L'Amant - Dans La Tête De Kowalski 1/2

Angélique Quercy attendait à une terrasse animée d’un café du centre-ville de Colmar.

Elle était vêtue d’une mini-jupe, avait chaussé des escarpins et avaient mis des lunettes noires, comme pour dissimuler un peu son visage.

Angélique était parée comme pour un rendez-vous galant. Il y avait un peu de ça d’ailleurs.

Un homme a traversé la rue et s’est approché de la terrasse. Grand, sportif, la trentaine, il portait aussi des lunettes de soleil. Il regardait attentivement chaque client assis aux tables, comme s’il cherchait quelqu’un. Enfin, il regardait plutôt les clientes seules, passant rapidement sur les hommes, les couples ou les groupes installés sur la terrasse.

Il aperçut Angélique et s’approcha en souriant :

- Daphné ? Thomas, enchanté. Tu es encore plus jolie que sur les photos, dit-il en s’installant en face d’Angélique. C’est vraiment mon jour de chance !!
- Eh non, pas sure que ça soit ton jour de chance mon gars. Je ne suis pas tout à fait Daphné, lui renvoya Angélique en sortant sa carte de gendarmerie et en lui collant sous le nez.

Tu te retrouves au milieu d’une enquête. On cherche quelqu’un et manifestement ce n’est pas toi. Désolée pour le dérangement, mais je crois que tu ne vas pas tirer ton coup cet après-midi. J’espère que tu n’avais pas réservé l’hôtel déjà ? Si ? Mince … Avec champagne et tout ?

- Qu’est-ce que c’est que cette histoire !!!
- Bah écoute, tu ramasses tes affaires et tu vas vaquer à tes occupations. Tu m’oublies et tu restes discret sur tout ça, surtout.
- Mais …
- Mais rien du tout ! Si ça ne te plais pas Casanova, je peux ouvrir une enquête sur ton compte et surement devoir rencontrer ton épouse ou ta petite amie légitime. Tu vois ce que je veux dire ? Regarde le grand type baraqué là-bas, oui, celui avec la petite brune … C’est mes collègues. Ils t’embarquent à la gendarmerie vite fait bien fait, et je discute avec ta femme dans moins d’une heure, quand on lui demandera de venir te chercher.


Ah ! Et n’oublie pas de bien m’évaluer sur le site de rencontre. Enfin, bien évaluer Daphné plutôt. Tu lui mets 5 cœurs, c’est la note maximale je crois ? Désolée, je ne suis pas trop habituée à toutes vos petites histoires de libertins, à évaluer les gens comme de la barbaque. Tu peux même laisser un commentaire élogieux sur mes qualités au lit. Ça serait gentil de ta part. On compte sur toi ! Et sur ta discrétion surtout hein … Sinon …

Ni une, ni deux, le type déguerpit la queue entre les jambes. Vincent à la table d’à côté lui fit un petit signe de la main et un grand sourire narquois quand il passa près de lui. Leïla, quant à elle, le fusilla de son regard le plus sombre.

Angélique était amusée par la situation. Pauvre gars … Il pensait baiser une bombe sexuelle dans une chambre d’hôtel cet après-midi et il se retrouvait le bec dans l’eau. Tant pis pour lui. Il n’avait pas bronché quand Angélique avait commencé à lui parler de sa femme. Pas de pitié pour les maris volages. Il a perdu son temps, le prix de la chambre et surement une journée de RTT. Il n‘avait plus qu’à faire l’amour à sa femme ce soir après tout !! La grande gagnante, ça risquait d’être elle finalement !

- Encore raté, dit Vincent en rejoignant Angélique avec Leïla.
- Oui, je ne suis pas sure qu’on utilise la bonne méthode.
- On n’a rien d’autre ! Pas d’autre angle d’attaque. Ce type est une anguille.

Après la conclusion de l’affaire Dalmasso, Angélique et son groupe avaient conservé l’enquête sur Paul Kowalski, dit l’Amant. L’Amant est un tueur en série qui s’en prend uniquement aux femmes mariées infidèles. Il a à son actif, neuf victimes, dont la femme de l’inspecteur Dalmasso. On peut ajouter à cette liste quelques victimes collatérales comme la greffière du tribunal.

