0213 Une Soirée Très Riche En Émotions (Partie 2).
Ce récit et ses dialogues sont de la pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé, ou avec des faits réels, est à considérer comme purement fortuite.
« Allez, assez déconné ! » fait Daniel « il est temps de passer aux choses sérieuses
».
Et là, ni un ni deux, le bonhomme att la guitare appuyée au mur derrière lui et commence à gratter sur ses cordes. Lola sactive aussi, elle sort de son sac plusieurs classeurs avec de dizaines de textes de chansons.
Daniel continue à gratter sur la guitare en alignant des notes au hasard. Puis, soudain, les accords saccordent pour dessiner une mélodie, sur laquelle notre musicien aux cheveux dargent va poser les couplets bien connus :
Je m'baladais sur l'avenue le cur ouvert à l'inconnu
« Allez, vous êtes prêts ? Vous suivez ? Are you ready ? » il nous nargue, alors que nous cherchons toujours le texte dans les épais cahiers.
Je m'baladais sur l'avenue le cur ouvert à l'inconnu
J'avais envie de dire bonjour à n'importe qui
N'importe qui et ce fut toi, je t'ai dit n'importe quoi
Il suffisait de te parler, pour t'apprivoiser
La voix puissante de Daniel et la vibration sonore de la guitare menveloppent, la musique prend vie. Nous chantons ensemble, sans nous préoccuper de chanter juste. Cest la première fois que je vois et jentends jouer de la guitare de si près. Cest la première fois que je vis un moment de partage aussi incroyable. Et jen ai des frissons.
Les couplets défilent, ponctués parfois par des mots drôles, des regards marrants, des attitudes hilarantes de notre joyeux luron musicien dont la spécialité est dapporter de la légèreté et de la bonne humeur.
Les chansons senchaînent, « Le sud », « Siffler sur la colline », « Le petit âne gris », « Stewball », « Lété indien », « Santiago », « La montagne », « Mon amant de Saint Jean », « La complainte de la butte ».
Le répertoire de notre musicien nest pas composé de chansons daujourdhui, et pas ment des chansons les plus gaies qui soit. Mais ce sont toutes de belles chansons, des chansons des années 70, des textes et des musiques empreints dune double nostalgie. Il y a la nostalgie inscrite dans le texte par lauteur. Et puis, il y a la nostalgie de Daniel, et de la plupart des cavaliers de lABCR, la nostalgie dune époque, époque que ces chansons ont le pouvoir magique de faire ressurgir.
Après une énième pause à la bière, Daniel annonce « le dernier rappel avant le baisser de rideau
qui sera suivi dune pipe et dun bon dodo, hein, Minou ??? ».
« Tu peux toujours courir ! Ce soir si tu as des envies, cest « libre-service sans assistance »
» balance Lola, du tac-au-tac.
Jadore lhumour abrasif de ce couple hétérogène par lâge (Lola doit avoir tout juste la quarantaine, alors que Daniel me semble avoir la soixantaine révolue) et pourtant soudés et complices comme peu dautres couples. Daniel est un joyeux luron. Lola a du répondant et de lhumour. Ensemble, ils forment presque un duo comique.
« Je vais branler la guitare, alors, Minou ».
« Branle ce que tu peux ».
« Je vais ten jouer une pour te faire hérisser les poils
».
« Allez, vas-y, fais hérisser les poils » fait-elle, lair blasé.
« Une chanson qui parle de sexe ! ».
« Soudain, jai peur » elle se moque.
Et là, Daniel entonne les premiers couplets de celle que je considère lune des plus belles chansons françaises de tous les temps :
Il venait davoir 18 ans
Il était beau comme un
Fort comme un homme
Une chanson que jai entendue pour la première fois lorsque javais 14 ans, à la radio, une chanson que javais trouvée incroyablement culottée au fur et à mesure que les couplets étaient parvenus à mes oreilles pour la toute première fois.
Et aujourdhui, lentendre jouer, chanter, et de la chanter moi-même avec les autres cavaliers, me la fait redécouvrir et lapprécier davantage encore. Ainsi, lorsque le dernier couplet résonne :
Javais oublié simplement
Que javais deux fois 18 ans
jai envie de la rechanter dès le début.
« Cest vraiment une belle chanson » fait Charlène.
« Une chanson très vraie » relance Martine.
« Cest vrai, quelle femme de quarante ans na pas un jour eu envie de coucher avec un jeune qui lui ferait retrouver sa vingtaine ? » saccorde Satine.
« Il paraît que cette chanson est autobiographique, il paraît que Dalida avait eu une aventure avec un jeune fan italien qui sétait pointé chez elle au culot un soir de Noël » raconte Carine.
« Eh, les nénettes, je vais vous calmer vite fait bien fait » fait Daniel « au cas où vous ne le saviez pas, cette chanson a été écrite par Pascal Sevran ».
« Et alors ? » fait Satine, interloquée.
« Et alors, Sevran aimait les mecs. Alors, ce nest peut-être pas Dalida qui a couché avec le minet dont il est question dans cette chanson
».
« Ah ! » fait-elle, surprise, alors que Martine et Charlène se moquent delle et que Nadine part dans lun de ses fous rires incontrôlables.
« Il ny a pas que les nanas qui ont envie de coucher avec des bogoss de 18 ans » fait Sylvain, le regard rivé sur Jérém. Celui-là commence vraiment à ménerver.
« Les homos ne se reproduisent pas, et pourtant, ils sont de plus en plus nombreux ! » fait Daniel en citant une réplique de Coluche.
« Vous avez entendu que depuis quelques mois le mariage entre personnes du même sexe a été voté au Pays Bas ? » lance JP.
« Je pense que cest une bonne chose » fait Charlène « je ne vois pas pourquoi deux mecs ou deux nanas ne pourraient pas sunir civilement, et même adopter un gosse ».
« Vous en pensez quoi, vous, les garçons ? » lance Martine à lattention de Loïc et Sylvain.
« Moi je voudrais que ça arrive chez nous » réagit Loïc « je voudrais pouvoir me marier comme tout le monde. Je voudrais pouvoir adopter un comme tout le monde. Jen ai marre de me sentir un citoyen de seconde catégorie ».
