Clorinde Revient! (5)

Ça l’a prise comme ça, à sept heures, d’un coup, au sortir de la salle de bains.
-  On va au resto ? Ça fait une éternité.
Je ne me suis pas fait prier.
-  Allez !
On a passé commande. Et puis elle m’a pris la main par-dessus la table.
-  Faites voir ! Elles y sont encore mes marques. Un sacré moment vous allez les garder. Peut-être pour toujours, si ça tombe.
Elle l’a portée à ses lèvres. L’a doucement reposée.
-  Bon, mais vous m’avez pas dit. Vous allez faire quoi pour Lucie ?
-  Je sais pas.
-  Ça vous tente pas ?
-  Oh, si ! Si ! Bien sûr que si ! Elle est très séduisante. Avec quelque chose de profondément envoûtant.
-  Eh ben alors !
Alors… Alors…
-  Je sais ce qui vous retient. Je le sais. C’est que, si vous démarrez quelque chose avec elle, le temps que vous lui consacrerez, vous le passerez pas avec moi. C’est pas ça peut-être ? Bien sûr que si ! Non, et puis il y a pas que ça. Il y a aussi que lui mettre votre queue dedans à une fille, pour vous c’est pas prioritaire. Comme c’est pas la priorité des priorités pour moi qu’un type il me gicle dedans. On se ressemble là-dessus, vous et moi. Et pas qu’un peu ! C’est pour ça qu’on s’entend si bien d’ailleurs. Pour nous ce qui compte surtout, c’est tout ce qu’il y a autour. Un climat. Une atmosphère. Des regards. Plein d’autres trucs. Faut que ce soit subtil. Tout en demi-teintes. Tout en non-dits. Enfin ce qu’on vit tous les deux ensemble, quoi ! Et ça, c’est pas possible avec grand-monde. Quasiment avec personne. Rien que d’en parler déjà ! Moi, j’ai renoncé. Complètement. Parce qu’elles comprennent pas, mes copines. Elles ouvrent des grands yeux tout ronds. « Ah, oui ? Eh ben dis donc ! » Pour elles, s’il y a pas pénétration, ça vaut pas. C’est pas abouti. C’est comme s’il y avait rien du tout. Alors que pour moi…
Elle s’est tue. Le temps que le serveur dépose devant nous nos assiettes de ris de veau.


-  Attention ! Elles sont chaudes.
Elle a repris.
-  Mon tout premier mec, quand j’étais ado, j’ai pas couché avec. On s’embrassait. On se caressait. Et je lui donnais du plaisir avec mes doigts. Ou bien il se le faisait, lui, et je le regardais. Ça me fascinait. J’adorais voir sa queue durcir, palpiter. J’adorais la voir couler. Je sais pas ce que j’aurais donné pour ça. Les deux suivants aussi, ça s’est passé de cette façon-là. C’est avec le quatrième seulement que je suis passée à autre chose. Et… c’était tout ? C’était que ça ? J’aimais mille fois mieux avec les autres avant. Et encore aujourd’hui je préfère. Surtout que… Bon, bien sûr que ça m’arrive de coucher. Et qu’il y a des fois c’est pas trop mal. Ça peut même être très bien. Rarement, mais ça peut. Mais alors là, ce que je supporte pas, c’est le comportement du mec après. Tout fier de t’avoir fait jouir. Comme s’il t’avait fait un cadeau royal et que tu devais lui en être éternellement reconnaissante. Pauvre crétin prétentieux ! Rien qu’à l’idée de ce petit air triomphant qu’il va presque ment prendre, le type, ça me bloque tout, moi, du coup. Je ressens rien. C’est frustrant, oui, mais ça a aussi un petit quelque chose de jubilatoire. Parce que ça le vexe. Elle en prend un coup, sa petite fierté de mâle. Mais bon, ça fait pas tout. Et je sais pas pourquoi je m’acharne vu que je sais que, de toute façon, j’y trouverai pas mon compte et que j’ai bien mieux par ailleurs. Enfin si, je sais ! Si ! C’est qu’on espère toujours un miracle. Un truc improbable. Ce qui a toutes les chances de jamais se produire. Mais bon… Peut-être que ça, avec un peu de chance, vous, vous allez le trouver avec Lucie.
-  Ça te plairait bien, avoue !
-  Qu’il se passe quelque chose entre elle et vous ? Franchement, oui. J’ai trop envie de voir comment ça tournerait. Et puis je sais pas pourquoi, mais je sens que ça nous rapprocherait un peu plus encore vous et moi, qu’on serait encore un peu plus complices.