Kowalski n’est pas un mari trompé en quête de vengeance, comme les enquêteurs l’avaient supposé au départ. Il s’est avéré au fur et à mesure des investigations, qu’il a été traumatisé dès son plus jeune âge par sa mère.
Elle ramenait des amants chez eux et avait fait jurer au petit Paul de ne rien raconter à son père. Au fil des années, elle n’avait pas vraiment arrêté et continuait ses rencontres, ne se cachant même plus de son fils. Le traumatisme avait grandi chez Paul Kowalski avec le temps, devenant une obsession puis de la haine vis-à-vis de sa mère, alors qu’il attendait prostré dans sa chambre qu’elle congédie ses amants. Il ne s’était pas attaqué à sa génitrice, mais s’est vengé par la suite, sur d’autres femmes infidèles. Sa mère avait d’ailleurs disparue. Elle avait abandonné mari et fils, après que le père de Kowalski eu découvert le pot aux roses. Dépressif depuis longtemps, le pauvre avait mis fin à ses jours quelques mois plus tard. Nouveau traumatisme pour Kowalski, encore à l’époque.

N’ayant aucune piste pour attr Kowalski, ne sachant même pas s’il était encore dans la région de Colmar, Angélique et son équipe avaient mis en place un stratagème pour essayer de le coincer.

Elle s’était inscrite sur le même site de rencontres coquines que Jessica Dalmasso. A priori, c’est comme ça que Kowalski avait rencontré Jessica. La suite de l’enquête et l’inventaire de l’ordinateur de Jessica, ainsi que de son deuxième téléphone, trouvé planqué sous le siège de sa voiture, avait permis de découvrir des échanges de messages et des appels téléphoniques entre elle et Kowalski.

Sur son profil crée sur le site de rencontre, Angélique avait bien insisté sur le fait qu’elle était une femme mariée mais libertine, souhaitant des rencontres d’un jour. Elle réclamait bien entendu la plus grande discrétion à ses contacts. La phrase d’accroche était « Femme mariée, 29 ans ».

Le type qu’elle venait d’éconduire était le troisième en deux semaines. Ce n’était que la partie visible de l’iceberg. Plusieurs autres candidats avaient été éliminés d’emblée. Il était évident qu’il ne s’agissait pas de Kowalski. Angélique était surprise par le nombre de maris infidèles, trompant allègrement leurs épouses.
Lors des échanges avec les potentiels candidats à une partie de baise avec une femme mariée, ils lui annonçaient en général être aussi en couple.

Elle était aussi effarée par le nombre de femmes infidèles, en regardant les annonces publiées.

Quel monde bizarre ! Les gens passent leur temps à chercher l’âme sœur, à éviter la solitude dans un univers de plus en plus déshumanisé et dématérialisé. Une fois que c’est fait, ils cherchent quasiment aussitôt à aller voir ailleurs et à tromper.

Est-ce symptomatique d’une époque ? Notre société et notre mode de vie basés sur la consommation, sur l’immédiateté et le jetable sont ment en grande partie responsable. On a trompé de tout temps, mais Angélique avait quand même le sentiment que ça devenait presque systématique chez les personnes de sa génération. Quasiment un mode de vie.

Autrefois, on était peut-être plus discret. Aujourd’hui, ça se fait presque au grand jour. La tromperie est en train de devenir la normalité, s’était-elle dit, elle qui considère la fidélité comme la pierre angulaire d’un couple. Avant, on cachait l’adultère. La société avait un regard beaucoup moins bienveillant sur le sujet, enfin surtout sur la femme adultère du moins. On a toujours été plus tolérant pour les hommes, même si on se gaussait du mari cocu.

Aujourd’hui si tu n’as pas trompé à 30 ans, tu as raté ta vie ! En quelque sorte on banalise l’adultère et par la même on banalise l’amour.

Est-ce grave ? A chacun de se faire une opinion sur le sujet. Mais, Angélique se mit à penser que le sexe, mais aussi et surtout l’amour, sont devenus des produits de consommation, comme des yaourts au bifidus ou un baril de lessive en quelque sorte.