« Nous ne pouvons même pas donner notre sang à cause du fait quon est gay ! Même si on est en couple ! ».
« Je pense quen France le mariage nest pas près darriver. Les mentalités ont encore besoin de beaucoup évoluer » fait Carine.
« Dans 10-12 ans, peut-être » fait JP, le visionnaire.
« Quand tu penses quil y a tous les jours des mecs qui se font tabasser juste parce quils sont gays » sindigne Nadine.
« Et quil y a des pays où les gays sont rejetés par leurs familles, persécutés par la religion, par le pouvoir, où ils sont torturés, tués par la police » abonde Loïc.
« Ma mère avait un frère » raconte Ginette « apparemment, cétait quelquun de bien. Et puis, un jour, il est parti. Il a mis fin à ses jours.
Je nétais quune gamine quand cest arrivé. Par la suite, maman ne parlait jamais de son frère. Alors, un jour je lui ai demandé de me parler de lui, de me raconter quel genre de personne il était.
Elle ma dit que cétait un garçon sensible et gentil, peut-être trop sensible et gentil. Elle ma dit que cétait le seul de la famille sur lequel on pouvait toujours compter.
Alors, je lui ai demandé si elle savait pourquoi il avait fait ça.
Elle ma dit quelle pensait quil ne supportait plus le regard que les gens portaient sur lui. Quil ne supportait plus les bruits, la honte, la solitude. Parce quil aimait les hommes. Il semblerait quà un moment cela soit devenu trop dur à porter pour lui.
Cétait une autre époque. Cétait très dur dêtre gays dans les années 50. Heureusement, les temps ont changé. Enfin, un peu, mais pas encore assez ».
Le récit de Ginette, venant du fond du cur, son regard ému, mont profondément touché.
« Moi je narrive pas à comprendre pourquoi il y a tant de haine, de mépris et de violence autour des gays » fait Charlène et posant un regard bienveillant sur Jérém « vraiment, je ne vois pas en quoi le fait que deux mecs saiment puisse déranger qui que ce soit.
« Cest vrai » abonde JP « chaque jour on assiste sans ciller à des guerres, des famines, à la pauvreté, à linjustice sociale, à la corruption, au pillage de la planète, à des catastrophes naturelles et écologiques. Mais deux gars qui saiment, ça choque. Franchement, quest-ce quon en a à foutre de ce que les gens font dans leur lit et avec qui ! La liberté ne sarrête que lorsquelle entrave celle dautrui. Et les gays nentravent en rien les libertés des hétéros, alors que certains hétéros, et ils sont nombreux à le faire, ne serait-ce que par le mépris, essayent trop souvent dentraver les libertés des gays ! ».
« Cest pour ça quil y encore tant de gays qui nosent pas sortir du placard » fait Loïc en me regardant droit dans les yeux.
Mais il cherche quoi, lui aussi ?
« Le pire cest que lorsquon regarde lhistoire, ça ne fait pas longtemps que lhomosexualité est devenue un « problème », quelle attire tant de haine » relance JP lérudit.
« C'est-à-dire ? » linterroge Satine.
« Dans bon nombre de sociétés anciennes, lhomosexualité ne posait pas de problème ».
« On dit bien « va te faire voir chez les grecs » ! » plaisante Daniel.
« La distinction entre homo et hétéro était inconnue dans le monde antique. En Grèce, les mecs étaient spontanément bisexuels. Dailleurs, même les dieux donnaient lexemple : Zeus, le dieu des dieux himself, trompait sa femme Héra aussi bien avec des nénettes quavec des éphèbes.
A Rome cétait un peu pareil, dailleurs Jules César était surnommé « le mari de toutes les femmes et la femme de tous les maris ». A Rome les pratiques sexuelles devaient correspondre à certains usages sociaux. Il était considéré normal quun jeune se donne à un aîné, mais pas linverse. Pour un esclave, satisfaire les besoins de son maître était une obligation. Chez laffranchi, cétait un service quil devait à vie à son ancien maître ».
« Pour les Iroquoiens, les indiens du Canada, il existait non pas deux, mais cinq sexes, ou cinq sexualités différentes : les hommes, les femmes, les hommes qui se sentent femmes, les femmes qui se sentent hommes et ceux qui se sentent hommes et femmes à la fois. Et il était considéré que chacun des cinq sexes avait son rôle à jouer dans la communauté. Pour ces peuples, le fait dêtre « moitié homme, moitié femme », permettait une meilleure compréhension de la dimension sacrée du monde. Ainsi, les gays occupaient souvent la fonction de chaman ».
« Alors ils étaient bien acceptés » considère Satine.
« Oui, mais avec quelques réserves quand-même. Si dun côté on leur reconnaissait des qualités, de lautre on sommait les hommes de se méfier deux. On pensait que sils les fréquentaient trop, les chasseurs risqueraient dêtre séduits. A bon entendeur, salut !
Bref, tout ça pour dire que par le passé, et dans dautres civilisations dites « moins évoluées », les homosexuels étaient bien mieux acceptés que dans nos sociétés occidentales. Quand on regarde dun peu plus prês, lhomosexualité, et sa stigmatisation, ressemble à une invention récente. Dailleurs, les trois grandes religions modernes, Judaïsme, Christianisme et Islam, qui nont cessé de se faire la guerre depuis des siècles, saccordent sur la condamnation des rapports homosexuels ».
Jérém avait raison, JP est un véritable puit de science. JP est le genre dhomme qui tapprend quelque chose dintéressant à chaque fois quil louvre. Oui, ce type est vraiment un type bien. Et sa simple présence, son regard, donnent direct lenvie, linspiration et lénergie pour chercher à devenir quelquun de meilleur.
« LEglise catholique est aussi contre lutilisation de la capote, ce qui est criminel à une époque marquée par le Sida » lance Loïc.
« LEglise propose de remplacer la capote par labstinence » fait JP, taquin.
« Cest aussi pour ça que lEglise a de moins en moins de fans » conclut Daniel.
JP se marre sous la moustache.
