L'Amant 2/2
Deux heures plus tard, Angélique ressortit du bureau de son supérieur et retourna vers les bureaux de son groupe retrouver Karine.
Hormis la Commissaire, le bureau était désert, vu lheure tardive. Karine était penchée sur son ordinateur portable. Elle leva la tête et sourit à larrivée dAngélique :
- Alors ? les formalités hiérarchiques sont terminées ?
- Oui et ça mépuise tout ça, quelle perte de temps !
- Je suis en plein dedans, la chance que jaie par rapport à toi, cest que je suis à distance. On échange juste des mails avec mes supérieurs. Je viens juste de leur faire mon rapport.
Angélique pris note que Karine venait de passer du vouvoiement au tutoiement. Dont acte !
- Euh, vous avez
tu as une chambre réservée ?
- Oui oui, dans un hôtel à Colmar.
- Je ty dépose en rentrant chez moi si tu veux, ça téviteras de prendre un taxi.
- Avec plaisir Angélique, je termine mon envoi et on y va.
Elles sinstallèrent dans la voiture dAngélique. Après avoir roulé quelques minutes et discuté des avancées récentes de lenquête, Karine demanda à Angélique :
- Peut-être pourrions-nous diner ensemble ? Je pense quil y a des bons restos à Colmar ?
Angélique fut surprise de cette demande.
« Ouh la la, elle me drague ?? » se dit-elle. Cela nétait pas pour lui déplaire évidement. Cette femme limpressionnait depuis la première seconde. Si elle était honnête avec elle-même, elle était même un peu plus quimpressionnée, elle était sous le charme.
« Une femme si belle, si classe qui sintéresse à moi, cest plutôt valorisant ».
Par contre, il y avait toujours sa règle de vie « No sex in Job ». Elle lavait appliqué pour Leïla, alors quelle avait très envie de passer outre. Mais Karine, nétait pas Leïla. Dans quelques jours Karine allait repartir et quitter la ville et sa vie.
Après tout, elle se faisait son cinéma, mais peut être que Karine ne la draguait pas.
- Ecoute Karine, pourquoi ne pas dîner ensemble. Par contre, on va passer chez moi avant, que je me change. Je suis en uniforme. Je connais un restaurant plutôt sympa, qui propose des spécialités alsaciennes, et cest à deux pas de chez moi.
- Daccord.
- Cest un jeune chef qui vient de sinstaller, il revisite les plats typiques. En principe, « revisiter » en cuisine à une connotation bobo et signifie la plupart du temps, quil ny a rien dans lassiette et que cest hors de prix, mais là, ce nest pas le cas. Cest plutôt magnifier les plats traditionnels que revisiter.
- On a la même opinion concernant les tentatives culinaires de certains, dit Karine en riant.
Après avoir roulé une vingtaine de minute dans la circulation de Colmar, assez dense en ce début de soirée, elles arrivèrent devant limmeuble dAngélique.
Au pied de lescalier, Angélique dit à Karine :
- Cest au deuxième, je passe devant.
Elle regretta aussitôt de ne pas avoir laissé passer Karine devant, comme à son habitude lorsquune femme qui lui plaisait laccompagnait, afin de profiter de la vue sur ses fesses.
« Au moins, cest elle qui profite, pour le coup », se dit-elle. « Après tout, jai un assez joli cul aussi », rajouta-t-elle.
- Ne fais pas attention au désordre, je viens tout juste daménager ici, une partie de mes affaires est encore dans des cartons qui sont entassés partout.
- Pas de souci !! Ah pas mal ! Quand tu auras terminé ton aménagement, ça sera magnifique. Tu aimes les meubles design ? demanda Karine en désignant un fauteuil Charles & Ray Eames.
- Oui, jai encore pas mal de choses à installer. Les meubles et objets de designer cest mon péché mignon. Jy laisse mes économies dans les salles de vente!
- Belle pièce en tout cas, et ça aussi, dit-elle en montrant le canapé. Cest italien, je suppose ? Années 70 surement ?
- Oui
- Tout à fait mon style, je vois que nous avons pas mal de goût en commun. Le design italien ou le design scandinave, cest intemporel.
D'abord ravie par le compliment, Angélique sentit ses joues sempourprer lorsquelle saperçu que le regard de Karine était posé sur une uvre accrochée au mur. Ce tableau, quoique stylisée était ambigu. Les traits de lart contemporain ne masquaient pas complétement les formes féminines enlacées.
Elle avait limpression dêtre au fond du puit quand Karine se tourna vers elle, et quelle découvrit le petit sourire qui apparaissait au coin de ses lèvres :
- Belle uvre ! Cest de qui ?
- Euh
Ce nest pas signé
- Dommage !
- Oui
En effet
Bon, je vais téléphoner pour réserver une table et je vais me changer.