De retour à son bureau, Angélique se mit à consulter le site de rencontre :

- Onze nouveaux messages, dit-elle à son équipe.
- Tu as du succès, lui lança Vincent. Faut dire tu as mis le paquet avec ton annonce « Femme mariée, 29 ans souhaite une et une seule rencontre discrète, uniquement les après-midis, avec homme sur Colmar et sa région.
Je ne peux pas recevoir. Messieurs, évitez les hôtels de chaine, ou trop miteux. Je préfère un certain standing pour ce genre d’établissements. De même que je suis aussi très sélective pour mes amants». Tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère ! Et ta photo de profil, dans le genre grande blonde, tu te poses là ! Même si tu as flouté tes traits les mecs sont surs d’avoir affaire à une fille du style jeune bourgeoise délurée.
- On voit tout de suite les fantasmes de l’homme marié du 21ème siècle ! N’est-ce pas Vincent ? lui balança Angélique.
- Et encore, là il fait gaffe, il se modère, parce qu’il travaille avec deux femmes, ajouta Leïla goguenarde. Imaginez s’il n’était qu’avec des mecs …
- Oui, bon ça va !
- D’ailleurs, je te rappelle que la photo est bien de moi et est bien réelle. Donc, à priori et selon toi, ta lieutenante ferait bourgeoise blonde délurée lorsqu’elle est en civil ?
- Ah la la, tu t’enfonces là Vincent …
- Ah non, pas toi aussi Thierry ! Et la solidarité masculine ? On ne peut même plus compter sur les potes !
- Celui-là, à dégager tout de suite : « Salut Lucie, ça va ? Follow moi sur insta stp ». Ça sent le mec qui a fait un copié/collé, envoyé à la chaine et qui a foiré son coup ! Je lui réponds quand même : « Moi, c’est Daphné et non pas Lucie. Raté ! Tu pourrais faite gaffe, tu passes un peu pour un blaireau du coup. Tu as envoyé ton message à combien de filles qui ne s’appellent pas Lucie ?». Et hop, je le bloque … Et celui-là ! « Salut, ça va ? ». On va aller loin avec ça ! Si tu ne trouves pas de question plus intéressante que « ça va », à poser à une fille que tu veux pécho !
- Y’a du level on dirait !
- Attends, j’en ai un bon là : « Ça te dirait un petit coup de b… ». Ça c’est une entrée en matière ! Bon, il a placé des points de suspension après le b de bite. Un signe ? Je réponds « T’es sérieux là ? Sinon, mets un B majuscule, ça marquera plus les esprits». Ou alors, j’ai « Tu as de beaux yeux et un sourire ravageur ». Mon visage est flouté sur la photo, ducon. Ah ! Enfin un qui relève un peu le niveau : « Bonjour, J’ai besoin de vous ! Je suis en train de choisir mon dessert : Tiramisu ou Fondant au chocolat ? Aidez-moi ! ».
- Eh !! Attends … lança Thierry en tapant frénétiquement sur son clavier.
- Quoi ?
- Je suis presque sûr que c’est le genre de phrase d’accroche qu’a utilisé Kowalski pour Jessica Dalmasso. Je vérifie …
- Oh merde …
- Oui, voilà : 1er message de Kowalski à Jessica « J’ai besoin de vous. Je suis face à un cruel dilemme. Italien ou indien pour le déjeuner ? Votre avis ? »
- Ça y ressemble terriblement. Et l’utilisation du « vous », alors que la plupart des mecs tutoient.
- C’est lui … C’est sur …
- Attends, je le harponne, dit Angélique en se mettant devant son ordinateur. « Bonjour, en effet, je n’aimerai pas être à votre place. Vraiment compliqué de choisir. Pour ma part, je pencherais pour le fondant. A mon goût, le tiramisu serait un peu lourd me semble-t-il et le fondant serait surement plus tolérant pour ma ligne ». Il n’y a plus qu’à attendre. Son message a été posté il y a une heure.

