur leur coupe et la fréquence de tes visites chez le coiffeur. Quant au maquillage, je n’y connais rien. Donc, même si en telle ou telle occasion il pourra m’arriver de te demander un style particulier, dans l’ensemble, tu seras libre d’en user à ta convenance. Enfin, pour tout ce qui dépend de la tenue de la maison, repas compris, tu as toute latitude et toute ma confiance. Maintenant, si tu n’as plus de précision à demander, allons faire un tour dans ta garde-robe. Ah ! j’allais oublier ! Mardi au plus tard, tu me fourniras un double de toutes les clés de l’appartement sauf celle de ta chambre dont tu me donneras l’original et toutes les copies.
***
Nathalie ne s’étonna même pas qu’il lui soit si facile de se plier à toutes les exigences de Monsieur, elle les trouvait si naturelles. Elle ne fit même pas grise mine quand, en ce dimanche après-midi, il inspecta sa garde-robe et la contraignit à se débarrasser de tous les vêtements qui lui déplaisait ainsi que des paires de chaussures à semelles plates qu’elle possédait.
– Je te veux désirable lui dit-il. Je veux que tu sois la plus sexy des profs de ton lycée. Donc, finis les pantalons informes et les baskets, finis les collants et les chaussettes ; je choisirai moi-même ce que tu garderas. De toutes façons, tu porteras essentiellement des robes ou des jupes. Courtes de préférence. Tu as des jambes sublimes, tu vas les montrer. Tu porteras des bas, avec ou sans porte-jarretelles au gré de mon plaisir. Quant aux culottes, tu y auras droit pendant tes règles. En dehors de ces périodes, ce sera string ou rien. Tout le reste peut aller poubelle. En matière de soutien-gorge, tu ne conserveras que ceux coordonnés à tes strings et à tes culottes mensuelles. Je te dirais quand les porter mais la règle, c’est les seins nus. Les chaussures maintenant : uniquement des talons d’un minimum de cinq centimètres ma préférence allant à ceux de douze. Deux exceptions : les chaussures de sport, deux paires et, pour les jours de détente, trois paires à semelles plates. Tout le reste, tu jettes.
Deux heures plus tard, la chambre de Nathalie était envahie de sacs poubelle et son dressing réduit des deux tiers. AL se déclara satisfait. Pour la récompenser – et peut-être la consoler de la perte de ses vêtements – il la gratifia d’une série d’orgasmes que sa bouche prodigua savamment. Mais il ne la pénétra pas. En revanche, lorsqu’elle eut recouvré ses esprits et parce qu’elle avait su l’implorer comme il le souhaitait, il autorisa Nathalie à user de sa bouche sur lui. Aussitôt après, il s’en alla en donnant rendez-vous à sa soubrette le mardi suivant.
Dès qu’elle fut libre, Nathalie courut chez Fanny lui conter ses dernières aventures.
***
– Il est vachement plus strict que Le Maître s’étonna Fanny après avoir écouté toutes les directives qu’avaient reçues Nathalie. Mais bon, tu as l’air contente, c’est tout ce qui importe. Et pour le reste, il est comment ?
Nathalie prit un air rêveur que Fanny interpréta immédiatement comme étant celui d’une femme comblée. Elle respecta le silence souriant de son amie et se mit à parler d’autre chose. Apparemment, la félicité de Nathalie jouait en positif sur son moral. Délestée de cette inquiétude, elle était de nouveau capable de babiller sans trop d’efforts.
Elles parlèrent fringues. Les préoccupations de Nathalie la poussaient à cela et elle savait Fanny férue de mode.
