Leon

Léon est un pauvre garçon. Léon a trente huit ans et vis seul dans un minuscule deux pièces depuis la mort de sa mère. Tout est moyen chez Léon ,son physique, son intelligence, son job, sa vie. Tout est moyen sauf sa vie sexuelle , qui est nulle.
Léon n’a jamais eu de petite amie, ni même de flirt, le vide total. Alors Léon va voir les filles une fois par mois et là encore Léon ne choisit pas le canon ou la bombe sexuelle mais la fille moyenne qui lui fait moins peur.
Léon a peur des femmes, d’ailleurs Léon a peur de tout et surtout des autres, pas d’amis, pas de famille.
Léon est comptable dans un grand groupe depuis 10 ans, ses journées se passent en entrant des factures sur un ordinateur au milieu de collègues qui l’ignorent. Des femmes qui passent leur temps à lire Voici ou Gala et à parler de leur progéniture et des hommes qui commentent les matchs de la veille et racontent des histoires cochonnes.
Le midi Léon mange seul à la cantine et le soir Léon mange seul chez lui.
Pourtant depuis quelques mois la vie de Léon est moins grise. Léon s’est découvert deux passions et depuis les soirées sont moins longues et les week-end moins moroses.
Il y a un mois Léon s’est offert un ordinateur payé en trois fois sans frais avec sa prime de fin d’année et il passe ses nuits à surfer sur d’improbables sites .Pendant quelques heures il n’est plus le petit comptable triste ,il s’évade dans un monde virtuel peuplé de créatures de rêves qui moyennant un modique abonnement obéissent à ses désirs.
Sa deuxième passion, c’est Marie-Camille ,sa nouvelle chef. Une jeune femme arrivée depuis peu, jeune, belle intelligente, inaccessible.
Léon ne se fait pas d’illusion, jamais elle ne s’intéressera à lui. Mais elle hante ses rêves et ses nuits.
Léon a même fait des efforts, il a profité des soldes pour s’acheter deux costumes neufs et remiser au placard ses vieux habits de velours élimés.
Elle ne l’a pas remarqué, elle, toujours habillée de vêtements de marque, elle toujours si apprêtée , Nap (Neuilly Auteuil Passy) jusqu’au bout des ongles.


Il a essaye qu’elle le remarque, alors pour la première fois en 10 ans Léon a fait exprès de commettre des erreurs dans son travail , mais là encore elle s’est contentée d’en parler à Monsieur Dubois son sous chef qui a simplement dit à Léon de faire attention.
D’ailleurs pourquoi le regarderait elle ? un monde, un univers les sépare.
Et puis il y a les autres hommes , ces cadres dit supérieurs qui lui tournent autour et la drague outrageusement.
On lui prête même une aventure avec l’un d’eux, un bellâtre , directeur commercial de son état qui ne la lâche pas d’une semelle.
Alors Léon la hait, et le soir au travers de ces filles dociles et virtuelles ,c’est elle qu’il imagine nue et offerte livrée à ses moindres désirs.
Mais le matin il redevient un modeste et transparent employé.
De temps à autre il l’aperçoit qui passe devant son bureau et il se souvient de la nuit d’avant et de ce corps qu’il a possédé,. mais il revient vite sur terre et la belle ne remarque même pas son regard appuyé.
Mais ce matin, elle n’est pas là et Léon s’interroge , il a bien surpris la conversation de ses deux collègues qui disaient qu’il y avait de l’eau dans le gaz avec le directeur commercial, mais à quoi bon se réjouir , un autre viendra, et lui comme d’habitude restera dans son monde étriqué de vieux garçon .
Enfin elle arrive , mais elle n’est pas comme d’habitude , sa tenue est la même que la veille et son visage est boursouflé comme celui de quelqu’un qui a pleuré trop longtemps.
Il la regarde impuissant, il aimerait la prendre dans ses bras , lui dire qu’il l’aime qu’il lui donnerait sa vie, la choierait mais en même temps il la déteste , il lui en veut de se mettre dans cet état pour un connard sans intérêt qui aligne les conquêtes comme lui les factures , il lui en veut de cette indifférence , d’ignorer son amour.
Après tout c’est bien fait pour elle, elle n’a que ce qu’elle mérite.
Pourtant ce soir là, Léon a fait quelque chose de fou, lui le petit gars timide et frustré, il a écris à sa Dulcinée.

Pas sous son nom, il est trop conscient de son état, non sous un pseudo qu’il utilise lorsqu’il devient cet autre qui ose. Il lui a écris son amour, sa passion , sa folie.
Longtemps le message est reste en attente sur l’écran de l’ ordinateur , puis enfin il s’est décidé et l’a envoyé.
Alors commença un étrange jeu , le soir Léon inventait des poèmes , des lettres d’amour qui il l’espérait attireraient l’attention de la belle et froide directrice.
Mais elle ne répondait jamais, rien dans son attitude au bureau n’avait changé, le chagrin d’amour passé elle étais redevenue la femme professionnelle et distante qui le méprisait.
Car Léon en était sur, elle le méprisait, ses missives maladroites devaient la faire rire, d’ailleurs il l’avait surprise plus d’une fois en train de s’esclaffer avec d’autres en lisant l’écran.
Léon était malheureux et fou de rage, il se vengeait sur les créatures virtuelles, passait sa colère sur ces pauvres filles paumées.
Mais c’est elle qu’il voulait souiller, salir, elle n’avait pas voulu de son amour alors elle aurait sa haine.
Cette femme qui l’humiliait chaque jour de la semaine, c’est lui qui maintenant allait la dominer et la rabaisser.
Alors les messages changèrent de tournure……………………………..