Le message suivant apparu dix minutes après :

« Excellent choix. J’ai commandé mon dessert avant votre réponse, et j’ai opté aussi pour le fondant ».
- Et voilà, harponné ! Je réponds : « Les grands esprits se rencontrent ! Je pense sincèrement que même pour une rencontre légère et éphémère, avoir des goûts communs est nécessaire».
- Ça rime !
- Je ne l’ai pas fait exprès. Il répond déjà : « Vous parlez de votre ligne, mais votre photo de profil est éloquente ! Vous pouvez vous permettre sans problème quelques plaisirs chocolatés. A ce propos, il est bien dommage que votre visage, que je devine délicieux, soit flou. Pourriez-vous m’envoyer une photo non floutée ? ».
Attends mon gars, ça ne va pas être aussi facile que ça … « Merci pour le compliment. Quant à la photo, ça me parait un peu compliqué. Vous n’êtes pas sans avoir pris connaissance de mon statut marital. Vous imaginez bien que la discrétion est primordiale pour moi. Colmar n’est pas une mégapole ».

« J’en suis bien conscient. Néanmoins, je vous garantis la plus grande discrétion. Je ne garderai pas la photo, bien sûr. Au premier regard, le visage donne mille indications sur la beauté intérieure. Et vous avez parfaitement raison, même pour une rencontre éphémère, les affinités sont indispensables. On ne trouve pas ment ces indications sur la photo de votre profil, même si vos courbes sont parfaites. Je ne m’arrête pas seulement à une jolie poitrine et à des jambes magnifiques comme le sont les vôtres. Il me faut aussi la beauté intérieure. C’est indispensable».

- Bon, mon gars, je t’ai pris dans mes filets, je vais te faire lanterner un peu. On va prendre notre temps maintenant.

Angélique choisit une photo d’elle en gros plan sur son téléphone, qui l’avantageait plutôt. Ses cheveux blonds lui tombant sur les épaules, le menton était légèrement relevé, un léger sourire barrait ses lèvres et ses yeux bleus étaient bien visibles. Daphné pouvait parfaitement ressembler à ça.

- T’en veux de la beauté intérieure, je vais t’envoyer ça. Mais tu vas patienter jusqu’à ce soir … Faut savoir se faire désirer.
- Fais gaffe Angélique, quand même, ce type est un tordu et un serial-er !
- Bof, pour le moment, c’est juste virtuel. Si je décroche un rencard, on prendra toutes les précautions possibles.

Le lendemain matin, l’équipe d’Angélique lui tomba dessus quand elle entra dans le bureau :

- Alors ? Tu as conclu avec Kowalski, hier soir ?
- Dépêche-toi, dis-nous …
- Doucement, laissez-moi arriver … Bon, je lui ai envoyé ma photo hier soir. A priori, ça lui a bien plu ! On a échangé une dizaine de messages. Quand j’ai senti qu’il allait conclure et me proposer un rencard, je lui ai dit que je devais arrêter de lui écrire, car mon mari venait de rentrer. Je lui ai souhaité une bonne soirée. Il a du bien mijoter toute la soirée d’hier, ce matin, il va être à point !
- On dirait que tu as fait ça toute ta vie, draguer sur des sites internet !
- Merci Vincent ! Mais, je ne drague pas, je me fais draguer, nuance …
- Genre ! Les femmes sont gentilles, les hommes sont méchants. Elles mettent des annonces sur des sites pour trouver des plans-cul, mais c’est les mecs qui répondent, les pervers.
- Ah ! C’est lui ! il est matinal !

« Bonjour Daphné, j’espère que votre mari est parti et que vous allez pouvoir me répondre. Hier soir, je me suis langui de vous. Dites-moi juste où et quand. Je suis à votre entière disposition. Pour le où, Je peux vous proposer de réserver une chambre dans une auberge que je connais à une trentaine de kilomètres de Colmar. C’est un endroit charmant et romantique, je suis certain que ça vous plaira».

Le rendez-vous fut pris pour le lendemain à 18 heures, à la terrasse du même café, sur une place de Colmar. Angélique fit dire à Daphné, qu’elle avait pu se libérer de son mari pour la soirée.


Le dispositif habituel a été ren.

Angélique attendait seule à sa table. A quelques mètres, Leïla et Vincent avaient pris place, comme d’habitude.

A l’opposé de la place, deux gendarmes en civil attendaient. Un troisième proche d’une moto était posté à l’opposé. Deux autres gendarmes étaient camouflés dans une voiture dans une rue perpendiculaire. Un dernier était posté à l’intérieur du café, prêt lui aussi à intervenir.

