0215 Balade Avec Mon Mec.
Après la bonne pipe du matin, mon Jérém bondit du lit, lair gai comme un pinson. On dirait que lidée de la balade avec Charlène lui fait très plaisir. Jaime penser que le fait quelle ait compris et accepté ce quil y a entre nous deux le fasse se sentir bien.
Le bogoss disparaît dans la petite salle de bain, sans vraiment fermer la porte derrière lui. Je lentends siffloter, alors que son jet dru du matin tombe lourdement dans les wc, suivi du bruit de la chasse deau.
« Tas lair tout guilleret toi » je lui lance, alors que je lentends tirer le rideau et ouvrir leau de la douche.
Et là, je le vois revenir dun pas rapide, et sapprocher du lit. Le bogoss se glisse sur moi, membrasse et me chuchote :
« Jaime bien me réveiller à coté de toi
ourson ».
« Ourson ? ».
« Ca ne te plaît pas ? ».
« Si, si
mais tu ne mas jamais appelé de cette façon ».
« Ca mest venu comme ça ».
« Pourquoi ourson ? Je ne suis pas poilu ».
« Mais tu es tout doux, tout mignon, comme un ourson, et moi jai envie de te prendre dans mes bras » il me répond, tout en me serrant très fort entre ses biceps puissants et en me faisant des bisous.
« Je suis un ourson alors » jaccepte volontiers ce petit surnom.
« Un ourson tantôt tendre, tantôt chaud comme la braise » il me lance, en quittant le lit, avec un sourire doux et adorable.
« Moi aussi jaime me réveiller à coté de toi » je finis par me rappeler de lui répondre, alors quil est à nouveau debout.
« Et jai aussi aimé cette pipe
» il me balance, en se dirigeant une nouvelle fois vers la salle de bain.
« Coquin ! » je lui lance assez fort pour quil lentende par-dessus le bruit de leau de la douche.
« Cest qui qui a commencé ? » il me relance, en apparaissant juste à moitié, le visage et les pecs, sur le côté de la porte, lair canaille à tomber « moi je nétais même pas réveillé
».
Il na pas tort, et je me contente de lui sourire.
Je suis très touché par ses mots : « jaime me réveiller à coté de toi », cest mignon et adorable. Mais il y a autre chose qui me touche encore davantage, qui me fait vibrer, qui me fait rêver. Un simple mot, inattendu et pourtant tellement chargé de significations.
« Ourson ».
Ourson. Je trouve ça adorable. Ourson. Cest mignon comme tout. Je suis son ourson. Ça me plaît. Mon Jérém ne cessera jamais de me surprendre et de me faire kiffer. Et de me rendre heureux. Au-delà de mes espoirs les plus fous.
Jérém vient de passer sous la douche et le bruit de leau change illico de tonalité. Avant de retomber dans le bac, elle atterrit désormais sur ses cheveux bruns, sur ses épaules, elle ruisselle sur sa peau, sur ses muscles, elle glisse sur sa queue. Jhésite à aller le rejoindre, mais en même temps je suis tiraillé par une autre envie, celle de voir débouler sa bogossitude « après douche », de le voir sortir de la salle de bain tout beau, tout propre, les cheveux encore humides, la peau fraîche, le déo entêtant, le t-shirt moulant, le boxer bien rempli.
Aussi, je trouve très excitant dimaginer mon bobrun sous la douche, juste en écoutant les bruits, les sons, comme une symphonie de la bogossitude, capables de mapporter des images très évocatrices. Ça commence par le petit claquement du bouchon du flacon du gel douche qui souvre, ça continue avec le sifflement du liquide dense qui gicle du petit orifice sous leffet dune pression plutôt virile, ça senvole au rythme des frottements de ses doigts qui savonnent ses beaux cheveux bruns, des claquements de ses paumes qui astiquent sa peau mate, ses pecs, ses abdos, ses aisselles, sa queue.
Autant de bruits, associés aux sensations olfactives, comme le parfum du gel douche qui se répand dans toute la maison à la vitesse de la lumière et qui vient violemment titiller mes narines, que mon cerveau traduit en images, des images très excitantes.
Tellement excitantes que je ne peux mempêcher de commencer à me caresser moi aussi. Dautant plus que cette petite pipe ma bien mis la trique et que je nai toujours pas joui. Ma queue ne se fait pas prier pour afficher le garde à vous. Je me branle en écoutant mon Jérém se doucher et en repensant au gabarit de sa queue qui remplit ma bouche, à ses giclées puissantes, à son goût de mec qui persiste sur ma langue. Mon excitation monte rapidement. Et lorsque je repense à la délirante sensation de mon gland collé à sa rondelle, sur le point de glisser dedans, lorgasme me prend par surprise. Des bonnes giclées bien lourdes aspergent mon torse, jusquà mon cou.
Cétait terriblement bon. Lorgasme passé, je me sens envahi par une profonde sensation de bien-être, comme si chaque cellule de mon corps et chaque neurone de mon cerveau étaient heureux. Jai limpression de planer. Je me sens presque stone. Je prends une profonde inspiration et je mempresse de messuyer. Je dois lutter contre lenvie de me glisser sous les draps et me rendormir une nouvelle fois.
Je regarde par la fenêtre, il fait beau. Ça sannonce bien pour la balade. Je me demande comment vont se passer ces « retrouvailles » avec Charlène, après cette soirée géniale, après cette mise au point avec Jérém, tout aussi géniale. Je me demande si le sujet de la relation entre Jérém et moi va revenir sur le tapis. Jimagine que si ça doit venir, ça ne pourra venir que de la part de Charlène. Je vois mal Jérém en parler de son propre chef, et je ne vois pas comment je pourrai parler de ça sans prendre le risque de gêner mon bobrun.
Jespère vraiment que Charlène va vouloir en savoir un peu plus sur notre relation. Jai hâte de voir comment Jérém va réagir, et ce quil sera en mesure dassumer. Jespère vraiment quil va accepter la complicité et la main tendue de Charlène, et que cela va laider à avancer durablement.
Le bruit de leau de la douche vient de sarrêter. Jentends le rideau de douche souvrir.
Quelques instants plus tard, mon bobrun déboule dans le séjour, les cheveux humides deau et de gel plaqués en arrière, un t-shirt gris épousant de façon vertigineuse ses pecs et ses biceps, un boxer rouge du meilleur effet, dont la poche est bien remplie, bien suggestive.
Le bogoss avance avec sa démarche de jeune mâle satisfait de son corps, baladant à la fois nonchalamment et avec panache sa jeune virilité. Sacré mec, mon Jérém.
En le regardant, je me surprends à repenser à ce qui sest passé, à ce qui a failli se passer, cette nuit. Je me demande si je ne lai pas tout simplement rêvé. Jai du mal à imaginer quun mâle comme Jérém, un mec aussi viril, puisse avoir envie de ça. Jai toujours imaginé mon bobrun comme étant actif, et uniquement actif.
Certes, depuis que je suis venu le rejoindre, il ma sucé à de nombreuses reprises. Cest bon, terriblement bon. Et il a lair dy prendre goût. Mais la sodomie, je ne sais pas. Mon bomâle qui a envie de se faire prendre ? Lui, si macho encore il ny a pas si longtemps, assumant le rôle de passif ? Jai du mal à le croire. Et pourtant, ça avait lair si réel. Une partie de moi a envie den avoir le cur net. Mais pour cela, il faudrait en parler avec le direct intéressé. Conversation potentiellement dangereuse.
En tout cas, moi jai vraiment kiffé.
