Le Candauliste 2/2

Juliette et Hugo avaient chacun une lampe de chevet de teinte très claire. Elle était rouge du côté de Juliette et celle d’Hugo était verte. Bien que celles-ci ne fussent pas très puissantes, les deux couleurs complémentaires éclairaient la chambre d’un ton indéfinissable, mais agréablement tamisé. La place d’Hugo avait été réservée dans un coin de la pièce et il s’y installa. Juliette, allongée sur le dos, nue comme un ver, avait les yeux fixés au plafond. Damien l’observa une dizaine de secondes, puis commença à se déshabiller. Quand il fut lui-même dévêtu, il se tourna vers son collègue comme pour obtenir un dernier agrément ; son sexe était déjà totalement redressé et Hugo en eut instantanément un coup au cœur. Le pénis de Damien était plus gros et plus long que le sien. Si Hugo avant l’accident pouvait présenter en érection une verge de taille moyenne, celle de Damien flirtait plutôt avec le double décimètre. La même différence s’observait pour le diamètre de la hampe. Le poignard d’une jalousie purement masculine mordit Hugo une seconde fois et il fut aussitôt envieux d’un tel sexe et jaloux de sa femme qui allait se faire posséder par cet engin plus long et plus imposant que ne l’était son propre phallus. Hugo regretta soudain ce qu’il avait fait, mais il était trop tard pour reculer. Le vin était tiré aussi, il décida de ne plus penser qu’à lui et invita de la main Damien, muet, à se coucher. Celui-ci s’allongea à côté de Juliette qui ne bougea pas d’un pouce et immédiatement se mit à lui embrasser les seins. Juliette sursauta puis se laissa faire. Son amant d’un soir prit tour à tour entre ses dents chaque mamelon et aréole qu’il suça et aspira longuement tandis que Juliette commençait à respirer plus fort. Quittant la poitrine de sa maîtresse, Damien lui lécha le ventre puis le bas-ventre. Il s’arrêta un moment sur le mont de Vénus glabre qu’il baisa amoureusement de ses lèvres humides jusqu’aux abords de la vulve. Juliette, surprise d’être excitée par cet homme qu’elle ne connaissait pas quelques heures auparavant, poussa un profond soupir et malgré elle écarta les cuisses imperceptiblement en fermant les yeux.

Le mouvement des jambes n’était pas passé inaperçu de Damien qui se précipita la bouche ouverte sur les lèvres gonflées et rougies du sexe qui s’offrait à lui. Il introduisit la langue à l’entrée du vagin et avala, en même temps que Juliette émit un fort gémissement, toute la cyprine qu’il ne pouvait plus contenir.
Ce gémissement, Hugo le connaissait bien et il eut sur lui un effet bénéfique. Dans son fauteuil, il contemplait, béat, son sexe dressé au milieu de sa braguette ouverte. Profitant de sa forte érection, il commença une lente masturbation et posait les yeux tantôt sur sa femme tantôt sur son gland qui se découvrait par intermittence. « Ça marche ! », jubilait-il « Ça marche ! ».
Damien, placé comme pour un soixante-neuf s’enhardit et présenta son sexe aux lèvres jusqu’à présent closes de sa maîtresse. À ce contact, Juliette recula la tête vivement puis ouvrit les yeux par réflexe. Le désir devenu irrésistible, elle se rapprocha bouche béante et eut un petit râle quand ses mâchoires craquèrent pour s’écarteler à la bonne dimension. Fascinée par la grosseur du gland qu’elle suçait, elle entoura de ses deux mains le membre de Damien qui ne demandait que ça. Résolue, elle dirigea la verge vers le fond de sa langue et attendit ; elle ne voulait pas être active. Damien fit aller et venir son sexe loin dans la bouche immobile de sa maîtresse qui émettait de temps en temps les bruits caractéristiques de la nausée quand le mouvement était trop appuyé, ce qui lui était aisé avec une verge de cette envergure. Au bout de quelques minutes, la douleur dans les articulations de la mâchoire devint lancinante et Juliette repoussa son amant. Il quitta ce nid chaud et douillet et retourna Juliette sur le ventre pour la mettre à quatre pattes. Docile elle se laissa faire et, la croupe en l’air, présenta des fesses magnifiques que Damien sépara doucement de ses deux mains pour lécher avec vigueur le petit trou aux bords plissés.