« Pour les religions, le seul but du sexe cest la procréation. Et baiser sans but de procréation est un péché » précise Charlène
« Quelle connerie » commente Nadine.
« Lhomosexualité ne crée préjudice à personne et les homosexuels ne demandent rien de plus que dêtre respectés en tant quêtres humains comme tous les autres » fait Charlène sous les regards approbateurs de Loïc et Sylvain.
Depuis plusieurs minutes, jécoute attentivement les échanges entre les cavaliers au sujet de lhomosexualité et jen suis profondément ému. Jamais de ma vie je me suis retrouvé dans un environnement aussi accueillant, aussi rassurant, aussi gay friendly. Vraiment, ça fait un bien de fou. Charlène avait raison, à lABCR, le fait que deux mecs saiment ne pose problème à personne. Jen ai les larmes aux yeux. Et si ça ne tenait quà moi, si ça ne concernait que moi, je crois que je ferais mon coming out sur le champ.
Définitivement, dans ce relais, au sein de cette petite « communauté », je découvre un autre monde, un monde tellement différent de celui du lycée, de ma famille, de ma ville, un monde à part. Jai de plus en plus limpression davoir enfin trouvé de vrais potes, même sils sont tous bien plus âgés que moi. Mais quimporte lâge au fond ? Car je suis conquis. Cest magique, et je suis heureux comme jamais.
Après cette parenthèse un plus grave, ladorable Daniel nous joue et nous chante une chanson paillarde au vocabulaire bien salace pour remettre le rire au centre de la soirée.
A un moment, quelque chose me surprend. Jérém est en train de me faire du pied sous la table. Nos regards se croisent. Et dans le sien, je découvre une étincelle lubrique qui embrase illico mon désir. Car son regard de braise est une promesse de baise sauvage et torride. Notre complicité est géniale. Et putain, quest-ce quil est sexy dans son maillot Wilkinson !
Les cavaliers commencent à sortir de table et des petits groupes se forment à la cuisine (pour les fées et magiciens du logis) autour de la machine à café (pour les amateurs de boissons chaudes), et à proximité de la cheminée (pour les fumeurs).
Jérém est bien évidemment dans ce dernier groupe. Tout comme Sylvain. Sylvain qui, très vite, semble se familiariser et discuter de façon plutôt complice avec mon bobrun.
Et alors que je me retrouve coincé entre Martine et Ginette me questionnant sur mes études à venir, je trouve que Sylvain a une attitude qui ne me plaît pas du tout. Déjà, il a lair trop intime avec mon bobrun, alors quil ne le connaît ni dEve, et surtout pas dAdam.
Mais ce qui mintrigue le plus, et qui me rend jaloux et inquiet, cest le regard que Sylvain pose sur mon bobrun. Certes, son regard trahit avant tout livresse de la boisson. Mais ce que je vois avant tout, cest un regard aimanté.
A quoi joue-t-il mon Jérém ? Est-ce quil ne se rend pas compte que Sylvain le drague ?
Jignore de quoi ils causent, car je suis trop loin pour tendre loreille, mais leur conversation a lair amusante : mon bobrun lâche à plusieurs reprises son sourire incendiaire qui fait instantanément augmenter la température dans la pièce de plusieurs degrés. Quant à Sylvain, il semble complètement sous le charme. Il ne quitte pas Jérém des yeux, et un petit sourire niais, et hébété ne quitte pas son visage.
Ce qui minquiète le plus cest que le sourire de Jérém est un sourire flatté, signe que Sylvain doit lui dire des choses qui touchent des cordes sensibles. Quelles cordes Sylvain est-il en train de faire vibrer chez mon bobrun ? Que cherche-t-il ?
Oui, leur conversation se prolonge beaucoup trop. Elle me perturbe un peu plus à chaque seconde. Au bout dun petit moment, je me surprends à être carrément jaloux. Je me surprends à mimaginer que Sylvain soit en train de dire à Jérém quil le trouve canon, quil soit en train de lui faire des propositions, ou du moins lui faire comprendre quil le kiffe et quil serait partant pour coucher avec lui. Certes, Sylvain nest pas vraiment ce quon appelle un canon, et il a bien dix ans de plus que Jérém, et pourtant je ne peux mempêcher de bouillir intérieurement.
Jusquà ce que ce mon bobrun me rassure par lui-même. Ainsi, alors que je ne cesse de le fixer, jai limpression à un moment que sur son visage lamusement laisse la place à une sorte dagacement. Et lorsque je croise son regard, il lève les yeux au ciel, geste doublé dun haussement de sourcils et dune « mise en chapeau » comme il sait si bien le faire. Le sien, cest un regard complice, suivi dun clin dil à me faire tomber à la renverse. Jai limpression que le bogoss cherche à me rassurer, à me dire quil nen peut plus de se faire tenir la jambe, que ça le saoule.
Ça me rassure, mais en même temps ça me donne un aperçu grandeur nature des tentations qui lattendent à Paris, dans des soirées, dans les troisièmes mi-temps, dans le métro, dans la rue, partout. Le regard complice de Jérém me rassure et minquiète à la fois.
Mais très vite, je vais réaliser que cette conversation qui se prolonge nalarme pas que moi. Et alors que je réfléchis à toute vitesse pour trouver un prétexte et sortir mon bobrun de ce piège, quelquun dautre sen charge à ma place.
« Tu fiches quoi, là ? » fait Loïc, en haussant la voix, le ton agressif et accusateur.
« De quoi tu parles ? » lui retorque Sylvain sur un ton vexé.
Loïc aussi a bu. Et lui aussi il a vu ce que jai cru voir.
« Arrête de le draguer ou ça va mal finir ».
« Mais ta gueule ».
« Tu arrêtes ça tout de suite ».
« Sinon ? ».
Jérém a lair amusé et on dirait quil compte les points. Soudain, le silence sest fait autour de cette scène de ménage. Je crois que tout le monde compte les points.
« Sinon tu vas rentrer tout seul ! ».
« Chiche ! » fait Sylvain sur un ton très provocateur.
« Tarrêtes un peu de te donner en spectacle ? ».
« Je fais ce que je veux
».
« Va te faire voir
».
« Si vraiment tu insistes
».
