Clorinde, Ma Colocataire (27)
Elle a attendu que sa porte, à côté, se soit ouverte, refermée et elle a éclaté dun long fou rire silencieux.
Trop forte, la fille ! Trop forte ! Non, mais vous avez vu ça, lautre ? Il a suffi que je lui ordonne : « Allez, hop, baissez-moi tout ça que je vous mette une fessée ! » et ni une ni deux, il sest flanqué le cul à lair.
Parce quil avait une trouille bleue, ça se voyait, que tu mettes tes menaces à exécution, que tailles raconter un peu partout ce quil sétait passé. Ce quil ne voulait à aucun prix. Il avait pas envie davoir à raser les murs.
Et pas seulement ça, moi, je crois
Parce que vous avez vu la tête dobsédé quil a ? Je suis bien tranquille quil y a plein de filles et de couples qui y attnt avec lui dans limmeuble. Quil se faufile un peu partout pour regarder ou écouter, la queue à la main. Alors que je vende la mèche et il serait complètement grillé. Tout le monde se méfierait de lui. Et cen serait définitivement terminé de ses petites activités de voyeur. Alors oui, mieux valait une bonne fessée, tout compte fait, et quon nen parle plus.
Tu y es pas allée de main morte en tout cas !
Oh, pas tant que ça, moi, jtrouve !
Hein ! Ben, je sais pas ce quil te faut. Tas pas entendu comment il piaulait ?
Parce quil est doudouille.
Et dans quel état il avait les fesses quand ten as eu terminé ?
Parce quil marque facilement.
Non, je tassure ! Cétait une de ces corrections !
Je me suis pas rendu compte. Attendez ! Écoutez ! Écoutez ! Vous entendez pas ?
Quoi donc ?
Sa douche !
Faut bien quil se rafraîchisse un peu le derrière. Après ce quil vient de subir, le pauvre, cest une nécessité absolue.
Oui, mais soi-disant quelle était en panne. Elle marche en fait.
Tu en doutais ?
Non. Bien sûr que non.
Elle a plissé les yeux, froncé les sourcils, sest mordu la lèvre inférieure.
Ça me perturbe drôlement nempêche ce que vous venez de me dire, que jy allais vraiment fort, parce que, si cest vrai, hein, je me rendais pas compte. Pas du tout.
Tu y prenais du plaisir en tout cas, ce quil y a de sûr.
Elle a esquissé un petit bout de sourire.
Ça se voyait tant que ça ?
Et comment !
Oui, mais vous, vous me connaissez ! Mieux que personne. Alors ça vaut pas.
Elle sest laissée tomber sur le lit.
Vous savez ce que je me demande ? Ben, si ça lui plaisait pas, tout compte fait, à lui que je le lui claque, le derrière. Non, parce que vous avez vu ? Il bandait.
Cétait peut-être purement mécanique.
Peut-être, oui. Et puis peut-être pas. Parce quun type de son âge, ça lexcite, si ça tombe, de se faire tanner le cul par une gamine comme moi, allez savoir ! Pourquoi pas après tout ? Vous aimez bien, vous, quand je vous mords.
Cest pas que jaime bien
Ah, non ? Cest quoi alors ?
Cest que
Cest que vous aimez que jaime vous le faire. Ce qui revient au même finalement.
Elle ma fait signe.
Venez avec moi ! Venez près de moi.
Elle ma pris la main. Et sest brusquement rembrunie.
Comment jaimerais pas ça plus vous avoir avec moi.
Il y a pas de raison.
On sait pas. On peut pas savoir.
Et elle sest blottie contre moi.
* *
*
Des reniflements dans la nuit. De petits hoquets. Des sanglots réprimés.
Je me suis penché sur elle.
Tu pleures ?
Non, je pleure pas. Non.
Jai allumé. Les larmes lui ruisselaient sur les joues, sur le menton et jusque dans le cou.
Cest quoi, ce gros chagrin ?
Rien, je vous dis. Rien.
Et elle a voulu se tourner de lautre côté.
Je len ai empêchée, ai cherché à lattirer vers moi. Elle a résisté. Un peu. Pas bien longtemps. Et a fini par venir se réfugier, delle-même, contre ma poitrine. Où elle a redoublé de sanglots.
Je lui ai doucement caressé le front, les tempes, la commissure des yeux.
Là ! Là ! Cest tout
Cest tout
Elle sest peu à peu calmée, ma souri à travers ses larmes.
Je suis idiote. Je suis vraiment idiote.
Si tu me disais de quoi il retourne plutôt
Cest pas facile
Essaie toujours
Cest à cause de vous.
De moi ?
Oui. Enfin non. Cest que je sais pas ce que je dois faire. Enfin, si, je le sais ! Si ! Cest une chance inouïe que jai là. Mais cest pas simple quand même.
Si tu tefforçais dêtre un peu plus claire.
Javais fait la demande. Sans vraiment y croire. Et je suis prise. Dans une grande école de psycho. La plus grande. À New York.
Hein ? Mais cest magnifique !
Oui, dans un sens, oui. Bien sûr. Mais dans un autre, je vais plus vous voir. Ce sera fini tout ce quon vit là.
On sécrira. On se verra par Internet. On se racontera.
Au début, oui. Et puis après vous moublierez. Cest toujours comme ça que ça se passe. Pour tout le monde.
Toublier ? Alors ça, cest complètement impossible.
Elle a haussé les épaules.
