De Masques Et De Sang - Chapitre 4

Son coeur battait encore la chamade quand elle trouva enfin la ferme promise. Malgré une bonne partie de la route à guetter ses arrières dans l'angoisse d'être toujours poursuivi, elle n'avait pas pour autant manqué de remarquer les vieux bâtiments au loin, presque en ruines, reliés à la civilisation par un fin chemin de terre qu'un véhicule citadin n'aurait jamais pu parcourir.

Elle jugea préférable d'adopter un allure modérée sur la route de terre en piètre état. Le 4x4 noir ne semblait pas en difficulté et elle se félicita de ses talents récents en matière de conduite. Ses sens étaient plus affûtés et elle se sentait bien plus vive, comme si elle avait toujours vécue dans le brouillard jusque là.

Arrivée devant la ferme, c'est avec prudence qu'elle du sortir du véhicule pour ouvrir la lourde grille métallique qui en barrait l'accés. Elle grimaca tandis que les baskets qu'elle avait depuis si peu de temps étaient déjà maculées de boue. La voiture entrée dans la cour elle reprit quand même quelques minutes pour refermer la lourde grille dont le grincement l'alerterait en cas d'intrusion.

La ferme se composait d'un hangar qui semblait majoritairement vidé à l'exception de vieilles machines rouillées, d'une maison d'époque qui ne semblait tenir que par miracle et de la fameuse grange évoquée par Zachariah. Elle jeta un regard au ciel, hésitante. Il devait lui rester une poignée d'heures avant que le soleil ne tire sa révérence.

Elle se sentait irrésistiblement poussée à suivre les directives du déformé. Quelques secondes de réflexion la menèrent à considérer que dissimuler le véhicule dans la grange était l'idée la plus sensée. La ferme avait beau être relativement en retrait, mieux valait être sur qu'on ne puisse ne serait ce qu'entrcevoir le 4x4 noir. Elle sentait qu'elle était très loin d'en avoir fini avec tout ça. Quels que soit les sombres projets du prince et de ses subordonnés, au moins la préféraient ils en vie, pour l'instant.



Ouvrir les portes de la grange s'avèra plus compliqué que prévu. Une lourde poutre de bois barré les portes imposantes aux gonds rouillés. Evie y passa un bon quart d'heure et pria que personne n'ait eu le temps de repérer le 4x4, agrémenté du rafut qu'elle avait du faire. Quand elle gara enfin le 4x4 au centre de la grange, au milieu des restes de paille, un inexplicable sentiment proche de l'euphorie l'envahit. La grange refermée, le véhicule dans la pénombre, elle laissa échapper un soupir de soulagement en se laissant couler dans le siège passager. Elle lutta contre l'envie de coucher le siège, jetant un oeil à la forme encore couchée sous son manteau. Se mordillant la lèvre inférieure, hésitante, elle se pencha pour attr le rebord du manteau et l'attira lentement à elle, retenant son souffle.

Zachariah semblait mort, étendu sans bouger dans un angle improbable. Elle fronça les sourcils en examinant le col roulé noir qu'il portait. Plusieurs trous de petite taille, groupés, en parsemaient l'arrière. Elle laissa courir ses doigts sur le tissu. # Pas de sang... #

Elle pouvait sentir d'étranges protubérances au travers du tissu, comme si chacun de ses os avait subi des mutations. Il lui fallut un effort de volonté considérable pour s'arracher à l'étrange attraction qu'il exercait sur elle. La jolie brune, nerveuse, reporta son attention sur la boite à gants dont elle avait déjà malmené le contenu dans la précipitation. Elle ramassa les feuilles et cartes répandues sous ses pieds et les examina soigneusement avant de faire de même avec le contenu de la boite à gants. Certains documents étaient des invitations, justificatifs d'identité ; fausses à en juger les passeports aux noms variés. Elle fut surprise par la datation des cartes présentes. Certaines étaient récentes, autant que possible depuis que le commun des mortels utilisait un gps, les autres semblaient bien plus anciennes et comportaient des annotations sur des lieux sans plus d'indications.
Enfin le reste des documents, la majorité, était constituée d'une variété de bons de commandes, d'avis de réception ou de bons de livraison.

Compte tenu de la nature des propriétaires du véhicule c'était étonnant. Toutefois ce qui interloqua bien d'avantage la jeune femme fut la série de documents plutôt récents qu'elle ramassa sous le siège passager.

Elle resta un moment indécise sur l'adresse du premier, un récépissé pour livraison à Monterey. Il ne lui fallut guère plus longtemps pour reconnaitre l'adresse du fameux bar où sa vie avait basculée. Le document était daté au lendemain de l'attaque. S'en suivait une dizaine de bon de commandes comportant 1 à 2 articles variés de tout type. Le troisième bon de commande faisait état d'une livraison de deux corbeilles de fleur à l'adresse de l'appartement d'Evie. Même date que pour le premier document.

Elle déglutit, sentant un frisson glacial courir le long de sa nuque en estimant vaguement le nombre de bon de livraison et de commandes qu'elle avait vu dans la boite à gants et répartis sur le sol. Certaines dates coïncidaient avec des fusillades mentionnées aux infos ou autres évènements tragiques. Elle rangea les documents avec un certain dégoût et jugea qu'elle avait besoin de prendre l'air. Quittant le véhicule prudemment, s'efforçant de ne pas faire de bruit, elle jeta un bref coup d'oeil au 4x4 noir avant de se glisser entre les portes de la grange.

L'air s'était rafraichi et le soleil commencait inexorablement sa chute vers l'horizon pour s'y noyer. Elle s'appuya contre l'imposant batiment de bois, laissant son regard parcourir les environs. Ses yeux se posant sur la maison attenante, suivant les détails des boiseries et une batterie de fenêtres et de volets endommagés, elle fronça les sourcils. Plissant les yeux, elle scruta plus attentivement les fenêtres du premier étage, une par une, certaine d'avoir entrevut une lueur fugace.

Un frisson la parcourut.
L'endroit était censé être abandonné. Elle hésita quelques secondes. Zachariah devrait se réveiller à la tombée de la nuit, tout du moins le pensait elle. D'un autre côté, elle pouvait encore repartir avec le 4x4 pour chercher un endroit plus sur si celui ci était compromis. Mais elle attirerait l'attention en partant. Enfin ce n'était peut être que son imagination. Zachariah ne serait sans doute pas satisfait de découvrir qu'elle avait pris des initiatives et lui ferait sans doute regretter. Elle déglutit et jeta un nouveau coup d'oeil à la vieille batisse. Evie hocha faiblement la tête, se persuadant que le mieux à faire était d'y jeter un oeil.

Elle commença déjà à regretter son choix en grimpant les quelques marches du perron, leur arrachant de sinistres grincements. Le bois qui composait la structure semblait pourri et la végétation s'entrelacait dangereusement avec le bâti à plusieurs endroits. Un vieux rocking chair gisait devant l'entrée, brisé. Elle eut un petit rire nerveux qui se transforma en sueur froide quand la porte s'ouvrit dans un grincement avant même que sa main ne la touche.

# Le vent probablement... #

Elle se sermona intérieurement. Comment était il encore possible qu'une maison abandonnée lui file les pétoches à ce point après ces derniers jours ?

Evie retint sa respiration en posant son pied sur le plancher grinçant en piètre état. Elle s'engouffra prudemment dans la demeure décrépie étrangement sombre. Elle était en alerte et ses sens récemment affûtés distinguaient aisément les contours de ce qu'il restait de mobilier et d'objets majoritairement brisés gisant de ça et de là. Le tout était englobé par de la poussière et des toiles d'araignées. Elle nota l'escalier à l'autre bout de la pièce en ruine. Celui ci faisait pâle figure, de nombreuses marches avaient été abîmées, voir cassées. Son souffle se coupa quand elle entendit une série de grincements au dessus d'elle. Il ne lui fallut pas longtemps pour le comprendre ; quelqu'un marchait au dessus d'elle.
Elle ferma les yeux et tendit l'oreille. Qui que ce soit il avait l'air de trainer la jambe et de vaquer à ses propres occupations. Elle se mordilla la lèvre nerveusement, indécise. Ca n'était sans doute pas l'un d'entre "eux", il faisait encore jour. Un grincement un peu plus important que les autres lui parvint puis le plancher cessa de craquer bientot remplacé par le son diffus et étouffé d'une voix chantonnant. Bien décidée à en avoir le coeur net, la jolie brune retira prudemment ses baskets, les laissant au pied de l'escalier et commença une pénible ascension, prenant soin de poser ses pieds et de faire basculer son poids d'une jambe à l'autre avec une infinie lenteur, s'évertuant à faire le minimul de bruits.