Javais ressenti cette envie avec Stéphane, qui mavait fait ma première pipe, et dans une moindre mesure avec Martin. Mais avec Jérém, cest tellement plus puissant. Ce mec me fait vibrer comme personne dautre. Lorsquil me suce, il sait réveiller en moi des envies de mec actif et même « dominant ». Non pas dans le sens de jouer au petit macho, de vouloir soumettre lautre. Cest plutôt dans le sens davoir envie dexprimer mon côté masculin, et de sentir que cela peut faire de leffet. Je sais quen tant que passif je peux donner du plaisir. Jai envie de sentir que je peux en donner aussi en tant quactif. Et cet aperçu de sodomie active, ma donné envie de découvrir comment cest « de faire le mec ». Jai envie de goûter à ça. Est-ce quil sera prêt un jour à assumer cette envie ?
Oui, une partie de moi a envie den parler, de savoir ce quil a ressenti, sil a eu mal, sil a envie de recommencer. Mais une autre partie me dit que ce nest pas une bonne idée, quil est des choses sur lesquelles il vaut mieux ne pas mettre des mots. Au fond de moi, je sais ce qui sest passé. Et lui aussi sait ce qui sest passé. Si lenvie est là, elle se manifestera à nouveau. Il suffit dattendre. Je décide découter sagement cette dernière partie de moi.
Le bogoss en t-shirt et boxer vient de sarrêter au pied du lit et il me regarde fixement.
« Quest-ce quil y a ? ».
« Toi tes un vrai coquin » il me balance, en hochant instamment la tête, un petit sourire plein de malice au coins des lèvres.
« Pourquoi tu dis ça ? ».
Jérém monte sur le lit, sapproche de moi, il lève le drap et découvre ma queue raide.
« Moi je pense que tu tes branlé pendant que jétais sous la douche ».
« Non
» je lui mens, juste pour le plaisir de me faire prendre en flagrant délit de coquinerie.
« Si
».
« Comment tu sais ? ».
« Tes joues sont toujours bien rouges après que tas joui ».
« Tas remarqué ça, toi
».
Son regard bien lubrique semble vouloir transpercer le mien et pénétrer mon esprit.
« Et aussi, tas oublié dessuyer ça » il ajoute, tout en se penchant sur moi et en passant sa langue dans le creux de mon cou, pour essuyer ce qui devait être une dernière trace brillante de ma jouissance. Décidemment, mon bobrun a bien changé. Ou bien, tout simplement, il ne fait quécouter ses envies.
En attendant, le corps puissant et fraîchement douché et au déo captivant de mon bobrun contre le mien me donne de sacrées envies. Je regrette déjà de mêtre branlé. Si ma libido nétait pas au plus bas, en phase de réamorçage, je lui sauterais bien dessus.
Le bogoss membrasse et sur ses lèvres et sur sa langue je retrouve un goût qui nest pas le sien, mais le mien.
« Allez à la douche ! » il me lance. Je le regarde quitter le lit et se balader dans la maison, promenant sa bogossitude avec une nonchalance, avec un naturel déconcertants, très mec, très viril, dégageant une sensualité torride, comme une aura, un fluide qui ensorcèle.
Le bogoss ajoute du bois dans la cheminée et sattelle à la préparation de la cafetière. Je ne peux détacher les yeux de lui, tout en me disant à quel point ce petit con est sexy avec son beau t-shirt gris et son boxer rouge, lorsque mon téléphone émet le couinement caractéristique de larrivée dun message.
« Tas du réseau, toi ? » me demande Jérém.
« A peine » je lui réponds, en découvrant une misérable barre de réseau sur mon écran. Jouvre les messages et jy trouve un sms de mon pote Julien :
« Alors, tu tes marié ? Enceinte ? ».
Cest bien une réflexion dhétéro, ça ! Croyant comme beaucoup dhétéros que les gays aiment parler deux au féminin, et pensant que cest drôle. Jimagine sa façon de le dire, avec coquinerie et bienveillance à la fois. Et en fait, ça me fait sourire.
« Alors, cest qui ? ».
« Juste un pote qui me demande des nouvelles ».
« Le mec avec qui tu étais le soir
».
« Non, son collègue, le mec qui ma fait les cours de conduite ».
« Le blond
».
« Tu te souviens de lui
» je métonne.
« Vite fait ».
Soudain, je me rappelle dun cours de conduite avec Julien cours pendant lequel on était passé devant la brasserie où Jérém travaillait à lépoque. Je me souviens quon sétait arrêté au feu rouge pas loin de la terrasse, et je me souviens du regard noir que mon bobrun mavait lancé en me voyant en voiture avec le beau moniteur. Un regard tellement noir quil avait attiré lattention de ce dernier, qui avait bien saisi sa jalousie.
« Il est pd lui aussi ? ».
« Non, il est très hétéro ».
« Comment tu sais ? ».
« On a discuté un peu, et on est devenus potes ».
« Il ta dragué ? ».
« Non, mais il a compris pour moi
».
« Tu las maté ? ».
« On ne peut pas ne pas mater un mec comme lui ».
« Ah bon
».
« Il est presque aussi canon que toi. Je dis bien
presque
».
« Tu le kiffes ? ».
« Il est beau et il est sexy, je ne vais pas te mentir. Mais tas pas à tinquiéter. Déjà, il naime que les nanas. Et puis, surtout, je suis trop bien avec toi, je nai vraiment pas envie daller voir ailleurs ».
« Tu dis ça maintenant
».
« Ca sera la même chose quand tu seras à Paris ».
Ça me fait bizarre de me retrouver à rassurer Jérém sur mes éventuelles tentations lorsquil sera loin de moi, alors que je narrête pas de minquiéter au sujet des tentations certaines auxquelles il sera exposé dans le milieu dans lequel il va évoluer, lorsquil sera un sportif connu, en plus quêtre un bogoss sexy en diable.
Quand il aura goûté à ce monde-là, est-ce quil se souviendra longtemps de moi, de ce week-end à la montagne ? Pendant un temps, la magie pourra peut-être perdurer, mais jusquà quand ?
Jimagine quil aura toujours besoin de briller, de vouloir être au centre des attentions comme il la toujours été. Et sans doute encore plus quavant, car il va désormais devoir se faire à nouveau une place, dans un monde inconnu, et plus difficile à conquérir.
Jai peur quil cède bien trop rapidement aux pièges auxquels faisait allusion Daniel, quil ne se contente pas de vouloir montrer quil est le meilleur sur le terrain de rugby, mais quil veuille aussi montrer quil est le meilleur au lit avec les nanas, ne serait-ce que pour dissimuler ses véritables penchants. Jai peur que, malgré ses sentiments sincères aujourdhui, Jérém ne cessera pas davoir envie de plaire, de séduire, daffirmer sa virilité conquérante, y compris face à dautres mecs quil ne manquera pas de rencontrer sur son chemin, des mecs comme le Romain du On Off par exemple.
Soudain, je repense une nouvelle fois à ce qui a failli se passer cette nuit. Est-ce que Jérém a vraiment envie de ça ? Quand sera-t-il à mesure de lassumer ? Quand aura-t-il envie de ressayer ? Un peu plus tôt dans la journée je me suis dit que si lenvie est là, elle se manifesterait à nouveau et quil suffirait dattendre. Le fait est que je nai pas ce temps dattendre. Nous ne sommes pas vraiment un couple, nous ne vivons pas ensemble. Dans quelques jours, Jérém sera à Paris, et moi à Bordeaux. Nous nous verrons au mieux une fois par semaine, le week-end, certainement moins. A Paris, il pourra avoir autant de mecs quil voudra, des mecs autrement plus expérimentés que moi, et qui sauront sy prendre pour satisfaire cette envie, cette curiosité. Est-ce quil saura mattendre, ou est-ce que sa curiosité et son impatience vont le pousser à aller chercher ailleurs ce que je nai pas su lui apporter ?