Lorsqu’elle reçue les premiers messages Marie-Camille cru à une mauvaise plaisanterie.
Ces lignes, mélange de déclaration enflammée et d’allusions sexuelles ne lui parurent pas très sérieuses.
Elle chercha dans son entourage qui pouvait s’amuser à lui envoyer ce pathos maladroit.
Mais très vite, elle du se rendre à l’évidence que ce ne pouvait être personne de ses relations.
Elle décida d’attendre et de voir.
Chaque jour, elle recevait dans sa boite aux lettres une missive de son admirateur inconnu.
L’amusement succéda à la surprise mais elle décida de ne pas répondre croyant que son mystérieux correspondant se lasserait.
Elle chercha alors si ce pouvait être quelqu’un de son travail, car le fait que les messages arrivent dans sa messagerie professionnelle la troublait.

Mais qui ? ces commerciaux qui la draguaient, non pas le genre, et depuis sa rupture elle avait mis de la distance avec tout ce petit monde.
Quelqu’un de son service, non elle ne voyait pas, la plupart étaient des beaufs et le seul qui était différent était le prototype du vieux garçon timide et mal dans sa peau.
Mais cela commençait à l’inquiéter car les messages semblaient venir de quelqu’un qui la connaissait ou au moins la côtoyait , ainsi le rappel de sa relation avec son collègue de bureau ou les allusions à sa tenue ne pouvaient être le fruit du hasard.
Mais elle restait fidèle à sa ligne de conduite et ne répondit jamais.
Pourtant ce soir là, lorsqu’elle se connecta , elle prit peur, le message n’était plus celui d’un admirateur transi mais une menace à peine voilée , et les insultes avaient remplacés les mots d’amours.
Elle trouvait ce type de comportement lâche et inquiétant.
Mais elle n’en parla à personne et décida de faire comme si rien n’était.
Le lendemain au bureau , elle appela l’informatique et demanda si il était possible d’identifier d’où pouvaient venir certains messages , mais les informaticiens comme à leur habitude dirent que non et promirent d’étudier la question.
Cette histoire commençait à l’agacer et elle devint préoccupée.
Malgré tout elle se surpris à attendre les messages et se montrait un peu déçue lorsque sa messagerie était vide.
Léon n’écrivait plus, le dernier message qu’il avait envoyé était comme les autres resté sans réponse et il ne savait plus comment faire pour provoquer une réaction de sa supérieure.
Tout aurait pu en rester là et la vie réelle reprendre son cours monotone mais Léon en avait assez de ces amours virtuelles et sa dernière visite mensuelle chez une prostituée l’avait laissé amer et insatisfait.
Alors il décida de tenter le tout pour le tout et écrivit un message qui s’il restait sans réponse serait le dernier.
« Marie-Camille jusqu’à présent vous ne daignez pas me répondre et mon amour pour vous commence à se faner, peut être êtes vous satisfaite de votre vie de petite bourgeoise et de ces hommes à vos pieds, peut être est ce que je perds mon temps avec vous et que finalement vous n’êtes que ce dont vous avez l’air, une femme froide et ambitieuse.
Mais je soupçonne en vous la femelle qui sommeille et je suis sur que vous êtes tout au fond de vous une chienne sans pudeur. Si vous voulez découvrir ce côté obscur de votre personnalité répondez à ce message sinon restez dans votre médiocrité »
Marie-Camille pensa que comme d’habitude elle devait laisser ce message sans réponse et elle se contenta de conserver l’email.
Léon lui, fut déçu mais il n’écrivit plus pendant quelques jours, regardant son inaccessible rêve du coin de l’œil lorsqu’elle passait dans le couloir devant son bureau.
Le week-end arrivait et Léon se préparait à vivre ces deux jours comme chaque fois dans l’ennui et la solitude.
Mais ce vendredi soir, il eu la surprise de trouver une réponse dans sa bal car Marie-Camille elle aussi, ressentait comme un manque l’absence de ces messages quotidiens.
« Monsieur, je vous laisse seul juge de vos affirmations, et n’ai que faire de vos propos de détraqué. Je vous trouve bien présomptueux de vouloir réveiller je ne sais quel côté obscur de ma personnalité, Sachez que ma vie me convient très bien et que mon côté femelle comme vous dites je le réserve à ceux dont vous ne ferez jamais partie qui ont la chance de me séduire ».
Léon ne savait que penser, bien sur c’était une fin de non recevoir mais elle avait répondue prouvant que ce petit jeu ne la laissait pas indifférente et de plus l’allusion à ses amours prouvait qu’elle ne rejetait pas le type de comportement qu’il décrivait.
Mais que faire, Léon décida alors d’avoir la preuve que son interprétation était la bonne.
« Je ne suis ni présomptueux, ni détraqué et je perçois en vous l’envie d’aller plus loin dans nos rapports, alors voici ce que vous allez faire pour me prouver que vous voulez poursuivre ce petit jeu. Demain vous vous rendrez dans un sex-shop dont je vous ferez parvenir l’adresse, vous parcourrez tous les rayons que les hommes présents remarquent votre présence , vous achèterez ensuite un bandeau noir, un collier et une laisse, un martinet et un godemiché. Je suis sur que la pimbêche que vous êtes n’est jamais allé dans ce genre d’endroit et cela sera un bon test de votre nouveau statut. De plus je veux que votre tenue ne laisse aucune équivoque et que tous voient le côté pute qui vous habite »
Léon se dit qu’il allait peut être trop loin mais après tout il devait maintenant être fixé et puis cette femme méritait d’être traitée de la sorte pour lui faire payer son attitude méprisante.


(A suivre)

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