Histoire Des Libertines (42) : Emma Hamilton, Maîtresse De Nelson

Emma Hamilton (1765-1815), née Amy Lyons, est célèbre pour avoir été la maîtresse de l’Amiral Nelson, le vainqueur d’Aboukir et de Trafalgar.

ORIGINES MODESTES ET PROSTITUTION

Amy Lyons est la fille d'un forgeron, Henry Lyons, qui meurt alors qu'elle est âgée de deux mois. Sa mère, Mary d, l'élève à Hawarden, mais sans éducation formelle.

A quinze ans, elle se rend à Londres où, d'abord grisette, elle finit par travailler dans une maison de prostitution. Sa beauté la fait remarquer par un baronnet qui la prend sous sa protection. Elle participe alors à des soirées polissonnes de l'aristocratie anglaise, au cours desquelles on la fait par exemple monter sur une table « habillée » de fourrure, prenant des poses lascives. En 1782, elle a une fille avec sir Harry Featherstonehaugh, qui la rejette. L’, Emma Carew, est envoyée vivre avec sa grand-mère au pays de Galles où elle reste toute sa vie.

UN PROTECTEUR POUR UNE MUSE

Amy fait alors la conquête de Charles Francis Greville (1749-1809), frère du deuxième comte de Warwick. Celui-ci, après lui avoir fait changer son nom en « Emma Hart », la présente au portraitiste George Romney (1734-1802), dont elle devient la muse pendant plus de dix ans, lui servant de modèle pour une cinquantaine de portraits, dans les costumes les plus divers : Cassandre, Circé, etc. C'est à son contact qu'elle apprend l'art de prendre des poses, lui donnant un air de beauté grecque.

Charles, comprenant rapidement tout le « potentiel » d’Emma, organise sa bonne éducation. Il lui fait ainsi suivre des cours de maintien, de chant, de langue anglaise soutenue. Emma est intelligente et apprend vite. Ses nombreuses lettres adressées à Greville montrent la progression rapide de son style. Emma est à cette époque passionnément amoureuse de Greville, comme en témoigne sa nombreuse correspondance enflammée. Cet homme l'a sortie de la misère, lui a donné une éducation et lui a fait une place dans la société.

Toutefois, Greville ne peut épouser Emma, qui vient d'un milieu social trop modeste. Il cherche donc à la « caser ».

EMMA « CASEE »

Il se trouve que l’oncle de Greville, Sir William Hamilton (1730-1803), ambassadeur de Grande-Bretagne à Naples depuis 1764, est veuf depuis 1782. Lord Hamilton est aussi un vulcanologue et un grand amateur d’art.

En 1786 il rencontre Emma Lyon, que Charles Greville lui a envoyée à Naples, sous prétexte de parfaire son éducation culturelle, mais pour la pousser en réalité dans les bras de son oncle. Ayant obtenu l'assurance que Charles la rejoindrait dès qu'il le pourrait, Emma finit par partir.

Elle est alors reçue avec tous les honneurs par sir William, qui a pris soin de lui aménager une aile somptueuse dans sa villa de Naples. Ce dernier lui fait une cour assidue, mais longtemps sans succès car Emma aime Charles. Emma, dans ses lettres adressées à Charles, jure de ne jamais céder aux avances de l'ambassadeur, et s'offusque des réponses de Greville qui lui conseille le mariage.

Comme la plupart des hommes qui ont gravité autour d'elle, Sir William a été frappé par la beauté et la sensualité d’Emma, qui a exécuté des danses inspirées par les éléments classiques pour lui et ses invités, tout en ne portant aucun sous-vêtement !

Emma finit par céder : le 6 septembre 1791, elle devient Lady Emma Hamilton.

EMMA TRES « PROCHE » DE LA REINE DE NAPLES !