Une fois, dans sa chambre et la porte fermée, Angélique souffla en ouvrant la porte coulissante de son placard. La situation devenait de plus en plus équivoque. Les allusions de Karine, son petit sourire devant le tableau laissaient de moins moins de place au doute.
- Reprends toi ma chérie, elle peut apprécier lart contemporain sans pour cela en vouloir à tes fesses. Tu es ridicule ! se dit-elle en choisissant ses vêtements.
Prises dans ses pensées, elle avait choisi inconsciemment des vêtements plutôt sexy. Un haut échancré et une jupe courte et près du corps :
- Te voilà repartie à faire ta midinette, se reprocha-t-elle en sapercevant des vêtements sélectionnés.
Malgré tout, elle prit dans sa commode une parure de sous-vêtements rose pâle avec de la dentelle noire, avant de la reposer. Avec les habits près du corps quelle avait pris, ce nétait pas lidéal.
- Avec ta jupe serrée, cest beaucoup mieux.
Elle sest emparée enfin de collants noirs, qui assurément mettraient en valeur ses longues jambes. Elle compléterait ensuite avec des escarpins qui la feront culminer à plus dun mètre quatre-vingt :
- Là, ce nest plus midinette, cest vamp, se dit-elle. On va voir ce quelle a vraiment dans le ventre, la Karine !!
Pour parfaire le tout elle a relâché ses cheveux blonds en les libérant de la queue de cheval réglementaire, quelle arborait pour le boulot.
Et la réaction de Karine ne se fit pas attendre. Dès son retour dAngélique dans le salon, la Commissaire sexclama :
- Mais tu es magnifique !! Cest un plaisir daller au restaurant avec toi, ce soir. Le truc, cest que moi à côté, je vais paraitre bien fade, dit-elle en souriant.
- Mais non, impossible dêtre fade pour une femme comme toi, répondit Angélique en rougissant.
- Vraiment ? On y va ?
Le diner fut très agréable. Elles discutèrent dabord de lenquête. Puis de leur travail plus généralement :
- En principe, je suis rarement sur le terrain, en tant que commissaire-principale dit Karine.
- Commissaire-principale ? Carrément ! Tu es donc une huile à lIGPN.
- Oh, pas vraiment. La hiérarchie est beaucoup plus touffue que tu ne limagine à lIGPN et très pyramidale. Je dirige un département seulement. Là, je navais personne sous la main, toutes mes équipes étaient occupées, jai donc pris cette affaire en charge, moi-même. Ça marrive de temps à autre. Je ne regrette pas, le terrain me manque et
le séjour risque dêtre agréable.
- Et sinon, tu as une famille ? Tu es mariée ?
- Non, célibataire. Cest un métier prenant, pas vraiment lidéal pour la vie de couple. Toi, tu es célibataire, jai constaté que tu vivais seule.
- Oui
Oh pas depuis longtemps, jétais en couple, mais cest terminé depuis deux mois.
- Cette séparation, cest à cause de ton boulot ? Il ne supportait plus tes absences, tes horaires décalés ? dit Karine, en insistant sur le « il », mais peut-être, suis-je indiscrète.
- Non, cest à cause dautre chose.
- Je suis vraiment indiscrète, passons à autre chose
- Non, cest dû à une tromperie, que du banal
Je reste sur des principes de fidélité dans le couple.
- Oui eh bien, passons quand même à autre chose, cest récent, ne remuons pas le couteau dans la plaie. Parlons plutôt projets, avenir
Rêves... En tout cas, ce restaurant est parfait. La cuisine est fine et excellente. En plus du goût, on en a dans lassiette. Je crois, que je ne finirais pas. Excellent choix de vin Angélique, en Alsace vous avez de quoi faire.
- Cest un Pinot gris. Un de mes préférés. Mais je ne suis pas Alsacienne. A lorigine, je suis du nord de la France, Hardelot-Plage près de Boulogne sur Mer.
Angélique sursauta. Elle venait de sentir quelque chose la frôler sous la table.
Manifestement cétait Karine. Elle avait ôté sa chaussure et elle frottait son pied contre sa cheville, puis elle remonta doucement tout le long de son mollet, avant de le redescendre et de le poser sur le pied dAngélique.
- Tu fais une drôle de tête Angélique ! il y a quelque chose qui te dérange ? dit Karine, le regard rivé dans celui dAngélique.
- Non
Non, rien du tout, bafouilla Angélique
- Dis-moi, si quelque chose ne va pas !
- Non, tout va bien
- Tu me rassures, tu es devenue toute pâle dun seul coup
Angélique venait de retirer sa propre chaussure et caressait à son tour le pied de Karine du bout des orteils.