Loïc part alors en claquant la porte.
« Et bien, sympa cette petite impro
moi, je bois
santé ! » rigole Daniel en mettant fin au froid qui vient denvahir la salle.
Cest à cet instant que Sylvain semble enfin réaliser ce qui vient de se produire. Il jette sa cigarette dans le feu, il pose lourdement son verre sur la table et il emboîte le pas à Loïc.
« Jaime pas assister à des scènes de ménage, ça me met toujours mal à laise » fait Charlène.
« Moi jai pas compris ce qui vient de se passer » fait Daniel, lair perdu.
« Il vient de se passe que Loïc est jaloux » fait Satine.
« Jaloux ? Mais de qui, de quoi ? ».
« Il est jaloux parce que Sylvain a fait du gringue à Jérémie ».
« Il ta dragué ? » fait Daniel.
« Je ne sais pas trop » bafouille Jérém.
« Oh, que oui » fait Satine, très sûre delle « cest simple, quand il te regardait, il avait des étoiles dans les yeux ».
« Ah bon ? » fait Daniel, lair (faussement) outré « il est culotté de sattaquer à un mec comme Jérémie, un mec qui nest pas de son bord ».
« Et aussi un mec qui ne joue pas vraiment dans sa catégorie. Cest vrai, Jérémie est un vrai bogoss » considère Satine.
Le bobrun sourit sous la moustache. Il aime vraiment quon le flatte.
« Il avait bu » fait JP.
« Oui, mais enfin, je comprends que Loïc soit jaloux » conclut Satine « et si cétait pour voir ça, cétait bien la peine de quitter Florian. Avec tous ses défauts, cest un bon gars. On se demande ce que Loïc a dans la tête, parfois
».
« On ne commande pas aux sentiments » fait Martine.
« Certes, mais enfin, cest larroseur arrosé » persiste Satine « il a voulu se mettre avec un mec beaucoup plus jeune que lui, et maintenant cest Sylvain qui sintéresse aux mecs plus jeunes que lui ».
« Après » elle continue, sur une note plus légère « on ne peut pas lui reprocher dêtre sensible au charme dun gars comme Jérémie. Qui ne mate pas Jérémie ? ».
« Moi je ne le mate pas » se marre Daniel.
« Je parle des femmes et des gars qui sont sensibles à ça » fait elle en tâtant ses biceps « putain, ça cest du bras de mec ! ».
« Pas touche ! » fait Martine en rigolant « il est bien trop jeune pour toi ! ».
« Cest ça mon malheur, avoir un corps de 50 piges et aimer les mecs de 20 ! »
« En plus il doit déjà avoir une copine » fait Martine « ou plein de copines
».
Jérém me lance un petit regard en biais, un regard amusé.
« Eh, Nico, raconte-nous, il avait combien de copines au lycée ? » me prend à parti Martine.
« Beaucoup, beaucoup de copines ! » je plaisante.
« Tu rends dingue tout le monde ! » lance Nadine.
« Mais je nai rien fait, moi » lâche mon bobrun, en mode parfait petit con, en simulant un air innocent et surpris, alors que son petit sourire est coquin et malicieux. Quant à son maillot, avec ses trois boutons désormais ouverts et qui laissent dépasser quelques petits poils et sa chaînette de mec, avec sa façon de souligner ses pecs et le V de son torse, avec les manchettes moulant ses biceps, est vraiment à hurler. Quelque part, je me dis que cest tout simplement naturel quun mec aussi sexy attise les convoitises dautres gays. Comment ça pourrait en être autrement ? Jai vraiment du souci à me faire.
« Je tai vu faire » se moque Nadine « tu lui as balancé un sourire, tas bandé un peu tes biceps. Et lui, il a bandé ailleurs
».
« Jai été victime de harcèlement » lance Jérém, lair angélique.
« Ah, bah, si tu ne veux pas te faire harceler, tas quà pas être si sexy ! » lâche Satine.
« Mais je nai rien fait, moi » il répète, dun air coquin, en joignant à la parole un geste dune sexytude inouïe, un geste faisant preuve de son goût prononcé pour le danger. Ce geste est celui dattr son maillot par le bas, de le soulever, en dévoilant au passage le bas-relief spectaculaire de ses abdos, tout un baissant la tête, comme sil voulait sessuyer le front.
Paf ! Une nouvelle claque.
Les sifflements féminins fusent dans la grande salle.
« Mais mate-moi un peu ces abdos ! » fait Nadine.
« Jai les mêmes » plaisante Daniel.
« Tu avais les mêmes, à son âge, si on en croit les photos
» fait Lola.
« Moi, même à son âge, je navais pas les mêmes
» commente JP, réaliste.
Le maillot retombe vite sur cette vision de bonheur et de désir. Jai envie de lui
« Allez, finie la récré, on va peut-être ranger un peu tout ce bordel ! » lance Martine.
Et pendant que Daniel recommence à jouer sur sa guitare et à débiter les couplets de Santiago, tous les autres cavaliers sans exception sactivent pour débarrasser la table, nettoyer, balayer.
Soudain, ça sent la fin de la soirée, ça sent le départ, la fin de ce moment heureux. Au fond de moi, je me sens triste. Comme au dernier jour des vacances. Jai envie que cette soirée dure encore.
Hélas, en quelques minutes tout est rangé, et lun après lautre les cavaliers commencent à prendre congé. Des bises sont échangées lors daurevoirs prometteurs de joyeuses retrouvailles à cheval et/ou à table.
« Merci à vous tous, qui avez fait de cette soirée, une fois encore, un moment heureux » lance JP à la petite assemblée.
Jai moi aussi envie de remercier tout le monde pour cette belle soirée, tellement riche en émotions ! Une envie que je nose pas assouvir.
« Alors, tu restes dans notre région combien de temps ? » me demande Ginette après mavoir fait la double bise dau revoir.
« Je ne sais pas encore, un jour ou deux ».
« Si vous avez le temps, passez prendre un café à la maison ».
« On essaiera de venir, oui » fait Jérém.
« Vous avez prévu quoi pour demain ? » demande Charlène.
« Rien de spécial » fait Jérém.
