Clorinde, Ma Colocataire (23)
Elle a voulu quon aille passer la nuit « chez elle ».
Parce que le pauvre Vincent, à côté, si sa douche est toujours pas réparée, il doit
commencer à puer.
Elle sest déshabillée, allongée toute nue sur le lit. Sans louvrir.
Non, et puis cest bien beau Alexandra, Mégane, le magnétiseur, tout ça, mais il faut
aussi quon soit dans notre truc à nous. Parce que cest ça le plus important, non ?
Jen étais bien daccord. Et je suis venue métendre auprès delle.
Elle ma posé la main sur la queue.
Même quon couche pas, jai des droits dessus. Bien plus que nimporte qui dautre.
Elle me la lissée. Du bout du doigt. La fait grimper. Contemplée. A déposé un petit
baiser au bout.
On fait quoi ? Quest-ce vous avez envie ?
Je savais pas. Ce quelle voulait, elle. Quelle décide !
Cest toujours moi ! Vous êtes pas marrant à force.
Elle sest soulevée, appuyée sur un coude.
Cest trop marrant des couilles, nempêche !
Jai senti son souffle dessus. Elle leur a envoyé une petite pichenette. Une autre.
Cest complètement improbable en fait comme truc.
Elle en a pris la peau entre ses dents, a serré, relâché.
Faudra que je vous les morde un jour
Un bon coup. Un jour que jen serai bien. Bon,
mais allez ! Quest-ce quon fait ?
Elle sest penchée à mon oreille. A chuchoté, rieuse.
On le fait sastiquer, le Vincent, là, de lautre côté ?
Elle a sorti son petit enregistreur.
Quest-ce que je vais lui choisir ? Oui, cette fois-là, tiens ! Cétait à lhôtel. Et
je savais quon pouvait mentendre autour. Un type surtout quavait pas arrêté de me
lorgner de tout le repas.
Elle a mis en mode lecture. Ses soupirs. Ses halètements. Ténus dabord. Retenus.
On sest levés sans bruit. On sest approchés de la cloison. On y a collé loreille.
Elle ma fait signe, de sa main refermée, agitée de haut en bas.
y est ! Il y va. »
Cétait vrai. On percevait un souffle précipité, accompagné de légers crissements
réguliers de matelas.
Sur le lit, dans le petit enregistreur, elle sest emballée. En grondements sourds. Qui
se sont amplifiés. Qui sont devenus raz-de-marée de jouissance éperdue. Clamée à pleine
voix.
Elle sest silencieusement accompagnée, lindex en tourbillons impétueux sur son bouton,
loreille plaquée contre la cloison, les yeux fixés sur ma queue dressée dont je
moccupais avec conviction.
À côté, il est allé plus vite, plus profond. Il a lâché un cri étouffé. Un seul.
Elle a fermé les yeux, renversé la tête en arrière, entrouvert la bouche. Et joui sans
bruit. Et puis elle sest penchée à mon oreille.
Quest-ce que vous pariez que demain il va se pointer à la première heure ? En se
disant quavec un peu de chance je serai à moitié à poil.
Ce qui na pas loupé.
Sauf quelle sétait levée avant. Et habillée.
Dans son regard est passé un éclair de déception. Quil a très vite réprimé.
Elle lui a souri.
Votre chauffe-eau est toujours pas réparé ?
Je sais pas sil le sera un jour. Pour avoir un professionnel au jour daujourdhui,
cest la croix et la bannière.
Ben tiens ! Il devait pas trop les bousculer non plus.
Quand il est sorti de la douche, elle lui a tendu un double des clefs.
On risque dêtre absents quatre-cinq jours. Alors hésitez pas, hein, venez vous
doucher. Faites comme chez vous !
* *
*
Mégane nétait pas sur le terrain. Elle sétait réfugiée à lintérieur. Et elle pleurait
à chaudes larmes.
Ben, quest-ce qui vous arrive ? Cest quoi, ce gros chagrin ?
Rien. Cest rien.
Mais si ! Dites !
Cest que
Et ses larmes ont redoublé. Se sont transformées en sanglots.
Allons ! Allons !
Je lai prise dans mes bras.
caressé la joue. La tempe. La nuque.
Elle sest calmée, a relevé la tête, ma souri à travers ses larmes.
Venez vous asseoir. Venez !
Sur le banc à côté des casiers. Je lui ai pris la main, ai entrecroisé mes doigts avec
les siens. Elle ma encore souri.
Cest votre mari, hein !
Elle a fait signe que oui. Oui.
Il a été odieux. Plus bas que terre il ma mise. Que je suis invivable. Que personne
pourrait me supporter. Personne. Et quil se demande ce quil fout encore avec moi.
Elle sest tue. Jai posé sa main sur ma cuisse. Elle ly a laissée, a levé sur moi un
regard bouleversé.
Vous me trouvez moche, vous ?
Jamais de la vie ! Vous êtes mignonne comme tout.
Vous dites ça pour me faire plaisir.
Je vous assure que non.
Cest gentil. Et ça fait du bien. Parce que cest pas facile à vivre, vous savez, quand
votre mari vous trouve tous les défauts du monde.
Oui, mais enfin, il a pas toujours dit ça
Clorinde sest étirée.
Oui. Bon, bref. Vous avez fait la causette. Un bon bout de temps. Elle, à se lamenter.
Et vous, à la consoler. Et puis après, vous lavez embrassée. Non ?
Un peu.
Tu parles ! Je suis bien tranquille que vous vous êtes roulé pelle sur pelle un sacré
moment, oui ! Et que vous, vous, en avez profité pour laisser traîner vos paluches ici et
là. Cest pas vrai peut-être ? Bon, mais alors finalement, vous lavez décroché le
jackpot ou pas ?
Sur le banc, avec le risque que quelquun déboule à tout moment, les conditions
nétaient pas vraiment idéales.
Et donc, la partie de jambes en lair est reportée à une date ultérieure. Cest pour
bientôt ?
On doit déjeuner, demain midi, dans une petite auberge de campagne, à lécart de tout.
Avec des chambres au-dessus, jimagine. Je suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
Ah, non ? Pourquoi ?
Parce que vous navez plus vingt ans. Et quune rude soirée vous attend. Jai invité
Alexandra.
Oui, mais Alexandra
Nattend que ça. Vous entendriez comment elle parle de vous. « Jai jamais eu autant
envie avec un type. Jamais. Rien quà le voir, rien quà penser à lui, tu peux pas savoir
ce que ça me fait. Non, mais comment il est séduisant, cest de la folie. Et patati et
patala. » Vous allez quand même pas la laisser dans cet état-là ! Ce serait inhumain. Et
puis, de toute façon, vous aurez pas le choix.
Comment ça ?
Je recevrai un coup de téléphone urgent. Et je serai obligée de vous laisser tous les
deux.
Tas calculé ça avec elle, je suis sûr.
Ben, évidemment !
Tu es démoniaque.
Comme si vous le saviez pas déjà !
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