Hugo se masturbait toujours. Voyant sa femme à quatre pattes et son collègue lui suçant le sphincter, il eut de nouvelles vagues d’excitation sexuelle dans le bas-ventre ; il en était émerveillé, jamais son pénis n’avait été aussi gonflé, aussi dur, aussi raide, et cela même avant son accident.
Jamais son scrotum n’avait eu la peau aussi ferme pour soutenir des testicules qu’il sentait remplis d’une semence abondante. Il faisait aller le prépuce de plus en plus rapidement sur le gland, mais commençait à avoir des crampes dans l’avant-bras. Ses yeux se portèrent à nouveau sur le lit.
Juliette malgré la réticence qu’elle avait montrée à Hugo pour cette expérience s’oubliait totalement, savamment excitée par son amant. N’en pouvant plus, elle ôta son anus de la convoitise de Damien et se mit sur le dos, les jambes largement écartées et légèrement surélevées. Passant son bras entre ses cuisses, elle prit le phallus d’une main attirant vers elle Damien resté à genoux. Dans un souffle elle lui murmura :
— Viens…
La verge en avant Damien se coucha sur elle et, d’un seul coup de reins, plongea les vingt centimètres de son pénis dans l’orifice brûlant et trempé qui s’exhibait. Juliette, le vagin dilaté, entoura la taille de Damien de ses jambes afin de garder son sexe au plus profond d’elle et lui planta ses ongles dans le dos en poussant un râle guttural. Pour la première fois, elle colla ses lèvres à celles de Damien pour enrouler sa langue autour de la sienne. Enserré par des cuisses énergiques, son amant était limité dans ses mouvements, mais à peine deux minutes plus tard Juliette, à la surprise d’Hugo, poussa un cri d’orgasme de démente qu’elle fit durer jusqu’à ne plus avoir une molécule d’air dans les poumons. Le temps de reprendre une respiration et un deuxième cri analogue retentit suivi de beaucoup d’autres plus brefs, mais tout aussi puissants. Cela dura une éternité au bout de laquelle elle laissa tomber bras et jambes sur le lit pour demeurer immobile en proie à la luxure non encore satisfaite de Damien.
Une autre plainte survint quelques secondes après le dernier cri de Juliette. Hugo, qui se masturbait depuis le début des ébats, venait d’éjaculer un sperme épais et abondant qu’il crachait jusque sur le mur derrière sa tête. Des coulures se perdirent dans ses cheveux, ses yeux, son nez, ses lèvres ; sa main même était trempée.
Jamais il n’avait produit une telle quantité de semence et jamais il n’avait connu d’orgasmes aussi longs et forts auparavant. Finalement épuisé et à bout de souffle, il finit par lâcher son pénis ramolli pour se repaître à nouveau du spectacle que lui offrait Juliette ceinturant Damien.
Ce dernier, tout d’abord ébahi par la force de la jouissance de sa maîtresse, avait été encore plus surpris par l’orgasme de son collègue qu’il ne put s’empêcher de regarder. Juliette, le vagin en feu, repoussa Damien et se tourna. Aussitôt, celui-ci songea, frustré : « Tout le monde a pris son pied ici sauf moi ; à mon tour un peu ! ». Sur cette pensée, il saisit brusquement les jambes dociles de Juliette allongée en croix sur le ventre, les rapprocha et lui replia les genoux sur le matelas juste au niveau de la poitrine. L’anus, surélevé, était maintenant correctement exposé et orienté à cinq centimètres de son membre tendu encore mouillé de la cyprine de la jeune femme. Il lui écarta alors les fesses et approcha son gland. Le sphincter également trempé de lubrifiant ne fit aucune difficulté pour s’ouvrir et laisser passer ce phallus hors norme. Juliette poussa un cri de douleur ou de jouissance ou les deux, nul n’aurait pu le dire sauf elle peut-être. La position aidant, il s’enfonça le plus loin possible, arrachant de nouvelles plaintes ambigües à sa maîtresse et au bout de quelques aller et retour de grande ampleur lui déchargea longuement son sperme dans le rectum. Vidé, au propre comme au figuré, il demeura immobile quelques instants, le membre toujours planté dans l’anus accueillant. Enfin, son sexe ne put maintenir sa rigidité et il se retira. Il avait conservé les mains sur les genoux de Juliette qui ne bougeait plus. Dirigeant son regard vers le sphincter dilaté de sa maîtresse, il aperçut le liquide blanchâtre qu’il venait juste d’instiller rejaillir en petits jets saccadés et une large tache visqueuse s’étala sur le drap. Damien lâcha son amante d’un soir qui reprit la position qu’elle avait quand il est entré dans la chambre avec Hugo.
