Clorinde, Ma Colocataire (2)
Elle a émergé à onze heures. Au radar. Et vêtue, en tout et pour tout, dune toute petite culotte blanche qui mettait généreusement en relief et en valeur ce quelle était supposée dissimuler.
Tu veux du café ?
Ce serait sympa, oui. Que jy voie plus clair !
Elle a soupiré.
Cinq messages il ma laissés depuis ce matin, aux aurores. Cinq.
Maxime ?
Ben, oui ! Et tout ça pour me dire quil faut que je prospecte au plus vite. Quil est pas question que je reste ici à vous ennuyer.
Mais tu mennuies pas.
Jai vraiment pas limpression, non.
Son téléphone a sonné.
Quest-ce vous pariez que cest lui ? Ah, non, tiens, cest ma mère, ce coup-ci
Allô, oui
Oui
Mais tu me las déjà dit dix mille fois, ça, enfin, maman ! Mais non ! Non ! Mais oui, jte promets, oui ! Cest ça ! Moi aussi
Elle a raccroché.
Quest-ce quelle peut être lourde quand elle sy met ! Toujours le même refrain : « Ne parle pas à tort et à travers, Clorinde ! Ne dis pas nimporte quoi ! Un jour ou lautre, ça te retombera sur le coin de la figure. » En gros, elle a peur que je vous vexe. Mais ça, moi, je suis pas daccord. Faut le dire ce quon pense. Ou ce quon ressent. Et tant pis si lautre, en face, ça lui plaît pas. Ou sil le prend de travers. Il y a rien de pire que de tout garder pour soi. Non ? Vous croyez pas, vous ?
Fais comme tu le sens !
Et son autre grand dada, cest de me répéter, sur tous les tons, quil faut que je sois un minimum décente. Elle me bassine avec ça. « Tes pas à la maison, Clorinde ! Tu te balades pas à poil chez ce monsieur ! Ça se fait pas ! » Mais moi, ce qui se fait ou ce qui se fait pas, les conventions, tout ça, jen ai strictement rien à battre. Et cest depuis toute petite que jai lhabitude dêtre à mon aise, alors cest sûrement pas aujourdhui que je vais changer. Quelle y compte pas ! Dautant que, de toute façon, ça regarde que nous, vous et moi, ce qui se passe ici.
Ce qui ne me gêne absolument pas.
Tu parles que ça vous gêne pas ! Vous vous régalez, oui ! Ça saute aux yeux. Si bien que, finalement, tout le monde est content. Sauf elle ! Mais elle le saura pas.
Elle sest étirée.
Je pourrais pas ravoir un café ? Non, attendez ! Bougez pas ! Je vais y aller. Je vais me servir.
Elle a chaloupé jusquau plan de travail. Je nai pas quitté ses fesses des yeux ni, au retour, la douce échancrure voilée dont je me suis désespérément ef de percer le secret, du regard, sous le fin tissu blanc.
Elle sest rassise.
Jappréhende
Vous pouvez pas savoir comme jappréhende
Quoi donc ?
Den trouver un dappart. Parce que je vais lavoir sans arrêt par les pieds. À vouloir laménager comme elle lentend, elle ! Ça va être prise de tête permanente. Parce que, dans son esprit, ses goûts à elle ont valeur universelle. Elle ne conçoit pas une seule seconde quon puisse en avoir dautres. Et comme jai pas du tout envie que, chez moi, ce soit lexacte réplique de chez elle, on va sengueuler vingt fois par jour.
Eh bien, gagne du temps ! Fais semblant de mettre toute ton énergie à chercher. Et ne trouve pas ! Moi, de mon côté, je rassurerai Maxime. Mais oui, tout se passe bien ! Mais non, tu ne me gênes pas. Pas le moins du monde. Au contraire ! Ça me fait une présence. Ça met un peu danimation et de jeunesse dans la maison. Et tutti quanti
Petit à petit ça va devenir une situation de fait. À laquelle ils vont shabi. Ils nen parleront presque plus. De moins en moins. Dans trois mois, Ils nen parleront plus du tout. Et le tour sera joué.
