Clorinde Revient (3)
- Alors ? Cette première journée de boulot ?
Elle a jeté son sac sur la petite table devant la télé.
- Super ! Crevante, mais super ! Bon, mais dites, ça vous ennuierait daller me faire couler un bain ? Je vous raconterai comme ça pendant ce temps-là. Comme au bon vieux temps.
Elle a testé, du bout du pied.
- Juste comme il me faut, la température
Vous me connaissez drôlement bien, nempêche !
Elle sest laissé voluptueusement glisser, a renversé la tête en arrière, fermé les yeux.
- Comment ça fait du bien !
Je me suis assis sur le rebord de la baignoire.
- Alors ?
- Oh, ben alors, disons que, pour les petits déjeuners, jai pas eu vraiment de surprise. Cétait à peu près comme elle mavait dit que ce serait, Lucie. À la 212, comme prévu, ils étaient en train de senvoyer en lair. Sous les draps quand même. Mais de bon cur. De très bon cur.
- Ils sont âgés ?
- La quarantaine. À peu près. Peut-être un peu moins. Elle a croisé mon regard, la femme. Un peu insistant. Et elle lui a chuchoté à loreille « Cest une nouvelle ! » au type. Tout bas, mais jai entendu quand même. Et lui, du coup, il a accéléré comme un fou.
- Et toi, tas traîné tant que tas pu, je suis sûr
Tas fait mine de chercher où tallais bien pouvoir poser ton plateau.
- Un peu, mais pas vraiment. Pas trop. Jai pas osé pour une première fois. Tu sais pas trop comment ça va réagir. Mais je suis quand même restée un petit moment derrière la porte. À les écouter. Presque tout de suite ils ont joui. Elle, avec des petites plaintes de souris et lui, des espèces de grondements rauques qui ont duré, mais duré
Et après, ils se sont murmuré des trucs. Que jai pas réussi à entendre. Mais ils parlaient de moi. Je suis sûre quils parlaient de moi.
Elle a levé une jambe. Quelle a savonnée. Longuement frottée. Lautre.
- Par contre, celui de la 342, comment il ma vexée ! Non, mais attendez ! Soi-disant quil est de bon service et tout et tout à ce quelle mavait dit, Lucie.
- Et ton patron ?
- Oui, oh, ben alors là, lui !
Elle sest enduit les seins de gel douche, les a frictionnés. Les pointes sen sont aussitôt dressées.
- Lui, il est toujours plus ou moins en train de traîner dans mes parages. À me mater le cul. Elle le voit faire, Lucie. Et vous savez ce quelle ma dit ? Parce quelle a une chambre juste à côté de la leur, là-bas, quand elle veut. Quand elle a besoin. Ben, à ce quil paraît quhier soir, elle y a eu droit, sa bonne femme. Ça faisait des mois et des mois que cétait pas arrivé. Et elle, elle est sûre que cest à cause de moi. Que cétait en pensant à moi quil lui faisait. Ça me fait trop rire. Il me fait trop rire nimporte comment. Vous entendriez cette espèce de voix quil prend quand il me parle toute douceâtre, toute mielleuse. Avec les yeux tout humides.
Elle ma tendu le gant.
- Vous me frottez le dos ?
Elle sest redressée, penchée vers lavant, la tête posée sur les genoux.
- Non, je sens que je vais bien mamuser avec lui. Je te vais lexciter dune force ! Elle regardera ses réactions pendant ce temps-là, Lucie. Et elle me racontera. Elle est trop, elle aussi, dans son genre. Et il y a plein de choses, on les voit complètement pareil. Oh, mais allez-y, hein, allez-y ! Frottez ! Faites pas semblant ! Vous savez que je lui ai parlé de vous à elle ?
- Je crains le pire.
- Mais non, oh, je suis pas complètement idiote. Jai dit ce que javais envie. Pas ce qui regarde que nous. Qui nappartient quà nous.
- Cest-à-dire ? Tu lui as dit quoi au juste ?
- Ben, que je vis chez vous. Quon sentend que cest pas croyable de sentendre comme ça, mais quon couche pas.
- Et elle ta crue ?
- Ben oui, figurez-vous ! Oui. Et ça, cest plutôt rare. Parce que les trois quarts du temps, les gens, ils se disent quune petite jeune comme moi avec un type de votre âge, ment il se la passe à la casserole. Eh ben non, non ! Ça sen rapproche, souvent, ce quon fait tous les deux. Mais cest pas ça. Pas vraiment.