Jérém est-il vraiment « impatient » d'essayer ça ? Bien sûr, jai du mal à limaginer céder plus ou moins facilement son statut de mâle actif à un autre mec inconnu. Car ce serait, de son point de vue, je pense, une façon de « se rabaisser », et je ne sais pas si ça cest quelque chose quil pourrait accepter. Mais si je ne lui donne pas ça, si je my prends mal, est-ce quil aura envie de ressayer avec moi, dautant plus que es occasions vont se faire rares ? Est-ce quil aura envie dattendre ? Tôt ou tard, le désir est toujours plus fort du plus fort des tabous. Il suffit pour cela de le laisser inassouvi assez longtemps. Est que les tentations parisiennes nauront pas un jour raison de ses tabous ?
Et jai bien peur que, face à ces tentations, ses promesses de ne plus me faire souffrir seront bien fragiles. Dailleurs, il a bien dit « Je ne sais pas comment je vais gérer quand je serai à Paris
».
Oui, quand je pense à sa future vie parisienne, je suis mort dangoisse. Mais en attendant, la jalousie et linquiétude que je décèle dans ses questionnements à peine voilés vis-à-vis de lavenir de notre relation, me touchent profondément. Jai envie de le rassurer. Je me lève, je mapproche de lui et je le serre dans mes bras.
« Tu seras toujours mon Jérém à moi, personne ne pourra prendre cette place, personne ».
Je lui fais des bisous dans le cou, sur la joue. Le bogoss se laisse faire. Je sens quil en a envie, quil en a besoin. Il tourne la tête, ses lèvres cherchent les miennes. Cest tellement bon ça, ces moments de complicité, cette envie de câlins, être lun contre lautre, les corps et les esprits si proches.
Je pars enfin à la douche. Je ne traîne pas dans la salle de bain, je reviens le plus vite possible auprès de mon bobrun. Je sais que le temps mest compté, alors jai envie de profiter de chaque instant que nous pouvons passer ensemble. Dautant plus que, dès que le contact visuel est coupé, mon Jérém me manque. Je deviens accroc à sa présence.
Lorsque je reviens de la douche, le café vient tout juste de couler, son arôme sature lair du petit séjour. Jérém nous en sert deux grandes tasses. Jadore ces petits déjeuners avec mon Jérém. Car ces petits déjeuners marquent à chaque fois le début dune nouvelle journée de bonheur ensemble. Une nouvelle journée arrachée au temps.
« Allez, on est partis ! » fait le bogoss après avoir avalé sa tasse dune seule traite, se levant de la chaise presque dun bond.
Décidemment, Jérém a lair bien en forme. Je le regarde passer son pantalon déquitation, le pull à capuche gris, le même quil portait lorsquil était venu mattendre à la halle. Je le regarde chausser ses boots, glisser son paquet de cigarettes dans la petite poche du pantalon. En une minute chrono, mon bobrun est prêt à partir. Décidemment, dans sa tenue de cavalier, il est terriblement sexy. Et pour rajouter un côté insoutenable à sa sexytude incandescente, voilà quà la faveur dun étirement matinal, le bas de son t-shirt gris se lève un peu, une fine ligne rouge de lélastique de son boxer apparaît au-dessus du bord du pantalon, ainsi que quelques poils en dessous de son nombril. Cest craquant.
« Alors, tu thabilles pas ? » il me lance.
« Si
si
» je lui réponds, en mactivant enfin.
« Je tattends dehors » fait le bogoss en sortant dans le jardin pour se griller une clope.
Je finis de mhabiller en vitesse. Je rejoins mon bobrun et je lui propose de prendre ma voiture, ce quil accepte de bon gré. Ça me fait plaisir quil monte dans ma voiture. Jai envie que le siège, les tissus, les plastiques simprègnent de son déo et de sa présence.
Avant daller chez Charlène, nous faisons un petit détour par la superette de Martine pour acheter notre casse-croûte de midi.
« Alors, les garçons, ça va bien depuis hier soir ? ».
« Ça va, ça va » fait Jérém.
« Oui, très bien » je lui réponds « la fondue était très bonne, je crois que je nen ai jamais mangé daussi bonne »
« Merci, cest gentil, mais je suis savoyarde, la fondue cest dans mes gènes
et dans mes hanches » elle rigole.
« Allez, on est attendus, on va prendre deux bricoles et on y va » fait Jérém en baillant.
« Mais vous avez de petits yeux, les garçons, la nuit a été courte on dirait
».
Son regard est perçant, plein de malice. Quelque chose dans ce regard me fait dire quelle aussi a compris pour Jérém et moi. de plus, sa façon de nous appeler « les garçons » sonne étrangement allusive à mes oreilles.
« Non, ça va » fait Jérém en partant dans les petits rayons.
Je le rejoins et jen profite pour prendre un appareil photo jetable. Jai envie de faire des photos, dimmortaliser ce moment, ces montagnes, ce bonheur. Et par-dessus tout, jai envie davoir quelques photos de mon Jérém. Je nen ai toujours pas, à part les trois que ma données Thibault. Je sens que jen aurai besoin quand il sera à Paris. En parlant de Thibault, il faut absolument que jaille le voir dès que je serai de retour sur Toulouse.
« Vous faites quoi aujourdhui ? » nous questionne Martine pendant quelle fait laddition de nos courses.
« On repart en balade » fait Jérém.
« Alors, bonne balade ! ».
« Dabord on va aider Charlène à soigner les chevaux, après on prend le petit déjeuner et on part avec elle ».
« Ah, cest pas une balade en amoureux du coup ».
« Mais ta gueule ».
« Il est ronchon, ton pote, ce matin, non ? » elle fait, en sadressant à moi « il sentraîne pour quand il sera à Paris
».
Sa réflexion me fait rire. Mais pas Jérém.
« Tenez, je vais vous donner quelques chouquettes pour le petit déj. Vous men direz des nouvelles ».
« Elle est marrante cette Martine. Et très gentille » je lance dès que nous sommes en voiture.
« Elle est chiante, surtout ».
« Pourquoi tu dis ça ? ».
« Elle est toujours en train de fouiner
».
Je tends une chouquette à mon bobrun qui la dévore dune seule bouchée, lair contrarié. Jen goûte une à mon tour. Cest vraiment super bon ça.
« Tu crois quelle a compris pour nous ? ».
« Je nen sais rien, mais je la connais, si elle a un doute, elle va faire des pieds et des mains pour savoir
et elle va cuisiner Charlène jusquà ce quelle parle
».
« Je pense que Martine est une nana aussi cool que Charlène ».
« Peut-être, mais je ne tiens pas que tout le monde soit au courant. Ce qui se passe entre nous ne les regarde pas ».
« Mais regarde comment ils ont accepté Loïc et Sylvain ».
« Je men fous, je ne suis pas comme eux ».
« Cest à dire ? ».
« C'est-à-dire queux ils aiment safficher, pas moi ».
Ce que Jérém vient de dire, je le partage dans un certain sens : cest vrai, au fond, ce quil y a entre nous ne regarde personne à part nous. Je ne suis pas ment prêt à mafficher non plus devant tout le monde. Mais dun autre côté, ça me fait chier de devoir me cacher des personnes qui, jen suis certain, pourraient comprendre et nous soutenir.
« Passe une autre chouquette » fait mon bobrun en mode gourmand.
« Coucou les bogoss » nous accueille Charlène, lair de fort bonne humeur.