« Si ça vous dit, on se refait une petite balade, histoire de bien remettre Nico en selle et de lui donner quelques astuces supplémentaires ».
« Je ne sais pas trop »
« On ne serait que tous les trois ».
« Ten dis quoi, Nico ? ».
« Moi ça me va » je lance, tout heureux de cette prolongation du bonheur ressenti pendant cette journée. Aussi, jai hâte de retrouver Charlène après la petite mise au point de la soirée, et jai hâte de voir comment Jérém a intégré son « sermon », hâte de voir comment il va se comporter avec elle, avec moi devant elle, hâte de savoir si Charlène va remettre ça sur la table, si elle va avoir envie den savoir un peu plus sur notre relation, de savoir comment son Jérémie est devenu « mon Jérém ».
« Ok, cest bon ».
« Neuf heures chez moi ? ».
« Ok, sil ne pleut pas ».
« Mais non, il va faire beau ! Venez même un peu plus tôt, on déjeunera ensemble ».
« On viendra vers huit heures et on te donnera un coup de main aux chevaux ».
« Ah, quil est bien ce petit ! ».
« Tu en doutais encore ? ».
« Non, parce que cest moi qui tai bien dressé ».
« Vieille peau ! ».
« Petit con ! ».
Leur complicité retrouvée me fait vraiment chaud au cur.
Nous faisons la bise de la bonne nuit à Satine, Marie-Line, Bernard et Carla qui sont les heureux squatteurs des niches en bois du relais.
Charlène, Martine, Jérém et moi redescendons vers la pension, éclairés par la lampe frontale « troisième il » de Charlène elle-même. Pendant le court trajet, les échanges portent sur la soirée, sur le bonheur simple et pourtant intense de ce moment de partage et damitié. Nous aurons le temps demain de revenir sur les sujets brûlants. Du moins, je lespère.
En arrivant à la voiture, Jérém sort les clefs de sa poche et les fait tomber par terre. Et alors quil se baisse, avec lenteur et hésitation, pour les ramasser, jentends Charlène lui balancer :
« Tu vas pas conduire, jespère ? ».
« Et pourquoi pas ? ».
« Parce que tas pas mal bu ».
« Tas compté mes verres ? ».
« Non, mais tas pas lair dêtre en état de conduire ».
En effet, mon Jérém a lair un tantinet éméché.
« Cest pas loin, tinquiète ».
« Je minquiète si je veux ! Nico, tu conduis, ok ? ».
« Oui, je peux conduire ».
« Je vais conduire » insiste Jérém.
« Tu ne vas pas gagner » rigole Martine.
« Donne lui les clefs ! » insiste Charlène.
« Non ! ».
« Donne lui les clefs ou je te mets une fessée ! ».
« Ne lui donne pas les clefs
cest moi qui vais lui mettre une fessée ! Je rêve de mettre une fessée sur ce cul denfer » fait Martine, morte de rire.
« Allez, prends les clef, sinon elle va nous faire un scandale » me lance Jérém, sur un ton faussement agacé, la voix un brin pâteuse, le regard un peu ahuri, témoin dun début divresse qui le rend à la fois touchant et sexy en diable.
« Mais tu fais attention à ma voiture, elle est presque neuve » il ajoute sur un ton dautodérision.
« Elle est presque bonne pour la casse tu veux dire ! » lui balance Martine.
Un instant plus tard, nous échangeons avec Charlène et Martine les dernières bises de la soirée.
« Bonne nuit ! » lance cette dernière en démarrant sa voiture.
« A demain, les mecs ! » fait Charlène en prenant la direction de sa maison.
Elle na pas fait vingt pas que mon bobrun essaie à nouveau de nen faire quà sa tête.
« Allez, file-moi les clefs ».
« Non, je conduis ».
« Tu connais pas la route ».
« Si. Laisse-moi faire, sil te plaît ».
« Vous me fatiguez » fait-il, tout en prenant place côté passager.
Jouvre la porte et je prends place côté conducteur. Je viens de claquer la porte, et immédiatement je réalise à quel point ça me fait bizarre de minstaller au volant de cette voiture, la 205 rouge de mon Jérém, cette voiture mythique dans laquelle je suis monté un certain nombre de fois, de retour de boîte, direction lappartement de la rue de la Colombette.
Soudain, je repense à ce lieu, cet appart, cette adresse magique dans laquelle jai connu lamour avec mon Jérém. Je réalise que je ne reverrai certainement plus jamais cet endroit. Est-ce quil a déjà été reloué ? Qui a pris la place de mon Jérém ?
Ce qui est certain, cest que le nouveau locataire est loin dimaginer ce qui sest passé entre ces murs, le plaisir quon sest donné, Jérém et moi, le nombre dorgasmes quon sest offerts. Il ignore quentre ces quatre murs jai été heureux, triste, jaloux, blessé, frustré, désespéré.
Oui, je réalise que je ne reverrai plus jamais cet appart. Et cette idée me remplit de désolation. Ce lieu, cétait Ladresse de Jérém. Cétait le lieu où je pouvais espérer le retrouver. Son ancrage dans lespace. Et cétait un ancrage que je pouvais atteindre en quelques minutes de marche à pied. Désormais, quel sera lencrage de mon Jérém ? Où est-ce que je vais pourvoir le retrouver ? Combien dheures de voiture, de train, davion, pour rejoindre mon bobrun ?
« Quest-ce quil y a, tas pas trouvé la clef ? » fait Jérém, en me tirant de mes réflexions.
Jérém parle fort, et sa voix est raillée. Son haleine est clairement alcoolisée. Charlène a eu bien raison dinsister pour que je conduise à sa place.
« Si, si
».
Jai envie de conduire, et cest mon devoir de le faire, car Jérém est vraiment éméché. Mais une partie de moi appréhende lidée de conduire devant mon bobrun. Je viens davoir le permis, il la depuis plus dun an. De plus, ce nest pas ma voiture. Jai peur de perdre mes moyens, de me mélanger les pinceaux, de conduire comme un pied. Jai peur de ne pas être à la hauteur. Non pas que je cherche à limpressionner, mais je nai pas envie non plus de passer pour un nul devant le mec que jaime.