– Je n’ai jamais cessé d’être coquette avoua la jolie brune. Quand je rendais visite à Frédéric à l’hôpital en dehors de mes heures de service, je ne m’habillais pas uniquement pour lui. Pour moi aussi. Ce n’est pas parce que les mecs que je rencontrais m’ennuyaient que je n’appréciais pas, de temps en temps, qu’il y ait une lueur lubrique dans leurs regards en me voyant. Être abstinente ne veut pas dire négliger son image. Pas toujours en tous cas dit-elle en adressant un amical coup de poing vers Nathalie. Que ton Monsieur te veuille belle pour lui et pour les autres me semble une preuve de la confiance qu’il te fait et de la considération qu’il a pour ta plastique. L’habitude de porter des jupes reviendra vite et tu seras étonnée de la rapidité avec laquelle on ne peut plus envisager de marcher autrement qu’avec des escarpins.
– Et si ça me donnait l’air d’u…
– D’une Pute ? Ma chérie, tu t’angoisses pour rien. S’il a envie de te voir en pute, ce sera pour lui tout seul ou alors il te punira. Et de toutes façons, qu’est-ce que ça peut te foutre ? Dans une boîte de conserve, il n’y a pas toujours ce qui est écrit sur l’emballage. Souviens-toi du scandale des raviolis à la viande de cheval…
Nathalie n’apprécia qu’à moitié la comparaison. Sa moue, à cet égard fut expressive et Fanny éclata de rire.
– Oh ma chérie ! Rigole ! Avoir l’air d’une pute, c’est pas la mer à boire. Et puis il y a des putes très classe !
– On voit bien que ce n’est pas au bout de ton nez que ça pend. Brrr ! J’en ai froid dans le dos.
Fanny rit de plus belle à voir la mine déconfite de son amie.
– Tu te fais des films. Et puis, si je me souviens bien, ce ne serait pas une première. Rappelle-moi la façon dont Le Maître a voulu que tu t’habilles la première fois…
– C’était Frédéric ! Ce n’est pas du tout pareil.
– Parce que Lui, tu l’aimes et pas ton nouveau maître…
La réponse du tac au tac que venait de lui servir Fanny plongea Nathalie dans une réflexion qu’elle n’avait pas imaginé avoir un jour.
– De Frédéric je peux le dire sans problème. Ce n’est d’ailleurs un mystère pour personne. Monsieur, c’est autre chose. C’est plus diffus mais c’est présent. Il m’attire, c’est sûr et j’aime la manière dont il me traite. En fait, tu as raison. Même s’il voulait que je m’habille en pute chaque jour de ma vie, je le ferais. Ça me fait un peu peur parce que je ne vois pas de limite à ce qu’il pourrait exiger de moi.
– Tu veux un bon conseil ? murmura Fanny redevenue sérieuse. Fais ce qu’il dit tant que cela te rend heureuse. Si tu as ne serait-ce que l’impression que cela te fera pleurer, refuse. Ton droit de soumise c’est d’empêcher ton maître d’aller trop loin. Son devoir est de t’écouter. S’il ne le fait pas, ce n’est pas un bon maître, s’il te force, s’il te harcèle s’il t’oblige à aller trop loin. Quitte-le. J’ai passé trente heures avec un mauvais dominant à le supplier d’arrêter. J’ai cru qu’il allait me . Jamais je n’ai eu peur comme pendant ces siècles. Je crois que je ne m’en remettrais jamais et qu’il va nous falloir, au Maître et à moi, beaucoup de patience pour que je retrouve un peu de celle que j’étais. Toi, promets-moi de t’enfuir à temps si ton histoire tourne au vinaigre.
Fanny avait souri, ri, maintenant elle pleurait. Nathalie la prit dans ses bras, impuissante à faire plus pour la consoler.
– Tu sais qu’il ne m’a pas touchée. En trente heures, il n’a même pas posé un doigt sur moi. Il avait des gants et même avec ses gants il ne m’a pas touchée. Pour aller d’un lieu de à un autre, il m’a obligée à ramper. Quand je refusais d’avancer il me cravachait ou il me fouettait avec une badine. Il a cassé sur moi des baguettes en bambou. Il a menacé de lacérer mes seins à coups de fouet. Il a frappé ma poitrine avec le gros paddle pour me punir d’être récalcitrante. Mais pendant trente heures, jamais il n’a posé la main sur moi pour me réconforter. Et le pire, c’est qu’à la toute fin il m’a e à gagner la cellule et là, alors que j’étais étendue sur le ciment, il a pissé sur mes plaies. Je ne sais même pas comment je suis rentrée chez moi.