Il sut alors que c’était terminé et se leva. Comme convenu, il sortit de la pièce silencieusement et, après quelques rapides ablutions, quitta l’appartement.
Dès que les deux époux furent seuls, Juliette dit à son mari :
— Tu viens, mon amour ?
— Oui, viens vite me chercher.
Quand il fut installé sur le lit, Juliette se pencha la bouche ouverte sur le sexe redevenu flaccide d’Hugo. Elle le décalotta et suça le gland avec amour, mais en vain. Au bout de plusieurs minutes, Hugo fit cesser les caresses.
— Arrête chérie, ça ne sert à rien.
L’érection avait disparu, elle ne revint pas.
*
La semaine qui suivit fut plutôt sombre pour les trois acteurs de la soirée de samedi. Juliette culpabilisait de ne pas avoir réussi à donner elle-même du plaisir à Hugo alors qu’elle l’avait trompée sous ses yeux rien que pour ça. Cela l’avait rendue maussade et réservée jusqu’au week-end suivant. Quant à Hugo et Damien, ils se sont soigneusement évités dans les couloirs de l’entreprise où ils travaillaient pendant quelques jours. Ce triolisme particulier d’un soir ne devait avoir aucune incidence sur leurs relations, mais ce ne fut pas aussi simple. Hugo le comprit et eut la patience et le tact d’attendre quelques semaines avant d’envisager une nouvelle tentative avec son épouse.
Le dimanche suivant la visite de Damien, Juliette se laissa enfin approcher par son mari et ils refirent l’amour comme avant. Hugo n’avait toujours pas d’orgasme, mais il en donnait sans compter à son épouse avec la bouche, les doigts ou le vibromasseur. Il voulut pour elle tester le gode-ceinture, mais étrangement, Juliette refusa. Le climat était à nouveau sain entre eux, elle avait retrouvé le sourire. La vie reprenait son cours normal. Les relations entre Damien et Hugo étaient également redevenues harmonieuses, aucun des deux protagonistes n’évoquant cette fameuse soirée avec l’autre.
Pourtant, le fantasme d’Hugo reprit le dessus et un midi après le déjeuner, il interpella son épouse le plus doucement qu’il put :
— Tu sais chérie, je n’ai pas trop envie de faire la sieste aujourd’hui, commença-t-il.
— Je n’aime pas trop faire l’amour en plein jour, répondit-elle, mais si tu y tiens…
— Non, ce n’est pas ça, ce soir peut-être, rectifia Hugo. Je voudrais juste qu’on parle.
— Attends, je t’emmène au salon, fit-elle en poussant le fauteuil roulant. Laissant son mari face au canapé, elle s’y installa et dit :
— Je t’écoute mon amour.
— Tu sais, je repensais à notre expérience avec Damien.
Juliette se renfrogna.
— C’était une erreur. Nous n’aurions jamais dû faire ça, je ne veux plus qu’on en parle et je veux oublier cette soirée.
— Écoute-moi seulement. Ça n’a été qu’un demi-échec puisque c’est grâce à toi, quand tu as joui toi-même, que j’ai pu avoir un orgasme extraordinaire. Je te rappelle que cela fait un peu plus d’un an maintenant que cela ne m’était pas arrivé.
Juliette baissa les yeux en rougissant. Elle repensait à l’orgasme qu’elle avait eu, orgasme qui, quoiqu’elle s’en défendît, l’avait sérieusement secouée. Elle avait fortement apprécié la prestation de Damien, mais se gardait bien de le dire à son mari. Damien, elle ne le connaissait pas, elle ne l’aimait pas, il lui était totalement indifférent. Tout juste le considérait-elle comme un « super polochon », mais il lui avait donné un plaisir physique intense.
— J’ai fait l’erreur, continua Hugo, de choisir quelqu’un de mon entourage pour ça. Je crois qu’il vaut mieux à l’avenir sélectionner un homme dont nous ignorons tout l’un comme l’autre.
Juliette sursauta :
— À l’avenir ? Tu veux dire que…
— Oui, interrompit son mari. Je pense qu’il serait bon pour nous deux de renouveler l’expérience pour que je puisse enfin arriver à mes fins. Je suis sûr de pouvoir tenir une érection avec toi après cela.
— Tu étais déjà certain de ça la première fois, objecta Juliette.