Arrivée à mi chemin, ses yeux étaient déjà un peu au dessus du niveau du sol et elle pouvait distinguer les environs au travers des barreaux de bois maintenant la rambarde en place.

Au travers de l'embrasure d'une porte, quelques mètres plus loin, elle pouvait distinguer une femme, vraissemblablement plutôt âgée, vêtue d'une doudoune orange, d'un bonnet gris informe et d'un pantalon de treillis. Elle était assise sur un sac de couchage rapiécé, à même le sol, une petite lanterne à ses côtés emettant une faible lueur.

La peur qui avait étreint Evie laissa place à un certain malaise. Faisant à nouveau preuve de prudence, elle redescendit les escaliers et, attrapant ses chaussures au passage, quitta la maison à pas de loup.

Quand elle fut de retour dans la grange, le soleil disparaissait déjà à l'horizon. Elle retourna directement au 4x4 noir et s'arrêta net, muette de surprise. La porte arrière était ouverte et Zachariah avait disparu. Son coeur fit un bond dans sa poitrine quand la main crochue se referma sur son épaule. Elle glapit tandis que d'une simple rotation du poignet il lui faisait faire demi tour, la mettant face à lui.

Il la contemplait étrangement, ne semblant pas au summum de sa forme. Ses yeux jaunâtres avaient une tendance un peu trop insistante à descendre vers la gorge de la jolie brune.

“ Hum... Bon...soir. ” Elle se sentit ridicule alors que les mots franchissaient ses lèvres, tout son corps lui semblant soudainement extrêmement vulnérable.

Zachariah cligna des yeux, ce qu'il ne semblait pas habitué à faire et examina son entourage avant d'hocher simplement la tête.

“ Bien. ”

Le vague sentiment d'euphorie qui avait submergé la jeune femme plus tôt revint plus fortement cette fois, la faisant se sentir d'autant plus ridicule.

Il relâcha l'épaule d'Evie sans plus lui accorder d'attention et examina un bref instant la voiture. La jeune femme fronça les sourcils, soudainement contrariée. Elle marqua une pause, se forçant à respirer calmement, tâchant de remettre de l'ordre dans ses idées.

Elle prit une profonde inspiration et s'avança à la suite du déformé qui remettait son long manteau.

“ J'ai fais ce que vous aviez demandé... Et j'ai pu ralentir nos poursuivants... ”

Il s'approcha d'elle et son coeur s'interrompit dans sa poitrine, elle ne pouvait s'empecher de lever les yeux vers la face hideusement atrophié de Zachariah. Elle pouvait presque sentir ses jambes flageller quand il approcha sa main de son visage, ses doigts crochus recroquevillés. Il laissa descendre sa main lentement, sans même l'effleurer, tandis qu'elle restait là, comme paralysée. Elle frissonna quand la main se posa sur sa hanche et qu'il pencha la têtede côté, la fixant étrangement. Puis sa main se glissa dans la poche de la veste de la jeune femme, s'emparant des clés du véhicule avant de lui tourner le dos.

Elle fulmina.

“ Vous avez brisé ma vie ! Tué ma meilleure amie ! Et maintenant à cause de vous je suis traquée comme un animal ! Même pas... ”

Elle regretta vivement ses paroles quand il se retourna instantanément et s'arrêta à quelques centimètres d'elle, la toisant avec une étrange lueur dans les yeux.

“ Vous avez toujours été... Ce que vous êtes... Vous auriez pu l'apprendre... Dans des circonstances bien plus... Désagréables... ”

Elle frissonna, se sentant soudainement minuscule et vulnérable face à lui. La jolie brune n'en menait pas large mais elle n'était pas prête à rompre le contact si durement établi.

“ Qu'est ce que je... Le golconde ? ”

Zachariah soutint le regard de la jeune femme. Il opina lentement, la détaillant prudemment.

“ Votre rôle est essentiel... Vous le découvrirez en temps voulu... ”

Elle grimaça, loin des réponses précises qu'elle espérait. Se mordillant nerveusement les lèvres, perturbée par la proximité de Zachariah, elle pris un instant pour réfléchir avant de continuer.

“ Que va t'on faire maintenant... ? ”

Le déformé ne cilla pas.

“ Nous devons retourner voir le prince, il aura pris sa décision. ”

Elle déglutit se remémorant la veille qui lui semblait pourtant particulièrement loin.

“ Je vais être... Liée... A un de ces... Individus... ? (Zachariah hocha la tête mécaniquement, ce qui la poussa à renchérir.) Qu'est ce que ca signifie ? ”

Il jeta un oeil sur le côté, comme humant l'air et sembla préoccupé. Elle pressa sa chance et posa sa main sur le torse du déformé, le fixant. Il posa ses yeux sur elle, quelque peu confus.

“ Si vous représentez le moindre risque pour notre secret vous serez éliminée. (Il marqua une pause, pesant ses mots.) Les liens engendre une loyauté sans faille du servant envers son maître. ”

Evie sentit son coeur se serrer et déglutit. Elle avait entendu dire que son lien avec Zachariah était loin d'être complet et elle se prenait à redouter grandement ce qui l'attendait.

Zachariah l'examinait attentivement. Il tourna toutefois à nouveau la tête vers l'extérieur.

“ Nous ne sommes pas seuls. ”

Evie bafouilla, mal à l'aise.

“ Une femme... Sans domicile... Rien d'important... ”

Zachariah huma l'air une nouvelle fois.

“ Non, ils sont plusieurs. ”

Il allait éviter Evie pour se diriger vers la sortie de la grange mais elle lui barra le chemin.

“ Qu'est ce que... Vous comptez... ? ”

Il se stoppa, l'observant avec un certain agaçement.

“ Il y a quelque chose qui m'appartient dans cette maison. (Il marqua une pause.) Et j'ai faim. ”

Un frisson lui glaça la nuque tandis qu'elle observait les yeux jaunâtres luisant étrangement. Il voulut faire un nouveau pas en avant mais la jeune femme s'interposa une nouvelle fois.

“ Vous allez les... ”

“ , oui. Le secret passe avant tout. ”

Elle blêmit.

“ Ce n'est pas nécessaire, je peux vous aider. ”

Il l'écarta d'un geste, manquant de la faire tomber au sol. Le temps qu'elle retrouve son équilibre, il avait quitté la grange avec une rapidité surhumaine, flottant presque dans les airs.

Elle s'élanca à sa suite mais bien trop lentement. Elle montait encore sur le perron quand elle entendit des hurlements à l'étage. Quand elle arriva en haut de l'escalier, son estomac se tordit. Il y avait deux hommes qu'elle n'avait pas reperé lors de sa première incursion. Ils giseaient sur le sol et à en croire l'angle de leurs têtes, leur cous avaient été brisés. Le déformé était désormais penché au dessus de la femme, ses crocs plantés dans la chair tendre du cou exposé d'où s'écoulait une grande quantité de sang. La squatteuse semblait morte et ne devait pas en être loin.

Evie sentit sa tête tourner et du s'accrocher au mur le plus proche. Ses yeux ne pouvaient pas quitter Zachariah, s'abreuvant bestialement sur sa proie qu'il n'avait visiblement aucune intention d'épargner. Elle glissa le long du mur et tomba sur les fesses, muette d'horreur. Des sentiments opposés se battaient en elle. Loin de sa conscience, du dégoût et de l'effroi que lui inspirait la situation, une autre part d'elle, plus primitive, plus ancienne, dont elle n'avait jamais eu idée s'insinuait un chemin dans son esprit, s'émerveillait du prédateur devant elle, avec envie. Une envie morbide, sombre et inexplicable. Le souvenir de Zachariah dans sa propre bouche, goulée après goulée, la sensation sublime du nectar éblouissant ses sens... Tout lui revenait comme si elle était encore là, mourrante, près de la voiture en flamme, se nourrissant avidement. Elle lécha inconsciemment ses lèvres, une douce chaleur envahissant son bas ventre.