Nathalie se sentit coupable. L’homme l’avait laissée éreintée au soir de ce fameux dimanche. Elle aussi était rentrée chez elle. Exténuée, elle s’était endormie sans prendre de nouvelles de Fanny et de Frédérique et les deux autres avaient agi comme elle. C’était normal : le week-end avait été dur pour elles trois. Nathalie n’en demanda pas moins pardon à Fanny de sa négligence.
Elles s’enlacèrent un peu plus fort. L’une pour signifier sa tristesse l’autre son absence de ressentiment. Mais Nathalie se dégagea pour bondir comme une furie.
– Je suis vraiment la reine des connes dit-elle en se dirigeant vers la porte. La reine des connes je te dis. Tout le week-end, j’ai eu sous le nez un témoin et je ne lui ai pas posé la moindre question. Quelle conne mais quelle conne !
***
Comme une balle de fusil. C’est ainsi que Julie qui croisa Nathalie, la décrivit à Frédérique. Et c’est bien à cette vitesse que Nathalie comptait aller. Elle rentra chez elle et se jeta sur ses notes. Dans le compte-rendu qu’elle avait fait du témoignage de Frédérique, elle avait griffonné en marge que la susdite n’avait pas mis les pieds dans le donjon durant toute la durée de ce fameux week-end. Il en était de même pour elle. Or, malgré l’ignorance dans laquelle elle était des pratiques usitées dans ce genre de situation, il lui semblait logique que l’unique donjon soit partagé à temps égal par les différents couples. Pourtant, l’homme à la cravate blanche l’avait occupé du début à la fin. Cela ne pouvait signifier qu’une chose : il s’était entendu avec les deux autres acquéreurs pour en être le seul occupant. Et l’homme qui l’avait quitté depuis à peine plus d’une heure était l’un de ces deux hommes.
Bien qu’il fût à moins de deux minutes de son appartement, Nathalie préféra appeler Frédéric pour lui demander une entrevue. Naturellement, il accepta mais lorsqu’il raccrocha, il fit la moue en regardant Lucile.
– J’ai peur que ça ne se soit pas si bien passé que ça. Nathalie est dans tous ses états. Elle va arriver, je vais la recevoir dans le bureau.
Lucile se contenta d’incliner la tête en signe d’assentiment. Depuis que Frédéric lui avait parlé de son plan pour se désengager de son harem, elle estimait devoir se tenir en retrait de ses affaires. Sa seule implication consistait désormais à prendre soin de Fanny. Elle n’en souhaitait pas d’autre de crainte de se mettre les filles à dos alors qu’elle éprouvait pour elles une véritable amitié.
Frédéric descendit les marches et se retrouva nez à nez avec Nathalie dont la fébrilité l’inquiéta.
– Viens avec moi dit-il. Nous allons nous installer dans le bureau, nous y serons mieux pour causer.
Nathalie suivit le mouvement et s’affala sur une des chaises en face du bureau.
– Je t’écoute. Tu peux tout me dire.
Selon toute vraisemblance, Frédéric s’attendait à ce que Nathalie fonde en larmes et déblatère sans fin sur le compte d’Adémar-Louis. Il ne comprit donc rien aux explications de l’ex-flic.
– C’était un coup monté Frédéric. Il avait tout prévu, tout organisé pour être tranquille tout le week-end et causer le plus de dégâts possibles. Ce type est une ordure, il avait tout prémédité.
– Mais de qui parles-tu à la fin ? Si c’est d’Adémar-Louis je te fiche mon billet que…
– Mais non ! Tu n’y es pas du tout. L’homme à la cravate blanche, il avait tout prévu. Son comportement avec Fanny, ça n’a rien d’un coup de folie.
– Vas-y ! Reprends du début parce que je ne comprends rien.
