Clorinde Revient! (2)

Elle a consacré une bonne partie de l’après-midi à s’installer. Se réinstaller plutôt. À reprendre ses marques.
- Là ! Voilà ! Tout est redevenu comme avant. Exactement comme avant. Ou presque. C’est comme si j’étais jamais vraiment partie finalement. Parce que si vous saviez le nombre de fois où j’ai pu me retrouver ici, par la pensée, avec vous ! Où j’ai dormi à vos côtés. Bon, mais et vous ? Comment ça s’est passé sans moi ?
- On en a déjà parlé dix mille fois sur Skype.
- Oui, non, mais pas ça ! Je le sais bien que vous vous êtes excité comme un fou avec la clef USB que je vous avais laissée. Je vous ai même vu à l’œuvre. Non, mais ce que je voudrais savoir, c’est où vous en êtes avec les deux autres, là, Alexandra et Mégane. Parce qu’on peut pas dire que vous ayez été très bavard à leur sujet.
- Oh, elles !
- C’est pas l’enthousiasme, dites donc !
- C’est plus ou moins mort en fait.
- Carrément !
- Oui, oh, ce qui la motivait surtout, Alexandra, c’était d’être en rivalité avec toi. C’était de te supplanter. De m’offrir quelque chose que tu ne m’offrais pas, toi. Et de te l’agiter sous le nez. Mais dès l’instant où t’as été partie, où ça n’a plus été possible, le jeu n’a plus présenté, pour elle, le moindre intérêt.
- Ouais… Il y a peut-être de ça. Sûrement même. Mais il y a pas que de ça. À tous les coups, il y a aussi qu’elle a senti qu’avec vous il y aurait pas mèche pour une love story au long cours. Que c’était pas la peine qu’elle insiste. Bon, mais vous vous voyez plus alors du coup !
- Ça fait plus d’un mois qu’on s’est pas appelés.
- Elle a dû se remettre en chasse alors ! Et Mégane ?
- Oh, Mégane ! J’ai vite pris mes distances. Parce que c’était son mari, son mari et encore son mari. Elle parlait que de lui. En permanence. Même au lit. On avait à peine fini de s’envoyer en l’air qu’elle remettait ça aussi sec. Infernal, c’était.
- J’imagine. C’est le genre de femme qu’arrête pas de culpabiliser en fait.


- Ah, ça, c’est le moins qu’on puisse dire.
- Ce qui manque pas de sel, quand on sait que son mari la fait cocue tant et plus à droite et à gauche. Bon, mais à part elles ?
- À part elles ?
- Personne d’autre ?
- Personne.
- C’est bien vrai, ce gros mensonge ? Parce que je suis bien tranquille que, s’il y a une petite nana dans mes âges qui s’est mis dans la tête de vous faire les yeux doux, vous avez pas regardé de l’autre côté.
- Il y a pas eu.
- Mouais… Et tant qu’à parler de tout ça, Richard, vous avez des nouvelles ?
- Aucune. Mais je peux reprendre contact, si tu veux…
- Non. Oh, non. Ce serait du réchauffé. Et puis j’ai pas vraiment envie. N’importe comment, ce qui serait bien maintenant, moi, j’trouve, c’est qu’on reparte sur des bases toutes neuves. C’est qu’on fasse une croix sur tous les gens qu’il y a eus avant. Sauf sur nous, évidemment. Et qu’on se lance sur de nouvelles pistes.
- Oh, toi, t’aurais une petite idée derrière la tête…
- Une ? Tout un tas, vous voulez dire, oui. Bon, mais allez ! On descend à la piscine ? Qu’on en profite tant qu’il fait beau. Ça durera peut-être pas.

On a fait nos petites longueurs de bassin traditionnelles et puis on s’est offerts voluptueusement au soleil.
- Qu’est-ce tu regardes ?
- Les fenêtres là-haut. Votre chambre. La mienne. Celle de la salle de bains. Il y aurait de sacrées opportunités, là, si on voulait.
- Des opportunités pour ?
- Comme si vous le saviez pas ! Faudra qu’on le fasse un jour, n’empêche ! Avec un type du genre de Martial. Qui flasherait complètement sur moi. Vous l’emmèneriez là-haut. Pour me mater soi-disant derrière mon dos. Et moi, là, en dessous, je prendrais des poses tant que je pourrais. Je lui ferais le spectacle. Et je peux vous dire qu’il serait pas déçu du voyage. Je le rendrais fou, oui. Et après vous me raconteriez. Tout. Bien en détail. Ce qu’il a dit. Ce qu’il a fait. S’il bandait…
Les pointes de ses seins se sont dressées.

- Ce qu’on pourrait aussi, c’est le contraire. Un type, là, en bas, un ami à vous, au bord de la piscine. Et moi, incognito, à le reluquer par la fenêtre de ma chambre.
Elle s’est redressée.
- Je sens qu’on va encore bien s’amuser. »