Elle fixait toujours la scène aussi intensément, avec désir cette fois. Elle aurait pu être à la place de cette femme, s'offrir pleinement, sentit ses crocs dans sa chair. Ou au contraire prendre la place de Zachariah... Savourer ce voluptueux liquide... Aucun autre aliment ne pouvait rivaliser avec celui ci. Cette pensée lui fit l'effet d'une douche froide et la ramena à elle. Elle n'avait rien mangé ou bu depuis ce soir là. Et ca ne lui manquait pas, pour le moment. Elle se sentait en forme au delà de tout ce qu'elle avait connu. Cette idée en amena une autre, bien plus lugubre. Si une seule gorgée de sang avait ces effets sur elle, que resterait il d'elle une fois liée ?



Assise côté passager tandis que Zachariah poussait le 4x4 à une vitesse dont elle n'aurait cru le véhicule possible, elle regardait pensivement ce qu'ell distinguait du paysage défiler à toute allure.

Zachariah avait récupéré une petite boite en bois dans la demeure. Il l'avait dissimulé en hâte dans son manteau puis avait incendié la bâtisse. Evie, bouleversée, était restée passive et silencieuse depuis, s'efforçant de ne pas le regarder directement.

Il fut le premier à rompre le silence qui en devenait pesant, même pour lui.

“ Le prince nous attend. Espérons que tout ces contretemps ne le mettront pas en rogne. ”

Elle gloussa nerveusement, s'attirant un regard inquisiteur qui l'amena à révéler ses pensées.

“ Ce ne serait pas dans votre intérêt mais je ne vois pas vraiment en quoi ça me concerne. ”

Il haussa un sourcil, seul signe d'intérêt sur son visage couvert de bosses et de malformations et la toisa un instant.

“ Ne vous jouez pas du prince. Il est toujours incertain quant à votre nature. (Il marqua une pause.) Si je ne le convainc pas, ou si il perd patience avant, il vous a. Vous ne voulez pas mourir de ses mains. ”

Elle passa ses mains sur son visage, se sentant soudainement particulièrement lasse et hocha faiblement les épaules.

Zachariah se reconcentra sur sa conduite, visiblement peu enclin à insister.



Ils arrivèrent en ville peu de temps après. Zachariah réduisit sa vitesse pour ne pas attirer l'attention. Les rues étaient toujours autant peuplées, voir d'avantage, les fêtards de tout bord envahissant les trottoirs. Le 4x4 ralentit et s'arrêta derrière une berline blanche à un feu. Un clochard en guenilles couvert par un large manteau de cuir usé et un sweet à capuche qui couvrait sa tête était entrain de s'énerver à la vitre passager de la berline. Il cracha au sol et s'éloigna de la berline pour s'avancer vers le 4x4. Evie soupira, mal à l'aise et s'enfonca dans son siège tandis que l'homme s'approchait de son carreau. Les yeux de Zachariah le suivait à la trace, impassible. La jolie brune fit la moue, et redressa la tête vers le visage encagoulé qui venait de taper au carreau. Elle laissa échapper un cri de stupeur en découvrant un visage encore plus hideux que celui de Zachariah. Ce dernier baissa la vitre côté passager tandis que le clochard exhibait une rangée de dents pointues tirant sur le marron. L'air frais s'engouffrant dans la voiture chariait une odeur de putréfaction et ses sens aiguisés eurent tot fait de retourner l'estomac de la jolie brune. Elle s'enfonca aussi profondemment que possible dans son siège, luttant pour ne pas vomir.

Zachariah émit un grognement, fixant l'indésirable.

“ Zachy, toujours entrain de jouer les sang-bleu ? ”

“ Parles Josef, ne faisons pas comme si tu avais l'intelligence pour être là en ton nom. ”

Le fameux Josef cracha une boule de salive noirâtre au sol, avant de reporter son attention sur Evie, la détaillant de la tête aux pieds avec un sourire pervers. Il se pencha en avant, glissant la tête à l'intérieur de la voiture sous le regard inquiet de la jeune femme.

“ Alors c'est elle la fameuse humaine... Un morceau de choix... Un cou si fin... ”

Zachariah grogna à nouveau mais cette fois Evie crut sentir son siège vibrer. Josef se recula prestement, marmonnant quelque injure incompréhensible, visiblement frustré.

“ Notre chef, celle que tu as trahi, veux te voir avec ta... Friandise... Avant que tu ne te rendes chez le prince... ”

Zachariah leva les yeux vers le feu qui venait de passer au vert, se désinteressant de son répugnant confrère.

“ Je ne suis pas intéressé. ”

Josef ricanna tandis que la voiture commençait à avancer.

“ Pas même pour récupérer ton cabot ? ”

Le 4x4 pila et Evie laissa échapper un hoquet tandis qu'elle était projetée vers l'avant et stoppée brusquement par sa ceinture. Zachariah reporta son attention sur le clochard, ses yeux luisaient de rage.

“ Parles. ”

Une voiture de sport arrivant à vive allure en klaxonnant furieusement doubla le 4x4 en trombe. Le conducteur leur adressa un geste peu courtois de son majeur mais les deux déformés l'ignorèrent superbement.

“ Gare toi et discutons Zachy. Rien ne presse, nous avons l'éternité. ”

Il voulut protester mais déjà Josef s'éloignait il de la route, s'aventurant dans le petit parc qui bordé la route. L'éclairage ne semblait plus y fonctionner et de ce qui était visible au travers des buissons, les jeux installés là pour de jeunes s étaient dans un état de délabrement avancé.

Zachariah gara le 4x4 sur le bas côté, et jeta un regard à Evie.

“ Restez près de moi, et pas un mot. ”

Elle avait milles questions et sentait la peur l'étreindre mais elle se contenta de hocher la tête faiblement.



La jeune femme collait le déformé comme son ombre. Outre ses ordres, sa présence avait quelque chose de rassurante et elle en avait définitivement besoin à l'instant. Le parc était de petite taille mais tout exaltait une sensation profondément malsaine et lugubre. Les balancelles pour aux formes d'animaux étaient défigurés et continuaient de se balancer en grinçant lorsque le vent s'y engouffrait. Des rats rodaient aux alentours se disputant le contenu des monceaux d'ordures couvrant les poubelles métalliques que plus personne ne semblait venir vider depuis bien longtemps. Josef se tenait au milieu de cette scène comme si nul autre endroit n'aurait pu mieux lui convenir.

Zachariah s'arrêta à quelques mètres de lui, stoïque. Evie resta en partie derrière lui, remontant la fermeture de sa veste, glacée. Elle laissa échapper un hoquet de surprise quand un rat exagérément gros lui frôla la jambe en allant s'installer aux pieds du clochard. Ce dernier s'abaissa et s'en saisit, le gratifiant d'une caresse avant de le poser sur son épaule. Elle frissonna en se rendant compte qu'une partie du squelette du rat était visible et que ses yeux luisaient étrangement.

Josef exhiba ses dents pourries en un sourire grossier, notant le dégoût de la jeune femme.

“ Nous sommes là. Parles. ”

La voix stricte et monotone de Zachariah l'arracha à ses contemplations et il reporta son attention sur son interlocuteur.

“ Tu devrais apprendre à t'amuser Zachy. La vie, la mort... Tout ça ça ne dure jamais bien longtemps... ”

Les deux hommes avaient beau souffrirent de malformations similaires, Evie ne pouvait s'empêcher de remarquer le contraste saisissant entre eux. Elle se rapprocha d'avantage de Zachariah, le touchant presque quand une série de grattements et de couinements se répandit dans les buissons les entourant.

“ Qu'est ce que tu veux Josef ? ”

Il ne semblait pas impressionné le moins du monde par la théâtralité de la scène et les hordes de rongeurs qui commençaient à se former autour du duo, comme influencés par le clochard qui se contentait du rictus affreux qui lui servait de sourire.

“ La récompense pour te mener jusqu'à elle n'est pas mal. Mais celle que j'obtiendrais pour la débarrasser de toi et lui ramener ton encas.... Mmm... Peut etre même pourrais je la goûter... ”

Evie était assez proche de lui pour le sentir se tendre, comme prêt à bondir. Il n'en laissa rien paraître.

“ Tu as toujours été un rat solitaire. Les autres sont tombés bien bas mais tu étais déjà dans le plus profond des trous. Ne me laisse pas croire que tu cherches du prestige ou qu'elle ait quoique ce soit qui t'intéresse. Alors... Josef... Que veux tu ? ”

Josef ricanna avant de crier un mot qu'Evie ne compris pas. Les rats se jetèrent sur eux, telle une marée de crocs acérés. Zachariah était rapide, incroyablement rapide. Au contact de la brume qu'il devenait, les rats se vaporisaient en une explosion de sang, de pelage et d'os. Les rongeurs putréfiés semblaient pourtant une infinité et déjà certains se frayaient un chemin jusqu'à la jolie brune paniquée.