Angélique avait sa tenue habituelle pour le genre de rendez-vous qu’elle donnait à ses prétendants depuis trois semaines. Sexy, mais classe. La table qu’elle avait choisie ne l’était pas par hasard. Elle pouvait avoir une vue d’ensemble des alentours et ainsi verrait arriver Kowalski de loin.

- Le voilà ! juste en face, c’est lui, c’est sûr !
- Repéré. Attention tous, Kowalski est en approche, je répète Kowalski est en approche, annonça Vincent dans son microémetteur à l’attention de tous les membres du dispositif. L’homme de taille moyenne au milieu de la place avec le blouson de cuir marron. Son véhicule est la Clio noire garée au niveau de la pâtisserie. Personne ne bouge pour le moment. Le gars est suspicieux et vicieux aussi. On ne bouge pas.

En effet, Kowalski en s’approchant de la terrasse jetait des regards de droite et de gauche.

- Daphné ? Je suis Pierre ! Mais vous êtes merveilleuse ! Encore plus belle que ne le laissait supposer les photos.
- Pierre ? Enchantée. Je ne suis pas déçue non plus ! Vous vous asseyez un moment, que nous puissions discuter ?
- Pourquoi faire ? Vous me plaisez, je vous plais … Et si nous quittions tout de suite cet endroit. Logiquement une bouteille de champagne va nous attendre dans son seau de glace dans la chambre que j’ai réservé dans l’auberge dont je vous ai parlé. Allons-nous laisser la glace fondre et le champagne se réchauffer ?
- Eh bien allons-y, vous avez raison, ne perdons pas de temps.
- Je n’ai qu’un regret Daphné !
- Lequel ?
- Sur votre annonce, il est précisé, une rencontre et une seule. Je me serai bien habitué.
- Je suis intransigeante la dessus. Je vous rappelle que je suis mariée. Je ne cherche pas un amant pour une relation suivie. Juste du plaisir immédiat.
- Tant pis pour moi.

Ils se levèrent et s’éloignèrent de la terrasse.

Il était convenu que Kowalski serait interpellé une fois sur la place et non pas sur la terrasse au milieu des gens attablés, nombreux à cette heure d’happy hour. Les réactions de Kowalski pouvaient être incontrôlables. Mieux valait s‘éloigner pour limiter les risques de dégâts collatéraux.

Lorsqu’ils passèrent devant Vincent et Leïla, Angélique se raidit. Le regard que leur lança Leïla était insistant « Baisse les yeux Leïla, bon sang !! ». Est-ce que Kowalski s’en était aperçu ? A priori non, il souriait en passant son bras dans le dos d’Angélique pour la tenir par la taille, comme un couple d’amoureux lambda.

Ils s’étaient éloignés de la terrasse de quelques mètres. Encore quelques pas, quelques secondes et Vincent lancerait l’ordre du début de l’intervention. Il devait déjà s’être levé derrière eux. Angélique n’osait pas se retourner afin de ne pas attirer l’attention de Kowalski. Elle comptait les pas, les secondes. Du coin de l’œil, elle vit les deux gendarmes postés à l’autre bout de la place se mettre en mouvement nonchalamment et se diriger vers eux. Son regard croisa celui de Kowalski. Elle réussit à lui sourire, malgré la tension.

Les toutes dernières secondes, les derniers pas … Ils étaient à quelques mètres de la Clio noire.

D’un seul coup, Kowalski tira Angélique vers lui en la tenant fermement par le bras et en se plaçant dans son dos. Horreur, il avait sorti un revolver de sous son blouson. Il le pointa vers la tempe d’Angélique.

- On ne bouge plus ! Sinon, la charmante Lieutenante Angélique Quercy, dont je viens de coller le corps contre moi, va rendre l’âme sur cette place ! Ça serait dommage tout de même !! Evitons ce gâchis !

Les deux gendarmes qui approchaient se sont figés. Vincent et Leïla, qui étaient à vingt mètres derrière aussi. De là où elle était, Angélique ne voyait pas les autres membres du dispositif.

Kowalski se déplaçait à reculons, pas à pas, vers sa voiture, tenant Angélique devant lui, comme un bouclier, le revolver tenu par sa main droite toujours sur sa tempe, son bras gauche serré autour de sa gorge. Kowalski a ouvert la portière arrière.