En minstallant dans le siège de Jérém, jai limpression de me glisser dans sa peau, de voir le monde avec ses yeux. Je le regarde, enfoncé dans le siège côté passager, le regard dans le vide, et jai limpression de ressentir ce quil ressentait lorsquil me prenait en voiture avec lui, lorsquil conduisait. Le simple fait dêtre au poste de conduite donne de lassurance, comme une illusion de « pouvoir ».
« Allez, on y va ou quoi ? Tu veux que je conduise ? » il me taquine.
« Non, cest juste que ça me fait bizarre de me retrouver sur ce siège ».
« Allez, roule ! » il lâche, sans essayer de comprendre ma remarque.
Et je démarre enfin. Après un petit différend avec le levier de vitesse pour trouver la marche arrière qui nest pas positionné de la même façon que sur ma voiture, je roule. Jérém descend la vitre à moitié, il allume une cigarette et senfonce un peu plus encore dans le siège.
Ah, putain, quest-ce quil est sexy dans son maillot Wilkinson et avec sa cigarette !
« Ça va ? » il me demande, après un petit moment de silence. Et là, je sens sa main gauche se poser doucement sur ma cuisse. Son pouce fait de petits va et vient appuyés, comme une petite caresse tendre et complice. Jai envie de lui faire plein de câlins. Jai envie de pleurer de bonheur.
« Oui, très bien, et toi ? » je finis par répondre.
« Oui » il lâche.
« Cétait une super soirée ».
« Cest toujours des super soirées avec eux ».
Soudain, je repense à cette conversation sur lhomosexualité, à cette ouverture desprit dont tous les cavaliers ont fait preuve ce soir. Vraiment, jétais loin dimaginer que des gens aussi géniaux puissent exister. Ce soir, ces gens mont aidé à maccepter un peu plus, à maimer un peu plus, ils mont convaincu un peu plus de la légitimité de mon orientation sexuelle. Ils mont donné envie de me battre pour ce que je suis. Jespère que ça en est de même pour Jérém. Jai envie de mettre le sujet sur le tapis, mais je me dis que ce nest pas le bon moment. Il y aura dautres occasions.
Jérém est en pleine phase décuve-cigarette. Le silence sinstalle. Je conduis lentement, il fume lentement. A un moment, je sens son regard insistant sur moi.
« Quest-ce quil y a ? » je finis par lui demander.
« Cest la première fois que tu conduis ma bagnole ».
« Merci de me faire confiance ».
« Le seul à qui je lai laissé conduire, cest Thib. Avec lui, je me sentais en confiance ».
« Avec toi aussi je me sens en confiance » il ajoute, après avoir repris une taffe.
Ça fait du bien dapprendre que Jérém maccorde sa confiance très sélective. Comme à Thibault, le mec le plus rassurant que je connaisse. Voilà une belle marque de considération.
Une nouvelle fois je me sens bien dans son regard. Je commence à mhabi à ce regard bienveillant, encourageant, valorisant.
« Merci, Jérém ».
Un instant plus tard, sa main quitte ma cuisse, elle se pose sur mon cou et entreprend de caresser le bas de ma nuque. Instantanément, un frisson géant se propage dans mon corps et a raison de ma concentration sur la conduite. Je suis troublé, et je mets un coup de frein aussi brusque quinvolontaire.
« Quest-ce quil y a ? ».
« Rien, cest juste que quand tu me caresses là, ça me perturbe ».
« Ok, jarrête ».
« Non
enfin
si
jadore ça, mais je conduis, là ».
« Ok, ok ».
Oui, son haleine sent lalcool. Mais Jérém na pas lalcool mauvais, non, il a lalcool câlin. Un instant plus tard, il pose le dos de sa main sur ma joue, il commence à la caresser tout doucement. Il fait des aller retour jusquà mon oreille, quil titille de façon répétée. Je frémis, jai envie de pleurer.
« Tu kiffes ça, hein ? ».
« Je ne peux même pas texpliquer à quel point ! ».
Et alors que ses doigts continuent de caresser mon visage, je tourne ma tête dun coup et je pose un bisou sur sa main.
Pour toute réponse, le bogoss sapproche dun geste rapide et il pose un bisou tout doux dans mon cou.
« Merci » je lentends chuchoter de façon tout juste perceptible.
« Merci de quoi ? ».
« Merci dêtre là ».
« Je suis bien avec toi » je lâche, une vérité venant du profond de mon cur.
« Je ne te mérite pas ».
« Nimporte quoi. Pourquoi tu dis ça ? ».
« Je tai fait trop de mal ».
« Cest derrière nous tout ça ».
« Je ne veux plus te faire du mal ».
« Ça narrivera pas ».
« Dans quelques jours, on va être loin ».
« Je viendrai te voir à Paris ».
« Ça ne suffira pas ».
« On se verra à chaque fois quon pourra ».
« Ne moublie pas, Nico ».
A cet instant précis, jai limpression que mon cur vient de sarrêter. Jérém ne ma jamais dit « je taime ». Mais ce « Ne moublie pas, Nico » sonne dans ma tête comme une formulation alternative de ces trois petits mots que je rêve de lui entendre prononcer un jour.
Non, jamais je naurais imaginé entendre un jour une phrase comme celle-ci dans la bouche de Jérém. Alors lui aussi sinquiète de lavenir de notre amour. Alors, lui aussi a peur de me perdre. Cest touchant, adorable, émouvant. Parfois, lalcool sait si bien faire les choses.
« Comment veux-tu que je toublie ? » jai à la fois envie et besoin de le rassurer « tu es le mec que jaime, je ne pourrais jamais toublier ! ».
Son regard doux et perdu me fait fondre. Jai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps. Et je pleure en silence. Mais lorsque mon bobrun se penche vers moi, lorsquil pose un nouveau bisou dans le creux de mon cou, lorsquil pose sa tête sur mon épaule, je pleure pour de bon. Jai envie de le couvrir de bisous et de câlins.
« Toi non plus, ne moublie pas » je lui retourne.
« Je ne toublierais pas ».