Mal à laise, elle jetait des regards autour delle, afin de sassurer que personne ne les observait ou aurait pu repérer leur manège. A priori, non. Elles étaient installées à une table au fond du restaurant. Dos au mur. De plus, la nappe cachait en partie le dessous de la table et la lumière était tamisée.
Aucun risque donc, sauf si la serveuse srapprochait de la table, et là Angélique aurait le temps de la voir arriver.
Karine, remonta son pied, cette fois plus haut, jusquau bas de la jupe dAngélique, puis le posa carrément sur le dessus de sa cuisse, après avoir frotté légèrement sa voute plantaire dessus.
Angélique posa sa main sur le pied ainsi offert, le caressa, dabord avec une, puis avec ses deux mains, quelle venait de glisser sous la table. Elle le pressa entre ses paumes, massa le dessus, puis la plante des pieds, caressa, les orteils, un à un.
Elle pouvait lire sur le visage de Karine, leffet que cela lui procurait. La bouche légèrement entrouverte, on sentait bien que sa respiration et son cur venait de saccélérer légèrement. Par contre ses yeux étaient toujours rivés dans ceux dAngélique, qui elle non plus ne détournait pas le regard. Lintensité et lérotisme exacerbé de la situation était visible sur les traits de leurs visages crispés. Elles ne prononçaient plus un mot.
Karine, profitant quAngélique venait de la lâcher pour changer de position, tenta de passer son pied sous sa jupe. Elle put remonter légèrement le long et entre ses cuisses, mais à son grand désarroi, neut pas la possibilité daller bien haut, la jupe dAngélique étant trop serrée.
Karine retira sa jambe des cuisses dAngélique et héla la serveuse :
- Vous nous apportez la carte des desserts, sil vous plaît Mademoiselle. Je crois quil va falloir que nous partions
Elle reprit à lattention dAngélique :
- Je crois quon a assez jouer au chat, enfin à la chatte et à la souris toutes les deux. Il ny a plus aucune ambiguïté
- Non, plus aucune. Tu tiens vraiment à prendre un dessert ? On peut y aller tout de suite, ajouta Angélique en se rechaussant sous la table.
- Jaime finir sur une note sucrée. Et puis le goût du sucre sur tes lèvres, ça justifie amplement de patienter un peu
Ah merci Mademoiselle ! Vous nous recommander quelque chose ?
- Vous avez le kouglof à la compotée de quetsches avec une boule de glace à la cannelle. Cest une spécialité du Chef. Le tout fait maison, bien sûr !
- Cest tentant en effet, je prends ça ! Et toi Angélique ?
- Pareil
- Et mettez nous deux coupes de crémant. Dalsace bien sûr ! Ah et laddition aussi, nous partirons juste après.
Les desserts et laddition arrivèrent rapidement :
- Laddition est pour moi Angélique !
- Mais non, on partage
- Tinquiète, ça passera en note de frais
Cest surtout que ça me fait très plaisir de tinviter. Succulent ce kouglof avec ces quetsches ! Et cette glace à la cannelle ! A tomber ! On trinque ?
Elles quittèrent rapidement le restaurant. Ce fut Angélique qui prit linitiative. Arrivées à son véhicule, elle saisit Karine par les hanches, colla son corps au sien et posa ses lèvres sur les siennes.
Karine se trouva coincée entre Angélique et la portière. Elle serra les épaules dAngélique. Elles sembrassèrent dabord du bout des lèvres, puis leurs langues se trouvèrent et leur baiser devint plus passionné, puis complètement volcanique. Les langues sentrelacèrent Les mains de Karine descendirent dans le dos dAngélique, puis sur ces reins et enfin agrippèrent ses fesses. Angélique étant plus grande quelle, Karine sétait levée sur la pointe des pieds.
Enfin leurs bouches se séparèrent. Angélique, reprenant son souffle lâcha :
- Viens, on y va, je nen peux plus dattendre. On ne va pas aller à ton hôtel à cette heure-ci, on va chez moi.
- Daccord, moi aussi jattends ça depuis ce matin. Depuis que je tai vu pour la première fois dans le bureau de ton capitaine. Tu mas tout de suite tapé dans lil. Au fur et à mesure de la journée, je nai pensé quà ça. Quà toi.
Pendant le trajet, Karine posa sa main sur la cuisse dAngélique et pu enfin la passer sous sa jupe, là où elle avait échoué avec son pied au restaurant.
De son côté, Angélique tentait de rester concentrée sur la route et la circulation. A chaque changement de vitesse, elle en profitait néanmoins pour, elle aussi, caresser la cuisse de Karine.
Arrivées enfin devant chez Angélique, elles sembrassèrent à nouveau avant de descendre de voiture. Devant sa porte close, Angélique fouillait fébrilement dans son sac à main, avant de trouver son trousseau de clés, qui lui échappait. Elle mit enfin la main dessus et eu du mal à lintroduire dans la serrure afin douvrir. Karine ne lui facilitait pas la tâche. En effet, elle lui caressait le dos et lembrassait dans le cou, derrière elle.