Après les bises, nous laidons comme prévu à soigner les chevaux au pré et dans les box. Très vite, Jérém a chaud, et il se débarrasse de son pull à capuche. Je le regarde en train de bosser, de prendre de grandes fourchées de foin, de paille ou de fumier. Je lobserve sous leffort, les pecs enveloppés dans ce t-shirt gris bien ajusté, les biceps en action, à un rien de craquer les manchettes. Jassiste à la formation dune double trace de transpiration entre les pecs et entre les omoplates. Et cest beau à en donner le tournis.
« Ah, putain, javais oublié à quel point cest bon davoir un mec à la maison » commente Charlène en contemplant le travail accompli « avec un mec, ça va trois fois plus vite. En plus, ce matin je suis gâtée, jen ai deux pour le prix dun ».
« Ny prends pas trop goût » fait mon bobrun.
« Ca mest de plus en plus pénible de moccuper des chevaux, avec mon genou en vrac ».
« Tu devrais embaucher quelquun ».
« Jattends patiemment ma retraite dans deux ans
».
« Et tu comptes faire quoi, après, du centre ? ».
« Si ma fille veut le reprendre, je laiderai à sinstaller. Mais je doute quelle en ait envie. Sinon, je vais essayer de le donner en gérance. Et si je ne trouve personne, je vais tout arrêter
».
« Et moi je vais faire quoi de mes canassons ? » fait Jérém, lair inquiet.
« Tinquiète, il y aura toujours un pré pour tes chevaux ».
« Merci
».
Cette réponse aurait dû rassurer mon bobrun. Et pourtant, il semble toujours soucieux.
« Allez, on va prendre le petit déj, vous lavez bien mérité ».
Pendant que Jérém sallume une clope et se fait réprimander une nouvelle fois par Charlène, je vais chercher les chouquettes dans la voiture. En revenant, jai du mal à lui arracher un bisou, car il semble avant tout se soucier de ne pas être vu par Charlène. Le fond de lair est frais, je rentre en premier, sans attendre quil termine sa clope.
« Ah, Nico, vas-y, assieds-toi » maccueille Charlène.
Dans la grande cuisine, deux chiens sont en train de dévorer chacun leur gamelle de croquettes. Sur une vieille gazinière à bois qui a lair de ne pas avoir servi depuis des lustres, un chat isabelle et obèse mange calmement son repas du matin.
Sur une moitié de la grande table, les tas de papiers et de toute sorte dobjets semblent avoir encore avoir doublé de volume par rapport à la dernière fois. Aux fenêtres, les toiles daraignées semblent en passe de se transformer en rideaux. Le sol est toujours autant couvert de poils de chien et de poussière.
Et pourtant, cette cuisine a quelque chose de profondément accueillant. Lodeur du café et du pain grillé sature lair de la pièce. Un petit insert dégage une chaleur douce. Sur la deuxième moitié de la table, trois bols, trois couverts et trois verres nous attendent. Il y a du jus de fruit dans une carafe, de la confiture maison dans un pot, du beurre sur une petite assiette, du pain grillé dans une corbeille. Elle ne sest pas foutue de nous, pour nous remercier de notre aide, Charlène nous a préparé un vrai bon petit déj. Qui donne envie. Dautant plus quil commence à faire faim. Lexercice matinal ouvre lappétit. La présence bienveillante de la maîtresse de maison réchauffe le cur.
« Ça va, Nico ? ».
« Oui, très bien, jai faim
».
« Vas-y, prends ce qui te fait envie ».
« Merci
».
« Alors, ça a été après la soirée, il sest calmé ? » fait elle en sinstallant à table à son tour et en commençant à beurrer une tranche de pain.
Je suis surpris mais enchanté de cette question ouvrant une complicité inattendue.
« Oui, après que tu lui as parlé, tout sest arrangé ».
« Vous en avez reparlé ? ».
« Oui
».
« Et alors ? ».
« Je crois quil est content que tu sois au coura
».
« Chut, il arrive » me coupe Charlène.
Ce nest pas de la cachotterie. Mais il ne faut surtout ne pas donner limpression à Jérém de parler dans son dos, ça le braquerait à coup sûr.
« Il fait quand même frais dehors » fait Jérém.
« Aaahhh, tu pues la clope » fait Charlène.
« Je pue le fumier aussi ».
« Mais lodeur de la clope cest pire. Vraiment, tu devrais arrêter de fumer ».
« Et toi tu devrais arrêter le beurre » répond le petit con du tac au tac, alors que Charlène sapprête à avaler une pauvre tranche de pain chargée dune couche de beurre proche du centimètre.
« Cest pas faux » fait-elle en éclatant dans ce rire sonore qui est un peu sa « marque de fabrique ».
« Bien sûr que cest vrai ! Je pense à ton cheval, cest lui qui va porter sur le dos toutes ces plaquettes de beurre. Surtout, tu ne montes jamais mes chevaux ».
« Mais tes vraiment quun petit con ! ».
« Vielle peau ».
« Moi aussi je taime ».
« Cest ça
».
« Toi aussi tu maimes
».
« Je vais y réfléchir
».
« Je ten foutrais ! ».
« Il est aussi insolent avec toi ? » elle me demande sans transition. Nouvelle petite forme de complicité qui menchante.
« Il est pire
».
« Tas du mérite, alors
» fait-elle en nous servant du café.
Jérém et Charlène narrêtent pas de se taquiner, et le petit déj se passe dans une bonne humeur géniale. Nous déjeunons longuement, en prenant notre temps. Cest une merveilleuse façon de bien commencer la journée. Si on navait pas une balade à faire, je voudrais que ce moment se prolonge à linfini.
« Quelquun en veut ? » demande Charlène en saisissant une grande théière en fonte posée au coin de la table.
« Garde ta bouillasse » fait Jérém.
« Petit merdeux ! ».
« Moi je veux bien goûter ».
« Cest du thé que jai ramené cet été de Mongolie ».
Elle me tend une tasse et la remplit de la boisson dorée. Jallonge la main pour prendre un sucre.
« Malheur ! On ne sucre pas un thé pareil ! Cest pas du Lipton ! Tu vas couvrir tous les arômes ! ».
« Ah
».
« Goûte dabord, après tu aviseras ».
Je porte la tasse à mes lèvres, je goûte. Elle a raison, ce thé a un caractère, un vrai, il a un arôme, et même plusieurs arômes, ils pétillent sur la langue, dans le palais, remontent dans les narines et provoquent un feu dartifice sensoriel dans la tête. Cest une expérience gustative qui na rien à voir avec celle des sachets.
« Alors, comment tu trouves ? »
« Cest vraiment super bon ».
A mi-tasse, je reprends une chouquette. Les deux saveurs sépousent à merveille.
« Tu as été en vacances en Mongolie ? » je lui demande.
« Jy ai passé un mois, en balade, à cheval. Cest la troisième fois que jy vais. Jy retourne tous les 2-3 ans. Jadore cette région ».
« Mais tu pars comment, toute seule, à laventure ? ».
Charlène nous raconte sa dernière randonnée en Mongolie, avec trois de ses clients, épaulée par une famille nomade. Elle nous parle des petits chevaux de là-bas, « pas plus grands que des pottocks du Pays Basque ». Elle nous parle du mode de vie des tribus nomades, dont la seule richesse est le bétail, vaches, chèvres, chameaux, moutons, chevaux, yacks, un bétail autour duquel toute la vie de la famille est organisée. Elle nous parle de ces mecs qui soccupent de lalimentation du bétail (la recherche de fourrages dicte la dynamique du nomadisme) et de sa surveillance (notamment contre le loup). Elle nous parle de ces femmes qui soccupent de tout le reste, des gosses, de la bouffe, de la traite, de travailler le lait.
