Clorinde, Ma Colocataire (6)
Elle avait revêtu une délicieuse petite jupette verte dessus du genou. Très largement dessus du genou. Enfilé un petit haut assorti qui lui dessinait les seins au plus près. Et sétait fait une queue de cheval qui lui battait la nuque. Le maquillage était discret, tout en nuances et en harmonie avec sa tenue.
Tu es en mode conquête ?
Non, en mode climat subtilement sensuel.
Cest particulièrement réussi. Tu es ravissante.
Merci.
Et tu vas où comme ça, si cest pas indiscret ?
Nulle part et partout. Me promener, par les rues, au hasard.
Et cueillir des regards.
Ben oui, vous savez bien. Vous venez avec moi ? Vous mavez promis lautre jour, vous vous rappelez ?
Je viens.
Et alors vous savez ce qui serait bien ? Ce serait que vous marchiez un peu derrière moi. Pas trop loin. Mais pas trop près non plus. Comme si on nétait pas ensemble. Vous verriez les réactions derrière mon dos comme ça. Et, après, vous me raconteriez. Seulement ceux dans vos âges. Ou même plus. Parce que ça mintéresse pas, les jeunes. Du moins pour ça. Cest trop toujours pareil leurs réflexions. Et cest dun bête ! Non ? Ça vous dit pas ?
Allez ! En route !
Elle plaisait. Ça ne faisait pas lombre dun doute. On ladmirait. On la désirait. Le plus souvent discrètement. On détournait un peu la tête, on jetait un coup dil intéressé à son délicieux petit postérieur et on poursuivait sa route. Mais les regards pouvaient aussi se faire plus insistants, la balayer longuement de haut en bas et de bas en haut, à plusieurs reprises, avant de labandonner, manifestement à regret.
Un vieux monsieur ma fait un clin dil et lancé un « Bonne chance » au passage. Il était à lévidence persuadé que je la suivais et que jallais monter à lassaut.
Un autre, entre deux âges, sest tourné en soupirant vers son compagnon
Il y a des jours où on regrette vraiment de plus être célibataire.
Un autre encore, la cinquantaine bien sonnée, sest arrêté, a hésité une fraction de seconde et lui a résolument emboîté le pas. Il sest rapproché, rapproché encore. A cheminé quelques instants à ses côtés, tenté dengager la conversation.
Elle sest retournée.
Vous venez ? Quest-ce que vous faites ?
Le type sest éclipsé.
Cest pas quil avait lair dêtre spécialement lourd, mais bon, javais pas vraiment envie. Et puis, de toute façon, je sais comment ça se serait fini : il aurait voulu coucher. Et ça, cest hors de question.
On a fait quelques pas.
En attendant, quest-ce que jen ai eu des regards ! Et des qui valaient sacrément le coup.
Et elle est tombée en arrêt devant un café aux grandes baies vitrées.
On rentre boire un coup là-dedans ? Que vous me racontiez, vous, de ton côté
Larrière-salle était presque déserte : un étudiant plongé dans ses bouquins ; deux jeunes femmes qui discutaient à mi-voix ; une autre qui faisait des mots fléchés.
On sest installés un peu à lécart.
Je vous écoute !
Elle ma écouté. En suivant du regard, au-delà de moi, le mouvement de la rue.
Sa main a disparu sous la table. Ses yeux se sont embrumés. Son épaule et son coude ont été pris dun léger tremblement.
Continuez ! Continuez !
Qui sest accentué.
Elle a fermé les yeux et, de sa main libre, a saisi la mienne.
* *
*
Vous venez ? Je me suis fait couler un bain. On discutera comme ça pendant ce temps-là.
Elle sy est voluptueusement immergée. Jusquau cou.
Ça tarrive souvent de toffrir des petites gratouilles en public ?
Oh, oui ! Jadore. Vous auriez vu ces délires quon se tapait avec ça, toutes les deux, Emma et moi
Et vous vous êtes jamais fait capter ?
Oh, si ! Deux fois. Et alors là, je peux vous dire que cétait pas triste. On fait attention pourtant. Vous avez bien vu tout à lheure.
Mon téléphone a sonné.
Ah, tiens ! Ce brave Martial
Mettez le haut-parleur ! Vous mettez le haut-parleur ?
On a dabord échangé quelques banalités. Et puis il a insensiblement amené la conversation là où il avait envie quelle aille.
Ça tient toujours ton invitation ?
Bien sûr, oui ! Pourquoi ça tiendrait plus ?
Et, excuse-moi de te demander ça, mais ce sera quand ?
Dès que possible. Comme je tai dit, en ce moment je sais plus trop où donner de la tête. Je suis pris quasiment tous les soirs et
Je sais bien
Jme doute ! Mais mets-toi à ma place : je te rencontre avec une merveille de petite nana qui mettrait leau à la bouche de nimporte qui. À laquelle jarrête pas de penser depuis lautre jour
Oh, à ce point ?
À ce point, oui
Te fais pas trop dillusions quand même !
Elle a quelquun, cest ça, hein ? Jen étais sûr quelle avait quelquun.
Clorinde ma fait signe que oui. De la tête. De lui dire que oui.
Après, je sais pas trop au juste ce quil y a entre eux. La seule chose que je puisse te dire avec certitude, cest quelle prend un sacré pied avec, ça !
Tu les as entendus ?
Mieux que ça.
Tu les as vus ? Cest pas vrai que tu les as vus !
Eh, si ! Un soir que je suis rentré plus tôt que prévu. Ils étaient en pleine action sur le tapis du salon. Si bien en pleine action quils mont pas entendu arriver.
Et ten as bien profité, mon salaud !
Ah, ben ça !
Elle sest un peu redressée dans la baignoire. Ses seins ont doucement navigué à la surface de leau. Et elle ma menacé du doigt. En riant.
Mais alors, du coup, tu las vue à poil finalement !
Et comme il faut ! Elle était à quatre pattes. Le derrière en lair. En train de lui tailler une pipe.
Elle a arrondi les lèvres en un « Oh ! » scandalisé. Mais ses yeux souriaient.
Elle est comment ? Ben, raconte, quoi !
Comment ça « comment » ?
Je sais pas, moi ! Son minou, elle lébarbe ?
Elle a eu un long rire silencieux.
Complètement. Il y a pas un poil. Rien.
Oh, putain ! Et tes sûr que tu peux pas nous trouver un soir dans la semaine ?
Je vais voir ça ! Je vais essayer de me débrouiller.
Oh, oui, hein ! Je compte sur toi
Jai raccroché.
Elle a enjambé le rebord de la baignoire.
Faut le faire venir sans trop tarder maintenant
Cétait bien aussi mon avis.
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