Evie parvint à en écraser un sous sa basket, le bruit des os craquant lui arrachant des haut le coeur, mais les suivants furent plus habiles, des rangées de crocs perçant son pantalon de cuir et se plantant dans sa chair. Elle hurla de douleur, terrifiée par le nombre croissant de rongeurs l'attaquant. A peine parvenait elle à en arracher un pour le jeter au loin que deux autres de ses camarades venaient la mordre et faire couler son sang.

La marée de rats couinait, comme enragée, certains des rongeurs se déchiquetant les uns les autres, prêts à tout pour avoir leur part de chair fraîche.

Une machoire plus puissante que les autres se referma sur la cheville de la jeune femme qui luttait comme une folle. Le craquement qui s'en suivit la fit chuter à terre. Elle hurla de terreur, tentant de rouler sur elle même pour se débarrasser de ses assaillants. Ses bras, autour de son visage pour le protéger, ne lui semblaient plus qu'une série de coupures, une masse de chair sanguinolante qui n'amenait que douleur.

Alors qu'elle se croyait perdue, condamnée à une fin atroce, les rats s'éjectèrent d'elle comme si elle était soudainement devenue la plus indésirable des créatures.

Elle sanglota en ramenant ses membres meurtris et poisseux de sang contre elle. Au travers d'un voile de souffrance, elle crut distinguer Zachariah, la main refermée sur la gorge du clochard dont le dos formait un angle bizarre.

Josef cracha plusieurs filets d'un sang noirâtre, avant de tousser vigoureusement.

“ C'est bon... Zachy... C'est bon... ”

Ce dernier ressera son emprise sur son adversaire, le fixant froidement.

“ Parles maintenant. ”

“ Ils ont... Ils l'ont... Ton pote... Elle te l'échangera contre... Ça. ” Il pointa Evie qui gisait toujours piteusement à terre.

Zachariah sembla perturbé un instant.

“ Où sont ils ? ”

Josef le toisa un instant, indécis, mais la pression sur sa gorge l'aida à se décider.

“ Le mémorial de Sunset Boulevard...”

Zachariah se contenta d'hocher la tête et le jeta au sol lui arrachant un ricanement. Il vint ensuite près d'Evie et, s'agenouillant devant elle, glissa ses bras sous la jeune femme, la soulevant du sol comme si elle ne pesait rien.

Elle s'abandonna contre lui, le fixant avec une certaine admiration tandis qu'il marchait jusqu'au véhicule. Il semblait visiblement perturbé par la vue abondant de la jeune femme. Il l'aida à s'installer côté passager, la jeune femme laissant échapper plusieurs gémissements de douleur tandis que ses plaies frottaient contre le cuir du fauteuil.

Il contourna ensuite le véhicule, s'installant côté passager en évitant de la regarder. Assis derrière le volant il semblait indécis.

Elle se redressa un peu au prix d'un nouveau geignement de douleur. Elle commençait à s'habi à la souffrance mais celle dans sa cheville demeurait insupportable. Le moindre contact avec le sol lui irradiait l'ensemble du mollet comme si tout ses nerfs se mettaient soudainement à bouillir.

Elle examina ses vêtements avec une certaine horreur, constatant l'étendue des dégâts. Finalement, voyant que le véhicule ne bougeait toujours pas elle se tourna vers le conducteur.

“ Vous allez... Sauver... Votre ami... ? ”

Zachariah sembla arraché à ses pensées et posa son regard sur elle.

“ Je dois y réfléchir. (Il marqua une pause, contrarié.) Je devrais vous mener au prince. ”

Elle passa négligemment son doigt dans un des nombreux trous de sa manche, grimaçant. Elle se sentait déjà légèrement mieux, la douleur ayant céder sa place à un fourmillement constant sous l'ensemble de sa peau. Zachariah l'observa, pensif, puis démarra enfin le 4x4. Elle jeta un oeil au parc tandis qu'ils s'éloignaient, frissonnant. Elle ne douta pas qu'ellr continuerait longtemps de voir des rats à chaque fois qu'elle fermerait les yeux.

La voiture roulait lentement, Zachariah semblant chercher quelque chose. Les rues défilaient avant qu'une rangée de pavillons ne le mène à se garer devant une des demeures au jardin soigné.

Il descendit la fenêtre du 4x4, humant l'air puis hocha la tête comme pour lui même. Quittant le véhicule, il laissa Evie perplexe avant de s'élancer autour de la maison avec une vitesse vertigineuse.

Elle ne le voyait plus et n'entendait pas un bruit avant qu'il n'ouvre sa portière, faisant faire un bond au coeur de la jolie brune. Il l'attrapa sous l'épaule, l'aidant à se mettre debout malgré la douleur, et la guida vers l'arrière de la maison. Chaque pas lui provoquait une grimace et une nouvelle vague de douleur.

L'arrière de la maison donnait sur une petite terrasse attenante à la maison. Une grande baie vitrée laissait voir l'intérieur du salon propre et rangé. Une multitude de points lumineux appartenant à quelques appareils électroniques permettaient d'en distinguer les contours. Une des portes fenêtres avait été endommagée et gisait grande ouverte.

Zachariah la conduisit à l'intérieur avant de refermer prudemment derrière eux. Il la mena ensuite à l'étage, la soulevant de terre pour la porter dans les escaliers. Elle passa instinctivement ses bras autour de son cou, délassant sa cheville avec une grimace. Ils entrèrent ainsi dans une grande chambre, un dressing assez impressionnant faisant dos au lit. Zachariah la laissa mettre pied à terre avant de se détacher d'elle.

“ Changez vous. On repart dans une quinzaine de minutes. ”

Une partie d'elle voulut protester en le voyant disparaître mais la douleur la maintenait dans un certain état de conscience. Se traînant jusqu'au lit, elle s'asseya lourdement sur le bord, gémissant. Elle ouvrit péniblement la fermeture de sa veste et s'en extirpa difficilement. Examinant son soutien gorge tâché de sang, elle s'en défit également, le laissant choir sur le lit. Ses seins ronds pointaient fièrement et avaient été, eux, épargnés par les attaques vicieuses de la horde de rongeurs. Elle frémit, laissant ses mains courirent sur le haut de son corps, effleurant le côté de sa poitrine.

Prenant une profonde inspiration, elle défit le bouton de son pantalon et le fit glisser le long de ses jambes non sans difficultés et non sans douleur. Evie s'installa finalement sur le lit, examinant son corps attentivement. Les blessures guérissaient dejà, certaines n'étant plus que des hématomes ou des éraflures. Un flash back de la vague de rats la submerga, lui rememorant les yeux fous injectés de sang, les pelages maculés de sang et de crasse parfois transpercés par quelque os brisé, les crocs jaune orangé se mouvant au rythme des claquements de machoires. Elle pouvait encore les sentir partout sur elle, tremblante. Ce bruits de milliers de pattes, ces grattements, ces couinements... Et enfin la forte odeur de putréfaction...

Son coeur se serrait dans sa poitrine et elle sentit son estomac se nouer. Il lui fallait une douche ou n'importe quoi. Elle songea à appeler Zachariah mais elle craignait ses propres réactions. Aussi commença t'elle à déambuler dans le couloir, en culotte, s'appuyant contre les murs pour tenter d'épargner sa cheville. Elle du faire plusieurs pauses, gémissant à chaque fois qu'un pic de douleur lui transpercait la cheville. Elle finit enfin par trouver la salle de bain, entièrement carrelée d'un noir brillant, une grande cabine de douche occupant la moitié de la pièce. Ne prenant même pas la peine de verrouiller derrière elle, elle se débarrassa de sa culotte maculée de sang et se glissa sous le jet d'eau chaude, laissant échapper un soupir d'aise. L'eau qui s'écoulait sur son corps atteignait le sol carrelé avec une teinte rougeâtre. Encore une fois, à mesure que ses mains s'égaraient sur sa peau soyeuse, elle sentit le rouge lui monter aux joues et fut prise d'une envie irrésistible d'approfondir ses caresses, mais des pas dans le couloir la ramenèrent à la raison et elle se dépêcha de sortir de la douche, s'enroulant dans une serviette. Prenant une profonde inspiration, elle s'avança en claudiquant dans le couloir, encore trempée. Elle entra tant bien que mal dans la chambre, tombant nez à nez avec Zachariah. Elle rougit faiblement, baissant les yeux, pressant la serviette fine contre sa poitrine.