Elle nous parle de ces hommes et de ces femmes qui avec peu doutils savent tout faire, car ils ont gardé un bon sens paysan qui leur permet de vivre, certes durement, mais en harmonie avec la nature et avec les ressources quelle peut offrir, sans la violenter.
Elle nous parle dun village perdu dans la montagne, auquel on ne peut accéder que par des sentiers non carrossables. Elle nous parle dune minuscule superette dans laquelle elle a trouvé l« essentiel », à savoir du Coca et du Nutella. Elle nous parle dun soir où elle a voulu faire pipi derrière un buisson et où elle sest trouvée presque nez-à-nez avec un loup.
Elle nous parle des immenses plaines et de la solitude, des petites yourtes et de leur promiscuité, du mode de vie nomade qui ramène à lessentiel et ignore tout ce qui est superflu.
Elle nous parle de gens simples, souriants, heureux. Elle nous parle de leur gentillesse, de leur hospitalité, de leur profond respect des traditions. Elle nous parle de gens ancrés à leurs racines qui poussent pourtant les s à faire des études à la ville « pour ne pas trimer comme leurs ainés ». Elle nous parle dun mode de vie, dun monde en cours de disparition.
« Leur simplicité, leur authenticité, leur force et leur vulnérabilité me touchent et me fascinent. Voilà pourquoi jaime retourner dans ce pays, dans ces plaines, auprès de ces gens ».
Je suis enchanté par son récit, et jai envie de lui poser plein de questions. Mon bobrun semble lui aussi ravi dentendre parler dun mode de vie si différent de celui de nos pays, de nos villes.
Hélas, le temps nous presse, et cest Charlène même qui nous le rappelle :
« Allez, il faut quand même y aller, jai prévu une boucle pas trop dure mais assez longue
».
Nous terminons nos boissons chaudes et nous allons chercher les chevaux. Unico et Téquila sont alignés devant lentrée du paddock. Ils trépignent, comme sils savaient quils vont partir en balade.
Jérém rentre en premier, passe le licol à Unico. En cinq secondes net, le cheval est en longe. De mon côté, cest un brin plus laborieux. Ce matin, Tequila semble dhumeur taquin, elle narrête pas de mouliner avec sa tête. Lorsque jarrive enfin à passer le licol, je lattache de travers. Jessaie de le défaire, mais elle narrête de bouger, je narrive à rien. Heureusement, Jérém vient à mon secours. Il tire un bon coup sur le licol, la jument affiche un air surpris, et elle arrête net son cirque. Le bobrun na plus quà reprendre les lanières, boucler au bon endroit, et me tendre le licol. Dans la vie, on est pro ou on ne lest pas. Je le regarde, il me regarde. Mon regard est plein dadmiration, le sien plein de douceur et dindulgence. Je lui dis « Merci », il me fait un bisou. Et il part devant, avec son Unico en longe, un beau sourire au fond de son regard.
Au centre équestre, je brosse ma jument jusquà la faire briller de mille feux. Je mets le tapis pile au garrot, jinstalle la selle, je sangle. Enfin, jessaie, car le bidon de Tequila est énorme ce matin. Je suis obligé de forcer comme un âne pour arriver à avoir le premier trou. La selle cest bon. Pour le mors et les rênes, là ça se complique sérieusement. Je ne sais jamais par quel bout attr ce machin !
Une fois de plus, laide de Jérém est providentielle.
« Au fait, les garçons, je ne vais pas pouvoir partir tout de suite » fait Charlène en nous rejoignant.
« Comment ça ? ».
« Javais complètement zappé quil y a un jeune qui doit passer ce matin pour voir Unico
».
« Cest qui ce type ? ».
« Cest le fils dune amie à moi qui se propose de monter ton entier cette année. Comme toi tu ne vas pas trop avoir le temps de le monter, jimagine, ce serait dommage quil reste au pré sans rien faire ».
« Cest sûr ».
Les mots de Charlène me rappellent instantanément limminence du départ de mon bobrun pour Paris. Et la tristesse qui va avec.
« Il doit passer quand ? ».
« Il ma dit 9h30. Il est 9h45, je pense quil ne va pas tarder. Tant pis, je vais lattendre. Jérémie, tas quà monter Little Black, et vous navez quà y aller, je vous rejoindrai en chemin avec Unico ».
« Je préfère lattendre, moi. Je veux être là pour voir sil peut faire laffaire. Apparemment celui qui le montait cette année était nul
».
« Ça cest clair ».
« Allez, filez, je moccupe du casting pour mon cheval ».
« Tes sûr ? ».
« Certain ! ».
« Ça te dit, Nico, si on part tous les deux ? » me demande Charlène.
« Oui oui
».
« Allez, en selle, alors ! ».
Je ressangle ma jument. Maintenant quelle sest détendue, jarrive à gagner deux trous de sangle. Jatt les rênes et le pommeau de selle, je mets le pied à létrier. Je sais que mon Jérém me regarde faire, je sens ses yeux bruns sur moi. Je ne veux pas le décevoir. Jai envie quil soit fier de moi. Je suis les consignes à la lettre, je mélance avec puissance et jatterris sur la selle comme une plume. Tequila ne bouge pas une oreille, et surtout pas un sabot, ce qui maide bien.
« Joli » fait Charlène à mon intention.
Je capte le regard de mon bobrun. Le bogoss me sourit, il hoche la tête en signe dapprobation et de fierté. Je me sens tellement bien dans son regard. Je suis heureux.
« Il a vraiment une bonne posture » elle insiste.
« Je lui ai tout appris
» fait Jérém en souriant, le ton taquin et le regard bienveillant.
« Tu me fais confiance ? » me demande cette dernière.
« Jai pas le choix
» je la cherche.
« Petit con toi aussi ! ».
« Tu le corriges sil monte mal ma jument » fait Jérém.
« Tu lui as peut-être tout appris, mais moi je vais le prendre en main et le faire progresser encore ».
« Vous faites attention, surtout
».
« Oui, tinquiète, je vais prendre grand soin de ton chéri ! » ose Charlène.
Jérém réagit en pouffant comme si cette dernière avait dit une énormité. Mais il na pas lair vexé. Cest déjà ça.
Après avoir longé les clôtures du centre équestre, nous empruntons un sentier qui grimpe, grimpe, grimpe. Chaque foulée faite nous emplit les yeux dun paysage de plus en plus majestueux. Chaque mètre parcouru nous apporte des odeurs de terre, de végétation, danimal, nous emplit les oreilles des bruits du cuir de nos harnachements, de la respiration de nos montures, de leurs sabots ferrés qui foulent le sol, qui résonnent contre les pierres. Le vent sinfiltre dans les frondes des arbres, souffle dans nos oreilles. La balade commence, le temps sétire, nous changeons de dimension spatio-temporelle.
Lémotion que tout cela me procure est tellement intense que plus rien ne me semble exister au-delà du sublime paysage qui se déroule sous mes yeux.
Là, au milieu de nulle part, les soucis et les peurs sévaporent comme le brouillard du matin sous un soleil bien chaud. Tant de beauté donne limpression que le bonheur est à portée de main et que les obstacles qui sinterposent sont sans importance. A cet instant précis, même le départ de Jérém à Paris ne me fait plus peur. Je suis dans un état denchantement total.
Nous marchons toujours au pas et à un moment je me sens assez en confiance sur Tequila pour penser à sortir mon appareil photo et essayer de capturer ce beau paysage.