Enfin, elle déverrouilla la porte. A peine fut-elle refermée, que Karine la plaqua littéralement contre le mur et lembrassa à nouveau, une main agrippant la poitrine de la lieutenante, gonflée par lexcitation. Angélique de son côté essayait de faire remonter la jupe de la commissaire sur ses cuisses.
- Viens, on va dans la chambre, on ne va pas faire ça ici, souffla-t-elle en libérant ses lèvres de la bouche de Karine.
- Humm, par terre, comme ça, ça peut être excitant, mais ton lit sera plus confortable
Cest un rayon de soleil qui lui tapait droit dans lil, depuis la fenêtre dont les rideaux navait pas été tirés la veille au soir, qui réveilla Angélique. 6 heures du matin, dans son dos, Karine se mit à remuer. Elle se retourna pour profiter du spectacle de la femme magnifique qui dormait encore à côté delle. Sa poitrine superbe dépassait au-dessus de la couette. Elle avait un parfait souvenir de ces deux seins, comme du reste du corps de Karine, dont elle avait profité la veille au soir et une partie de la nuit. Leurs ébats avaient duré longtemps. A un moment, pensant être repues, elles sétaient allongées lune à côté de lautre. Mais au bout de quelques minute, elles recommencèrent à se caresser du bout des doigts, puis de façon plus appuyée et avaient roulées lune sur lautre et refait lamour.
Angélique se leva sur la pointe des pieds. Les vêtements et sous-vêtements des deux femmes jonchaient le sol autour du lit, en vrac, preuve de lexcitation de la veille et de lempressement quelles avaient eu à se déshabiller mutuellement et à jeter ces parures inutiles hors du lit. Elle prit au passage le kimono en soie, quelle déposa à lattention de son amante lorsquelle se réveillerait. Elle enfila une nuisette qui était posée à côté. Elle prit dans sa main la culotte noire en dentelle que portait Karine la veille, avant de la reposer sur le plancher.
Elle introduit une dosette dans la machine et se prépara un café quelle dégusta assise devant lilot central qui séparait la petite cuisine du séjour, en consultant les sites dinfos sur son smartphone.
Une vingtaine de minutes plus tard, Karine la rejoignit, encore à moitié endormie. Elle était toujours aussi belle, les yeux mi-clos et ses cheveux bruns en bataille.
Le kimono rouge à motifs asiatiques ne cachait rien de ses cuisses parfaites. Cela eu pour effet démoustiller à nouveau Angélique.
Karine sest approchée delle et a déposé un baiser sur son front :
- Quelle nuit, dit-elle en baillant, courte, mais intense
- Café ? Jus dorange ?
- Les deux
Et un double café, sil te plaît, je vais avoir besoin dun cocktail de caféine et de vitamine C. Ce genre de soirée et de parties de jambes en lair, ce nest plus de mon âge.
- Plus de ton âge ? Tu nes pas vieille !!
- 42, tout de même. Dailleurs, quest-ce quune jeunette comme toi trouve à une femme de mon âge ?
- Jai toujours aimé les femmes plus âgées que moi
Enfin dans une certaine mesure, bien sûr ! Et merci pour la jeunette, ça fait plaisir à entendre, mais jai 29 ans quand même.
- Où sont mes 29 ans
- De toute façon, ce nest pas une question dâge. Cest surtout que tu es magnifique, 42 ans ou pas ! On a le temps de prendre une douche pour nous rafraichir et nous remettre daplomb. Je te propose de la prendre en même temps pour gagner du temps. Jai une douche à litalienne, on y rentre à deux sans problème !
- Tu as testé déjà, à deux sous ta douche ?
- Non, je viens darriver, je nai pas encore eu loccasion !
- De toute façon, si on manque de place, on se serrera
Angélique a laissé Karine à cent mètres de la SR. Elles avaient convenu de ne pas arriver ensemble pour éviter les ragots. Elle ne pouvait pas sortir de son esprit la douche quelle avait prise avec Karine et son corps contre le sien sous le jet, puis lorsquelle sétait accroupie devant Karine, son visage sur son entre-jambe. Cette journée allait être compliquée. Si proche delle et ne pas pouvoir la toucher, lembrasser, le temps allait être long jusquau soir :
- Salut Duchemin !!
- Oh bonjour Lieutenant !!
- Le Capitaine veut me voir, je parie ?
- Non, Lieutenant, il ne ma rien dit ce matin.
- Vous êtes sûr Duchemin ?
- Ah oui Lieutenant, je suis sûr
- Ah Duchemin, dès que la Commissaire de Paris arrive, vous laccompagner à mon bureau.