“ Désolée je... ”

Zachariah se racla la gorge, attirant l'attention de la jeune femme qui s'empoupra en remarquant le vieil asiatique qui la déshabillait des yeux, un sourire narquois au lèvres. Il arborrait des cheveux long et une fine moustache grise, plutot longue sur les bords qui encadrait sa bouche mais n'était pas suffisamment fournie pour supprimer l'attention qu'appelait son oeil droit barré par une cicatrice qui courrait de sa joue à son arcade. Son costume trois pièces lui donnait un air de croquemort. Il se tenait pencher sur une canne de bois banale.

Il siffla admirativement.

“ Tu dis tout en deux fois. Je serais venu sans hésitation si j'avais su qu'elle ressemblait à ça. ”

Zacharia l'ignora, Evie, elle, était plus que mal à l'aise. Elle ne savait comment réagir. Pour une fois qu'on ne la regardait pas comme un petit four sur un buffet... Mais ca n'en était pas moins gênant et sa peau particulièrement sensible lui rappelait qu'elle était entièrement nue et que sa serviette parvenait à peine à couvrir les zones le plus intimes de son corps.

“ Bon... Bonsoir... ” Elle déglutit, embarassée, le fixant. Un fin sourire courrut sous la moustache grise. Il adressa un regard étrange à Zachariah avant de s'approcher de la jeune femme.

“ Bien le bonsoir délicieuse créature. ”

Il lui tendit la main, l'observant attentivement. Evie sentait en son fort intérieur que quelque chose n'allait pas. Ça contrastait fortement avec ce qu'elle avait préssenti jusque là. Il n'était pas question de noirceur et de putréfaction mais quelque chose d'autre, puissant, féroce, sauvage. Elle tendit la main en retour pour la lui serrer, le fin duvet de ses avant bras se hérissant.

Elle eut un petit mouvement de recul quand les doigts parcheminés se refermèrent sur sa main et l'attirèrent vers le visage rieur du vieil homme. Il y déposa un baiser doux et chaud.

“ Notre rencontre est un plaisir et un honneur. Mais pardonnez mes manières, je suis Ximenwei, votre humble serviteur. ”

Evie, toujours aussi mal à l'aise, nota qu'il n'avait toujours pas lâché sa main. Elle jeta un regard interrogateur au déformé qui n'y réagit pas. Elle déglutit, maintenant la serviette en place de son mieux.

“ Je suis... Evie... ”

Zachariah la regarda étrangement avant de s'en désintéresser à nouveau. Le vieil homme sourit, révélant des dents nacrées, humaines, qui la rassurèrent quelque peu. Il tourna la main de la jeune femme et déposa un nouveau baiser dans le creux de son poignet, envoyant une décharge dans tout son corps, la rendant écarlate. Elle trébucha, sa cheville lâchant et fut rattr in extremis par le vieil homme dont une des mains atterrit sur ses fesses heureusement encore couverte par la serviette. Les mains étaient avides d'exploration et elle pouvait sentir les doigts trapus tester la fermeté de sa fesse droite.

Zachariah se racla la gorge une nouvelle fois, mais cette fois il semblait agaçé. Le vieil homme aida la jolie brune à se stabiliser et recula de quelques pas, arborrant un sourire espiègle.

Le déformé renchérit.

“ Nous n'avons pas le temps pour vos jeux. ”

Le vieil homme eut un sourire narquois.

“ Alors c'est vrai, les sangsues ne pensent plus qu'à leur estomac... ”

Il y avait visiblement une forte tension entre les deux hommes. De l'agressivité même. Zachariah émit un grognement.

“ Mordecai n'a pas beaucoup de temps... ”

Le vieil homme le coupa, provocateur.

“ Et pourquoi ne mendies tu pas les faveurs de ton prince ? Laisse moi deviner, il n'a que faire de deux parias comme vous... ”

Zachariah se tendit. Evie l'avait déjà vu faire et savait que c'était de mauvais augure. Le vieil homme le fixait ardemment, ne se reposant plus du tout sur la canne, l'oeil brillant.

“ Le prince n'a aucune dette envers Mordecai. Toi si. ”

L'asiatique arborra une expression dédaigneuse, mettant fin à la conversation d'un geste de la main.

Il quitta la chambre, Zachariah sur les pas. Ce dernier jeta un bref coup d'oeil à Evie, distant.

“ Nous attendrons en bas. Dépêchez vous. ”



Le dressing comptait des robes et des jupes somptueuses, mais après l'épisode avec les rats, malgré un pantalon en cuir de bonne qualité, les choix vestimentaires de la jeune femme s'orientèrent vers des vêtements résistants et épais.

Un débardeur serré maintiendrait sa poitrine en place si elle devait bouger. Accompagné d'un boxer noir en coton le résultat n'était pas si mal. Elle enfila par dessus le jeans le plus épais qu'elle pu trouver et un sweat à capuche assez ample qui ne genait pas ses mouvements pour autant. Son choix de chaussures fut plus difficile mais elle trouva une paire de bottines qui maintenait particulièrement bien sa cheville et lui permettait de marcher en boitant à peine. La douleur était toujours présente mais elle s'y habituait petit à petit.

Quand elle descendit l'escalier, se cramponnant à la rembarde, Ximenwei et Zachariah occupaient chacun un côté du salon. Deux paires d'yeux se tournèrent vers elle, l'examinant. Zachariah opina avec approbation, le vieillard lui se contenta de sourire.

Evie alla instinctivement patienter aux cotés de Zachariah qui sembla satisfait.

“ Nous partons. Nous avons encore beaucoup à faire et manquer le rendez vous avec le prince n'est pas envisageable. ”

Le vieil asiatique se contenta de rire et tendit son bras à la jeune femme qui s'efforçait de suivre le déformé.

Elle le prit avec une certaine méfiance mais apprécia grandement le support offert. Il était bien plus robuste que son apparence laissait à le penser.

Zachariah reprit le contrôle du 4x4, silencieux. Evie jugea instinctivement que sa place était à l'arrière et fut surprise d'être rejointe par Ximenwei. Il se montrait plus tactile que nécessaire et ne manquez pas une occasion de mettre sa main sur la cuisse de la jolie brune.

Evie était mal à l'aise mais, forçant un sourire, saisit sa chance d'être face à quelqu'un plus prompte au dialogue.

“ Vous êtes un ami... De Mordecai ? ”

Le vieillard se fendit d'un rictus.

“ Ami est un bien grand mot. Surtout parmis les sangsues, vous le découvrirez bien vite. ”

Elle fronça les sourcils. Une part d'elle n'appréciait guère qu'il manque de respect à Zachariah.

“ N'allons nous pas justement prendre des risques pour hum... Une "sangsue".. ”

Le vieillard se fendit d'un sourire, sa main pressant la cuisse de la jeune femme, la caressant du pouce.

“ Nous... ? Est ce bien là un choix héroïque de votre part Evie ? (Il marqua une pause, la scrutant intensément.) Non vous n'êtes qu'un pion sur leur échiquier du pouvoir. ”

Elle se renfrogna et croisa les jambes, forçant le vieil homme à retirer sa main.

Le mémorial, un grand bâtiment de pierre plutôt abrupt, n'était pas très loin. Une porte unique surplombant de long escaliers et entourée par deux colonnes donnait à l'ensemble une vague ressemblance avec un tombeau égyptien. Evie frissonna, se demandant jusqu'à quel point c'était de mauvais augure.

Quand ils sortirent du 4x4 sa cheville semblait déjà moins douloureuse. Elle refusa l'aide du vieil asiatique aux mains balladeuses et talonna Zachariah qui escaladait les marches d'un pas lourd.

Ximenwei plissa les yeux, les examinant un instant, puis leur emboita le pas. Evie pouvait sentir le regard rivé sur son fessier tandis qu'elle grimpait tant bien que mal.

Ils entrèrent dans le bâtiment sans encombre, les portes vitrées automatiques s'écartant sur leur passage.

L'intérieur du bâtiment était lumineux et accueillant, les murs de marbre nacré mis en valeur par les spots encastrés à l'éclairage chaleureux. Un tapis rouge épais et moelleux suivait les couloirs et escaliers, parsemés d'écritaux en laiton probablement censé indiquer leur chemin aux visiteurs.

Zachariah ne ralentit pas et les guida à travers un dédale de couloirs identiques, visiblement familier avec les lieux. Evie faisait de son mieux pour suivre, essayant vainement de mémoriser le chemin emprunté. Elle jeta un bref coup d'oeil par dessus son épaule, remarquant l'absence de Ximenwei.