Bien sûr que si ! Il y a Alexandra. Il y a Morgane. Et puis il y a pas que ça. Vous avez une grande maison. Avec piscine et tout le tintouin. Alors vous pensez bien que des filles qui voudraient être à ma place, il y en a tout un tas. Jen connais. Qui auront rien de plus pressé que de venir vous assiéger. Et vous, bonne pâte comme vous êtes, vous finirez par vous laisser embobiner. Surtout quelles, elles auront pas de scrupules. Cest le genre à coucher pour arriver à leurs fins, alors là ! Et quil y en ait dautres dans ma chambre, dans mon lit, rien que dy penser, vous pouvez pas savoir ce que ça me fait
Il y en aura pas. Je te promets.
Mais même ! Me passer de vous, plus vous voir, plus faire tout ce quon fait ensemble depuis des semaines, cest trop dur.
Ça naura quun temps.
Trois ans. Au moins.
Cest pas la mer à boire. Dautant que je ferai des petits sauts là-bas de temps à autre.
Cest vrai ? Souvent ?
Le plus souvent possible.
Cest pas une réponse, ça !
Alors disons
Une fois par mois. Au moins. Ça te va ?
Elle ma sauté au cou.
Vous êtes un amour. Mais vous le ferez, hein ? Vous le ferez vraiment.
Tu mas déjà vu ne pas tenir mes promesses ?
Jamais, non. Je vais peut-être partir alors finalement, du coup !
Tas tout intérêt ! Parce que je te flanque une fessée sinon ! Comme tas fait au voisin, là !
* *
*
Elle nous a voulu un restaurant.
Celui où on est si souvent allés tous les deux.
Elle y a soupiré.
Cest peut-être la dernière fois.
Tu pars quand au juste ?
Je sais pas trop. Peut-être en fin de semaine. Peut-être la suivante. Ou celle daprès.
Ses yeux se sont embués.
Enfin si, je le sais quand je pars ! Évidemment que je le sais ! Mais je veux pas vous le dire. Je veux pas quil y ait ça entre nous. Pour le peu de temps quil reste. Quon compte les jours. Ou les heures. Tout ça pour, à la fin, se faire des adieux déchirants. Comme dans les films.
Au dessert, elle a sorti deux clefs USB de son sac, men a tendu une.
Ça, cest la copie intégrale de tout ce quil y a sur mon petit enregistreur, là, vous savez bien. De tous ces tas de fois où jai joui. Cest pour vous. Vous en ferez ce que vous voudrez. Tout ce que vous voudrez.
Elle a eu son petit sourire mutin.
Je sais bien ce que vous allez en faire ! Mais cest le but.
Et puis lautre.
Et là, sur celle-là, ce sont des photos de moi. Sous toutes les coutures. Exprès pour vous je les ai faites. Que vous mayez encore. Même quand je serai partie.
Jai fouillé dans ma poche. À mon tour de lui donner quelque chose. Une enveloppe. Une enveloppe que jai posée à côté de son verre.
Quest-ce que cest ?
Eh bien, regarde !
Une clef, mais une vraie.
Celle de ta chambre. Tu seras sûre, comme ça, que personne ny viendra jamais en ton absence.
Elle ma pris la main par-dessus la table, la portée à ses lèvres, sest levée.
Venez ! On rentre.
Elle sest déshabillée. Complètement. Étendue, mains sous la nuque, sur le lit.
Vous pouvez me regarder, si vous voulez. Tant que vous voudrez. Ce que vous voudrez.
Je me suis penché sur elle, lui ai effleuré le front dun baiser, ai plongé mes yeux dans les siens. Je les y ai laissés. Longtemps. Les couleurs en ont doucement chatoyé.
Et puis je suis lentement descendu, me suis arrêté à hauteur de ses seins en pente douce. Dont les pointes se sont orgueilleusement dressées.
Ils sont magnifiques.
Je les ai avidement contemplés.
Plus bas. Je me suis approché de son ravissant petit réduit damour. Plus près. Encore plus près. Elle sest redressée. Ses doigts se sont enfouis dans mes cheveux.
Vous pouvez aujourdhui, avec votre bouche, si vous voulez.
Si je voulais !
Jy ai posé mes lèvres. Je les ai fait courir tout au long de la douce encoche. Inlassablement. Dans un sens. Dans lautre. Quelques gouttes de liqueur ont perlé. Jai passé mes bras sous ses cuisses. Je lai doucement, tout doucement, ouverte. Je me suis aventuré, du bout de la langue, dans ses replis soyeux. Je les ai investis. Elle a doucement gémi. Sa main sest posée sur ma nuque. Elle ma pressé la tête contre elle, a exigé.
Encore ! Encore !
Ses doigts mont rejoint. Ma bouche. Ses doigts. Ses doigts. Ma bouche. En un somptueux vertige. Et son plaisir a surgi. Tempétueux. Ravageur. Elle la proclamé. Elle la hurlé. Ça sest apaisé. Cest reparti de plus belle. En longs sanglots éperdus. Cest retombé.
Je suis remonté, lui ai effleuré les lèvres.
Et votre plaisir à vous ?
Elle me la donné. Avec ses doigts. On est restés les yeux dans les yeux. Jusquau bout.
Elle sest endormie la première, lovée contre moi.
Au réveil, elle nétait plus là, mais il y avait un mot sur la table de la cuisine.
« Jai horreur des adieux. Et des larmes qui vont avec. Je pars. Je menvole tout à lheure. Mais je vous attends là-bas. Vous avez promis.
Je vous aime.
CLORINDE »
FIN
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