Clorinde, Ma Colocataire (3)
Il ne nous a fallu que quelques jours pour prendre notre vitesse de croisière.
Elle se levait vers huit heures.
Mais vous me réveillez, hein, si je moublie
Surgissait, tout ensommeillée, en petite tenue ou carrément à poil, cétait selon dans la cuisine.
Salut !
Bien dormi ?
Elle ne répondait pas, se versait, en le faisant bien souvent déborder, un grand bol de café noir quelle avalait dun trait.
Et elle filait à la salle de bains. Doù elle mappelait presque aussitôt.
Venez me parler ! Ça me réveillera. Jaime pas ça, rester toute seule, nimporte comment.
Elle se douchait. Et puis moi. Elle se séchait les cheveux, se maquillait devant la glace au-dessus du lavabo. Tout en poussant de profonds soupirs.
Encore une journée à tirer. Cest la purge ! Non, mais quelle idée jai eue daller mengouffrer là-dedans, moi ? Psycho. Tu parles ! On te gave de certitudes soi-disant scientifiques qui nauront plus cours dans dix ans. Et que je te fais des nuds au cerveau. Et que je te mécoute causer. Et tout ça pour quoi ? Pour rien. Tauras pas de boulot à la sortie. Plus personne en veut des psychologues. Cest passé de mode. Et on est des milliers sur le marché.
Elle me tendait la joue.
Bon, allez, courage, jy vais.
Elle rentrait vers cinq ou six heures. Quelquefois sept.
Non pas que jaie passé tout ce temps-là à la fac, hein, je suis pas maso. Non, jai traîné à droite, traîné à gauche. Discuté. Fait quelques magasins. Passé un coup de fil à Emma. Et quand on se téléphone, toutes les deux, en général, ça dure
Il était hors de question de descendre à la piscine. La température ne sy prêtait plus.
Alors elle séclipsait dans sa chambre.
Je vais bosser.
Et en ressortait dès quelle mentendait magiter aux fourneaux.
Je vais pas vous laisser tout faire, attendez ! Et puis faudra voir aussi pour les courses.
Oui, oh
Ah, si, si ! Faut pas exagérer. De toute façon, ils accepteront jamais ça, mes parents. Alors si vous voulez pas quils me rapatrient
Le meilleur moment de la journée, cétait le soir. Après le repas. On sinstallait au salon. On nallumait pas la télé.
Cest pour les vieux, ça, la télé, vous trouvez pas ?
Elle sirotait un limoncello. Moi, un Lavagulin. Et elle entrait en confidences.
Mine de rien, il y en a quand même trois qui me tournent autour depuis la rentrée. Et des pas mal du tout. Un surtout. Un petit blond. Un belge. Dont je ferais bien mon quatre heures.
Eh, ben, vas-y ! Quest-ce tattends ? Fonce !
Ah, ben non ! Non ! Surtout pas. Faut lui laisser le temps de monter en pression au mec. De se demander sil va parvenir à ses fins ou pas. Ce nen est que meilleur le jour où ça se fait. Pour lui comme pour toi.
Cest toujours vous, les filles, qui menez le jeu en fait. À votre guise.
Encore heureux ! Manquerait plus que ça !
* *
*
Ça va comme ça ?
Elle sortait.
Tes ravissante.
Ça fait pas trop la fille qui part en chasse ?
Pas du tout, non. Tes plutôt en mode subtilement coquette. Et cest quoi lobjectif ? Le belge ?
Oh, non ! Non. Il y sera pas, lui, nimporte comment à cette soirée. Et puis même
Je suis pas sûre den avoir vraiment envie. Il y a des trucs qui me gonflent chez lui. Non, là, ce soir, lartiste travaille sans filet. Je connais personne. Alors tout est possible. Ou rien. Jaime bien maventurer en terre inconnue comme ça. Sans avoir la moindre idée de ce qui va se passer. Bon, ben à demain alors. Jy vais..
Et elle ma envoyé un baiser. Du bout des doigts.
Elle est rentrée sur le coup de trois heures du matin. En compagnie de quelquun. Ils ont monté lescalier à pas de loup. Dans la chambre, il y a dabord eu des mots murmurés bas. Un rire étouffé.
Alors ?
Elle a fini de beurrer sa tartine.
Ben alors, rien du tout
Le coup foireux, mais vraiment foireux. Pire, il y a pas. Le mec, il te grimpe. Il fait sa petite affaire et il se casse. De toi il a strictement rien à foutre.
Charmant
Cest un peu de ma faute aussi
Jaurais dû men douter. Il y avait des signes. Qui ne trompent pas quand on a lhabitude. Jai pas voulu les voir. Jétais obnubilée.
Par quoi ?
Par sa queue, tiens ! Quétait dressée toute droite contre ma cuisse quand on dansait. Et ça, moi, dans ce cas-là, jai limagination qui part au triple galop. Jessaie de deviner comment elle est faite. Je men construis un portrait-robot. Et au bout dun moment, ment, je crève denvie de le comparer à loriginal. Et, pour ça, il y a pas trente-six mille solutions. Sauf que là, ça a complètement foiré. Jai même pas pu vraiment la lui voir vraiment en plus. Comme jaime bien. En prenant tout mon temps. En la détaillant sous toutes les coutures. Bon, mais ça arrive. Il y a pas de quoi en faire toute une maladie non plus. Ce sont les aléas. La prochaine fois, ça se passera mieux. Ou pas. De toute façon, quand je veux vraiment prendre mon pied, jai la solution toute trouvée. Jérémie. Avec lui je suis sûre de grimper aux rideaux. À chaque fois. Il me connaît bien, il sait comment je fonctionne et il prend tout son temps. Cest des après-midis entières quon y passe des fois. Jen sors complètement épuisée, mais comblée. Il est plein de qualités en plus. Il est drôle. Il sait plein de trucs. Il se prend pas la tête. Cest un amour, Jérémie ! Faudra que je vous le fasse connaître un jour, tiens !
Ce que je comprends pas, cest pourquoi, si vous vous entendez si bien
On se met pas ensemble ? Je sais, oui, tout le monde nous le dit quon est faits lun pour lautre. Mais non.
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