Angélique vit Leïla faire un geste avec son bras droit, celui qui tenait son arme de service :

- Nonnnnn, pu à peine articuler Angélique.

Kowalski tira deux balles. Puis donna un coup de crosse à l’arrière du crâne d’Angélique, avant de la tirer vers la banquette arrière de la Clio.

La dernière chose que vit Angélique avant de perdre connaissance, c’est Leïla s’écrouler sur le sol. Il l’avait touchée.

La dernière chose qu’elle entendit c’est le cri de Vincent, au moment où Kowalski démarrait la voiture et quittait la place en trombe :

- BORDEL …. NONNNNN. ANGELIQUE … LEILA …


Angélique sortit de l’inconscience. Elle se trouvait dans une pièce sombre. Une odeur de renfermé flottait dans l’air, de moisi même. L’atmosphère était légèrement moite.

Une douleur sourde lui vrillait le crâne. Où était-elle ?

Elle était attachée, ses poignets derrière sa tête contre quelque chose de froid et métallique. Ses chevilles aussi. Elle était allongée. Sur un matelas à priori. Mais où était-elle ? Ce mal de tête…

Sa bouche était pâteuse.

La mémoire lui revint d’un seul coup. Kowalski, le faux rendez-vous. Les choses qui avaient complètement foiré. Le coup sur la tête, qui expliquait son état. Et …Oh non … Leïla. Elle revit la gendarmette s’écrouler.

Ses yeux commencèrent à s’habi progressivement à la semi obscurité de la pièce. Sous la porte, un rayon de lumière, a priori artificielle, donnait un semblant de clarté.

Elle était chez Kowalski, prisonnière. Le coup sur la tête, l’inconscience, les souvenirs revenaient les uns après les autres. « Je suis attachée !! »

Un matelas, maintenant c’était sûr, posé sur un lit à barreaux métalliques. « C’est à ça que mes poignets et mes chevilles sont liés ». Hormis le lit, la pièce semblait vide.

Elle tenta de se débattre, enfin de tirer un peu sur ses liens. C’était serré. Elle avait peu de marge de manœuvre. Elle pouvait bouger un peu ses bras repliés en arrière sur le côté de sa tête. Par contre ses chevilles étaient serrées contre les barreaux. Elle pouvait à peine bouger ses jambes tendue.

- Oh merde … Je suis nue … Il m’a déshabillée …Il n’a pas …

La crainte d’avoir été violée pendant sa période d’inconscience l’envahie. Elle se disait pour se rassurer que ce n’était pas le genre de Kowalski. Qu’il devait surement préférer avoir ses victimes sous lui, se débattre, implorer … Les dominer …

Non, en fait Kowalski n’était pas ment un violeur. Seule la greffière l’avait été. Toutes ses victimes avaient couché avec lui volontairement avant d’être assassinées. Ca faisait partie de son modus operandi. La greffière pourtant … Le truc, c’est qu’elle ne faisait pas vraiment partie de ses victimes désignées. La greffière n’était pas une femme infidèle qu’il avait choisie. Avec elle, il n’était pas en chasse. Elle était tombée dans ses griffes par hasard, au cours de son évasion, un simple otage. Angélique, par contre était la proie de sa partie de chasse. Enfin, c’était Daphné plutôt, pas Angélique !

Elle ne semblait pas avoir été violée. Elle ressentirait de la douleur dans son ventre ! Son vagin lui ferait surement mal, être au moins sensible. Elle était inconsciente. Il n’avait peut-être pas eu à la forcer.

Encore une fois, elle ne voyait pas quelqu’un comme Kowalski r d’elle, alors qu’elle était dans les vapes.

« Et puis on sait au fond de soi si on a été violée, je ne ressens rien … »

Cela la rassurait à peine.

Elle entendit du bruit dans la pièce d’à côté.

La porte s’est ouverte. La lumière s’est allumée.

Cela eut pour effet de lui faire perdre les repères qu’elle venait tout juste de trouver.

La lumière crue d’une ampoule pendue au plafond l’aveugla. La voix de Kowalski se fit entendre :

- Bonsoir Daphné, ou plutôt devrais-je dire Angélique …



A suivre …

Comments:

No comments!

Please sign up or log in to post a comment!