“ Heu... ”

“ Silence. Avancons. ”

Quelque peu confuse par l'attitude du déformé qui ne la regarda même pas, elle grimaça et pressa l'allure. Ils arrivèrent dans ce qui ressemblait fort à un cul de sac, le couloir s'arrêtant sur une impasse meublée avec une petite table style Louis XVI soutenant un bouquet de roses fanées. Une caméra était fixée dans l'angle gauche, surveillant le couloir dénué de portes ou de passage. Zachariah s'arrêta face à un mur bien en vue de la caméra. Evie, dubitative, s'arrêta près de lui, plongeant ses mains dans son sweat en examinant les alentours.

Après quelques minutes à rester à côté de Zachariah qui n'avait pas bougé d'un pouce elle commença à se sentir ridicule. Ximenwei était toujours hors de vue et le bâtiment semblait désespérément vide.

Quand un cliquetis métallique se fit entendre et qu'un pan entier de mur commença à s'enfoncer dans le sol, révélant des escaliers qui plongeaient dans les ténèbres, elle sursauta, stupéfaite. Le déformé lui jeta un regard étrange, presque inquiet, ce qui la perturba plus qu'elle ne l'aurait voulu. Elle se raccrochait à lui, persuadée qu'il avait un plan et que tout se passerait bien, mais la jolie brune en était bien moins certaine désormais.

Elle emboita prudemment le pas de Zachariah, chaque nouvelle marche descendue lui envoyant une nouvelle décharge de douleur dans la cheville. Les marches étaient bien plus hautes que les précédentes. Elles semblaient gravées dans la roche et se révélaient pour le moins irrégulières. Le reste du tunnel qui les menait dans les profondeurs n'était guère plus accueillant, elle s'attendait presque à y croiser un dragon ou quelque créature maléfique de série télé.

Au bas de l'escalier, un grille en métal forgé dotée d'une porte les attendait et leur donnait un aperçu sur un vaste réseau de grottes souterraines. La luminosité était particulièrement faible mais les yeux d'Evie s'y adaptait plutôt bien.

La porte n'était pas verrouillée malgré une lourde serrure. La jeune femme marqua une pause, hésitante. Elle était plutôt nerveuse à l'idée de se retrouver enfermée dans les ténèbres, surtout en connaissant la nature de ses occupants. Zachariah lui jeta un regard plein de sous entendus et bon gré malgré, elle s'aventura à sa suite dans l'étrange dédale de terre et de roche.

Ils croisèrent des ombres qu'Evie ne sut distinguer mais elle se rapprochait un peu plus de Zachariah à chaque fois, nerveuse. Son esprit lui jouait des tours et elle aurait été bien incapable de savoir ce qui était réel ou pas lorsqu'elle percevait un mouvement ou un bruit.

Lorsqu'ils atteinrent une vaste salle creusée dans la roche, éclairée par des spots de chantier, Evie du fermer les yeux quelques instants, éblouie. Une voix suave et mélodieuse la força à les rouvrir.

“ Et bien Zachariah, cela faisait si longtemps. C'est un plaisir de te revoir parmi les tiens. ”

La femme qui parlait était d'une paleur laiteuse. Vêtue d'un kimono de soie bleu nuit et d'un pantalon de tailleur probablement hors de prix, ses longues jambes s'arrêtaient sur des escarpins de créateur. Deux immenses yeux bleu nuit fixaient intensément Zachariah et Evie tour à tour. Ses cheveux mi long ornés d'une frange encadraient son visage fin et délicat. Quelque chose de félin et de dangereux émanait d'elle, Evie pouvait le sentir au plus profond de son être.

Crête-de-métal était là aussi. Elle avait subi des dommages effroyables, le côté de son visage et tout son flanc gauche était horriblement brûlé, comme si on l'avait trempé dans l'acide. Les doigts de sa main gauche semblaient rongés et il n'en restait guère plus que des moignons. Elle fixait Evie avec une haine féroce. La jolie brune tréssaillit, consciente qu'à la moindre opportunité Crête-de-métal la mettrait en pièce. Un autre "déformé" occupait la pièce. Il était étonnamment grand et costaud ce qui contrastait avec sa tête hideuse assez petite qui semblait avoir été plantée entre ses épaules par erreur. Le costume qu'il portait faisait penser à un de ces parrains de la pègre dans les années 40 croisé avec un costume d'officier. Il les toisait de haut, stoïque. Evie aurait pu plaisanter sur un lien de parenté avec Zachariah si tout son être ne lui hurlait pas de déguerpir. Pour une fois même la part sombre qui évoluait en elle approuvait sans réserve.

“ Moira... ” Zachariah fit ce qui pouvait ressembler à une courbette. Il était tendu mais s'efforcer de rester calme et mesuré. Evie, de plus en plus nerveuse cacha ses mains tremblotantes dans les poches de son sweat, ses yeux passant d'un individu à l'autre sans oser les fixer trop longtemps.

Moira lui signifia d'un mouvement gracieux et d'un sourire charmeur de se redresser. Elle avança à pas souples vers eux sous les regards nerveux de ses deux acolytes.

“ On m'a rapporté que tes aventures avec son altesse s'étaient révélées... Intéressantes. ”

Elle effleura le torse et l'épaule de Zachariah alors qu'elle passait devant lui, puis, elle s'approcha avec curiosité de la jolie brune qui n'osait plus respirer.

“ On raconte bien des choses à la cour du prince mais je suis étonné que ca parvienne jusque ici. ”

Moria fronça les sourcils, jetant un regard en coin à Zachariah visiblement peu ravie de sa réponse avant de reporter son attention sur la jeune femme qui lui faisait face. Elle pencha légèrement la tête de coté, dévisageant Evie qui n'en menait pas large, et glissa une main dans les cheveux de la jolie brune. Elle joua avec, les caressant doucement. Evie déglutit, s'efforçant d'éviter son regard.

“ Ne jouons pas à ça Zachariah. Tu sembles penser qu'elle est le golconde... Et elle va rester avec nous...”

Moira laissa courir le bout de sa langue sur ses lèvres avant de se pencher en avant, venant humer la gorge d'Evie qui était paralysée par la peur. Elle laissa échapper un petit cri et eut un mouvement de recul quand Moira laissa courir sa langue humide et froide le long de sa jugulaire. Moira laissa transparaitre un sourire satisfait.

Zachariah pivota vers elle, gardant un oeil sur les deux complices de Moira.

“ Si il y a bien une personne qui tient ses engagements c'est vous. Alors permettez moi de demander ; Où est Mordecai ? ”

Elle eut un sourire étrange et après un dernier long regard, elle s'éloigna de la jolie brune dont le stress redescendait faiblement. Elle retourna prêt de ses deux compères et, faisant face à Evie et Zachariah, elle claqua des doigts.

Un autre être déformé arriva. Entièrement de cuir vêtu, dans un accoutrement qui évoquait les pratiquants les plus extrêmes de SM, il tirait une chaîne derrière lui. Il donna un coup violent sur la chaîne et ils entendirent Mordecai s'effondrer au sol peu avant de le voir.

Mister-SM ricanna en voyant le sauvage essayer de se relever, péniblement, geignant. Il attendit que son captif soit pratiquement à genoux pour le faire s'effondrer en avant. Evie laissa échapper un cri d'horreur et plaqua ses mains sur sa bouche en le distinguant enfin pleinement. Ses épaules n'étaient plus que des moignons, on lui avait arraché les bras et Mordecai en était réduit à se contorsionner comme il le pouvait pour se relever. Malgré son état, la rage pouvait encore se lire dans ses yeux.

Moira se fendit d'un sourire, observant attentivement Zachariah. Ce dernier était plus stoïque que jamais, il ne bougeait plus d'un poil, les yeux posés sur l'estropié. Evie ne parvenait plus à contenir ses tremblements et sentait son estomac se révulser.

Mister-SM semblait particulièrement jovial, il continua de trainer Mordecai, lui faisant régulièrement perdre l'équilibre, jusqu'à ce qu'ils rejoignent Moira. Il lui tendit la laisse improvisée puis se tourna vers Zachariah et Evie, un sourire malsain couvrant son faciès quand son regard se posa sur la jeune femme.

Moira joua distraitement avec la chaîne, jetant un regard amusé à Mordecai qui grinçait des dents, la toisant avec haine.

“ J'vous... Buterais... Tous... ”

Moria éclata de rire.