« Tu vas faire des photos à oreilles ? » me lance Charlène.
« Des quoi ? ».
« Quand on prend des photos à cheval, on obtient souvent des clichés avec les oreilles de sa monture en bas de limage. Cest presque une signature. Du cavalier et de son cheval. Et on appelle ça des « photos à oreilles »
».
Je trouve ça marrant, des « photos à oreilles ». Je vise, jappuie sur le déclencheur. Clic, clic, clic. Une fois, deux fois, trois fois. Il faut que jy aille mollo, je dois garder quelques poses pour prendre en photo mon Jérém. 24 négatifs, ça va vite. Cétait avant le numérique, cétait une autre époque. Et pourtant, cette quantité limitée de photos, limpossibilité de voir le résultat sur linstant et deffacer les ratés, ce petit rouleau quon devait amener à développer dans un magasin, lattente avant daller chercher les photos papier, la joie de découvrir celles quon avait réussies, la déception de découvrir celles quon avait ratées, tout cela avait son charme.
Nous reprenons notre chemin. Charlène na pas menti, elle semble bien intentionnée à me faire progresser. Dabord, elle veut à tout prix que je trouve mon équilibre sur la selle sans me tenir au pommeau, pommeau qui est pourtant mon grand allié ainsi qu'un grand ami, car il minspire confiance et il est toujours là quand jen ai besoin. « Tu tappuies trop dessus, ça te fait prendre de mauvais reflexes ». Ensuite, elle me propose des séances de trot enlevé, séances au cours desquelles elle m'invite à relâcher les rênes pour « laisser respirer Tequila « au moins une fois chaque quart d'heure » (là encore, ce sont ses mots).
Jai toujours pensé que dans l'équitation c'est lanimal qui se tape tout le taf. Depuis que je monte à cheval, je constate que ce nest pas du tout le cas. Putain, quest-ce que c'est physique ce trot enlevé !
Entre deux exercices, nous marchons au pas. Charlène en profite pour me donner plein de conseils sur ma position en selle et sur lécoute de lanimal. Elle a une grande connaissance et une immense expérience des équidés. En plus elle est très bonne pédagogue. Cest une passionnée, et par conséquent, sa pédagogie est passionnante.
Puis, à un moment, alors que nous marchons au pas sur un sentir relativement plat, elle lance le sujet que je rêve daborder depuis que le hasard a décidé que nous allions nous balader seul à seul pendant un petit moment.
« Alors, raconte, ça fait depuis combien de temps que vous êtes ensemble ? ».
« On nest pas vraiment ensemble. En tout cas, on ne létait pas avant ce week-end ».
« Ah bon ? Comment ça ? ».
« C'est-à-dire quon
couchait ensemble mais que Jérém ne voulait surtout pas que ça se sache
».
« Ah, oui, ça jai bien vu ! Et alors, ça marchait comment votre relation ? »
« Il couchait avec moi mais il couchait aussi avec des nanas
».
« Et tu supportais ça ? ».
« Je navais pas le choix, cétait ça ou rien ».
« Cest parce quil nassumait pas, parce quil se cherchait
».
« Cest ça, jusquau jour où jen ai eu assez ».
« Je te comprends. Et quest-ce qui sest passé ? ».
« Un jour on sest disputés, cétait peu de temps avant cet accident
».
« Je pense que cet accident ça lui a remis les idées en place et ça lui a fait ouvrir les yeux sur ce qui était vraiment important pour lui ».
« Jaurais quand même préféré quil ny ait pas besoin de cet accident pour que les choses évoluent entre nous ».
« Certes. Mais parfois il faut un électrochoc pour faire avancer les choses ».
« Tu as peut-être raison
».
« Au fait, comment vous avez su lun pour lautre ? » elle enchaîne « je veux dire, je me suis toujours demandé comment vous, les homos, vous arriviez à vous reconnaître ».
« Lui il savait que je le kiffais
».
« Et comment ? ».
« Parce que je narrêtais pas de le regarder, depuis le premier jour du lycée. Mais moi je ne savais pas si je lui plaisais
».
« Et alors ? ».
« Un jour on a révisé ensemble et il a voulu que ça aille plus loin ».
« Cest lui qui a voulu ? ».
« Je le voulais aussi, mais je naurais jamais osé ».
« Tu laimes ? ».
« Comme un fou
».
« Et lui ? ».
« Ça a été difficile jusquà il y a pas longtemps, mais là, je crois que oui. Même sil ne me la jamais dit, je crois que oui. Depuis que je suis ici, je me sens vraiment heureux avec lui ».
« Tu sais, Jérémie cest un peu comme un pour moi. Je lai vu grandir, je le connais un peu. Jarrive à lire derrière les apparences. Jérémie ne sait pas mentir, et surtout il ne sait pas me mentir. Il a beau faire lindifférent, comme tout à lheure quand je tai appelé son « chéri », moi je suis persuadée quil taime vraiment ».
« Je pense, enfin, jespère
».
« Nan, mais tas vu ce regard quil avait quand tu es monté à cheval ? Cétait un regard plein dadmiration et de tendresse. Tu sais, je paierais cher pour quun mec me regarde de cette façon. Hélas, à mon âge cest foutu ! ».
Je souris. Elle enchaîne :
« Quand il ma parlé de toi pour la première fois, comme dun « pote qui allait venir quelques jours » jai senti quil avait vraiment envie de te voir. Il était fébrile à lidée de te voir. Je crois que cest à ce moment-là que jai senti que tu étais plus quun pote. Tu sais, il na jamais amené personne ici, aucune copine. Juste deux ou trois fois son pote Thibault. Et, maintenant, toi
».
« Je voudrais que ce week-end ne se termine jamais ».
« Cest Paris qui tinquiète ? ».
« Oui, la distance, et tout ce quil va trouver là-bas
».
« Tu verras, vous allez y arriver, jen suis persuadée. Il faudra juste être patient. Et persévérant. La persévérance, cest ce qui rend limpossible possible, le possible probable et le probable réalisé ».
« Laisse-lui le temps de saccepter. Donne-lui autant damour que tu peux. Fais-le se sentir bien. Je pense quil est très difficile dassumer sa sexualité quand on lassocie à la peur du regard des autres et à la honte. En dehors du plaisir sexuel immédiat, elle ne procure aucun bonheur. Mais dès quon associe sa sexualité à la joie et à lamour, cest facile daccepter qui lon est. Cest une chance quil soit tombé sur un gars comme toi. Tu laimes, et il le sait, et il taime lui aussi. Je crois que je ne lai jamais vu aussi heureux depuis le divorce de ses parents. Il taime parce quil est heureux avec toi. Et cest ça qui va faire bouger les lignes dans sa tête ».
« Jespère juste que le jour où il sacceptera, il aura toujours envie dêtre avec moi, quil naura pas trouvé un autre gars qui lui plaît davantage et qui sera plus près que moi
».
« Tu es quelquun de spécial pour lui
».
« Jespère que tu dis vrai
».
« Parce que c'est Nico, parce que c'est Jérémie
».
« De quoi ? ».
« Tu ne connais pas cette citation de Montaigne ? On ne vous apprend donc rien au lycée ? ».
« Non, je ne connais pas, désolé
».
« Dans ses Essais, Montaigne a écrit un long chapitre sur lamitié, à lintention de La Boétie, son ami disparu prématurément, et qui était probablement plus quun ami. Une phrase de ce chapitre est restée célèbre, car elle résume en quelques mots simples la particularité, lintensité de cette amitié qui le liait à la Boétie : « Si on me presse de dire pourquoi je laimais, je sens que cela ne se peut exprimer quen répondant : Parce que cétait lui, parce que cétait moi ». Ça veut dire quil y a des amitiés, des relations, des coups de foudre, qui sont comme autant dévidences, qui sont si fortes que rien ni personne ne peut les empêcher. Elles doivent arriver et elles arrivent ».
