Clorinde, Ma Colocataire (16)
Elle se tournait, se retournait, soupirait.
Tu dors pas ?
Non. Je réfléchis.
À quoi ?
Oh, à plein de trucs. Et vous savez ce que je me dis ? Cest que, dès que je saurai à quoi il ressemble, le type, il faudra quon retourne à lhôtel les écouter senvoyer en lair. Dans la chambre dà côté. Parce que déjà que cest super excitant dentendre un couple baiser, mais alors quand en plus tu connais leurs tronches, que tu peux imaginer la tête quils font quand ils jouissent, alors là !
Elle a marqué un long temps darrêt.
Non, et puis il y a pas que ça
Ce qui y fait aussi, dans leur cas, cest quon est en train de les prendre dans nos filets, cest quon sest mis à quadriller leur vie. Et quils nen ont pas le moindre soupçon. On va en savoir de plus en plus sur eux. On va leur aller dans tout un tas de recoins. Dune certaine façon, on peut dire quon va se les approprier Complètement. Jadore, moi ! Jadore vraiment
Elle sest tue. Ça a imperceptiblement bougé sous les draps.
Jai toujours adoré ça, moi, me faufiler à leur insu dans lexistence des autres.
Ça a bougé plus vite. Son souffle sest fait plus court. Elle a pris ma main, la serrée.
Cest trop bon
Elle a doucement gémi. Sest apaisée. A laissé tomber sa tête sur mon épaule. Sans lâcher ma main.
Et elle sest endormie.
Cétait comment ?
On venait de se réveiller.
Hein ? Cétait comment, moi, hier soir ?
Et elle a glissé sa main sous loreiller, en a extirpé son petit enregistreur.
Ah, parce que
Oh, ben oui, attendez, oui. Je lai toujours à portée de main. Au cas où
Elle la mis en marche. A fermé les yeux. Écouté.
Cétait tout doux en fait. Cest bien ce quil me semblait, mais bon, jétais pas sûre. Parce que, quand tes dedans, tu te rends pas toujours ment compte. Je me suis surprise, des fois, le lendemain. Si, cest vrai, hein !
Elle sest redressée sur un coude.
Nempêche que vous savez tout de moi, vous, maintenant, hein, mine de rien. Presque tout.
Et cest quoi ce presque ?
Un truc.
Quel truc ?
Elle a tapoté, du bout du doigt, son petit enregistreur.
Cest là-dedans.
A cherché mes yeux.
Non, parce quon est jamais autant soi-même que quand on se donne du plaisir.
Ah, ça !
On se livre à fond quand on se caresse. Ils te disent tout, tes fantasmes. Tout. Ils te laissent rien dans lombre. Ils veulent pas que tu triches. Et ils vont obstinément te chercher là où tas une trouille monumentale daller, mais très envie quand même. Là où tes essentiel. Alors ils insistent, ils insistent. Jusquà ce que tu cèdes. Ça vous le fait jamais à vous ?
Oh, que si !
Moi, il y en a un, de fantasme, comment jai lutté contre ! Jen voulais pas. À aucun prix. Mais maintenant que je lai laissé entrer, alors là ! Il me lâche plus. Cest presque toujours lui que je prends en ce moment. Et je peux vous dire que ça dépote. Quand je me réécoute le lendemain
Et il y a pas moyen de savoir ?
Oh, vous, si ! Au point où jen suis maintenant nimporte comment avec vous. Et en plus
Elle ma tiré un tout petit bout de langue.
Vous êtes concerné.
Moi ?
Vous, oui.
Son portable a bipé. Un texto.
Wouah ! Cest mes parents. Qui veulent voir lappart. Ils sont là dans dix minutes. Partez ! Partez ! Parce que, sils vous trouvent là, ils vont plus rien y comprendre. Ils vont se faire tout un film. Et on nest pas sortis de lauberge.
* *
*
Elle a débarqué chez moi en fin daprès-midi.
Sest affalée de tout son long sur le canapé.
Hou là là ! Quelle purge !
Tes parents ? Ça sest mal passé ?
Jen ai pris plein la tête. Mais ça, je my attendais. Jai eu droit à tout. Non, mais comment je pouvais vivre dans un gourbi pareil ? « Cest pas comme ça quon ta élevée, Clorinde, cest pas du tout comme ça quon ta élevée
» Et javais même pas de quoi me faire correctement à manger.
Oui. Cétait ta fête, quoi !
Mais la cerise sur le gâteau, cest quand ils ont cru découvrir quil y avait un homme dans ma vie. Ben oui, ment ! Deux serviettes de bain. Deux brosses à dents. Un rasoir. Et évidemment, pour eux, il pouvait y avoir quun marginal, un , pour accepter de vivre dans des conditions pareilles. « Tu files un mauvais coton, Clorinde, un très mauvais coton. Jespère quau moins tu te protèges ? » Cest là que ça a dégénéré. Je faisais ce que je voulais avec mon cul. Ça les regardait pas. Et elle, elle est montée sur ses grands chevaux. « Si, ça nous regarde, si, figure-toi ! Parce que tu es complètement irresponsable, ma pauvre fille ! Tu las toujours été. À jouer les originales. À vouloir à tout prix te singulariser. Ce qui ta mise maintes et maintes fois, permets-moi de te le rappeler, dans des situations impossibles. Dont il a fallu quon fasse des pieds et des mais pour te sortir. Alors il serait quand même grand temps que tu deviennes adulte, non, tu crois pas ? »
Eh ben dis donc !
Le risque, maintenant, cest quils déboulent tous les quatre matins.
Ils habitent loin.
Oui, oh, ben alors là, on voit que vous les connaissez pas. Surtout elle. Je lentends dici. « Faut quon aille voir ce quelle fabrique. Cest notre fille quand même, Maxime ! On peut pas la laisser partir complètement à la dérive. » Et tralali et tralala
Et lui, même que ça le gave de prendre la route
Tu sais ce que je crois, moi, plutôt ? Cest quil va mappeler, Maxime.
Effectivement ! Cest pas impossible, ça, quil vous appelle.
Sinon, sil le fait pas, cest moi qui le ferai.
Et vous saurez trouver les mots. Là-dessus, je vous fais confiance. Bon, mais allez, assez parlé deux. Devinez où je suis allée après, quand ils ont été partis ?
Voir Alexandra.
Quétait pas à sa caisse. Ni au café, en face. Par contre, il y avait une des filles de lautre jour. Que jai rebranchée sur les médecines parallèles. Et, de fil en aiguille, je lui ai demandé si, par hasard, elle connaîtrait pas un bon magnétiseur. Parce que javais des migraines comme cétait pas possible depuis quelque temps. Ça me pourrissait la vie. Oh, mais un peu quelle en connaissait un. Un peu ! Cétait le mari dune collègue. Hyper doué. Il obtenait de sacrés résultats. Et toutes les autres autour de confirmer à qui mieux mieux. Il y en avait une, grâce à lui, elle avait arrêté de fumer. Une autre, cétait ses vertiges quil avait guéris. Une troisième, elle avait perdu huit kilos. Bref, je me suis retrouvée avec ladresse et le numéro de téléphone du type.
Tu vas y aller ?
Oh, sûrement, oui. Ne serait-ce que pour pouvoir aller leur en parler après. Comme vous voyez, je continue, peu à peu, à creuser le sillon. Et ce serait bien le diable si, au bout du compte
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