Nathalie posa sur le bureau le cahier dans lequel elle avait pris des notes pendant les auditions. Elle l’ouvrit à la page réservée aux déclarations de Frédérique.
– J’ai noté : « Frédérique a à peine entrevue le bonhomme, elle l’a juste vu discuter quelques minutes avec son… » Enfin avec le mec avec qui elle était. Je dois avouer que je ne sais pas vraiment comment les qualifier ces trois zozos. Moi, je ne me souviens de rien de tel mais je me suis absentée, avec ton accord pour aller aux toilettes pendant que Julie briefait les zozos sur ce qu’ils avaient ou non le droit de faire. Mais je pense qu’il a eu un entretien aussi avec Monsieur. Pour en être certaine, je voudrais ton accord et surtout ton intervention pour que je puisse l’interroger. Juste sur ce point précis.
– Si ce n’est que cela, je peux lui poser la question…
– Non, non. Tu ne comprends pas. Il faut que ce soit moi qui l’interroge. J’ai été formée pour ça et je sais reconnaître les signes du mensonge. Désolée d’être aussi brutale mais, à l’évidence, toi tu ne l’es pas.
Frédéric ne fut pas vraiment enchanté de se faire traiter de dupe mais force lui était de reconnaître que dans cette affaire, c’est exactement ce qu’il avait été.
– OK ! concéda-t-il. Je vais arranger un entretien hors contexte avec… Comment dois-je l’appeler « Ton zozo » ou « Monsieur » ?
Nathalie piqua un fard sans répondre. Frédéric en rajouta une couche.
– Je peux faire la même chose avec Florian, le « zozo » qui était avec Frédérique. Il marqua un temps.… si c’est nécessaire.
– Bref, tu peux le faire mais tu préférerais ne pas avoir à le faire. J’ai bien compris. Pourtant, ce zozo pourrait aussi nous apprendre une ou deux choses intéressantes. Donc oui. C’est nécessaire.
– Vendredi soir prochain. Au plus tard samedi matin.
– Timing parfait pour Frédérique mais trop tard pour moi. Monsieur sera là mardi matin, ce serait parfait si tu pouvais m’organiser une entrevue avec le « zozo de Frédérique » dès mardi après-midi.
– Et que devrais-je faire de… Monsieur ?
Nathalie n’aima pas du tout le ton employé par Frédéric, elle lui répondit du tac au tac avec un zeste d’agressivité dans la voix.
– C’est l’été. Apprends-lui à faire des confitures. Parfois, il y a des événements plus importants que de nous occuper de vos egos. Moi par exemple, j’ai un salaud à retrouver et je te jure que je vais le faire vite et bien. Ensuite, je consacrerais une bonne partie de mon temps à lui pourrir la vie. Si cela vous dérange, toi et Adémar, je peux aussi faire mes valises mais je peux te garantir que je ne partirais pas seule. Pour l’instant, je peux t’assurer que je ne fais pas qu’aider Fanny. Toi, AL, Florian… Je suis en train de vous tirer une sale épine du pied à tous. Alors, sur ce coup-là, je vous conseille vraiment de m’écouter et de faire ce que je dis comme je le dis. Je t’aime Frédéric mais si je dois choisir entre toi et Fanny, tu n’en sortiras pas vainqueur. Et si tu me mets des bâtons dans les roues, je n’hésiterais pas une seconde à t’écraser. Ce type a sans doute fait d’autres victimes et en fera encore si on ne fait rien pour le stopper. Sa technique est trop bien rodée, ses mensonges trop crédibles pour qu’il en soit à son coup d’essai. Je ne laisserai pas passer ça. Qui que soit celui qui se mettra en travers de ma route, il apprendra très vite de quel bois je me chauffe. Voilà ! Tu es prévenu. Alors sois sympa, informe tes petits camarades qu’il y a une sheriff en ville et qu’elle ne rigole pas.
***
– Tu lui as vraiment dit ça ?
Fanny, Julie, Frédérique et Lucile n’en revenaient pas. Nathalie les avait réunis chez Fanny afin de toutes les informer de l’évolution de son enquête.