* *
*

Elle est rentrée, la mine réjouie. Ravie.
« Trop forte, la fille ! Non, mais alors là, trop forte !
- Qu’est-ce qui t’arrive ?
- Il m’arrive que j’ai trouvé du boulot. Et du premier coup, hein !
- Où ça ?
- Dans un hôtel. Pour servir à table. Et au bar. Monter les petits déjeuners dans les chambres le matin. Tout ça. Et même être à la réception des fois pour accueillir les clients. Mais alors le plus beau… vous savez pas le plus beau ? Jamais vous iriez deviner lequel c’est d’hôtel.
- Celui où ?
- Où Alexandra retrouvait son amant, oui. Celui juste en face de notre petit appartement de secours. Eh, oui !
- Mais comment t’as fait ton compte ?
- J’y suis allée au flan. Je suis entrée et j’ai demandé au patron s’il cherchait pas quelqu’un. Ben si ! Justement ! Je tombais bien. Il m’a posé quelques questions, comme ça, vite fait. Juste pour la forme. Si j’avais de l’expérience. Oh, ça, pas trop, non ! Bon, mais c’était pas grave. J’apprendrais sur le tas. J’avais pas de problèmes pour me lever le matin, au moins ? Alors là, pas du tout, non !
- Vaut mieux entendre ça que d’être sourd !
- Enfin bref ! Toujours est-il que je faisais l’affaire. Et qu’il a appelé Lucie, qui passait par là, pour qu’elle aille me faire visiter et qu’elle me mette au courant. Au moins pour l’essentiel. C’est l’autre serveuse, Lucie, avec qui je vais bosser. Mais elle, à peine on a eu tourné le coin, elle m’a fait signe, avec un petit clin d’œil, de m’arrêter et d’écouter. Et alors là, ça a donné ! Parce que sa bonne femme, qu’avait tout suivi depuis la petite pièce derrière, elle était pas d’accord du tout pour qu’il m’ait embauché. « On avait besoin de personne.
 » Mais lui, il trouvait que si. Si ! Parce qu’il y arrivait plus avec tout ce qu’il avait à gérer. Plus du tout. N’empêche… N’empêche que je lui plaisais pas à elle. « Non, mais t’as vu le genre que c’est ! » Quoi ! Quel genre ? J’étais souriante. Je présentais bien. C’était l’idéal pour les clients ! Elle s’en est étranglée, l’autre ! « Les clients ! Tu parles, les clients ! Ils ont bon dos, les clients. Dis plutôt que c’est pour toi que tu l’as prise, oui ! » Et il a eu droit à tout. Qu’elle savait trop bien ce que ça allait donner. Qu’il passerait le plus clair de son temps à me mater le cul, à plonger le nez dans mes décolletés et à faire le joli cœur pour attirer mon attention. « Parce que toi, les petites jeunes ! Mais je te préviens, Julien, je te préviens… S’il se passe quoi que ce soit entre cette fille et toi… »
- Au moins, tu sais à quoi t’en tenir.
- En ce qui la concerne, elle, ça, c’est sûr ! Elle va me mettre des bâtons dans les roues tant qu’elle va pouvoir. Mais bon, elle me fait pas peur. Quant à lui, qu’il me trouve à son goût, ben c’est tant mieux ! Tant qu’il veut ! C’est pas moi qui vais y trouver quoi que ce soit à redire. Au contraire. Mais, par contre, qu’il aille pas s’imaginer qu’il va toucher le jackpot. Parce que alors là ce serait non. Non. Et encore non.
- Tu vas le faire tourner en bourrique, le pauvre !
- Il y trouvera son compte, vous en faites pas, allez !
- Ça, je n’en doute pas une seule seconde.
- Et il y a pas que ça. Parce qu’il est plein de ressources, cet hôtel, vous verriez ça !
- T’as déjà fouiné partout. Ah, ben bravo !
- Disons que Lucie m’a fait faire le tour du propriétaire. Elle est trop, cette fille. Sans le moindre complexe. En on est complètement sur la même longueur d’ondes, toutes les deux.
- Elle a quel âge ?
- Trente ans. À peu près. Cette crise de fou rire qu’on s’est payée derrière leur dos à les entendre se chamailler, les patrons. Parce que ça a duré, mais duré… C’est tous les jours que ça les att, à ce qu’il paraît.
Une fois pour une chose, une fois pour une autre. « Cela étant, c’est pas le mauvais bougre, lui ! Il est comme tous les mecs. C’est sa queue qu’est aux commandes. » Et elle m’a emmenée dans les étages. Visiter. Au deuxième, il y avait une femme qui jouissait. Et je peux vous dire que ça poussait dans les watts. « Oui, oh, alors elle ! C’est souvent qu’elle vient ! Toujours l’après-midi. Et toujours avec deux types à la fois. Des fois trois. C’est le genre qu’a sacrément de l’appétit. » Elle s’est arrêtée, un peu plus loin, devant la porte de la chambre 212. « Là, t’as un couple. À demeure. Depuis une quinzaine. Et eux, quand tu leur apportes le petit déjeuner, le matin, t’es sûre et certaine de les trouver en pleine action. Après, c’est toi qui vois. Ou bien tu poses ton plateau et tu te tires vite fait. Ou bien tu prends tout ton temps et t’en profites pour reluquer un peu. C’est pas le genre à y trouver quoi que ce soit à redire. Au contraire. » On est encore montées à l’étage du dessus. Là, à la 342, il y a un type qui vient souvent, à ce qu’elle m’a dit. Des fois tout seul. Et des fois pas. Un certain Stephen. Qu’est de très bon service. Elle l’a essayé. « Il est pas mal pourvu du tout. Et il sait s’en servir. Alors si le cœur t’en dit ! » Pour le reste, ben ça va, ça vient. Comme dans tous les hôtels, quoi !
- Tu vas pas t’ennuyer, dis donc…
- Ah, ça, c’est sûr ! Je vous raconterai. Promis. Et vous savez ce qui serait bien ? C’est que notre petit appart de secours, on essaie de le relouer, s’il est libre. J’aurais un petit pied-à-terre juste en face comme ça. Pour pouvoir pas me lever trop tôt quand je serai fatiguée. Et pour qu’on puisse considérer tout ça d’un autre point de vue, le soir, tous les deux, si on a envie.
- Il est loué.
- Ah, zut !
- Par nous. J’ai pas résilié.
- Génial ! Vous êtes un amour. »

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