— Oui, mais Damien je le connaissais trop bien. Ça m’a bloqué quelque part. De plus, je souhaiterais qu’on y apporte quelque chose de plus.
— Quoi encore ? J’ai déjà donné de ma personne, je crois, que veux-tu de plus ?
— Pour tout te dire, j’aimerais te voir prendre par deux hommes à la fois. L’orgasme que je… Où vas-tu ? Chérie ? Reviens s’il te plait !
Juliette s’était levée d’un bond et avait quitté la pièce pour se rendre à la cuisine où quelques tâches ménagères l’attendaient. Hugo la rejoignit et immobilisa son fauteuil dans l’encadrement de la porte. Une casserole à la main, Juliette déclara :
— Tu deviens fou, Hugo. Tu te rends compte de ce que tu dis ? De ce que tu me demandes ?
— Oui, je sais, mais moi aussi j’ai souffert de te voir avec Damien.
— Ça n’a pas eu l’air, répondit Juliette. Si tu y tiens vraiment, rappelle-le, je suis d’accord pour une autre soirée, mais deux hommes ça non, je ne suis pas d’accord.
Hugo s’emporta :
— Ah, je vois. Madame oublie les termes de notre contrat. Madame s’est fait tirer par une grosse bite, ça lui a plu, alors Madame en redemande ! Mais moi, elle s’en fout !
Juliette haussa les épaules.
— Il sait bien s’y prendre, c’est tout, mais je n’ai aucun sentiment pour lui et sa quéquette je m’en fiche, c’est bien un truc de mec ça. Il m’a donné beaucoup de plaisir et si c’est mon orgasme qui commande le tien, avec lui tu es sûr d’en avoir un du même niveau que l’autre soir. Avec un inconnu, a fortiori deux, je ne suis pas certaine de jouir et par là même, de TE faire jouir. C’est aussi pour ça qu’à la rigueur, j’accepterais encore Damien.
Hugo se radoucit.
— Je comprends, mais il ne voudra pas. Nous avons été mal à l’aise au bureau pendant une semaine ou deux. Maintenant, nous ne parlons plus de ça et nos relations sont redevenues normales. De plus, te voir faire le jambon dans le sandwich m’excite déjà considérablement.
— Merci pour la comparaison. Parfois, je me demande si tu m’aimes vraiment, fit-elle en posant sa casserole.
— Excuse-moi, c’était maladroit. Veux-tu bien essayer, je t’en prie ?
Juliette aimait tendrement son époux. Elle n’avait de cesse de lui être agréable, surtout depuis l’accident dont elle s’estimait en grande partie responsable. Hugo ne lui en parlait jamais, mais qu’en pensait-il vraiment ? Elle soupira puis, résignée, elle lui dit :
— D’accord, d’accord puisque tu y tiens. D’accord, mais mêmes conditions que pour la première fois. Pas un mot et ils déguerpissent dès que c’est fini.
Hugo regarda sa femme tendrement et lui susurra :
— Embrasse-moi et emmène-moi au lit. J’ai la langue qui frétille…
Prenant les poignées du fauteuil, Juliette accompagna Hugo jusqu’à la chambre.
— Je n’ai pas trop la tête à ça après ce que tu viens de me dire, dit-elle.
— Ne pense plus à rien, nous avons tout notre temps, conclut-il.
*
Hugo s’était bien demandé comment il allait pouvoir trouver deux inconnus pour leur proposer de faire l’amour avec sa femme. L’entreprise où il travaillait il n’en était pas question, l’expérience avec Damien avait suffi. Il y avait bien le café en face où il s’arrêtait de temps en temps. Parfois, des inconnus venaient y prendre un verre, mais ils pouvaient trop parler et il risquait de les revoir par la suite, ce dont il n’avait pas envie. Ce fut alors qu’il eut l’idée de s’inscrire sur un site internet dédié au libertinage et de passer une annonce. Il y mit une des photos suggestives de Juliette en ayant soin toutefois de flouter son visage et attendit les réponses. Il en reçut plusieurs, dont de nombreuses farfelues ou bien d’hommes ne correspondant pas au profil qu’il s’était imposé. Il eut aussi des propositions de la part d’échangistes auxquelles il ne pouvait évidemment donner suite. Au bout de deux semaines, plus rien dans sa messagerie et il se découragea. Il réfléchissait à une autre manière de recruter deux bonnes volontés quand il reçut un message qui lui parut intéressant. Le texte était clair, complet, bien orthographié, venant de deux jeunes hommes d’âge adéquat et dont la motivation était amusante. Il s’agissait de deux amis se mariant chacun de leur côté le même jour et ils s’étaient promis une soirée à trois comme celle que proposait Hugo pour « enterrer » leur vie de garçon. Leurs futures femmes respectives n’étaient bien évidemment pas informées et Hugo se dit que, pour la discrétion, il ne pourrait pas mieux tomber. Il répondit par une proposition de rendez-vous dans un café à l’autre bout de la ville qui fut rapidement acceptée. Sur place, Hugo vit que les deux jeunes hommes étaient comme il se les était imaginés, mais ceux-ci furent bien stupéfaits de discuter de leur projet avec un paralytique. L’étonnement passé, l’affaire fut vite conclue pour le week-end suivant. Trop impatient d’annoncer la nouvelle, Hugo apostropha son épouse dès qu’il rentra chez lui :
— Chérie ! J’ai invité deux amis pour samedi soir, mais ils ne viennent pas dîner.