Elle sest levée, appuyée contre moi pour sortir de la baignoire.
- Comment il est haut, ce truc !
Sest enroulée dans sa grande serviette mauve.
- Oh, mais je vous la ferai connaître. Elle est très sympa, vous verrez
* * *
Ça a été le lundi suivant.
- Je lai invitée. Ça vous dérange pas ?
Ça me dérangeait pas, non. Bien sûr que non.
Cétait une petite nana un peu boulotte, cheveux châtain coupés court, au regard pétillant de malice.
- Bon, ben voilà ! Cest Lucie.
- Ça, jme doute
Elle ma tendu la joue. On sest fait la bise.
- Je lemmène visiter. Quelle voie où je vis. Viens, toi !
Lescalier. Je les ai suivies des yeux. Le jean de Lucie moulait au plus près un petit derrière bien plein, bien rebondi.
Il y a eu des rires là-haut. Des exclamations. Des portes qui souvraient. Qui se refermaient. Encore des rires sur le palier.
Elles sont redescendues. Le portable de Clorinde a sonné.
- Zut ! Mes parents. Ils tombent toujours quand il faut pas, ceux-là ! Je réponds parce que sinon
Excusez-moi !
Et elle est allée se réfugier dans la cuisine.
- Vous avez une très belle maison.
- Elle plaît beaucoup à Clorinde, ce quil y a de sûr.
- Elle serait difficile.
On sest assis.
- Et vous ? Vous vivez sur place, là-bas, à lhôtel, à ce quelle ma dit.
- Oui. Enfin non ! Cest compliqué. Disons que jai un compagnon avec qui ça se passe pas trop bien. De plus en plus mal en fait. On narrête pas de se disputer. Jai demandé au patron du coup. Qui a mis une chambre à ma disposition. Et chaque fois que ça tourne vinaigre je viens my réfugier. Ce qui est presque tous les jours maintenant.
Elle a soupiré.
- Faudrait quon se sépare. On na plus rien à faire ensemble. Mais bon, cest pas facile dadmettre quon sest trompé. Deffacer tout un passé.
Clorinde a fait sa réapparition.
- Ils me gonflent, mais ils me gonflent à vouloir sans arrêt gérer ma vie comme ça. Et pour tout. Je prends sur moi, mais un de ces quatre, ça va voler.
- Quest-ce qui se passe ?
- Oh, ben comme dhabitude. Ils veulent absolument que je reprenne mes études. « Tu vas pas faire serveuse toute ta vie enfin, Clorinde ! » Et là, en prime, ils mont dégotté un mec. Un futur mari. Qui sera avocat. Ou notaire. Un truc comme ça. « Tu pourrais au moins faire leffort de le rencontrer
» Même pas en rêve. Bon, mais allez ! Je vais pas me prendre la tête avec eux. Ça va me gâcher ma journée.
On a siroté lapéritif au bord de la piscine.
- Tu pourras venir te baigner, si tu veux, quand il fera beau.
Et déjeuné dans le séjour.
- Cest lui qua préparé, parce que moi, question cuisine
- Cest très bon.
- Merci.
La conversation a bien évidemment roulé sur leur boulot là-bas. Sur le patron.
- Il est trop, lui. Où que jaille, je suis à peu près sûr de le voir rappliquer dans la minute qui suit.
- Ah, ben ça ! Et tu sais ce que je me demande ? Cest sil ta pas filmée en douce avec son portable hier
- Oh, tu crois ?
- Je suis pas sûre, mais jai vraiment de gros doutes.
- Ce serait bien le genre à ça nimporte comment ! Ce quil faudrait, cest que je le prenne en flagrant délit.
Il a aussi été question de Stephen, le type de la chambre 342.
- Qui continue à me battre froid, soit dit en passant.
- Ce qui signifie que tu lui plais.
- Ben, on dirait pas.
- Mais si ! Cest sa stratégie à lui. Faire celui quen a rien à foutre de toi. Pour tagacer. Te titiller. Et te donner envie de tout faire pour attirer son attention.
- Et ça marche avec les autres ?
- Pour autant que jaie pu en juger, ça marche, oui.
- Oui, oh, ben pas avec moi alors là, il peut toujours courir.
Quand elle a été partie, elle a voulu savoir.
- Alors ? Vous la trouvez comment, ma copine ?
- Sympa
- Sympa ! Oh, lautre ! On me la fait pas à moi. Je vous connais. Et vu comment vous la bouffiez des yeux
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