Les mots de Charlène me font chaud au cur.
« Quest-ce que cest beau de tomber amoureux à votre âge ! » elle me lance, sur un ton enjoué « accroche-toi, Nico, car on ne tombe vraiment amoureux quune seule fois dans la vie
».
Charlène a tout juste le temps de terminer sa phrase, lorsque nous entendons au loin le claquement des sabots dun cheval approchant au grand galop. Je ne le vois pas encore, mais je suis sûr quil sagit de mon beau Jérém. Je me retourne, impatient de le voir apparaître. Le bruit de tonnerre des sabots augmente dintensité seconde après seconde. Cest une cadence très rapide, cest un bruit très sonore, presque une musique, un « allegro con moto » dans lequel jai envie de lire son impatience de me retrouver.
Un instant plus tard, le bobrun apparaît sur son étalon, au grand galop. Quest-ce quil est beau mon Jérém sur son Unico ! Dès quil nous voit, il ralentit et il approche au pas.
« Eh, ben, on dirait que tu étais impatient de nous rejoindre » fait Charlène.
« Ça a été vite plié avec Gildas ».
« Alors, comment tu las trouvé ? ».
« Je lui ai mis les points sur les « I »
».
« Tu lui as pas fait peur ? ».
« Non, je blague, il a lair bien ce gars. Je lui ai fait faire un tour sur Unico dans la carrière. Ça va le faire ».
« Allez, trêve de bêtises, on continue, la boucle est encore longue » fait Charlène.
Nous marchons au pas avec pour décor un paysage magnifique. Et pourtant, il est un détail dans le paysage qui capte toute mon attention. Jérém marche désormais vingt mètres devant nous, et je ne peux détacher mes yeux de ce petit t-shirt gris qui moule ses épaules, ses biceps et souligne avec une précision redoutable le V de son torse.
« Mais regarde un peu ce dos massif ! Quand je pense quil était tout fin quand il était plus jeune ».
« Il est vraiment bien foutu » je confirme.
« Jadore le dos des mecs, je trouve quil exprime toute la puissance dun
».
« Mâle
» je complète sans réfléchir.
« Cest exactement ça
».
« Moi aussi jadore son dos ».
Oui, jadore son dos. Et jadore également sa position sur le cheval que je trouve très suggestive, notamment au pas. Le buste bien droit, maintenu un peu vers larrière, les épaules ouvertes, tous pecs dehors, le bassin qui oscille avec nonchalance au gré des pas de lanimal, mouvement qui nest pas sans me rappeler ses coups de reins pendant la recherche du plaisir masculin. Dune certaine façon, sa position et son attitude à cheval me rappellent ses positions et ses attitudes pendant l'amour. Dans les deux cas, il sagit dune forme de domination virile. Dans les deux cas, il sagit dune forme de sensualité. Une sensualité, celle dégagée par mon Jérém en selle sur son étalon, au parfum de terre, de nature, de transpiration, qui a quelque chose de profondément sauvage, dauthentique et dindompté.
« On va arriver dans une descente plutôt raide » mannonce Jérém « et Tequila n'aime pas ça ».
« Ah
» je stresse.
« Tu te penches en arrière le plus possible et tu lui mets des petits coups de talon pour quelle avance. Il ne faut pas la laisser sarrêter. Car si elle se plante, tu vas te faire chier pour la faire repartir ».
Je ne savais pas que mon adorable Tequila pouvait être caractérielle. On ne finit jamais den apprendre à cheval et au sujet de son cheval.
En effet, la descente est assez couillue, et elle moccasionne un certain nombre de frissons. Je suis les consignes de mon bobrun à la lettre, je suis pratiquement couché sur ma jument, et je mets de petits coups de talon sur son ventre pour la faire avancer. Tout semble bien se passer lorsquelle sarrête net au beau milieu de la pente, alors que Jérém et Charlène sont pratiquement arrivés en bas. Je me relève, je tape plus fort avec les talons. Rien ne se passe. Et là, je vois le bogoss descendre de son Unico, confier les rênes à Charlène, et remonter lentement la pente sous le soleil battant, jusquà moi.
« Je suis désolé ».
« Cest pas ta faute, elle est chiante. Passe-moi les rênes ».
« Je descends ? ».
« Tu peux rester en selle, tu risques rien ».
Jai déjà entendu cette phrase, et je me souviens quelle sest révélée pas complément fondée. Pourtant, je décide de lui faire confiance. Jadore me sentir pris en main par mon Jérém.
« Ca va ourson ? » il me demande.
Ourson. Ça me plaît de plus en plus. Ça me donne des frissons. Je me sens tellement bien dans ce simple mot qui me rappelle à chaque fois toute la douceur et laffection quil me porte.
Le bobrun fait avancer Tequila en serpentant dans la pente jusquà rejoindre Charlène qui nous accueille avec un sourire plein de tendresse.
Vers midi, nous nous arrêtons à lombre pour la pause déjeuner, déjeuner tiré de nos sacoches (j'adore toujours autant cette expression). A notre grande surprise, Charlène fait apparaître des magrets de son paquetage magique.
Jérém se dépêche de faire un feu de camp. Nous nous installons autour et nous les faisons griller directement au-dessus du feu, perchés sur des petites branches.
Pendant que les magrets cuisent, nous mangeons des entrées froides, nous racontons des bêtises, nous rigolons beaucoup. Je prends Jérém et Charlène en photo. Je prends Jérém en photo.
Quelques minutes plus tard, nous retirons les magrets du feu. Mon bobrun se charge de les couper sur une pierre lisse. Il en fait des lanières, il en tend à Charlène, il men offre à moi.
Jai très faim, et la première bouchée est toujours la meilleure. Verdict : je crois que je nai jamais mangé un magret aussi bon de ma vie ! Ce goût de grillé, de fumé, cette texture légèrement croustillante en dehors, tendre dedans, cest divin. Charlène a eu une bien bonne idée. Nous nous régalons.
« Cest bon, ourson ? » me demande Jérém.
« Cest très bon ».
« Comment tu las appelé ? » ne manque pas de relever Charlène.
« Nico ».
« Non
».
« Si
».
« Tas dit ourson ».
« Tas mal compris » fait Jérém en rigolant.
« Ourson, cest troooop mignon ! ».
Après le repas, Charlène nous annonce son intention de faire une petite sieste.
Elle séloigne un peu et sallonge à labri du vent. Jérém fume sa cigarette le dos appuyé à un arbre. Ce t-shirt gris enveloppant son torse est sexy à mourir. Autour de nous, les chevaux évoluent en totale liberté. Cest apaisant de les regarder en train de brouter.
« Alors, Charlène a essayé de te cuisiner ? ».
« Elle ma posé quelques questions
».
« Comme quoi ? ».
« Comme depuis combien de temps on était ensemble, comment ça avait commencé
».
« Et tu lui as dit quoi ? ».
« Je suis resté vague ».
« Elle ne peut pas sen empêcher ! ».
« Elle taime beaucoup, cest normal quelle veuille savoir ».
« Viens voir » fait le bobrun, en mattrapant par le bras.
« Quoi ? » je feins dopposer une improbable résistance.
« Viens voir
» fait-il en mattirant fermement contre son torse et en membrassant.