Juliette le fusilla du regard :
— Ça y est, t’as encore négocié mon cul !
— Ne dis pas ça comme ça s’il te plait… Nous étions d’accord, je crois.
— Oui, oui, j’ai accepté puisque c’est pour toi, mais ne me demande pas de sauter de joie tout de même.
— Tu ne veux pas savoir qui c’est au moins ?
— Je m’en fous.
— Tu ne devrais pas. Ce sont deux beaux mecs bien bâtis, un ou deux ans plus jeunes que nous et qui enterrent tous les deux leur vie de garçon comme ça.
— Je plains leurs femmes, ça promet.
— Ils m’ont demandé si tu ferais tout ce qu’ils exigeront, je leur ai dit oui.
— Tiens donc, c’est facile ! On voit que tu n’es pas à ma place… Pas de sado-maso, ça je ne marche pas.
— Non, rassure-toi, je les ai déjà informés. Je t’aime, tu sais…
Elle ne répondit pas et resta dans le salon alors qu’Hugo se dirigea vers le bureau. En son for intérieur, Juliette, qui prenait un air faussement détaché avec son mari, était malheureuse. Elle qui aimait tant faire l’amour avec lui… Il était doux, attentionné, il savait l’amener à l’orgasme de quinze manières différentes sans qu’elle devinât précisément laquelle il allait employer à un moment déterminé. Coucher avec deux hommes, elle ne l’avait jamais fait ou presque. Elle en avait un souvenir amusé et tenta de se remémorer l’unique expérience qu’elle avait eue avec deux partenaires avant son mariage, elle venait juste de fêter ses dix-huit ans.
Ce jour-là, Juliette et son petit copain de l’époque avaient été conviés chez une de ses camarades prénommée Édith. Ses parents avaient déserté la maison le temps d’un week-end et Édith en avait profité pour les inviter ainsi que son propre flirt. Le samedi après-midi, dans la chambre de la jeune fille, pendant que les deux couples s’embrassaient et se pelotaient chacun à un bout du grand lit, le téléphone sonna. Édith se leva et répondit, c’était sa mère. La conversation terminée, elle signifia aux trois jeunes gens qu’elle devait impérativement faire une course pour ses parents et qu’elle allait s’absenter au moins une heure. Elle partit, laissant ses trois invités. Juliette reprit ses activités amoureuses avec son petit ami sous les yeux de celui d’Édith. Au bout d’un quart d’heure, n’y tenant plus, elle ôta son chemisier et dégrafa son soutien-gorge. Son ami en profita pour faire glisser la fermeture de sa braguette et sortit sa verge décalottée que Juliette suça avec entrain. Le copain d’Édith assistait amusé à la fellation et lorgnait avec envie les seins ronds de la jeune fille. Finalement, particulièrement excité d’abord par Édith puis par la scène qu’il observait, il finit par s’approcher du couple et se plaça à genoux derrière Juliette à quatre pattes sur le lit. Il retroussa la jupe et fit glisser la culotte sous l’œil complice de l’autre garçon qui savourait la fellation sans s’occuper du reste. Juliette n’eut aucune réaction partagée entre le fait de ne sortir qu’avec un seul camarade à la fois comme il était communément admis, et son désir inconscient de connaître une expérience multiple. Voyant cela, le copain d’Édith s’enhardit, extirpa son pénis raide comme un bambou et l’approcha du vagin trempé. Il pénétra Juliette avec facilité, elle n’était plus vierge depuis ses quinze ans, et cette dernière apprécia un très long moment les deux phallus qui gigotaient l’un dans sa bouche et l’autre dans sa vulve. Sa seule pensée était à cet instant : « Vont-ils jouir en même temps ? » Vaine question, car c’est à ce moment que la porte de la chambre s’ouvrit plus tôt que prévu. Ce fut la panique chez les trois protagonistes et Édith, dans une colère noire, chassa tout le monde de sa maison. Inutile d’ajouter que plus jamais Juliette ne revit son amie.
