Clorinde, Ma Colocataire (13)
Une gamine ! Une vraie gamine. Qui courait partout, dune pièce à lautre. Qui visitait les placards. Qui ouvrait les robinets.
Cest génial ! Cest trop génial ! Je mattendais pas à ça, moi ! Pas du tout. Et puis alors pour le prix
Cest donné, avouez !
Elle est allée se pencher à la fenêtre.
Ça devrait pas trop circuler la nuit.
Y est restée un long moment accoudée.
Il y en a une !
Une quoi ?
Une bonne femme qui sort de lhôtel en face. Venez voir ! Celle avec la veste marron. Qui longe le magasin de sport. Vous voyez ? Quel âge elle peut avoir ? Pas loin de soixante, je suis sûre. Et peut-être même quelle les a. Quest-ce vous pariez que cest un petit jeune quelle se tape ?
Ça, ten sais rien du tout.
Oh, si ! Sûrement. Derrière le dos de son mari. Cest dégueulasse. Elle a pas le droit, à son âge, de nous piquer nos affaires comme ça, à nous, les filles.
Il vous en reste bien assez. Et puis, de toute façon, pour ce que tu ten sers, toi !
Cest pas une raison. Elle en sait rien. Et puis je pourrais avoir envie. Et justement de celui-là.
Elle sest appuyée contre moi.
Dun autre côté, cest rassurant de se dire que sa mécanique, elle est toujours en état de marche. Ça veut dire que moi aussi, jai encore pas mal dannées devant pour pouvoir en profiter.
Son visage sest illuminé, dun coup.
Et si on restait dormir là ? Puisquon nous a laissé les clefs.
Mais il y a rien. Cest vide.
Quest-ce ça fout ? Au contraire. Ce sera marrant. On campera. Suffit quon repasse là-bas chercher votre grand matelas qui se gonfle, nos couettes, nos trousses de toilette, quelques affaires de rechange et le tour est joué. Allez, on y va !
Vous voyez quelle était pas si mal, mon idée, finalement ! On nest pas bien là ?
Couchés tous les deux, côte à côte, dans la semi-obscurité.
On était pas mal, oui.
Ça fait quand même bizarre, vous trouvez pas, quand on se trouve dans un endroit complètement nouveau comme ça ? Il y a des tas de bruits, on sait pas ce que cest. Doù ça vient. On arrête pas de se demander.
Tu ty feras vite.
Pas vraiment, non. Parce quil a beau être très bien cet appart, jai pas du tout lintention de my installer. Comme je vous ai dit, cest chez vous chez nous. Ici, je serai jamais que de passage.
Elle sest redressée sur un coude.
Ce qui mempêchera pas de mapproprier quand même lenvironnement. Dessayer de savoir qui il y a autour. À côté. Au-dessus. En dessous. Den profiter, sil y a moyen. Et il y aura. Parce que jai déjà repéré une fille tout à lheure, quand je suis descendue chercher les pizzas. La trentaine. On sest souri. Cest le genre de nana chaude comme une baraque à frites. Ça se sent tout de suite, ça ! Comment ils doivent défiler les mecs, chez elle, jvous dis même pas ! Et comme cest juste à droite, là, derrière la cloison, suffira de tendre un peu loreille. Et il y aura sûrement pas quelle. Parce quil y en a du monde, apparemment, dans cet immeuble. Sans compter en face. Parce quavec lhôtel ! Toutes ces fenêtres
Surtout que les gens, quand ils sont pas chez eux, ils font beaucoup moins attention. Non, je sens quon va bien se plaire. Bon, mais cest pas tout ça
Cest bien beau de parler, mais
Mais ?
Faudrait peut-être quon linaugure cette chambre, non ? Cest la première fois quon y dort.
Cest-à-dire ?
Comme si vous le saviez pas ! On le fait ensemble ? En se regardant ?
Et elle a allumé.
* *
*
Ah, enfin ! Cest pas trop tôt. Jai cru que vous alliez jamais vous réveiller.
Javais besoin de récupérer.
Ah ben ça, jimagine
Comment vous en étiez de la comédie hier soir !
Tu peux parler, toi !
Cétait de vous voir complètement déchaîné. Et de me dire que cétait à cause de moi.
Elle sest redressée dans le lit.
Je vais vous dire un secret. Mais vous allez pas vous fâcher ? Promis ?
Promis.
Elle a extirpé un petit enregistreur de dessous son oreiller, la mis en marche. À plein volume. Des gémissements de plaisir ont envahi la pièce.
Cest qui ?
Ben, cest moi, tiens ! Vous me reconnaissez pas ?
Si ! Effectivement, si ! Cétait elle. Maintenant quelle le disait.
Vous, ça va venir. Juste après. Là
Là
Écoutez ! Vous entendez ?
À côté aussi ils doivent entendre.
Et croire quon remet ça.
Ils sont persuadés quon couche, je suis sûr.
Ah, ben ça, ment ! Mettez-vous à leur place ! En attendant, en douce que je vais me taper une de ces réputations, moi, ici ! À peine arrivée, dès le premier soir, je fais trembler les murs. Elles vont me tirer une de ces tronches les femmes de limmeuble. Et ramasser leurs bonshommes. Des fois que je leur saute à la braguette.
Elle a arrêté.
Là, cest tout. Mais cest pas à cause deux. Eux, jen ai rien à foutre. Seulement, si je le laisse, ça va nous redonner envie.
Ce serait pas un drame.
Non, évidemment. Mais on peut pas non plus passer toutes nos journées à ça. Oh, mais on y reviendra. Surtout que jen ai plein dautres. Trente-deux exactement.
Trente-deux !
Ben, oui ! Chaque fois que je me caresse maintenant, je menregistre. Chaque fois que cest possible, du moins. Et jai un petit carnet sur lequel je note tout. Le jour où ça sest passé. Lheure. À quel endroit cétait. Sil y avait quelque part autour des gens qui pouvaient entendre. Ce qui ma donné envie. De quels fantasmes je me suis servie. À quel moment je lai eu mon plaisir. En pensant à quoi. Tout, je note. Tout. Même ce qui, sur le moment, semble sans importance, mais qui peut en avoir après, plus tard, on sait jamais.
Eh ben dis donc !
Je me réécoute, du coup, des fois
Et ça te redonne envie.
Oui, ben ça, évidemment ! Et vous savez ce que jaimerais ?
Cest quon les écoute ensemble.
Voilà, oui.
Cest quand tu veux.
Et puis ce quon pourrait aussi, cest
ce Martial, là
Toi, je te vois venir
Mais juste une
En lui faisant croire que cest vous qui mavez enregistrée en douce et que je suis avec un mec.
Tu vas le rendre fou.
Tant pis pour lui. Ou tant mieux.
Elle sest levée, est allée tirer les rideaux.
Non, mais vous avez vu ce soleil ? Allez, debout, grand feignant ! Quon descende déjeuner dans un café quelque part. Je crève de faim. Pas vous ?
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