– En fait, j’ai rêvé de pouvoir le dire dès mon premier jour dans la police. Je ne pensais pas, à l’époque que ça se passerait dans ces circonstances mais l’occasion était trop belle. En plus, je crois que je lui ai vraiment foutu la trouille.
Inquiète, Lucile demanda quelques précisions sous la forme d’une question d’amoureuse :
– Tu ne bluffais pas ?
– Pas vraiment. Organiser une vente aux enchères d’êtres humains, ce n’est pas vraiment permis. Il faut être en mesure de prouver que le consentement des personnes vendues existe et qu’il n’est ni ni vicié de quelque façon que ce soit. Frédéric est franchement borderline. Même si nous avons accepté de notre plein gré, un bon flic pourra toujours démontrer qu’en tant que soumises et punies, nous n’avions pas le choix. Il pourrait alors y avoir procès et on ne sort jamais totalement blanchi d’un procès. Quand on en sort pas avec les menottes aux poignets. Quant aux acheteurs, c’est une accusation de traite d’esclaves qui leur pend au nez. Même les types qui sont repartis bredouille pourraient écoper d’une accusation de complicité. Faut-il que je vous fasse un dessin représentant les conséquences pour nous tous ?
Les quatre amies étaient atterrées. Elles imaginaient déjà Frédéric en prison. Encore une fois, ce fut Nathalie qui les sortit du chaos où elles étaient plongées.
– La grande force de cravate blanche, c’est ça. Il s’arrange pour être convié dans ce genre de rallye, il fait sa petite affaire et il fout la trouille aux organisateurs si ceux-ci lui cherchent des noises. Pour nous éviter ça, j’ai ma petite idée mais avant tout, il faut le retrouver.
Que sait-on de cravate blanche ? Qu’il a donné un faux nom à Frédéric mais que la somme qu’il a dépensée a réellement été versée. Donc, ce type a le réseau pour se procurer des faux papiers. Au pire, il est lui-même faussaire. On sait aussi qu’il dispose de fonds : on ne fait pas un chèque de cette somme et surtout, ce chèque n’est pas honoré, si on a pas un rond. Donc, ce type paie, il doit considérer cela comme des dommages et intérêt qu’il règle aux victimes ou à leurs propriétaires. Ce qui signifie que certains d’entre eux le connaissent au moins superficiellement ou bien qu’il pourrait être reconnu. En payant, il achète sa tranquillité. Cependant, il sait disparaître. La conclusion logique de tout cela est qu’il n’en est pas à son coup d’essai.
– Si je peux me permettre intervint Lucile, Frédéric a envoyé lundi, un texto sur le numéro qu’il lui avait donné et le texto a été lu. Ne me demandez pas comment il a fait mais il avait « accroché une balise » au texto.
– J’ai demandé à Frédéric d’arrêter de s’impliquer dans cette histoire. Je ne rigole pas. Il faut vraiment qu’il arrête de jouer au con, c’est un jeu où on gagne à tous les coups. Je… Non. Nous comptons sur toi pour qu’il mette ses mains dans ses poches et sa tête au cran du repos. On a déjà suffisamment d’emmerdes comme ça, pas la peine qu’il nous en serve d’autres.
L’histoire du texto, il m’en a parlé aussi et j’allais y venir. La balise, Julie nous le confirmera, est une petite phrase encodée dans le texto lui-même et qui déclenche une réponse automatique et invisible du lecteur, dès qu’il est ouvert. Nous savons donc que le lundi après-midi, cravate blanche utilisait toujours sa ligne. J’ai demandé à un de mes contacts de faire la même chose jeudi à partir d’un mobile vierge. Apparemment, c’est le black-out sur la ligne mais elle n’a pas pour autant été clôturée. Mon ami n’a pas eu d’avis de rejet. Pas plus qu’hier ou vendredi. Pour aujourd’hui je ne sais pas, je n’ai pas eu le temps de le joindre.