- Cest noté Lieutenant.
Il ny avait que Thierry qui était arrivé. Il pianotait, comme à son habitude sur son clavier :
- Salut Thierry !
- Oh bonjour Lieutenant
- Débrief dès que les autres et la Commissaire seront arrivés. Surement pas avant dix heures au moins. Vincent est au commissariat de Colmar ce matin, pour interroger les collègues de Dalmasso. Quand la commissaire arrive, tu linstalles sur un des bureaux vides. Elle aura surement besoin de place pour travailler.
- OK Lieutenant.
Angélique sest installée dans son bureau et ouvrit son ordinateur. Sisoler de Karine pour le moment, cétait le mieux. La côtoyer de trop près aujourdhui, allait surement être une et pire, risquait de la trahir, notamment vis-à-vis de Leïla qui avait un regard acéré.
- Je crois quil va falloir que tu te calmes ma grande, elle va sen aller dès que lenquête sera bouclée et tu ne la reverras pas. Peut-être un ou deux coups de téléphone au début, trois SMS, rien de plus. Ne commence pas à te monter le bourrichon, comme à ton habitude.
Elle entreprit de consulter sa boite mail, ce quelle navait pas pu faire la veille, vu la journée de folie quelle avait vécu. Après deux semaines de vacances, ça débordait. Rien de passionnant, ni dimportant. La plupart des messages atterrirent dans la corbeille directement.
Quelques minutes plus tard, elle la vit arriver, discuter avec Thierry et sinstaller à un bureau. En passant devant les parois vitrées du bocal quoccupait Angélique, elle lui fit un signe de la main. A priori, elle était elle aussi soulagée de ne pas être trop près dAngélique.
Leïla arriva à son tour, et elle aussi la salua de la main à distance.
Enfin, vers dix heures quinze, Vincent arriva en lâchant un tonitruant « Bonjour ».
- Bon, tout le monde est là, on fait notre débrief. Qui commence ? Thierry ?
- Bon, jai dabord essayé de tracer le paiement des roses. Lachat est confirmé, une carte bancaire à 15h04, le jour du . La carte utilisée est celle de Guillaume Dalmasso.
Dautres achats dans la soirée, à priori des vêtements, des produits dhygiène. Les transactions ont eu lieu entre dix-neuf et vingt heures. Dalmasso a payé sa chambre dhôtel vers vingt heures trente.
- Ça lui laisse donc le temps de retourner chez lui après et dassassiner sa femme. Le a eu lieu entre vingt heures et vingt-trois heures, daprès le légiste.
- Exact ! Rien de particulier à signaler sur le compte de Dalmasso les jours précédant, comme les jours qui ont suivi. Avant le des transactions réalisées par les deux époux, cest un compte joint, ensuite seulement par Dalmasso. Normal, Madame était morte.
Rien que des dépenses courantes : RAS pour notre enquête.
- Et Jessica Dalmasso justement ?
- Jessica Dalmasso a son propre compte personnel, en plus du compte joint. Le gros des dépenses, factures et frais courants du couple, est fait sur le compte des deux époux. Lautre semble être réservé à des dépenses plus exceptionnelles. Ce compte est dans une autre banque.
Vu la nature des dépenses, à priori, louverture de ce compte a été cachée à son mari.
- Cest-à-dire ?
- Pas vraiment de transactions régulières. Une fois ou deux des dépenses hôtelières, à priori de courte durée, vu le montant des factures.
Par contre, rien depuis plusieurs semaines. Mais avant ce genre de dépenses revenaient ce temps en temps, avant de sarrêter, puis de répondre etc.
Apparemment, au rythme des rencontres. Cest toujours dans le même hôtel de la périphérie de Colmar, réputé pour louer des chambres à des couples illégitimes.
- Genre, la fille paye lhôtel pour les mecs ? Jolie mentalité
- Non, pas ment. Je me suis rendu dans cet hôtel ce matin en présentant une photo de la victime à la réception. Ils lont tout de suite reconnue. Cétait une cliente plus que régulière, assidue même, en gros une fois par semaine, parfois deux. Ils ont même suspecté de la prostitution à un moment, surtout que ce nétait pas un amant régulier, mais généralement des personnes différentes. Mais le fait que Jessica Dalmasso payait la chambre de temps en temps les a rassurés. Mais en général, cest les mecs qui sortaient leur CB.
- A part ça ? Quoi dautre ?
- Après, on un prélèvement mensuel, un abonnement à un site de rencontres sur internet, et pas le genre de site où des célibataires cherchent le grand amour.
- Carrément
- Ce nest pas tout ! Plusieurs achats sur les derniers mois auprès de la société RGH.
- RGH ?
