Clorinde, Ma Colocataire (17)
Bon alors quest-ce quon faisait ? On restait passer la nuit là ou on retournait là-bas ?
Ce que tu veux. Tu choisis.
Je suis partagée. Parce que cest vrai quici, chez vous, on a tout le confort. Et on est tranquilles. Pas de voisins à proximité immédiate. Mais, dun autre côté, ça a aussi ses avantages, les voisins. Parce quon peut les entendre et ils peuvent nous entendre. Surtout au début, comme ça, cest pas mal, moi, je trouve, de prendre ses marques. De savoir qui il y a, à droite, à gauche, au-dessus, en dessous. Si cest des tout seuls. Ou si cest des couples. Sils sengueulent. Sils senvoient souvent en lair. Si elle braille comme une possédée, la fille, quand elle jouit. Enfin plein de trucs, quoi !
Sans compter quil y a lhôtel juste en face.
En plus, oui !
Bon, ben allez, en route alors !
On sest pris des pizzas au passage. Des quiches. Des sodas.
Tout ce qui va bien, quoi !
Et on sest retrouvés, sur le palier, en compagnie dun type brun, frisé, avec qui on a échangé un rapide bonjour et qui sest engouffré dans lappartement dà côté.
Vous voyez quon a bien fait finalement ! Parce que le mec de la fille de droite, on sait à quoi il ressemble comme ça, maintenant
Cest peut-être pas son mec
Cest peut-être juste UN mec.
Qua les clefs ? Ça métonnerait. Oui, oh, de toute façon, dans un cas comme dans lautre, il fera pas long feu. Cest le genre de nana quaime le changement. Ça se voit tout de suite, ça !
Elle a dévoré trois parts de pizza, assise sur le radiateur, en jetant de fréquents coups dil, par la fenêtre, sur ce qui se passait au-dehors.
Bon, mais allez, il y a plus quà se coucher. Quest-ce vous voulez faire dautre ?
Et elle sest déshabillée.
Heu
Clorinde
Quoi ? Quest-ce quil y a ?
Je te signale quand même que les volets sont pas fermés, quil y a pas de rideaux et que tes en pleine lumière.
Oui, je sais. Et alors ? Cest lhôtel en face. Ils sont de passage. Ils me connaissent pas et je les connais pas.
Elle a tranquillement continué. Le soutien-gorge. La culotte. Quelle a jetés sur une chaise.
Alors sil y en a qui veulent mater, quils matent ! Cest pas moi que ça dérange. Et si leur légitime peut en profiter
Elle a tourné, viré, entièrement nue, dans la pièce, farfouillant dans son sac, allant se servir un verre deau, vérifier que le verrou était bien mis, que le gaz était fermé.
Et elle venue se glisser dans le lit à mes côtés.
Là
Et maintenant chuuut ! On écoute.
Il y avait de la musique, pas très fort, quelque part. Au-dessus, à droite, de leau coulait. Quelquun a crié. « Bon, cette fois, ça suffit, Mathias, tu vas te coucher
» À côté, il y a eu un murmure de voix. En sourdine.
Cest du papier à cigarettes, les cloisons, là-dedans ! Je suis sûre que si on y collait loreille, on pourrait entendre tout ce quils se disent.
Et ten crèves denvie
Non, mais ça va pas ? Pour qui vous me prenez ? Enfin, si ! Quand même un peu
Beaucoup, oui, tu veux dire
Attendez ! Écoutez ! Il est juste de lautre côté, leur lit. On est tête à tête.
Aux premières loges en somme
Encore faudrait-il quils y mettent un peu du leur
* *
*
Quest-ce tu regardes ?
Elle avait enfilé un long tee shirt blanc qui lui tombait jusquau-dessous des genoux et buvait son café, assise sur le radiateur.
Hein ? Quest-ce tu regardes ?
Oh, rien de spécial. Mais ce que je me demande quand même, cest sil y en a qui mont vue hier soir.
Oh, ça, sûrement ! Un type, à lhôtel, il laisse souvent traîner les yeux dehors. On sait jamais. Des fois que
Elle a vidé sa tasse dun trait.
En attendant, ils ont pas été très coopératifs à côté. Ni ailleurs, dans les étages. Va falloir que ça change. Sinon, on va être obligés de prendre les choses en mains.
Elle est sortie de la salle de bains toute pomponnée, vêtue dune ravissante robe rouge.
Hou là ! Cest le grand jeu ! Et tu vas où comme ça ? On peut savoir ?
Chez le type, là. Le magnétiseur dont les caissières mont parlé au café. Quest le mari dune collègue à elles. Vous savez bien
Elle a renversé son sac sur la table.
Sauf que je sais plus ce que jai fichu de sa carte. Ah, ça y est, la vlà ! Henri Guillemot. Cest ça
Qui tu dis ?
Henri Guillemot. Pourquoi ?
Parce que sur lune des boîtes aux lettres de limmeuble où habite le type que jai suivi lautre jour, à la sortie de lhôtel
Il y avait écrit Henri Guillemot. Cest pas vrai !
Eh, si !
Ce qui veut dire quAlexandra couche avec le mari dune collègue. CQFD. Cest clair comme de leau de roche. Et ça peut pas être un hasard. Et on sait qui cest. Ah, ben bravo ! Bravo ! Tu métonnes quils se planquent pour se voir
Bon, ben en tout cas, ça nous débroussaille bien le terrain. Et ça motive que le diable
Jy vais. Je vous raconterai.
Elle est revenue en toute fin de matinée.
Alors ?
Alors, ben ce quil y a de sûr, cest quil est beau mec. Là-dessus il y a pas photo. Après, pour ce qui est de ses talents de magnétiseur, cest carrément du pipeau. Il y a pas photo non plus. Il tétourdit de tout un tas de grands discours prétentieux. Il te colle les mains là où tu dis que tas mal. Et puis voilà : le tour est joué. À mon avis, il y croit pas lui-même à tout ça. Reste à savoir sil sest lancé là-dedans pour le fric ou pour draguer.
Ou les deux.
Possible aussi, oui.
Tu vas y retourner ?
Évidemment que je vais y retourner. Je veux savoir ce quil a au juste dans le ventre cet oiseau-là. Et si on veut savoir ce quAlexandra fiche avec
Quels sont les tenants et les aboutissants
Ça te passionne tout ça, hein !
Carrément ! Je sais pas pourquoi, mais jai limpression quil y a un mystère là-dessous, que cest pas une histoire de fesses ordinaire.
Non. Pourquoi ?
Parce que, dans lentrée de son appart, il y a tout un tas de coupes gagnées à des concours de pétanque. Et de la publicité pour le club local. Alors
Alors je sais ce quil me reste à faire.
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