« Ça me fait plaisir de repartir en balade avec Charlène et toi, demain » jajoute, après un moment de silence..
« A moi aussi ça me fait plaisir ».
« Tu avais raison, cette nana est vraiment super ».
« Elle est un peu casse couilles, mais elle est top ».
« Elle la bien pris ».
« De quoi ? ».
« Pour nous ».
« Ouais ».
« Alors ça tembête plus quelle nous ait vus ? ».
« Je ne sais pas
enfin, je ne crois pas. Charlène fait partie des quelques personnes que javais envie de mettre au jus. Elle a raison, si je tai présenté, cest parce que javais envie quelle sache. Et si jai eu envie, cest que je suis bien avec toi. Je regrette juste quelle lait appris en nous voyant, de ne pas avoir eu les couilles de lui dire direct ».
« Cest pas grave quelle lait appris comme ça. Parfois, il faut laisser faire les choses ».
« Javais quand même peur de sa réaction, javais peur de la décevoir ».
« Ca na pas été le cas ».
« Non ».
« Et ce sont qui les autres personnes que tu voulais mettre au courant ? ».
« Maxime, mais cest lui qui ma tiré les vers du nez
et aussi Thib
».
Soudain, jai limpression de recevoir les réponses à bon nombre de questions.
« Cest pour ça que tu lui as proposé de faire un plan à trois ? ».
« Ça sest présentée comme ça, cétait pas prévu. Tu étais là, il est passé à limproviste. Alors je lui ai proposé de lui faire découvrir cette partie de ma vie que je lui avais cachée jusque-là
».
« Tu sais pourquoi il était passé cette nuit-là ? ».
« Je pense que cétait à cause de ce qui avait failli se passer entre nous quelques jours plus tôt et du froid que ça avait mis entre nous ».
« Vous alliez failli coucher ensemble ? ».
« Je ten ai déjà parlé
».
« Oui, oui
Mais Thibault savait déjà pour nous. Un jour il ma fait parler. Mais il savait bien avant ».
« Thibault est un gars génial, et il me connaît comme ses poches. Je me doutais quil savait, il mavait tendu des perches, mais je navais pas osé les saisir. Si je nosais pas, cest aussi parce que je savais que Thibault ressentait des trucs pour moi. Je ne voulais pas lui faire de la peine. Et pourtant, javais envie quil sache. Alors, quand cette occasion sest présentée, jai voulu lui montrer ce quil y avait entre nous deux, mais jai voulu aussi lui montrer que ce nétait que du sexe, parce quentre mecs, il ny avait que la baise qui était possible ».
« Et en aucun cas des sentiments
».
« Voilà, je voulais quil voit ça, quil le comprenne, et je voulais y croire aussi ».
« Cest pour ça que ce soir-là tu as été aussi brutal avec moi ? ».
« Oui, je suis désolé ».
Dans le noir, mon bobrun me fait plein de bisous sur la joue et dans le cou.
Je suis heureux. Même sil nest pas encore prêt à afficher notre amour au grand jour, jai à nouveau limpression que, pierre après pierre, lédifice magnifique de notre amour est en train de grandir.
Un nouveau silence sinstalle.
« Alors, il ta vraiment dragué, Sylvain, tout à lheure ? » jai envie de savoir.
« Il a été relou ».
« Il ta fait des propositions ? ».
« Non, mais il narrêtait pas de me causer ».
« Il te disait quoi ? ».
« Au début, il était marrant. Mais après, il a commencé à me saouler ».
« Allez, raconte ! ».
« Il voulait savoir si on était plus que potes ».
« Et tu lui as dit quoi ? ».
« Je suis resté vague ».
« Et cest tout ? ».
« Après il a commencé à me dire que je montais super bien à cheval, que jétais bomec, quil kiffait les mecs comme moi, musclés et sportifs. Et puis, rebelote, il a recommencé à me saouler avec des questions sur ma vie sexuelle. Il ma dit que sil avait eu un camarade de lycée comme moi, il se serait débrouillé pour coucher avec avant le bac. Je crevais denvie de lui dire que cest exactement ce quon avait fait toi et moi, mais je me suis dit que ça ne le regardait pas ».
« Bref, il ta vraiment dragué
».
« Oui ».
« Et ça ta fait quoi ? ».
« Rien du tout, en plus je ne le kiffe pas du tout. Il a une tête de mec chiant, une voix de mec chiant, une dégaine de mec chiant. Bref, cest un mec chiant ».
« Et si ça avait été un bogoss qui tavait fait du rentre dedans ? ».
« Nico, tas pas à tinquiéter, cest de toi que jai envie. Javais tellement envie de toi ce soir
».
« Ah bon ? ».
« Pas toi ? ».
« Non
moi javais juste envie de câlins
» je le balade.
« Ah bon
juste de câlins
».
« Parfaitement ».
« Je ne te crois pas ! » fait-il, avec un petit rire coquin à craquer, un regard de petit voyou sexy en diable.
« Cest ça
».
« Alors, comme ça, pendant la soirée tu avais juste envie de bisous
» il me relance, après un instant de silence.
« Oui
et quoi dautre ? Tavais envie de quoi, toi ? » je le cherche.
« Moi javais envie de tallonger sur la grande table en bois et de te prendre direct ! ».
« Tavais envie de me remplir ? ».
« Tu peux pas savoir ! ».
« Comme la fois sur le banc de massage au terrain de rugby ? ».
« Ah, putain, quest-ce que cétait bon ce soir-là ! ».
« Cest toujours bon avec toi, Jérém ».
« Cest clair, cest toujours bon quand on le fait tous les deux ».
« Moi aussi ce soir javais envie de toi » je finis par admettre « javais envie de toi depuis ce matin. Tes tellement sexy à cheval ! ».
« Il paraît, oui » fait-il, le regard impertinent et lair satisfait de sa bogossitude, comme une évidence.
« Petit con, va ! ».
« Cest vrai, les filles mont toujours dit ça » fait-il, lair innocent. Il est à craquer !
« Elles sont folles » je commente.
« Cest bien vrai, mais elles sont marrantes ».
« Jérém, tu me rends dingue ».
« Toi aussi ».