-  Peut-être, oui. Sûrement même.
-  Ah, vous voyez ! Alors ce qu’on pourrait faire… Normalement lundi, si la météo se trompe pas, il fera un temps magnifique. Un temps à piscine. Alors je l’invite. Elle sera enchantée. Je lui dis d’apporter son maillot. Ben oui, quand même ! La première fois. On se baigne. On discute. On se rebaigne. Et puis moi, à un moment, ça me revient d’un seul coup que j’ai un rendez-vous chez le dentiste. Je pars en précipité. Je vous laisse tous les deux. Et alors là, vu son état d’esprit et comment elle vous a à la bonne, s’il se passe rien, c’est que vous êtes vraiment pas doué.
-  Et toi ?
-  Quoi, moi ?
-  Tu fais quoi pendant ce temps-là ?
-  Ben, je vais faire un tour.
-  Ou tu montes dans ta chambre. Et de là-haut tu mates tout ce qui se passe…
-  Ben, évidemment, ça ! Vous en doutiez ?
-  Non.

* *
*

Le lundi suivant, il faisait effectivement un temps radieux.
-  Je vais la chercher.
Une petite demi-heure plus tard, elles étaient là.
-  On va mettre nos maillots.
Dans la chambre de Clorinde. D’où se sont échappés de grands éclats de rire.
Quand elles ont fait leur réapparition, Clorinde dans un maillot à fleurs qui lui rentrait dans la raie des fesses et Lucie dans un deux pièces rouge virulent qui la sculptait au plus près, elles étaient encore hilares.
-  Qu’est-ce qu’il y a de si drôle ?
-  Non, rien. Enfin, si ! Le couple de la 212. Qu’était déçu que ce soit pas moi au petit déjeuner l’autre jour. Qui m’a réclamée à cor et à cri. « Et c’est quand que ce sera elle ? » Du coup on s’est mises à imaginer tous les trucs qui pourraient se passer avec eux, si je voulais. Et on est parties dans un de ces délires, mais un de ces délires ! Bon, mais allez ! On se baigne ?
Elles se sont jetées à l’eau. Je les ai rejointes. Et Clorinde a proposé.
-  Deux petites longueurs de bassin ? Ça vous dit ? Que je vous plume ! Comme d’habitude.

-  Non, mais écoutez-la, elle ! Petite prétentieuse, va !
-  C’est pas vrai peut-être que je vous bats à plate couture ? Et à chaque fois en plus !
-  C’est la légende.
-  Ah, oui ? Eh bien, c’est ce qu’on va voir. Tu fais la course avec nous, Lucie ?
Laquelle Lucie l’a emporté haut la main. On a recommencé. Plusieurs fois. Elle a encore gagné. Et puis moi. Et puis Clorinde. Et encore Lucie.
On est remontés. On a repris notre souffle, allongés tous les trois côte à côte.
-  Ça va, papy ? Non, faudrait pas qu’on vous ait fait exploser la pendule.
-  Toi, il y a des moments, tu mériterais une de ces bonnes fessée déculottée…
-  Oui, ben même pas en rêve.
Elle s’est tournée. Sur le ventre.
-  N’empêche, en parlant de ça, c’est la première fois que je me baigne en maillot ici, moi ! D’habitude…
Elle s’est redressée d’un bond.
-  Wouah ! Quelle heure il est ?
-  Quatre heures et demie. Pourquoi ?
-  Le dentiste ! J’ai rendez-vous. Ça m’était complètement sorti de la tête. J’ai juste le temps. Je file…
On l’a regardée s’éloigner. J’ai hoché la tête.
-  Elle est trop dans son genre !
-  Ah, sûr qu’il y a une personnalité, là !
-  Hors du commun, oui.
-  En tout cas, qu’est-ce qu’elle peut chanter vos louanges !
-  Elle chante aussi les vôtres…
-  Oui, oh, elle me connaît pas encore beaucoup. Quand elle me connaîtra mieux…
-  Elle les chantera davantage encore.
-  Oh, je suis quelqu’un de très ordinaire, vous savez !
-  Votre beauté ne l’est pas. Votre charme non plus.
J’ai pris son regard dans mes yeux. Elle ne me l’a pas dérobé. Et je me suis lancé.
-  On joue franc jeu ?
-  Je veux bien, oui.
-  J’ai envie de vous.
Elle n’a pas détourné son regard.
-  Moi aussi !
Ses yeux sont devenus tout brillants. J’ai pris sa main. Elle me l’a laissée. Nos doigts se sont entrecroisés sur ma cuisse.

Je lui ai souri.
-  Et alors, dans ces cas-là, on fait quoi ?
Elle m’a rendu mon sourire.
-  Ben…
-  Venez !
Dans l’eau.
Je l’ai prise contre moi. On s’est enlacés. Embrassés. On s’est faits ardents. J’ai bandé comme un forcené contre sa cuisse. Elle a noué ses jambes autour de mes hanches. J’ai dénoué son soutien-gorge qui est parti flotter à l’aventure. Les pointes de ses seins entre mes lèvres. Mes mains sur ses fesses. Dans sa culotte. Que j’ai envoyée, elle aussi, voguer au fil de l’eau. Mes doigts sur son bouton. Elle a haleté. Elle m’a voulu en elle. Elle m’y a mis. Et nos plaisirs se sont fondus l’un dans l’autre.
On est sortis de l’eau. Et on est montés dans ma chambre. Où on a roulé sur le lit.

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