“ Et il continue encore d'aboyer... ”

Zachariah jeta un coup d'oeil à Evie, puis ses yeux tracèrent une ligne imaginaire jusqu'à Mordecai avant d'examiner chacun des protagonistes. Moria avait reporté son attention sur lui, un étrange sourire aux lèvres.

Ses acolytes restèrent pratiquement figés quand il se propulsa vers Mordecai à une vitesse impossible, prenant l'apparence d'une brume dont aucun oeil n'était assez rapide pour percevoir les détails. Evie voulut hurler mais il était trop tard lorsqu'une seconde brume l'intercepta, les deux formes indistinctes s'écrasant dans le mur le plus proche dans un nuage de poussiere.

Moira, toute aussi vive, l'avait attrapé au passage et le tenait maintenant plaqué contre le mur d'une main, ses longs doigts parfaitement manucurés enserrant la gorge du déformé. Ce dernier semblait encore sonné par le choc.

“ Zachariah... Celui qui a toujours un plan... Celui qui voit tout... Et pourtant... (Elle se farda d'un rictus sinistre.) J'ai appris pour tes... Capacités... Comme tu peux le voir j'ai pu profiter d'enseignements similaires... (Elle ricanna, Zachariah la fixait à son tour, étrangement silencieux.) Ton maitre avait d'ailleurs un goût... Intéressant. ”

Zachariah exhiba un étrange sourire.

“ La diablerie... Voilà à quoi vous en êtes réduite... ”

Moira se pencha vers lui avec un air de défi.

“ Oui et j'ai hâte de voir l'étendue de tes capacités de mon propre point de vue. (Elle jeta un regard carnassier à Evie.) Et maintenant que je possède de quoi accomplir le golconde... Tout ça grâce à ton plan... ”

Elle gloussa. Evie jeta un oeil vers le passage par lequel ils étaient entrés, hésitante. La situation semblait prendre la pire des tournures.

Moira se tourna vers Crête-de-métal qui afficha un sourire carnassier, ne lachant plus Evie des yeux, sentant son moment arriver.

“ Ramène la moi... Vivante... Tant qu'elle peut nous fournir son sang le reste m'importe peu... ”

Crête-de-métal ricanna.

“ Je vais te tailler en pièce... Cours ! ”

Son coeur bondissant dans sa poitrine, Evie n'eut pas besoin qu'elle insiste. Elle pivota prestement et s'élança à toutes jambes vers les tunnels sombres.

Crête-de-métal émit un second ricannement avant de se jeter à sa poursuite, certaine que l'humaine ne lui échapperait pas. Elle poussa un cri de rage et de frustration quand une masse sombre lui rentra dedans, la coupant dans son élan et l'envoyant à terre.

Mister-SM aboya des insultes en se dépêchant de rattr la chaine de Mordecai qui s'était jeté dans les jambes de la déformé gravement brulée. Ce dernier était encore étourdi après avoir subi le choc de plein fouet.

La jeune femme entendit les cris et les jurons mais elle ne s'arrêtait plus, courant à perdre haleine, bien décidée à vendre chèrement sa peau. Elle faillit plusieurs fois trébucher dans l'obscurité mais elle tint bon. A mesure qu'elle prenait de la distance, des sentiments contradictoires l'envahissaient ; l'espoir d'échapper aux sombres projets de Moira et un fort sentiment de culpabilité et d'inquiétude pour Zachariah.

Son coeur s'arrêta de battre quand elle remarqua la paire d'yeux jaunes qui arrivait en face d'elle, instinctivement elle voulut faire demi tour mais déjà une poigne de fer se refermait sur ses cheveux, la déséquilibrant douloureusement tandis que Crête-de-métal la forçait à rapprocher son visage du sien.

“ Me dis pas qu't'y croyais vraiment ! Qu'tu pensais avoir une chance... ”

Elle la frappa dans l'estomac de sa main en piètre état, la pliant en deux, lui coupant le souffle. La douleur ne submergea pas Evie tout de suite, mais quand elle arriva elle ne put se retenir de hurler de douleurs, les larmes lui montant aux yeux, persuadée que les dommages allaient bien au delà de ce qu'aurait pu faire n'importe quel humain. La déformée se pencha vers son oreille pour lui chuchoter :

“ Crois moi on en a pas fini toutes les deux... ”

D'un pas décidé elle tira Evie par les cheveux jusqu'à la grande salle, la ramenant à Moira. La jeune femme, encore embrumée par la douleur, tremblante, s'efforçait de suivre, ses mains aggripées à l'avant bras de la déformée pour essayer de la faire lâcher ou au moins éviter qu'elle ne finisse par lui arracher ses longues boucles brunes.

Elle geignait de douleur et tentait en vain de se dégager.

La première chose qu'Evie vut en arrivant dans la salle qu'elle avait tenté de fuir fut Zachariah, agenouillé au sol devant Moira, impassible. Cette dernière jubilait, jouant avec la chaîne attachée au cou de Mordecai. Ce dernier tremblait de rage, les yeux rivés au sol. Son corps portait de larges éraflures incrustées de poussière, comme si on l'avait agressivement frotté contre le sol. Mister-SM attendait à proximité avec le déformé costaud à la petite tête, vigilent.

Crête-de-métal jeta la jolie brune au sol, aux pieds de Moira, un sourire malveillant aux lèvres.

“ Promettez moi que je pourrais jouer avec elle... J'ai des choses à régler... ” Elle agita ses moignons de doigts rongés, adoptant une posture beaucoup plus sur la défensive face à Moira. La femme au kimono de soie releva le menton la fixant avant d'aborder un sourire carnassier.

“ Comme je l'ai dis... On a besoin d'elle vivante... Ce qui laisse une infinité de possibilités... ”

Moira gloussa avant de reporter son attention sur Zachariah. Elle fit un signe distrait au costaud et à Mister-SM et leur désigna Mordecai puis le sol près de Zachariah. Les deux acolytes s'exécutèrent et attrapèrent le sauvage, le jetant sans ménagement à côté de Zachariah, le forçant à s'agenouiller.

Evie était terrorisée, elle n'osait se redresser, observant la scène comme absente. Elle pouvait sentir la présence de Crête-de-métal dans son dos, prête à l faire souffrir au moindre signe de Moria.

Moria, aux anges, vint se placer devant eux et s'accroupit au niveau de Zachariah, faisant courir ses doigts sur son visage.

“ Comment as tu pu croire un seul instant que tu pouvais me doubler... ? Petit rat insignifiant... ”

Zachariah regardait fixement devant lui, stoïque. Il marqua une pause puis dirigea lentement son regard vers Moria.

“ Vous vous trompez... ”

Elle pencha la tête de côté, confuse.

“ Va tu me supplier et me dire que tu as fait tout ça pour moi... ? ”

Zachariah d'un flegme inégalable ne cilla pas.

“ Non. Vous vous trompez. Ce n'était pas mon plan. Et... ”

Moira se redressa légèrement, méfiante.

“ Et... ? ”

Il arborra un rictus qui pouvait s'apparenter chez lui à un sourire. Il semblait soudain comme libéré d'un lourd fardeau.

“ Et ma vitesse n'est pas mon meilleur pouvoir. ”

L'air se déchira derrière Mister-SM tandis qu'une masse de muscles et de poils se matérialisait, comme si la lumière venait seulement d'être autorisée à le refléter. Evie n'arrivait plus à détacher son regard de la créature impressionnante qui claqua ses machoires sur la tête de Mister-SM, lui arrachant littéralement. Le corps détaché de la tête, l'ensemble tombant en une poussière verdâtre sur le sol avant de se disperser. L'homme loup passait les deux mètres cinquante de haut. Tout ses muscles étaient tendus à l'extrême sous son pelage et aucun culturiste n'aurait pu rivaliser avec lui en terme de volume. Sa tête était définitivement celle d'un loup. Sa gueule était rempli de crocs acérés. Une longue cicatrice barrait un de ses yeux. Le plus impressionnant restait ses griffes semblables à des couteaux. Evie déglutit en apercevant le membre massif entre les cuisses du monstre. Le carnage qu'il s'apprêtait à commettre semblait le rendre particulièrement enthousiaste.

Le costaud voulut réagir mais dejà l'homme loup le frappait d'un long crochet au ventre, les griffes taillant dans la chair avec un bruit mat, la violence du coup l'envoyant voler.