Contre toute attente, ce mariage est très bien accueilli par le milieu des diplomates napolitains, puis par l'aristocratie anglaise. Sur le chemin du retour vers Naples, le couple fait halte à Vincennes où il rencontre le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette, qui sont alors en résidence surveillée. La reine lui confie une lettre destinée à la reine de Naples, sa sœur. C'est ainsi qu'elle devient une amie proche de la reine Marie-Caroline d'Autriche (1752-1814), épouse de Ferdinand Ier de Naples.


Le diplomate Giovanni Gorani (1740-1819), dévoila, dans ses « Mémoires secrets » (« Mémoires secrets et critiques des cours, des gouvernements et des mœurs des principaux États d’Italie ») la liaison saphique entre Emma et la reine de Naples. Comme l’était probablement sa sœur Marie-Antoinette, son aînée Marie-Caroline était aussi bisexuelle.

Emma, qui avait déjà à son actif beaucoup d’expérience, répondit aux avances de la reine de Naples.

Elle mène alors la vie mondaine et luxueuse de l'épouse d'un l'ambassadeur, et fréquente assidûment la Cour de Naples, où elle est la favorite et la maîtresse de la reine. A Naples, elle était célèbre par sa beauté : les peintres se disputaient pour avoir l'honneur de peindre cette éblouissante créature aux allures de grande dame à la conversation captivante.

Bonne affaire pour le cabinet britannique, Emma avait barre sur la reine et le roi de Naples !

RENCONTRE AVEC NELSON QUI DEVIENT SON AMANT

La première rencontre avec Horatio Nelson (1758-1805) remonte à 1793. Ils se revoient en 1798, après la bataille d’Aboukir.

Légende vivante, ses aventures l'ont prématurément vieilli : il a perdu un œil, un bras et la plupart de ses dents. Emma s'évanouit quand elle le voit. Elle l'héberge et le nourrit dans la maison de son mari, et organise une fête avec 1 800 invités, pour célébrer son quarantième anniversaire.

La reine Marie-Caroline saura utiliser à des fins politiques la passion torride qu'Emma Hamilton inspire à l'amiral Nelson.

LORD HAMILTON, MARI COMPLAISANT

Leur relation a non seulement été tolérée, elle a même été encouragée par le vieux sir William, qui avait une grande admiration et un grand respect pour Nelson.

Lord Hamilton quitte sa fonction à Naples en 1800. Lui et Emma reviennent à Londres.

Hamilton tolère cette tromperie devant ses yeux. Mieux, il semble l’encourager en feignant ne rien voir, passe ses journées à pêcher sur la Tamise, achète et revend des antiquités… Nelson a acheté une maison, Merton Place, et le trio passe son temps entre les deux lieux.


Sans aller jusqu’à dire qu’Hamilton était candauliste, à partir de 1799, le couple Hamilton et Nelson forment un ménage à trois. Cette relation fait toutefois scandale dans la bonne société anglaise. Les gazettes se délectent du spectacle de la vie privée du formidable champion de la lutte contre Napoléon. Nelson est moqué et qualifié par les caricaturistes d’«abruti ensorcelé».

Nelson, Emma et William formaient un trio inséparable. Ils décidèrent d'entreprendre un voyage en Europe, sans gloire, les journaux faisant des allusions ouvertes à cet étrange ménage à trois. Lorsqu'ils débarquèrent à Londres, Nelson se souvint tout à coup de sa femme Fanny. Il lui présenta ses amis : elle resta figée. Il tenta vainement d'imposer leur présence au sein de la » gentry » londonienne. Nelson prétendit faire vivre sa maîtresse et sa fille au domicile conjugal… Fanny, écœurée, s'en alla, mais refusa de divorcer, contraignant les amants à une vie de concubinage qui aura, au décès de Nelson, les plus fâcheuses conséquences pour l'avenir d'Emma et de sa fille.

Emma, enceinte de Nelson, a en effet donné naissance à Horatia Nelson le 3 janvier 1801. Sir William, fait son possible pour ignorer l'accouchement et l', si bien qu'à son décès en 1803, son testament désigne son neveu Charles Greville comme son unique héritier. Emma ne s'en inquiète guère, tout à son amour pour Horatio Nelson.