Une seconde plus tard, je me retrouve dans ses bras, mon bassin entre ses cuisses, le dos enveloppé par son torse et ses bras. Jérém me fait des bisous dans le cou, sattarde dans cette région hypersensible à la lisière des cheveux et de la nuque. Je vibre. Sa langue léchouille mon oreille, elle me procure des frissons inouïs. Sa barbe mexcite à fond. Je me retourne, nos lèvres se rencontrent, nous nous embrassons longuement.
Je bande, jai envie de lui. Tellement envie que, pendant un instant, je suis traversé par lidée de lui proposer de chercher un coin tranquille pour pouvoir lui faire une gâterie dans la nature. Mais je me ravise très vite. Car ce moment est purement magique, et rien ne pourrait me rendre plus heureux. Moi dans les bras du mec que jaime, devant ce paysage magnifique. Cest le bonheur absolu, cest un rêve qui devient réalité.
« On est bien, là » je lâche.
« Cest clair ».
« Je naurais jamais imaginé que cette première révision chez toi nous conduirait ici, aujourdhui, dans les bras lun de lautre » je considère.
« Moi non plus
».
« Je naurais jamais imaginé que je serais aussi heureux un jour ».
« Moi aussi je suis très heureux ».
Nous restons ainsi, dans les bras lun de lautre, pendant un petit moment. Et nous finissons par nous assoupir.
« On se fait des papouilles ? » fait Charlène en revenant de sa sieste et nous arrachant de la nôtre.
Derrière moi, je sens Jérém remuer, je sens quil veut se dégager de cette position au plus vite. Mais Charlène lui pose une main sur épaule pour lui en empêcher.
« Vous êtes vraiment mignons tous les deux ».
Nous finissons quand même par nous relever. Je regarde Jérém, il me regarde lui aussi. Il me sourit.
« Allez, le bisou, le bisou, le bisou ! » fait Charlène.
« Mais ça va pas ? » fait Jérém.
« Le bisouuuuuuuuuuu ! ».
« Non ! ».
« Je parie que vous navez jamais fait ça en public ».
« Non, et cest pas au programme non plus ».
« Allez, je suis certaine que Nico en a envie
hein, ten as envie, Nico ? ».
Dans mon for intérieur, jen ai envie, mais je ne veux pas mettre mon Jérém mal à laise. Dautant plus que moi aussi je suis un peu mal à laise avec le fait de lembrasser devant quelquun, même si cest Charlène, car je nai jamais fait ça auparavant.
« Oui, mais je ne veux pas forcer Jérém
sil na pas envie, il na pas envie ».
Jérém a lair surpris et touché par ma réponse. Et là, je le vois approcher de ma joue et claquer un bisou.
« Et cest tout ? ».
« Il est timide » je menhardis.
« Il est gêné » rigole Charlène
« Putain ! » jentends mon bobrun pester.
Et là, je le vois approcher mon visage du mien, je sens ses lèvres se coller sur les miennes et poser un bisou, certes rapide, mais bien appuyé.
Une décharge électrique secoue mon ventre et se propage dans tout mon corps. La gêne se dissipe, volatilisée par le bonheur.
« Cest bon ? » fait le bogoss sur un ton sarcastique.
« Et voilà, ça cest un bisou ! Il ne faut pas avoir peur daimer ».
« Tu memmerdes ».
« Je sais, mais maintenant que tu las fait une fois, tu auras moins peur de le refaire
».
« Cest ça ».
« Il faut assumer qui lon est
».
« Elle me les brise menu ».
« Je sais que tu es un mec, un vrai, alors jattends de toi que tu assumes qui tu es, surtout devant moi, qui ne te veux que du bien. Tôt ou tard, vous serez confrontés à d'autres personnes qui comprendront qui vous êtes lun pour lautre. Et quand ça arrivera, tu vas faire quoi ? Tu vas nier, mentir, te cacher, tu vas avoir peur à chaque fois ? ».
« Tinquiète, je me débrouillerai ».
« Tes têtu comme un âne ».
Nous ressellons nos chevaux et avant de remonter sur ma jument je prends mon bobrun en photo sur son étalon.
« Tas pas fini avec tes photos ? ».
« Il taime, il ne peut pas sen empêcher » fait Charlène « dailleurs, donne ton appareil, je vais vous prendre tous les deux. Allez, Nico, en selle ».
Soudain, jai envie de lembrasser. Je navais même pas osé imaginer avoir une photo avec mon Jérém. Et Charlène a lidée de le faire. Je ladore.
« Jérémie ! » elle lappelle.
« Quoi ? ».
« Viens là, je vais vous prendre en photo, toi et ton ourson ».
« Jaime pas les photos ».
« Dépêche-toi ! ».
« Tes vraiment chiante ! » grogne mon bobrun, tout en approchant Unico de Téquila.
Lorsquil arrive à côté de moi, il me passe un bras autour du cou. Et Charlène appuie sur le bouton.
« Cest dans la boîte ».
« Merci encore ».
« Je pense que tu en avais envie ».
« Ah oui ! Merci beaucoup ».
Je suis heureux. Je reprends lappareil des mains de Charlène avec un soin tout particulier, car il recèle désormais un trésor inestimable, une photo de mon bobrun et moi.
Vers le milieu de laprès-midi Tequila semble pressé. Elle fait des pieds et des mains pour prendre la tête du cortège. Le pas, elle le veut rapide. Le trot, elle le veut sans cesse. Le galop, elle se l'octroie sans rien demander. Tequila est un « véhicule » à boîte automatique, elle passe la troisième vitesse sans se soucier un seul instant de mon avis. Je suis surpris (c'est un euphémisme). Jai une réaction épidermique, je tire un grand coup sur les rênes. Et là, elle réagit au quart de tour. On dirait un dessin animé : elle stoppe net, cest presque un arrêt sur image. Les quatre fers en lair, elle lévite un instant avant de retomber sur le sol.
Sur un chemin à flanc de montagne, je me fais une frayeur lorsquelle semble trop approcher le bord. Je me vois déjà dans le vide ! Jai une exclamation de panique qui fait beaucoup rire Jérém et Charlène.
En milieu daprès-midi, il fait très chaud. Et nous navons plus deau, ni Jérém, ni moi. Ni même Charlène.
« Et il nous reste au moins deux heures avant darriver chez moi » fait cette dernière.
« On aurait dû prendre davantage deau » regrette Jérém.
« Cétait pas prévu quil fasse si chaud » fait Charlène, avant denchaîner « et en plus jai limpression quUnico boîte ».
« Cest pas quune impression. Ça fait un petit moment que je le sens sensible des pieds ».
Et, ce disant, mon bobrun descend illico de son étalon, il lui att le pied et regarde à lintérieur du sabot.
« Y a un clou du ferrage qui est en train de se barrer. Il faudrait le déferrer ».
« Tiens, jai une idée. On arrive à la ferme de Florian. On va se faire payer un coup à boire et se faire prêter des outils pour le déferrer
».
« Florian, lex de Loïc ? » je demande.
« Cest ça. Cétait un cavalier lui aussi, avant la rupture avec Loïc, il y a un an
non, deux ans déjà, le temps file si vite. En plus, ça me fera plaisir de lui faire un petit coucou, ça fait un moment que je ne lai pas vu. ».
Dans mon for intérieur, je suis curieux de rencontrer ce Florian. Dès que jen ai entendu parler par Charlène et Martine, jai eu de lempathie pour ce gars qui a vécu une séparation difficile. Je ne le connais pas, et pourtant jai envie de voir comment un homo sassume à lâge adulte, jai envie de voir comment on se reconstruit après une rupture. Jai aussi envie de savoir à quoi il ressemble. Et quel genre de mec il peut bien être.
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!