- En fouillant, jai trouvé que cétait un site darticles coquins en ligne. Jessica Dalmasso avait donc une double vie, à priori, pas un amant, mais des amants, et ça ne remonte pas à mardi dernier, même si ces derniers temps, ça semblait sêtre calmé. On peut supposer donc, que son dernier amant, elle venait tout juste de le rencontrer.
- Peut-être
Ca ne nous arrange pas en fait. Il va être plutôt difficile à tracer
- Ça reste une supposition. Après tout, elle la reçu chez elle et nest pas allée à lhôtel.
- Avec les horaires de travail de son mari, cétait peut être difficile de prévoir et de recevoir. Doù ses habitudes à lextérieur. Mardi, elle a peut-être eu lassurance dêtre tranquille.
- Raté en tout cas
- Oui, après cette histoire damant, ce nest que la version de Dalmasso. Aucun indice tangent na été retrouvé sur place. La seule certitude, cest que des amants, elle en a eu, et pas quun apparemment. Rien ne nous prouve que mardi dernier, elle recevait un homme. Les rapports sexuels constatés par le légiste peuvent remonter à la veille, pourquoi pas.
- En tout cas, pas avant que nous ayons les résultats de lanalyse ADN.
- Cest tout Thierry ?
- Oui, rien de plus. Sur dautres fichiers, je nai trouvé que des broutilles. Jai consulté ses relevés téléphoniques, portable et fixe, jattends quon me donne la concordance de certains numéros. En tout cas, pas dappels récurrent ces dernier temps, hormis la famille et les copines, dont jai pu identifier le numéro. Elle a peut-être un deuxième portable pour ses activités parallèles, comme elle a un second compte bancaire. Dailleurs, pas de trace dun second abonnement sur les comptes. Un téléphone à carte prépayée peut-être. Vous avez trouvé quelque chose à lappart à ce sujet ?
- Non, mais on va procéder à une deuxième fouille, au vu de nos résultats récents. On va retourner lappart et on va fouiller la cave, le garage où je ne sais quoi.
Merci Thierry, du bon boulot. Puisquon parlait dADN, Vincent, à ton tour.
- Bon, je suis passé hier au laboratoire à Strasbourg. Jai bien insisté pour quils fassent les analyses rapidement. Jai tellement insisté, que pour se débarrasser de moi, ils mont promis de sy coller hier après mon départ. Tu sais comme je peux être chiant !
- Je confirme !
- Sils ont tenu parole, on devrait avoir les analyses avant midi aujourdhui.
- Bien ! Cette analyse ADN est primordiale. Dans le meilleur des cas, le type est fiché et on a son identité. Sinon, on pourra au moins déterminer que cet ADN nappartient pas à Dalmasso.
Tu es passé au commissariat ce matin ?
- Oui, alors rien de vraiment intéressant. Jai vu le commissaire et quelques collègues. Je te la fais courte Lieutenant, bien vu, bien noté, bon flic, bon collègue, sans histoire. Jai été obligé de lâcher le morceau aux collègues sur le pourquoi de son arrestation pour quils collaborent, sinon, jaurais parlé à des murs. Ils regrettent ce qui sest passé, mais ils comprennent, à la place de Dalmasso, ils auraient fait pareil
blablabla
Tu vois le genre
Esprit de corps, on va appeler ça !
- Rien de passionnant donc ?
- Non, mais ça méritait dêtre vérifié. Les collègues me confirment que Dalmasso na jamais parlé avec eux de problèmes de couple. Aucun nétait au courant quil était séparé de sa femme depuis une semaine.
- Bien, parfait
Leïla ?
- Pas grand-chose quon ne savait déjà en fait. Jai interrogé lentourage de Jessica Dalmasso. Du côté de la famille, rien de particulier, pas de problèmes de couples à leur avis. Avec eux, je nai pas abordé lamant.
Les collègues de travail, Jessica travaillait dans une compagnie dassurance. RAS aussi, sauf quune collègue a évoqué quelques bruits de couloir, sur une liaison entre Jessica et un ancien employé. Bon, rien de certain, seulement des ragots.
Jai pu voir quelques amies, trouvées dans son carnet dadresse. Celle qui semble sa meilleure amie et sa confidente, une certaine Elodie Gaillard, ma lâché quelle savait que Jessica avait des amants, mais na pas pu ou voulu men dire plus. On peut la convoquer ici, dans le cadre plus formel dun entretien dans nos locaux, elle pourrait être impressionnée et lâcher le morceau
- Pourquoi pas. Rien dautre ?
- Non, rien, cest léger
- Cest ça une enquête Leïla, parfois, on avance dun seul coup, parfois on fait du surplace. Mais il faut toujours vérifier chaque détail. Ce nest jamais du temps perdu décarter des pistes.
- Je sais, mais cest frustrant !