Voilà. C’est tout ce que je peux vous dire ce soir. Réfléchissez-y, j’ai sans doute oublié des trucs, vous aussi peut-être. Il y a peut-être aussi des conclusions que je n’ai pas poussées assez loin. Toutes les idées sont bonnes à prendre.
Julie, ajouta Nathalie en se tournant vers son amie, est-ce que je peux te parler en privé, j’ai un immense service à te demander.
Julie acquiesça, les autres regimbèrent.
– Il y a des choses qu’il vaut mieux que vous ignoriez. On n’est pas en train de jouer les filles.
Nathalie n’eut pas besoin d’en dire plus. Frédérique prit Fanny et Lucile par la main et les emmena dans la chambre tandis que Julie et Nathalie quittaient l’appartement.
***
Julie s’enferma dans sa chambre et se mit au travail. Elle commença par mettre en place sur son ordinateur un VPN et un modificateur de connexion DNS qu’elle fit suivre par un second VPN. Ensuite, elle lança sa recherche. Le résultat tomba assez rapidement, elle connaissait maintenant le fournisseur d’accès mobile, le véritable ouvrage commençait.
En passant par le réseau Tor, elle se connecta à un premier serveur situé en Finlande, de là, elle passa en Espagne, au Paraguay et aux USA pour revenir en Allemagne et échouer sur un réseau ukrainien. Enfin, elle plongea sur le serveur du fournisseur. Elle passa le premier pare feu sans grande difficultés. À tel point qu’elle se demanda s’il était bien sérieux de confier autant de précieuses données à des gens aussi négligents. Mais elle n’était qu’au début de ses peines. Le deuxième pare feu présentait quatre points d’accès évidents : des trompe-couillons se dit-elle. Elle délaissa également une porte soi-disant dérobée qu’elle trouva un peu trop éclairée, ainsi qu’une autre, plus discrète mais qui puait tout de même le piège à plein nez. Longtemps, elle chercha le trou de souris par lequel elle allait pouvoir se glisser. Bizarrement, elle le trouva par le biais d’un logiciel obsolète de lecture de fichiers PDF qui devait être là depuis la création du serveur et avait fini par se faire oublier. Les défenses du troisième pare feu se concentraient sur le processeur, il suffit à Julie de le contourner pour passer. Enfin, pas tout à fait. Elle se trouva devant un choix. Soit elle choisissait d’attaquer le noyau, soit elle optait pour un second contournement afin d’atteindre les données plus rapidement mais la laisserait nue si, par malheur, elle déclenchait une alarme. Elle hésita un petit moment et, n’arrivant pas à se décider, elle rebroussa chemin en prenant soin d’effacer toutes ses traces. « Parfois ; pensa-t-elle, il vaut mieux laisser tomber et réfléchir que de foncer tête baissée et attr une grosse bosse. » Rien que d’y penser elle eut mal au crâne.
***
Une bonne nuit de sommeil et Julie repartit à la recherche de son Graal. Elle modifia totalement sa configuration réseau et entama les procédures de connexion. Elle sentit un malaise dès le premier pare feu, celui qu’elle avait dépassé si simplement. Il avait été modifié depuis son incursion de la veille : de toute évidence, sa tentative avait été remarquée et la tâche allait s’avérer plus ardue qu’elle ne l’avait pensé. La solution la plus simple aurait été de faire appel aux connaissances de Frédéric mais Nathalie lui avait commandé de ne pas l’impliquer et le ton de l’ex-fliquette ne souffrait aucune exception. Elle choisit donc de joindre l’un de ses camarades d’études par le canal sécurisé qu’il avait mis au point des années auparavant ; en espérant qu’il n’avait pas désactivé son code d’accès et que son réseau était toujours actif.
***
Nathalie passa sa journée du lundi à synthétiser ses notes et à dresser un portrait de « cravate blanche » avec l’aide d’une de ses relations, spécialisée en psychologie criminelle. Elle découvrit à cette occasion qu’elle était une menteuse crédible quand elle voulait s’en donner la peine et qu’elle était parfaitement capable de reléguer ses principes au rang des accessoires : la fin justifiant parfois les moyens.
