Clorinde, Ma Colocataire (7)
Tu veux un dessert ?
Oui, sil vous plaît. Un cône vanille-fraise.
Quelle sest mise à lécher à petits coups de langue gourmands.
Ça te dégouline sur le menton.
Ah, oui ?
Et elle sest mise à rire. De bon cur.
Quest-ce quil y a de si amusant ?
Non, rien. Enfin, si ! Je repense à tout à lheure, à Martial, au téléphone. À ce que vous lui avez raconté que vous nous aviez trouvés en train de faire sur le tapis du salon, Jérémie et moi. Ça pourra peut-être un jour, hein, qui sait ? Encore faudrait-il que je commence par lamener ici.
Oh, mais tu peux, hein ! Cest quand tu veux.
Elle a mordu dans sa glace. À pleines dents.
Ah, ben ça ! Cest sûr que cest pas vous quallez à trouver à redire. Même que vous allez les ouvrir toutes grandes, vos oreilles, quand on sera en train. Ce qui me donne une idée, tiens, dailleurs !
Qui est ?
Elle sest attaquée au cornet.
Vous verrez bien !
Inutile que jinsiste, jimagine !
Inutile, en effet.
En attendant, avec tout ça, tu mas toujours pas raconté
Quand je me suis fait gauler ? Oh, ben, la première fois, cétait dans une cabine dessayage. Toutes les deux, on était. Emma et moi. Cest elle qua commencé. Plutôt en mode déconnade au début. Seulement on sest vite prises au jeu. Surtout quentendre les gens qui parlent tout autour, qui vaquent à leurs petites occupations, sans savoir que là, tout près, tes en train de te donner du plaisir, comment cest troublant ! Super excitant en fait ! Et donc, on était là, toutes les deux, à sactiver, la main dans la culotte. Cétait en train de semballer. Et le plus dur, quand tu te mets à plus rien maîtriser, cest de te retenir de crier. Ou même de gémir. Sagit pas dameuter les populations. Alors tu te concentres, tu te mords les lèvres. Ou les joues. Au premier abord, ça peut paraître frustrant, mais pas tant que ça, finalement.
Mais elle avait pas vu que cétait occupé ?
Faut croire que non. Comment elle la laissé retomber le rideau. À croire quil lui brûlait les doigts. Et elle sest mise à hurler : « Ah, ben ça alors ! Ah, ben ça alors ! Non, mais ces petites dégoûtantes quil y a là-dedans ! » Vous auriez entendu ce silence dun seul coup ! Et puis des chuchotements. Des « Cest pas vrai ! » à mi-voix. Je vous dis pas lambiance quand on est sorties. Tous les regards sur nous. Les uns, offusqués. Les autres, carrément rigolards. Mais alors une fois sur le trottoir, je vous dis pas cette crise de fou rire quon sest tapée toutes les deux. Plus moyen de sarrêter. Et pareil chaque fois quon en reparle. Nempêche quavec le recul, il est pas désagréable du tout, ce souvenir. Cest souvent que je men sers quand je me le fais.
Et la deuxième fois ?
Cétait au cinéma. Il ny avait pas grand-monde dans la salle. Et le film, bof ! Il cassait pas trois pattes à un canard. Du coup, je me suis mise à moccuper de moi. Après avoir dabord pris bien soin détaler mon manteau sur mes genoux. À doigts feutrés. Flottants. La tête un peu ailleurs. Et puis vous savez ce que cest : on y prend goût. Ça devient exigeant. Les caresses se font de plus en plus précises. De plus en plus insistantes. Il finit par se franchir un cap. Au-delà duquel il est quasiment impossible de revenir en arrière. Je venais justement den arriver là quand une voix masculine a susurré, doucereuse, à mon oreille : « Mais cest quelle se branle, la petite mademoiselle ! » Doù il sortait celui-là ? Il ny avait pourtant personne à la rangée derrière, quand lobscurité sétait faite. Jai laissé la question en suspens. Peu importait nimporte comment. Il était là. Et il savait.
Et tu le regrettes.
Un peu.
* *
*
Ça va comme ça ?
Un petit short bleu moulant. Un haut assorti plus clair qui lui dessinait les seins au plus près.
Tu veux lui faire avoir un infarctus à ce pauvre Martial ?
Oh, ben attendez ! Faut bien quil ait un peu de plaisir à me regarder.
Pour en avoir, il en a eu. Il a profité de toutes les allées et venues quelle a multipliées comme à plaisir, pendant tout le repas, sous les prétextes les plus divers, pour la dévorer des yeux. Pour se repaître delle.
Dès quelle se rasseyait, il la soumettait à un interrogatoire en règle. Ça consistait en quoi, au juste, la psychologie à la fac ? Ça lui plaisait ? Oui ? Et le cinéma ? Cétait quoi son genre de films préféré ? Et en musique ? Shaka Ponk, elle appréciait ? Et ses vacances ? Elle les passait où, ses vacances ? Cétait un feu roulant de questions auxquelles elle répondait de bonne grâce sans jamais se départir dun lumineux sourire.
Aussi sest-il senti autorisé à saventurer sur un terrain plus personnel. Ravissante comme elle était, elle devait avoir une foule dadorateurs. Et il y avait sûrement un heureux élu, non ? Elle a éludé. Non. Oui et non. Elle avait bien le temps. En attendant, elle samusait. Cétait de son âge. Une fois lun, une fois lautre. Comme ça se trouvait. Sans se prendre la tête. On nétait plus au Moyen Âge. Et les filles aujourdhui, elles menaient leur vie comme elles lentendaient. Il a abondé dans son sens. Elle avait bien raison.
Au dessert, son portable a bipé. Un SMS. Quelle a lu en haussant les épaules.
Non, mais ces pauvres mecs, des fois !
Je lui ai posé la main sur le poignet.
Quest-ce quil tarrive ?
Cest Jeanne, là, une copine. Son mec veut la larguer. Et vous savez pourquoi ? Je vous le donne en mille. Parce quelle veut pas se raser le minou. Il ferait beau voir quun mec, il me demande un truc pareil, moi ! Il aurait pas fait le plus dur.
Je suis entré dans le jeu.
Ce serait si grave que ça ?
Ce qui serait grave, cest quil veuille décider à ma place de comment faut que je sois. Non, mais ils vont bien, eux. Mon minou, je me le rase quand ça me chante. Et quand ça me chante, je laisse repousser. Et je le taille ou pas. À la française ou à langlaise. Selon lhumeur du moment. Et, à loccasion, en forme de cur ou de papillon. On na que lembarras du choix en fait.
Jai saisi la perche quelle me tendait.
Et en ce moment, il est comment ?
Elle ma tiré la langue.
Vous saurez pas.
On a raccompagné Martial jusquà sa voiture. Quon a regardée séloigner.
Elle a éclaté de rire.
Sa tête ! Non, mais vous avez vu sa tête quand jai parlé de Jeanne ?
Faut dire que lui brandir ton petit minou sous le nez, comme ça ! Le lui décrire dans toutes les configurations possibles et imaginables. Déjà quil flashait complètement dessus
Ben justement, cest pour ça ! Quil puisse mieux limaginer. En rêver tout son saoul.
Sauf que maintenant que tu lui as mis leau à la bouche
Il va vouloir y jeter un il pour de bon ? Oui, ben ça on verra.
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!