- Jai un mail du labo pour lADN, sexclama Vincent
- Alors ?
- Attends que je louvre et que je le lise !! Voilà, jy suis
Super, on a une concordance
Le type est fiché
- Cest qui ?
- Quelle impatience !!! Attends, faut que je consulte la pièce jointe
Oh putain !!!!
- Quoi ???
- Regarde
- Oh merde
- Cest qui ?
- Paul Kowalski
- Oh merde Kowalski, manquait plus que ça
- Paul Kowalski, le tueur en série ? LAmant ? demanda Karine
- Lui-même !
Paul Kowalski avait défrayé la chronique six ans plus tôt pour une série dassassinats sur une période de quelques mois. Deux dans la région dAix en Provence, trois autres en Gironde, puis trois en Alsace, notamment deux à Colmar. Il avait revendiqué ces assassinats à chaque fois, dans une lettre envoyée aux différents enquêteurs.
Les médias, toujours prompts à donner des surnoms aux tueurs en série, lavaient surnommé «lAmant ».
Son modus operandi était toujours le même. Il séduisait des femmes, mais uniquement des femmes mariées, couchait avec elles, et les assassinait avant de disparaitre. Il semblait faire une fixette sur les femmes volages.
Lors de son passage à Colmar, la police lavait identifié grâce au témoignage dun réceptionniste
dhôtel, où il avait donné rendez-vous à une nouvelle et potentielle victime. Il sétait enfui, mais la plaque dimmatriculation de la voiture quil avait louée avait permis à la police de remonter sa piste jusquà une maison, louée aussi, toute proche de Colmar. La police lavait arrêté alors quil sapprêtait à disparaitre dans la nature.
La suite est encore plus rocambolesque. Il avait réussi à sévader lors dun interrogatoire avec le juge dinstruction au Palais de Justice. Il avait subtilisé larme de service dun gardien, tiré sur un autre gardien et un policier présent sur place et prit en otage la greffière. Il sétait enfui avec son otage dans une voiture.
Une chasse à lhomme sétait mise en place, mais Kowalski réussit à passer entre les mailles du filet.
On a retrouvé le corps de la greffière dans la voiture volée au milieu dune forêt près de Nancy, violée et égorgée, mais lAmant avait disparu dans la nature. Depuis six ans, il navait plus fait parler de lui.
- Il est de retour !!
- On dirait bien
Et il a assassiné à nouveau
Une femme mariée
- Tu en pense quoi Angélique ?
- Ca ne colle pas
- LADN ne ment pas, cest lui, cest sur
- Non, ce nest pas ça, mais jai un gros doute là
Cest bien les policiers de Colmar qui ont arrêté Kowalski, il y a six ans ?
- Oui
- Jappelle le Commissaire
Je reviens, dit-elle en se précipitant dans son bureau.
Elle revint cinq minutes plus tard.
- On convoque tout de suite Dalmasso pour un nouvel interrogatoire. Jai eu le Commissaire, il ma bien confirmé que Dalmasso était déjà en service, il y a six ans et même si à lépoque cétait un jeune flic, il a activement participé à lenquête, à larrestation et aux interrogatoires de lAmant
- Donc, il nous a menti quand il a prétendu quil ne connaissait pas le type qui était au lit avec sa femme, enchéri Karine.
- Exactement !! On va tirer ça au clair tout de suite
- Je men occupe illico, ajoute Vincent. Leïla, tu viens avec moi ? On va chercher Dalmasso.
- Je te suis
Les deux gendarmes quittèrent la pièce. Karine et Angélique se dirigèrent vers la salle dinterrogatoire.
Comme la veille, Karine se mit dans la pièce contiguë derrière la glace sans tain.
- Vous avez du nouveau Lieutenant ?
- Ah oui Monsieur Dalmasso, on en a !
- Cest-à-dire ?
- On connait lassassin
- Cest qui ?
- Vous le savez comme moi, non ?
- Comment voulez-vous que je le sache ! Je suis enfermé ici, je ne participe pas à lenquête
- Allons allons Dalmasso, vous vous êtes assez foutu de nous !!!
- Comment ça ? Je ne lai pas tué, je vous lai dit hier, je le répète aujourdhui !!! Dailleurs, il est où mon avocat ?
- Vous ne lavez pas tué directement, non
- Soyez plus claire Lieutenant, je ne comprends rien
- Oh si, Dalmasso, vous comprenez très bien. Vous navez pas tué Jessica de vos mains, mais vous connaissez parfaitement son assassin. Paul Kowalski, dit lAmant !!
- Paul Kowalski ?