Elle reçut ce jour-là, deux appels. L’un de Frédéric qui lui confirma ma venue pour le mardi matin ; l’autre d’Adémar-Louis. Face à l’urgence, celui-ci l’informa qu’il avançait sa venue au soir-même de façon à ce qu’elle disposât d’un maximum de temps pour digérer, compiler et synthétiser tout ce qu’il pourrait lui apprendre. Frédéric avait dû se montrer fichtrement convaincant pensa-t-elle.
***
AL ne perdit pas de temps à aller saluer Frédéric. Il se rendit directement chez Nathalie et la trouva en plein travail. Elle non plus ne perdit pas de temps en salamalecs, elle le guida vers son bureau. Là, elle l’interrogea comme s’il s’agissait de n’importe quel témoin. À aucun moment AL n’eut l’impression d’être, pour Nathalie, autre chose qu’une mine de renseignement, un citron qu’il fallait presser jusqu’à la dernière goutte de jus. Lorsque leur entretien fut officiellement terminé il lui en fit, sans amertume, la remarque.
– Vous m’avez dit, pas plus tard qu’avant-hier que vous désiriez tout connaître de moi, vous venez de faire connaissance d’une de mes facettes, j’avoue que celle-ci est un peu rêche mais je suis aussi comme ça. Dire que me montrer à vous sous ce jour désagréable, m’enchante, ce serait un mensonge. Cependant, j’estime que toute vérité est bonne à dire et, à choisir, je préfère que vous soyez informé ainsi, vous pourrez vous faire une idée plus complète de qui je suis.
– Tu sais qu’en d’autres circonstances, j’aurais pu te punir…
Nathalie vissa un regard vert d’eau dans celui d’AL et lui répondit sans la moindre trace d’humilité :
– Vous auriez pu… dans d’autres circonstances. Mais comme elles sont absentes, je ne suis pas certaine que cette remarque soit de bon aloi. J’ai maintenant, et j’en suis désolée pour vous, du travail dont je ne peux à aucun prix me laisser distraire. Je suis sûre que vous comprenez.
– Je comprends, répondit AL sans se départir de son sourire. Je vais donc rester assis et te regarder travailler.
Nathalie ne dit rien et se mit au travail. Elle commença par retranscrire sur le papier tout ce qui lui semblait important dans l’audition à laquelle elle venait de procéder. Ensuite, elle répartit ses notes en plusieurs piles de post-it. AL l’aurait bien interrogée sur les raisons de ce classement mais la concentration dont faisait montre l’ex-fliquette lui interdît de la déranger. Ceci terminé, elle entreprit d’intégrer les données classées à l’intérieur de sa synthèse.
– Vous a-t-il touché ?
AL la regarda, étonné. Selon toute apparence, il ne comprenait pas la question.
– Vous m’avez raconté qu’il vous a pris à part pour vous demander si vous aviez l’intention d’utiliser le donjon. À cette occasion, vous a-t-il touché, pris par le bras par exemple ?
– Non. En fait, il s’est approché de moi et a ébauché un geste mais sans aller jusqu’au bout. Son intention de m’entraîner à l’écart était si flagrante qu’il n’en a pas eu besoin, je l’ai suivi naturellement dit AL en fermant les yeux pour mieux revivre la scène.
– Peut-être vous a-t-il serré la main à la fin de la discussion, c’est une façon classique de sceller un accord.
– Non plus, non. Il m’a juste dit un truc du genre : « Nous sommes donc d’accord ? » J’ai acquiescé et il s’est éloigné. Si l’entretien a duré deux minutes au total, c’est le bout du monde. Mais non, à aucun moment il n’y a eu entre nous le moindre contact physique.
Nathalie réfléchit quelques instants avant de revenir à la charge.
– Mes souvenirs ne sont pas très nets mais il faut dire que j’étais assaillie de sensations diverses à ce moment. Pouvez vous me dire s’il a participé aux enchères me concernant ?