Juliette souriait en repensant à cet épisode de sa jeune vie, ce n’était pas si loin. Elle fera ce que son mari lui demande, mais bien pour lui, elle n’y voyait pas d’intérêt elle-même. « J’espère que ça va marcher cette fois-ci », songea-t-elle.
*
Quand ils arrivèrent, avec une demi-heure de retard, chez Juliette et Hugo, les deux garçons étaient légèrement éméchés. Ils avaient dû boire deux ou trois apéritifs avant de venir. Ils étaient jeunes et beaux comme l’avait signalé Hugo, mais sentaient l’alcool. Ils se présentèrent, Maximilien et Gregory.
Hugo conduisit les deux garçons dans la chambre, prit sa place dans l’angle du mur et d’un geste, leur fit signe qu’ils étaient libres de commencer. Juliette attendait sur le lit depuis déjà un moment, elle était nue, assise en tailleur et avait froid. Maximilien s’enhardit et, tout habillé, monta sur le lit. Il enlaça Juliette qu’il embrassa sur la bouche, la langue sortie. Celle-ci répondit au baiser et s’allongea sur le dos en dépliant les jambes. Gregory, lui aussi habillé, mit la tête entre les cuisses de la jeune femme et lui lécha la vulve avec avidité. Juliette, qui aimait cette caresse, lubrifia immédiatement et abondamment. Maximilien quitta les lèvres de Juliette, se leva et se déshabilla en un temps record. Il remonta sur le lit à genoux et, voulant faire plus que son ami, présenta sa verge à une bouche avide qui s’ouvrit séance tenante. Il enfonça son phallus dans ce confortable fourreau et ne bougea plus. La jeune femme prit alors les devants et fit aller sa tête d’avant en arrière dans un mouvement régulier tout en suçant le gland qui lui était offert. Gregory cessa son cunnilingus et ôta également ses vêtements. Il s’allongea sur Juliette, toujours en train de pomper Maximilien qui se poussa, et la pénétra. Juliette poussa un soupir en ouvrant la bouche et il extirpa son pénis. Par signe, puisqu’ils ne devaient parler en aucune façon, il fit comprendre à Gregory de pivoter sur le lit. Ce qu’il fit et ce dernier se retrouva sur le dos avec Juliette couchée à plat ventre sur lui. Juliette comprit et, de ses deux mains, écarta ses fesses offrant ainsi son anus. Sous l’action habile des trois protagonistes, le sphincter ne fit aucune difficulté pour s’ouvrir et Maximilien enfonça sa verge loin dans le rectum de Juliette. L’épouse d’Hugo subissait sans émotion aucune les assauts de ces deux hommes, mais ne pensait qu’à son mari.
Dès que celui-ci vit sa femme possédée dans ses deux orifices, Hugo se mit à bander comme il l’espérait. Il entama une masturbation qu’il souhaitait fructueuse, mais devait attendre pour cela l’orgasme de Juliette, du moins le pensait-il. Il fixa son regard sur ce qu’il pouvait voir des fesses de sa femme et des phallus la pénétrant en cadence. Il était heureux, son épouse faisait « le jambon » !
Alors que Gregory embrassait Juliette goulûment, Maximilien, par derrière lui malaxait les seins. Ils se remuaient dans leur conduit respectif, mais l’orgasme n’arrivait pas vite, sans doute en raison de l’alcool bu avant de venir. De son côté, Juliette s’ennuyait ferme sachant qu’elle n’aurait aucun orgasme cette fois-ci et en était désolée pour son époux. Elle attendait que ça se passe. Lassés également, Maximilien et Gregory, qui s’étaient parlé en chuchotant, quittèrent l’anus et le sexe de Juliette. À genoux, un de chaque côté, ils s’approchèrent du visage de la jeune femme, lui ouvrirent la bouche et lui firent comprendre de la garder telle quelle. Ils positionnèrent leur pénis au-dessus des lèvres béantes et se masturbèrent au-dessus.