Vous savez que vous êtes plein de ressources, vous, quand vous voulez ? Bon, mais en attendant faudrait peut-être bien que je fasse un saut à la fac, moi ! Louper la rentrée, ça ferait quand même désordre
* *
*
Déjà ! Eh ben, dis donc, cétait un petit saut.
Oui, oh ! Ça va être aussi plan plan que lan dernier. Et, à moins que, parmi les nouveaux, il y ait deux ou trois mecs consommables, je vais encore memmerder comme un rat mort, moi, cest couru davance. Bon, mais passons aux choses sérieuses. Vous avez vu ce temps ? Piscine, non ? Ça simpose. Dautant que je vous dois une revanche, même si le résultat fait pas le moindre doute. Vous allez encore vous traîner lamentablement loin derrière.
Non, mais écoutez-moi cette petite prétentieuse ! Tu vas voir ce que tu vas voir
Et là, pas calmée ?
On venait de se laisser tomber, comme la veille, sur les matelas.
ment ! Je vous ai laissé gagner. Faut bien que je vous caresse un peu dans le sens du poil si je veux pouvoir rester ici.
Non, mais alors là ! Alors là ! Quelle petite saloperie tu fais !
Elle ma tiré la langue.
En douce que vous avez quand même fait de sacrés progrès depuis hier. Et pas seulement dans leau.
Jai levé sur elle un regard interrogateur.
Ben, oui ! Vous vous êtes décoincé. Vous bandez un peu, pas mal même, mais au moins, cette fois-ci, vous vous planquez pas honteusement, sur le ventre, pour le faire.
Et son regard sest tranquillement installé sur moi en bas. Sy est longuement attardé.
Elle a constaté, avec un petit sourire amusé.
Vous êtes souvent comme ça, nempêche, vous, les mecs ! Suffit quon vous pose les yeux dessus pour quelle se mette à grimper. Et alors si, en plus, on vous cause delle !
Elle sest absorbée dans sa contemplation.
Jaime trop voir ça, moi ! Ça monte. Ça redescend. Ça repart. Ça fait tout un tas de soubresauts. On sait jamais si elles sont à fond ou si elles ont encore de la marge. Nempêche, il y en a pas deux pareilles, si on y réfléchit bien. Cest ce qui fait tout lintérêt de la chose dailleurs.
Elle sest laissée retomber sur le dos.
Stop ! Suffit. Cest tout pour aujourdhui. Faut pas r des bonnes choses.
Son portable a bipé.
Cest pas vrai ! Ils me ficheront pas la paix
Elle y a jeté un coup dil. A soupiré. La reposé.
En attendant, si je suis comme je suis maintenant, cest grâce à elle, Emma. Parce que vous mauriez vue, il y a encore seulement deux ans ! Pleine de principes, la fille ! Bardée de tout un tas de préjugés. Comment elle ma fait voler tout ça en éclats ! « Ben, quoi ! Ils passent bien leur temps à nous mater tout partout, les mecs. Pourquoi on aurait pas le droit de faire pareil avec eux, nous ? » Et elle ne sen privait pas. Dès quil y avait une occasion, elle sautait dessus. Je comprenais pas au début. Quest-ce quelle pouvait bien y trouver ? Et puis, à force de la voir faire, de lentendre en parler, jai fini par me donner le droit dy prendre, moi aussi, du plaisir. On aime toutes ça en fait, nous, les filles, voir comment les mecs sont montés. Mais on ose pas se lavouer. On se linterdit. Cest pas du regard des autres quon a surtout peur, en loccurrence, cest du regard de soi-même sur soi-même. Quest-ce que je vais penser de moi ? Ben rien, en réalité ! Il y a aucune espèce de raison davoir honte, si on y réfléchit bien. De laisser des idées convenues qui nont aucun fondement réel nous dicter leur loi. Une fois que tas a compris ça
Eh ben, une fois que tas compris ça, quest-ce que tas comme retard à rattr !
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