– Je ne crois pas hésita AL en fouillant sa mémoire. Mais mes souvenirs sur ce point ne sont pas très précis non plus. Je me souviens de plusieurs voix mais pas des visages de leurs propriétaires. À vrai dire, je regardais la scène, pas le parterre.
Nathalie rosit à ce compliment déguisé et baissa les yeux.
– Il est tard, Monsieur dit-elle en le nommant ainsi pour la première fois de la soirée. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, je vais me retirer.
– Si fait ! J’y vois un gros inconvénient, dit-il en reprenant le terme. Tu ne m’invites pas à te suivre. Et pour ça je vais te fesser. J’en meurs d’envie depuis que je suis arrivé.
Nathalie ne répondit pas, elle le prit par la main, le cœur battant. Toute la soirée elle avait eu envie des mains de Monsieur sur son corps, de sa langue sur son clitoris. Dans un instant, l’un de ses désirs serait exhaussé, fusse par des claques sur son cul, elle n’aurait plus à dissimuler sa soif.
***
AL saisit la main tendue et fit pirouetter le corps de la jolie rousse pour l’enfermer dans ses bras. Délicatement, il déposa un bisou sur son cou tout en s’asseyant sur le bureau. Habilement, il retourna sa proie et lui fit prendre appui sur le plateau où il était assis. Si elle l’avait voulu, Nathalie aurait facilement pu s’échapper. Mais elle sentit les mains qu’elle désirait relever sa jupe et caresser sa croupe avec tendresse. Elle ne se fit pas d’illusion, bientôt les claques remplaceraient les caresses ; ses fesses seraient en feu et elle n’attendait que cela. Depuis son algarade de la veille avec Frédéric, son esprit et son corps étaient tendus, la fessée la libérerait de sa culpabilité. Lorsque la première gifle l’atteignit, au lieu de crier, elle gémit.
– Merci Monsieur ! souffla-t-elle.
AL apprécia de trouver la peau nue sous sa main. Il avait bien remarqué que, conformément à sa demande de la veille, la poitrine de Nathalie était libre mais il avait eu, concernant le dessous de ses hanches, des doutes durant tout leur entretien : Nathalie portait une robe portefeuille dont le tissu, diaphane au niveau du torse, masquait par son doublement les secrets cachés sous sa taille. La main de AL crocha la fesse qu’il venait de frapper et la pétrit sans ménagement.
– J’apprécie, dit-il en ponctuant sa phrase d’une claque retentissante, votre obéissance à mes volontés malgré la puissance que la vôtre vient de me démontrer. J’apprécie, insista-t-il en brutalisant le joli cul de sa soumise pour la troisième fois, votre soumission à l’iniquité dont je fais preuve en vous punissant de votre force de caractère alors que j’avais formellement accepté de m’y plier pour le bien de tous. J’apprécie également les remerciements dont vous me gratifiez.
Quatrième coup, quatrième « Merci Monsieur ! ». Le jeu dura ainsi jusqu’à dix-huit puis la main s’infiltra dans la raie et la fente béantes de la belle soumise. Les doigts agiles de AL s’enfoncèrent d’un même mouvement dans les deux orifices. Nathalie l’en remercia en gémissant.
« Merci Monsieur ! Merci… ». Nathalie répétait la même phrase à l’envi, à chaque va et vient de la main de Monsieur. Et à chaque « Merci » son souffle était plus court, son désir plus brûlant et son plaisir plus proche de l’implosion.
– Prenez-moi ! Par pitié prenez-moi ! sanglota-t-elle lorsqu’elle n’en put plus.
Elle s’échappa et, à quatre pattes baisa le pied de son maître pour officialiser sa supplique. Ensuite, elle leva vers lui un regard implorant.
AL saisit la crinière rousse attachée en queue de cheval et tira doucement dessus. Toujours à quatre pattes, Nathalie suivit docilement Monsieur. La jupe, bloquée dans la ceinture de sa robe, découvrait son cul magnifique qui se dandinait au rythme de son avancée.

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