Hugo les voyait faire et il imagina tout de suite le sperme de ces garçons couler dans la gorge de Juliette qui avalerait la semence mélangée. Il ferait comme eux, sans sa femme toutefois. Soudain, il poussa un long soupir, une éjaculation puissante se produisit, suivie de beaucoup d’autres. Hugo eut un orgasme plus fort que le dernier, mais plus bref. Il continuait à se branler énergiquement, il ne voulait pas arrêter de faire aller et venir le prépuce, il ne voulait pas que la jouissance cesse…
Juliette en fut étonnée. Normalement, cet orgasme n’aurait dû arriver que si elle-même avait joui, ce qui n’était pas le cas. Quelle explication aurait Hugo cette fois-ci ? Dans le même temps, Maximilien poussa également un soupir et dirigea son gland sur la langue de Juliette. Il déchargea en ahanant une grosse quantité de sperme qui se répandit dans la bouche de la jeune femme. Il fut suivi immédiatement par Gregory qui ajouta sa semence à celle de son ami. Juliette, soumise comme convenu, les questionna d’un regard : que devait-elle faire ? Eux-mêmes s’amusèrent un instant de voir la langue et les dents de la jeune femme disparaître en partie sous le liquide blanc et visqueux qu’il venait tous deux d’éjaculer. Gregory lui prit alors la mâchoire, la ferma et la maintint dans cette position. Juliette comprit et déglutit d’un bruit de gorge appuyé. Les deux amis se regardèrent, rirent, et d’un commun accord, se levèrent non sans avoir embrassé chacun un sein de la jeune femme. Ils quittèrent la pièce et l’appartement en un temps record, comme s’ils étaient honteux de ce qu’ils venaient de faire. Juliette se tourna sur le ventre et pleura dans le traversin.
Par respect pour son chagrin Hugo, ancré dans son fantasme, ne comprenait pas bien la réaction de son épouse, mais se tut et attendit de nombreuses minutes. Enfin, n’ayant pas perdu de vue son objectif, il se sentit prêt à réessayer.
— Mon amour, tu m’aides s’il te plait ?
Les yeux rougis, Juliette se leva et soutint son mari pour qu’il s’allonge sur le lit. Elle se mit à genoux et goba le pénis flaccide pour en exciter le gland. Au bout de dix minutes, il ne s’était rien passé et Hugo finit par lui dire :
— Laisse, c’est fichu pour ce soir.
Juliette ne l’écouta pas et insista encore un moment puis elle fondit en larme.
Hugo lui prit la tête et l’amena vers lui :
— Embrasse-moi, lui dit-il.
Les joues mouillées elle colla sa bouche sur celle de son mari pour un baiser passionné. Se retirant, Hugo questionna maladroitement :
— Ta bouche sent leur sperme, ça a le même goût que le mien ?
Choquée, Juliette se leva d’un bond et fila dans la salle de bains.
— Ne pousse pas le bouchon trop loin s’il te plait, dit-elle en claquant la porte.
Hugo ignora la réponse de son épouse, il imaginait déjà la suite.
*
Il dormit comme un loir, mais Juliette passa une nuit blanche. Le matin au petit déjeuner Hugo, sans prendre garde aux yeux rougis cernés de noir et au visage défait de son épouse lui déclara :
— Je sais ce qui ne va pas.
Fatiguée, Juliette n’émit qu’un grognement.
— Ce n’est pas ton orgasme qui commande le mien. Je l’ai cru la première fois avec Damien, mais après l’expérience de cette nuit je me suis bien rendu compte que c’était le fait de te voir possédée qui m’a fait jouir. J’ai joui moins longtemps, mais plus fort hier soir. Je sais pourquoi j’y ai beaucoup réfléchi.
Sans manifester un grand intérêt, Juliette répondit :
— Ah ? Et tu as trouvé quoi cette fois-ci ?
— Quand Maximilien et Gregory t’ont pris les fesses, tu embrassais celui du dessous, mais j’aurais aimé autre chose. J’aurais voulu que tu suces une autre bite en même temps.
— Nous y voilà ! fit Juliette désabusée. Maintenant, tu vas m’en proposer trois, je parie : et tu vas t’arrêter où comme ça ? Trois et je peux encore en branler deux, mais c’est tout, ajouta-t-elle caustique.
Les yeux dans le vague, son mari éluda :
— Écoute. Trois types et je suis sûr de prendre un pied phénoménal. Si tu ne parviens pas à me faire bander après, nous arrêterons là, c’est promis.