Zachariah se jeta à grande vitesse contre Moira, la propulsant plus loin, puis dans le même élan, inclina sa trajectoire, se jetant en avant. Il atterrissa entre Crête-de-métal et Evie, fixant attentivement la déformée tandis que l'homme loup les rejoignait, visiblement concentré sur sa prochaine proie. Crête-de-métal jeta un bref coup d'oeil vers ses acolytes, soudain peu sure d'elle et pris la fuite, le monstre bipéde sur ses traces.

Zachariah se retourna vers une Evie abasourdie et complètement perdue. Il lui tendit la main et elle s'en saisit sans hésitation. Il la releva avec une précaution qu'elle apprécia. Leur répit fut de courte durée.

“ Il semblerait que nous soyons deux à être déçus aujourd'hui... ”

Moira était derrière Mordecai, elle lui enserrait la gorge d'un bras, les dévisageant. Zachariah ouvrit de grands yeux et voulut réagir, se propulsant vers le sauvage mais il fut trop lent. Moira plongea sa main libre dans la bouche d'un Mordecai horrifié, le forçant à se pencher en arrière, et d'un geste sec et violent, elle lui arracha le crane de la colonne vertébrale. Les yeux de Mordecal roulèrent vers Zachariah en un grotesque spectacle avant qu'il ne tombe en poussière.

Evie sentit la douleur de Zachariah la submerger. Un mélange de haine pure et d'une tristesse insoutenable. Il s'était jeter sur Moira et les deux opposants s'affrontaient désormais dans leur propre bulle, à une vitesse défiant les perceptions humaine.

Du coin de l'oeil Evie vit le costaud se relever difficilement. Elle jeta un bref coup d'oeil aux alentours et cria à Zachariah :

“ On doit y aller ! ”

Les deux brumes continuèrent de danser jusqu'à ce que les deux opposants se figent. Zachariah tenait Moira avec une clé de bras d'un côté et armait son autre bras, ses ongles griffus prêt à porter le coup de grâce.

Il allait probablement l'achever quand une alarme sonore envahit l'ensemble des lieux. L'homme loup surgit, les babines et les griffes couvertes de sang. Le costaud se figea en apercevant le monstre mais ce dernier ne lui prêtait pas attention.

L'homme loup émit un grognement guttural avant d'articuler difficilement des mots difficilement compréhensibles.

“ Mort... Dette finie... ”

Déjà des bruits de pas se multipliaient en provenance des nombreux tunnels. L'homme loup renifla vers la sortie, prêt à s'élancer et à les abandonner sur place.

Moria riait à gorge déployée.

“ C'est trop tard pour vous... Je gagne. ”

Evie était paniquée, dépassée par sa propre impuissance. Elle se tourna vers l'homme loup et le hêla avant qu'il ne fuit.

“ S'il vous plait... Aidez nous... Aidez moi... ”

Ce dernier la fixa intensément puis observa Zachariah qui semblait comme figé, maintenant une Moira hystérique. Il grogna puis inclina la tête.

“ Partir... Maintenant... ”

Evie hocha la tête son coeur battant à tout rompre.

“ Zachariah !!! ” La jolie brune lui lança un regard désespéré, sentant leurs chances de survivre s'amenuiser à chaque nouvelle seconde qui s'écoulait.

Ce dernier sembla sortir de sa torpeur. Il posa les yeux sur Evie et hocha la tête faiblement puis, semblant se rendre compte qu'il tenait toujours Moira, il observa un court instant le bras immobilisé. Le craquement sec lorsqu'il lui brisa fit frissonner Evie. Elle hurla de douleur avant qu'il ne se penche pour lui murmurer quelque chose. Ça prenait du temps, beaucoup trop de temps, et l'homme loup commençait à grogner d'impatience. Le costaud de son côté saisit la première occasion pour fuir dans un des tunnels adjacents, probablement pour guider les renforts. Zachariah frappa violemment Moira, la projetant au sol, puis il s'élança vers Evie et l'homme loup, agrippant brutalement le poignet de la jeune femme au passage. Elle gémit de douleur mais lui emboita le pas aussi prestement que possible.

L'homme loup partit en tête, prêt à en découdre. Déjà au bout du premier corridor, cinq acolytes de Moira les attendaient. L'homme loup se jeta sur eux, gueule béante en avant, les bras ouverts prêt à déchiqueter tout ce qu'il attrait. Il en blessa horriblement deux et partait à l'assaut du troisième. Zachariah lacha Evie pour le suivre dans la bagarre.

La jeune femme jeta un coup d'oeil inquiet derrière elle, e de s'arrêter. Zachariah et l'homme loup faisait un duo particulièrement meurtrier et ils se relancèrent bien vite dans leur course à la survie mais, derrière eux, leurs poursuivants semblaient maintenir une allure efficace.

Evie sentit son coeur s'emballer en posant ses yeux sur le bas des escaliers qui venaient d'apparaitre dans son champ de vision. La sortie était à leur portée. L'homme loup passa devant, arrachant littéralement la tête de l'homme qui descendait à toute vitesse leur fonçant dessus. Encore une fois il ne resta que poussière du cadavre. La jolie brune plissa le nez, grimaçant, ce qui ne l'empêcha pas d'emboiter le pas du loup en hâte.

Ils atteignirent rapidement le haut des marches pour découvrir sans réel étonnement que le passage était fermé. Les cloisons impossibles à distinguer les unes des autres faisaient ressembler l'endroit à un cul de sac.

“ Formidable... ” Zachariah fronça les sourcils, examinant les murs avec application. Il serra le poing, puis, prenant un peu de recul, l'abattit violemment dans le mur. La surface de marbre éclata, mais ce n'était qu'une couche superficielle. Il retenta plusieurs fois, en vain. Des pas commençaient à retentir au bas des escaliers. L'homme loup grogna et écarta le déformé d'un coup de patte puissant. Zachariah récupéra son équilibre aisément et jeta un regard noir au monstre, s'époussetant. Ce dernier gratta le sol au pied de la cloison, puis s'arqueboutant en avant, il plongea ses griffes sous le pan de mur et commença à soulever. Les bruits de pas se rapprochaient rapidement. Le métal se mit à grincer, des claquements métalliques semblant indiquer que quelque chose se brisait dans le mur. Evie, submergée par le stress à mesure que leurs poursuivants achevaient de les rejoindre, regarda avec une ferveur quasi religieuse le rayon de lumière artificielle se faufilant sous la porte. Tout les muscles de l'homme loup semblaient sur le point de lâcher, gonflés à bloc. Il parvenait à soulever le pan de mur de plus en plus haut. Il laissa échapper un grognement bref que Evie pris pour un signe. Elle jeta un coup d'oeil à Zachariah qui hocha la tête en retour et, décidée, elle se jeta à terre au niveau du pan de mur. Elle put apercevoir Zachariah à sa suite alors qu'elle roulait sous le pan du mur métallique de plusieurs tonnes, se redressant en hâte pour s'éloigner du passage. Zachariah sembla glisser en dessous, se retrouvant debout comme si de rien n'était.

Ils attendirent tout les deux impatiemment que l'homme loup les rejoigne. Ils entendirent des hurlements, suivi de coups de feu. L'homme loup dans un geste de panique tenta de se glisser sous le pan à son tour en le maintenant suffisamment haut. Le costaud à la petite tête en profita pour se jeter sur lui, le déséquilibrant. Le pan de mur retomba lourdement sur l'homme loup et le costaud, dans un bruit écoeurant. L'homme loup geignit de douleur, coincé sous le pan de mur qui lui avait sûrement broyé les côtes tandis que le costaud paraissait totalement inerte.

“ Tire le, il va changer ! ”

Evie fixa Zachariah, incertaine puis elle hocha la tête docilement. Lui, sur la défensive, s'aventura prudemment dans le corridor du mémorial, en quête de potentiels ennemis. La jolie brune se pressa aux côtés de l'homme loup. Elle voulut attr ses pattes ou mains, elle n'aurait su dire mais déjà ses membres tissaient. Elle parvint malgré tout à se saisir de l'abant bras qui ressemblait à s'y méprendre à celui de Ximenwei. Elle assura sa prise et commença à tirer pour l'extraire de sous le mur.

La différence de corpulence entre le vieillard asiatique et le déformé corpulent joua en sa faveur, lui donnant quelques secondes salvatrices pour extraire le corps en piteux état. La résistance du corps du costaud fut mise à rude épreuve mais quand tout les os de sa cage thoracique craquèrent, le pan de mur descendit d'une cinquantaine de centimètres d'un coup.

Evie laissa échapper un soupir de soulagement, rassurée de l'avoir sorti avant. Son répit fut de courte durée

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