Nelson décide alors de vivre avec Emma dans la petite maison de Merton.

Ce qui dans un couple normal aurait pu sonner comme une libération ne le sera pas, Horatio et Emma n’ayant au fond rien de très banal. Comme si William avait été leur socle, des tensions naissent. Elle grossit, dépense sans compter. Nelson lui reproche d’être trop mondaine. Et puis les choses s’améliorent un peu. Leur vie devient plus calme. Ils font baptiser Horatia à l’âge de 2 ans, se faisant nommer parrain et marraine. Mais la vie de cette famille improvisée ne dépend que d’une chose : les campagnes maritimes de la Grande-Bretagne, le militaire partant tout le temps combattre.


Emma se prend à rêver qu’il divorce de Frances et qu’elle devienne Lady Nelson.

FIN DE VIE DIFFICILE

Le 21 octobre 1805, Nelson bat les navires franco-espagnols à Trafalgar, mais meurt. A son vice-amiral Thomas Hardy, en plus du fameux «embrasse-moi, Hardy», il demandera de «prendre soin de la pauvre Lady Hamilton». Le désespoir d'Emma fut effrayant. Celle-ci n’aura pas le droit d’assister à ses funérailles et ne touchera pas un sou, le frère de Nelson s'étant arrangé pour détruire le codicille la favorisant.

Emma a dépensé toute la fortune de William, se ruine en voulant conserver Merton Place. Emma se fait passer à cette époque pour la gouvernante de sa fille et ne lui dit jamais qui est sa mère. Sans héritage ni fortune, continuant pourtant de mener grand train, contrainte de vendre au fur et à mesure ses tableaux, son argenterie, ses meubles précieux, Emma s'endette lourdement en dix ans. Alcoolique, bouffie, souffrant d'une cirrhose du foie, elle est harcelée par ses créanciers. Sa correspondance entretenue avec Nelson, dont on ne sait si elle fut volée ou vendue par ses soins, est finalement publiée et fait scandale.

Emma écrit à la reine Marie-Caroline pour obtenir un peu d’argent : la reine, qui a oublié son amante, ne répondra jamais.

Après un passage en prison pour dettes, où elle est incarcérée avec sa fille, elle part vivre à Calais et y meurt en 1815.

UN DESTIN TRAGIQUE

"Amie des Anglais", comme elle le fit graver sur sa tombe, Emma aura connu de son vivant la gloire, mais aussi sa rançon, une solitude des plus cruelles. Emma fut la célèbre égérie de l’Amiral Nelson. Elle fut à la fois sublime et grotesque, vaniteuse et cruelle, mais divine et généreuse.

Qui oserait lancer la pierre à Emma Hamilton pour sa vie tumultueuse et tragique ? Elle a eu un destin fabuleux et une triste fin, car ni son pays, ni la famille de l’Amiral, ne respectèrent les dernières volontés de celui qui avait pourtant sauvé l’Angleterre.

Le monde des puissants est souvent impitoyable envers celles qui ont « osé » sortir de leur condition et mener une existence de femme libre.

A une époque où la bisexualité n’est pas tolérée, Emma Hamilton a accepté une liaison avec la reine de Naples, ce qui, en passant, a bien servi les intérêts de l’Angleterre.

Soulignons enfin, sinon la modernité, au moins l’ouverture d’esprit de Lord Hamilton. Beaucoup moqué pour ce ménage à trois, il montrait au contraire son amour pour sa jeune femme, qu’il voulait voir heureuse, y compris dans les bras d’un autre.

PRINCIPALES SOURCES

• Anne et Alain Pons : « Lady Hamilton, l’amour sous le volcan » (Editions J’ai lu, 2004)

• http://leblogdeletrange.free.fr/index.php/mais-qui-etait-lady-hamilton-qui-hanterait-le-phare-de-calais/

• https://www.napoleon.org/histoire-des-2-empires/biographies/nelson-horatio-1758-1805-amiral-anglais/

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