« A midi, cétait trop bon dans les bois, cétait trop excitant, jai joui comme un fou ! ».
Jérém ne dit rien mais je le sens fier que je lui dise ça. Je le sens bien excité, en plus que pas mal éméché. Je sens que le retour à la petite maison va être chaud.
Mais en passant la porte dentrée, la première chose que je constate, avec dépit, cest que depuis notre départ de la maison au matin, le feu dans la cheminée est mort.
Et pourtant, je ne me suis pas trompé, la chaleur ne va pas manquer. Dès le seuil franchi, Jérém me plaque contre le mur, il membrasse fougueusement, nos langues se mélangent, nos corps senlacent, se caressent, sexcitent. Son envie de me faire des câlins à la fois doux et sensuels semble insatiable. Nos deux queues tendues se cherchent à travers les couches de vêtements qui ne vont pas tarder à sauter.
« Attends, bouge pas
» fait le bobrun, la voix étouffée par lexcitation, en quittant soudainement notre accolade.
« Où veux-tu que jaille ? Tu es là, alors cest ici et nulle part ailleurs que jai envie dêtre ».
Je regarde mon bobrun dégager un peu les cendres dans lâtre sans vie, mettre quelques brindilles de bois, les allumer avec son briquet, rajouter du bois plus massif, et faire repartir un beau feu crépitant en une minute chrono.
Très vite, les bruits, les odeurs, les lumières et la chaleur de la cheminée atteignent et dépassent mes sens, ils se rejoignent au plus profond de mon cur pour afficher une seule et unique sensation : le bonheur.
Lorsque mon bobrun revient vers moi, il me plaque direct face contre mur et dégrafe mon pantalon de cheval. Je sens son souffle brûlant et alcoolisé sur mon cou. Je sens son envie, pressante, sauvage. Je la ressens dans ses gestes précipités, témoignant de lurgence de son désir, et aussi de son état desprit, désinhibé par livresse. Je sais à quel point lalcool peut rendre mon bobrun sexuellement déchainé. Jai hâte de découvrir ce quil me réserve ce soir. Comment il va prendre son pied. Quelles vont être ses attitudes. Comment il va me secouer. La proximité de sa virilité en surchauffe mexcite au plus haut point.
Ses mains fébriles descendent mon pantalon, ouvrent le sien, son gland fait des va-et-vient lents et appuyés sur le coton de mon boxer. Mon excitation senvole vers des sommets vertigineux.
Très vite, ses mains font glisser mon boxer le long de mes cuisses. Puis, elles passent sous mon t-shirt et sen vont exciter mes tétons Son corps plaque et enveloppe le mien de toute sa puissance, son gland entreprend de faire de nouveaux va-et-vient dans ma raie.
« J'ai envie de toi
» je lentends me chuchoter à loreille.
« Cest moi qui ai envie de toi, comme un fou » je lâche, comme une délivrance.
« Tu veux ma queue, hein ? ».
« Je la veux, oui ».
« Tas envie de te faire défoncer, hein ? ».
« Oh, oui !!!! ».
« De te faire remplir ».
« Jai tout le temps envie dêtre rempli de toi, de ton jus
».
« Tu vas lavoir mon jus ! ».
Et ce disant, Jérém retire ses mains de mes tétons. Je lentends cracher, je sens ses doigts lubrifier et travailler brièvement mon trou. Un instant plus tard, sa queue glisse lentement en moi, prend possession de moi, menvahit.
La position, debout, face au mur, la pénétration directe, la précipitation et lurgence de ses mouvements, son excitation extrême, son souffle excité dans mon cou : son attitude nest pas sans me rappeler celle qui avait été la sienne lors de notre arrivé à lappart de la rue de la Colombette après le bac philo, après que je lavais bien chauffé pendant toute la durée de lépreuve
 
Jérém&Nico, le Livre !
Jérém : qui est-il ce garçon?
PS : je cherche un pro des réseaux sociaux et autres moyens de communications pour orchestrer la promo du livre. Candidature à envoyer par retour de ce mail. Merci !
Après une longue gestation, le premier livre de Jérém&Nico est enfin imprimé et prêt à être expédié.
Ce livre reprend les 40 premiers épisodes de l'histoire, enrichis de nombreux passages piochés dans les épisodes plus récents, lorsque ces derniers sintègrent aux premiers de façon intéressante.
Il en résulte une toute nouvelle structure narrative, allégée et plus cohérente.
Tu peux commander ta copie dédicacée en version papier ou epub (pour liseuse) via la plateforme tipeee.com/jerem-nico-s1.
Pour commander le livre en version epub, cliquer ici.
Pour commander le livre en version papier, cliquer ici.
En achetant le livre papier ou numérique, tu contribues au travail décriture de la suite de laventure Jérém & Nico.
Merci davance pour ta contribution à Jérém et Nico !
Fabien
Jérém&Nico
L'inspiration
« Jérém & Nico est une histoire qui est venue à moi un jour dété, un jour où jai eu lintuition que je devais construire autre chose, réorienter ma vie tel un fleuve creusant un nouveau lit qui ferait dévier son cours ».
L'histoire
Jérémie est un beau brun ténébreux, rugbyman et tombeur de nanas. Son camarade de lycée Nico est un jeune homo à lesprit pur et rêveur.
Pourtant, cest Jérémie qui, lors des révisions pour le bac, initie Nico à lamour physique entre garçons.
Mais alors que Jérémie ne semble intéressé que par le sexe, Nico est fou amoureux de lui. Ainsi, lamour physique avec le beau brun, pourtant explosif, ne lui suffit pas.
Mais qui est réellement Jérémie ? Comment vit-il leurs « révisions » sexuelles avant le bac ? Que ressent-il vraiment pour Nico ?
Quel rôle pour Thibault, le meilleur ami de Jérémie, à qui Nico finira par se confier ?
Lhistoire se déroule à Toulouse entre 2001 et « nos jours ». Cest en effet en 2018 que le Nico adulte raconte ses années lycée et fac.
Nico na jamais pu oublier son Jérém. Bien que depuis tant de temps déjà, leurs vies ne marchent plus ensemble.
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