Clorinde Revient (1)
- Toi !
Clorinde. Sur le pas de la porte. Clorinde.
- Toi ! Mais quest-ce que tu fais là ?
Elle sest jetée à mon cou.
- Oh, comment ça me fait trop plaisir de vous revoir. Et de me retrouver ici. À vous aussi dailleurs, on dirait
Rien quà votre tête !
- Mais raconte ! Tes plus à New York ? Il se passe quoi ? Tes en vacances ?
- Je vais tout vous dire. Tout. Mais dabord, et avant tout, vous savez de quoi je rêve ? Dun plongeon avec vous dans la piscine. Comme au tout début, quand je suis arrivée ici. Vous vous rappelez ?
Si je me rappelais !
On est descendus. On sest débarrassés de nos vêtements.
- On fait la course ?
- Comme avant. Ça simpose.
Six longueurs de bassin. Et on est venus saffaler, côte à côte, sur les tapis de plage.
- Vous tenez encore pas mal la distance, nempêche !
Elle a repris son souffle.
- Vous savez limpression que ça me donne ? Cest quon recommence tout à zéro. Cest un peu ça dailleurs.
- Parce que ?
- Oh, parce que jy retournerai pas à New York. Alors si ça vous ennuie pas que je vienne encore vous squatter.
- Tu sais bien que non
Jen serai ravi au contraire.
- Non, jy retournerai pas. Cétait une connerie. Et une belle. Déjà, en anglais, jétais loin davoir le niveau. Je comprenais pas tout. Ça complique quand même pas mal les choses. Après, en ce qui concerne la psycho proprement dite, ben ça vole haut là-bas. Bien plus haut quici. Jétais complètement larguée.
- Tu ten vantais pas de tout ça quand on se retrouvait sur Skype.
- Oh, ben non ! Non ! On avait mieux à faire tous les deux. Et puis je me voilais la face. Je me disais quen bossant un peu ça finirait bien par sarranger. Oui, ben ça sest pas arrangé du tout. Vous auriez vu mes résultats au final ! Impressionnant ! Pires que pires. Alors ils mont fait comprendre que jaurais tort dinsister. Ce dont je métais déjà aperçue depuis un bon petit moment déjà, merci ! Pas dautre solution que de rentrer du coup.
- Ben oui ! Quest-ce que tu vas faire ?
- Ah, vous allez pas vous y mettre, vous aussi ! En tout cas, pas psycho, ça, cest sûr ! Jen suis revenue. Et puis, de toute façon, cest complètement illusoire. Parce quil y a pas de débouchés là-dedans. Il y en a dautant moins que les entreprises sen détournent de plus en plus de ce truc. Et que lidée qui prédomine un peu partout maintenant, cest que cest du flan, tout ça
- Et donc, tu vas faire quoi ?
- Jai ma petite idée.
- Qui est ?
- Je vous dirai. Quand ça aura pris vraiment corps. Quand jaurai reçu la réponse que jattends.
- Juste un petit indice
- Ah, non ! Non ! Ça me porterait la poisse.
Elle sest redressée, appuyée sur un coude.
- En douce quen attendant, il y a rien de nouveau sous le soleil. Vous bandez toujours autant, vous.
Depuis quon est allongés là tous les deux vous lavez imperturbablement toute raide. Ce qui veut dire que je vous fais toujours autant deffet.
- Tu en doutais ?
Elle sest approchée, penchée.
- Tout ce temps où je lai pas vue se déployer comme ça pour moi
Comment ça ma manqué, vous pouvez pas savoir !
- Tous les soirs, tu las eue. Tous les soirs. Ou presque.
- Oui, mais ça na rien à voir. Sur un écran, ten profites pas pareil. Et puis il y avait ma colocataire qui, en même temps, senvoyait en lair, à côté. Ça faisait des parasites.
- Pas tous les soirs quand même !
- Tas quà y croire. Cétait une chaude de chez chaude, elle ! Jétais pas à ma main, du coup. Enfin, cest compliqué. Parce que, dans un sens, cétait pas mal, oui.
- En attendant, tu peux dire de moi ! Parce que cest quoi, la tache, là, sur le tapis de plage ?
Elle sest laissée retomber sur le dos.
- Chut ! Taisez-vous ! On parle plus.
Elle a calé son coude contre le mien.
Sa main est descendue se chercher. La mienne sest emparée de moi.
Elle a haleté. Gémi.
Son plaisir a surgi. Le mien aussi. En même temps.
* *
*
Elle a dormi longtemps, la tête calée contre mon épaule. A brusquement émergé du sommeil.
« Quelle heure il est ? Onze heures ! Hou là là ! Avec le décalage horaire, je suis complètement perdue, moi ! Jai pas trop gigoté ? Non, parce que jai fait des tas de rêves. Jétais encore là-bas. Avec Evelyn. Qui voulait pas que je parte. Qui disait quon navait pas fini de discuter toutes les deux.