- Ne me prenez pas pour une conne Dalmasso. Vous avez participé à lenquête et à larrestation de lAmant il y a six ans. Une arrestation de ce genre, on sen souvient, surtout vous, qui étiez un tout jeune flic à lépoque. Vous ne pouvez quavoir été marqué par ce personnage. Dautant plus que tout ceux qui lont croisé disent de Kowalski quil a énormément de charisme. Vous ne pouvez pas avoir oublié son visage, vous avez été directement et physiquement confronté à lui. Ne me faites pas croire ça
Un silence sensuivi
Dalmasso avait baissé la tête et semblait fixer une tâche sur la table qui le séparait dAngélique.
- Alors ? demanda Angélique après une trentaine de secondes.
- Oui, je lai reconnu
- Vous saviez très bien que votre femme était avec lAmant, vous saviez très bien ce qui allait lui arriver !!!
- Je vais vous dire une chose Lieutenant
- Je vous écoute
- Trouvez sa femme au lit avec un autre homme cest déjà très difficile à vivre
- Jen conviens, répondit Angélique.
Elle faillit rétorquer quelle était bien placée pour le savoir. La vision de Sandra au lit avec ces deux filles lui revint à lesprit.
- Mais à la limite ce nest même pas ça le pire dans lhistoire. Ce qui ma fait le plus mal, cest ce que jai lu dans le regard de Jessica. Pas de remords, même pas de honte sur ce quelle avait fait. La seule chose que jy ai vu, cest que Jessica regrettait seulement de sêtre fait chopper. Pas dautre forme de regrets
Elle a juste eu un soupir énervé quand je suis entré dans la chambre. Puis elle a détourné le visage. Pas une phrase dexcuse
rien
Pas de justification, dexplication. Elle a juste soupiré et a semblé énervée, comme si je la dérangeais en fait. Seulement ça !
- Et cest une raison pour la laisser entre les griffes dun prédateur ? vous étiez parfaitement conscient de ce qui allait lui arriver
- Lui, je ne lai même pas regardé dans un premier temps. Jai juste fixé Jessica, attendant, je ne sais quoi
Une explication, un mot dexcuse. Vous croyez quon réagit comment quand on surprend lamour de sa vie, celle en qui on avait confiance, celle avec qui on voulait bâtir un truc, en train de se faire prendre en levrette sur le lit conjugal, juste vêtue de bas résille et de hauts talons, en train de gémir et de dire au mec qui la saute, « Je suis ta pute » ?
Lui, je lai vu après, dans un second temps. Je ne pense pas quil ma reconnu, moi si, tout de suite. Un regard comme celui de Kowalski, ça ne soublie pas
Vous croyez que cest facile à vivre ce genre de chose depuis une semaine ? Vous croyez que je néprouve aucuns regrets ? Bien sûr que si. Jy pense
Je ne pense quà ça même
Sans arrêt
Mais sur le moment, cest ce que jai fait
La colère ne sest pas exprimée par des cris. Les doutes, les remords sont venus après. Jaurais pu sauter sur Kowalski, jaurais pu mettre une paire de gifle à Jessica. Jétais dans un état second, le temps sest comme suspendu
Jai tué Jessica. Je lavoue. Kowalski nétait quun intermédiaire, linstrument de ma vengeance. Sur le moment, je nai pas réfléchi à mon acte, jai quitté la chambre, sans un mot, un peu comme un zombi. Jai eu un moment de doute dans le couloir, les implications de mon acte me sont apparues, ma conscience de mari, ma conscience de flic aussi me disaient de faire demi-tour. Et puis, le regard et le soupir excédé de Jessica se sont imposés à nouveau à mon esprit et jai quitté lappartement en la laissant à son destin. Je savais ce qui allait lui arriver.
Je vais vivre avec ça le reste de ma vie.
Les deux femmes sembrassèrent dans la voiture garée sur le parking de la gare de Colmar.
Lenquête sur Dalmasso étant terminée, Karine rentrait à Paris. Elles avaient profité de la dernière soirée passée ensemble, et de la dernière nuit aussi.
- Tu mappelle pour me tenir au courant de la suite de lenquête concernant Kowalski !
- Bien sûr
Le fait quil soit revenu après ces années nest pas une bonne nouvelle. Jai peur que dautres s se produisent
- Oui, cest probable. Mais cest bien que vous ayez gardé lenquête.
- Oui, ça risque de nous occuper pour pas mal de temps
Ce type est malin.
- On a passé de bons moments, toi et moi, non ?
- Si
cest dur de te laisser partir
- On le savait toutes les deux, que ça se terminerai comme ça. Jétais là pour Dalmasso, pas pour Kowalski. Le sort de Dalmasso est réglé. Je pars.
- Cest sur
- Ne soit pas triste, en deux jours, même si cétait intense, on na pas eu le temps de sattacher lune à lautre.
- Oui
- Et si tu viens à Paris, fais-moi signe. Un dernier baiser ?
A suivre
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!