- Elle ta marquée, cette coloc, on dirait
- Oui, oh, si on veut. Disons quil y avait des tas de trucs sur quoi on nétait pas daccord. Pendant des heures et des heures, du coup, on pouvait en parler. Sans quau final ça nous avance à grand-chose, dailleurs. Mais bon
- Par exemple ?
- Oh, ben, par exemple, javais du mal à comprendre cette boulimie de mecs quelle avait. Un différent tous les soirs. Quand cétait pas deux ou trois dans la même journée, des fois. À quoi ça lavançait ? Elle prenait son pied, oui, bon, daccord ! Plus ou moins dailleurs. Mais enfin un mec, ça, cest quand même toujours un peu la même chose à force. Même si ça te rassure. Que tu peux te dire que si tu leur plais aux types, sils te désirent, cest que tes pas si mal foutue que ça finalement. Sauf que ça signifie pas grand-chose, si on y réfléchit bien.
- Oh, ça, javais remarqué
- Oui, mais que je vous raconte ! Le sport, là-bas, cest hyper important. Bien plus quici. Et surtout en fac. Tout le monde en fait. Dautant que les salles sont super bien équipées. Cest un vrai plaisir daller là-dedans. Alors moi, jy étais plus souvent quà mon tour. Avec la tenue adéquate. Cest-à-dire noire. ment noire. Et bien moulante. En haut comme en bas.
- Jimagine tout à fait.
- Après, tas plus quà bien te positionner. À proximité de types tout mignons. Ou bien, au contraire, hyper costauds. Ça dépend de ton humeur du moment. Et tu te concentres sur ton activité. Complètement indifférente, en apparence, à tout ce qui tentoure. Mais, en réalité, aux aguets. Le grand brun, juste derrière, qui se repaît de tes fesses, tu les sens ses regards, rivés à toi. Tu le sens, son désir. Et celui-là, à ta droite, qui ne cesse pas de te jeter des petits coups dil par en dessous, qui fait mine de regarder par la fenêtre dès que tu relèves la tête, il bande. Tu vérifies pas, ce serait la dernière des choses à faire, mais tes sûre quil bande. Tu fais durer. Ten profites. Il y en a dautres. Plein dautres. Tes cernée par tout un tas de queues qui se tendent délicieusement vers toi. Que tu emportes quand tu ten vas. Que tu fais grimper dans ton lit. Tu fermes les yeux. Tu les retrouves. Et puis lambiance. Latmosphère. Ils te donnent ton plaisir. Lun après lautre. Ou ensemble. Comme tu veux. Cest toi qui décides. Tout. Alors, bien sûr, il y aurait une autre solution, ça ! Courante.
- Tas lair de ten être donné à cur-joie là-bas en tout cas !
- Ah, ça ! Et encore, vous savez pas tout.
- Je sais pas quoi ?
- Oh ben, par exemple, léquipe de basket de la fac, ils se débrouillaient pas mal du tout, les types, côté résultats. Du coup, je métais mise à aller aux matches. Pas tout le temps, non, mais chaque fois que je pouvais. Et eux, ce quils avaient remarqué, cest que, quand jétais là, dans les gradins, ils gagnaient et que, quand jétais pas là, ils perdaient. Au début, ça a commencé comme un jeu. « Tu viens, hein ! On compte sur toi. » Ils y croyaient pas vraiment, mais quand même un peu en arrière fond. Et puis ça sest confirmé. Je leur portais chance, on aurait dit. Alors, du coup, ils ont décidé de faire de moi leur mascotte pour les phases finales à élimination directe. Et je faisais le voyage avec eux dans le car. La seule fille au milieu de tous ces mecs
- Tu devais avoir la culotte dans un état !
- Ah, ben ça ! Dautant quils étaient tous aux petits soins pour moi. Et quil y avait des sacrés beaux poulets là-dedans. Bien baraqués et tout et tout
Alors vous pensez bien que javais quune envie, moi, cest quils aillent le plus loin possible. Cest ce qui sest passé. Jusquà la demi-finale ils ont tenu le coup. Ils lont gagnée. Et alors vous savez quoi ? Ils sont venus me chercher. Que je fasse la fête dans les vestiaires avec eux. Vous auriez vu lambiance ! « On est en finale ! On est en finale ! On est
On est
On est en finale » Ça chantait. Ça sautait. Ça courait partout. Ça jetait les maillots en lair. Ça partait sous la douche. Ça en revenait.
- À poil ?
- Oh, ben oui, ment.
- Tas dû passer une sacrée bonne soirée, toi, dis donc !
- Et cest souvent que je la revis toute seule, le soir, dans mon lit.
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