— Non, c’est inutile. Je t’aime chéri, mais je n’irai pas plus loin.
Hugo s’énerva :
— Comment ça tu n’iras pas plus loin ?! Tu me dois bien ça pourtant ! C’est la faute à qui si je suis dans ce fauteuil, hein ? Qui est-ce qui a voulu me sucer à tout prix dans la voiture alors que je n’étais pas d’accord ? Moi je te fais jouir quand tu veux et comme tu veux. Alors tu dois faire pareil pour moi. Je suis devenu candauliste par ta faute alors il faut bien que tu assumes !
Juliette était effondrée sous les paroles de son époux. Jusqu’à présent, elle ignorait comment la jugeait Hugo depuis l’accident. Elle savait maintenant qu’il la tenait pour responsable et elle se sentit soudain tellement redevable envers lui… Alors oui, elle allait encore accepter. Oui, elle allait encore prêter son corps à la jouissance de parfaits inconnus, oui elle allait être l’esclave d’Hugo et de son addiction sexuelle. Elle devait l’emmener à l’orgasme comme dans un couple normal, quelle qu’en soit la manière. Alors oui, oui, oui pour tout…
— Encore une fois si tu veux, s’entendit-elle répondre.
*
Hugo trouva les prochains amants de sa femme à l’école d’infirmiers de la ville : trois jeunes étudiants de première année, tous citadins et de bonne éducation. Quand ils furent reçus par Juliette et Hugo ils étaient intimidés, mais dès qu’ils pénétrèrent dans la chambre, leur libido prit le dessus.
En pleine santé, ils se prêtèrent Juliette l’un après l’autre de manière à ce que chacun d’eux éjaculât dans les trois orifices que leur proposait la jeune femme et pût se reposer entre deux prestations. Juliette fit ainsi l’amour neuf fois sans s’arrêter, trois fois elle reçut le sperme dans le vagin, trois fois la semence se perdit dans son rectum et trois fois elle avala le liquide séminal des garçons. Elle n’eut, quant à elle, qu’un seul orgasme et exceptionnellement pour elle, lors d’une sodomie. Le jeune homme qui l’avait provoqué n’en était pas peu fier, même si Juliette l’avait largement aidé en se caressant machinalement le clitoris pendant qu’elle était à quatre pattes.
Hugo, voyant sa femme prise dans ce qui ressemblait à une tournante, jouissait du regard et obtint en se masturbant la première fois un orgasme exceptionnel supplantant les deux derniers. Il eut pareillement le temps et le loisir d’entamer peu après une deuxième masturbation qui déboucha aussi sur un orgasme, mais de moindre qualité. C’était la première fois depuis l’accident qu’il jouissait deux fois en moins de deux heures.
Les étudiants aux anges remercièrent beaucoup Juliette épuisée ainsi que Hugo pour l’excellente soirée qu’ils venaient de passer. Ils partirent à regret, sachant qu’ils ne reviendraient plus comme il était convenu dans le marché.
Juliette s’assoupit quelques minutes et ce fut Hugo qui la réveilla en s’approchant du lit et en la secouant.
— On essaye s’il te plait ?
Juliette aida son mari à se coucher et tenta une fellation qu’elle savait d’instinct inutile. La suite lui donna raison et Hugo, de mauvaise humeur, la rabroua.
— Tu n’es bonne à rien, lui dit-il.
Juliette encaissa puis, trop éreintée pour répondre, tourna le dos à son mari et s’endormit.
*
Ce dimanche, Juliette se leva très tard. Tout son corps lui faisait mal et lui rappelait la nuit passée à faire jouir les trois hommes trois fois de suite par tous les orifices de sa personne. Il était midi et elle s’installa devant un bol de café. Une migraine sournoise survint, elle mit son coude sur la table pour soutenir son front de la paume de sa main qui lui parut fraîche. Hugo qui sortait du bureau arriva guilleret dans la cuisine, les yeux brillants. Inconscient de l’épuisement de sa femme il lança :
— Bonjour chérie ! Ça va ce matin ?
Sans attendre la réponse, il enchaîna :
— Tu m’as bien fait jouir hier avec les trois garçons. Mais deux fois, ce n’est pas assez ! J’ai besoin de plus, je veux te voir soumise à dix, vingt ou trente hommes, voire plus. Je veux te voir possédée par de gros phallus qui entreraient l’un après l’autre dans ton sexe, dans ton anus ou dans ta bouche. Pas plus de cinq minutes par gars, en une nuit tu pourras en faire jusqu’à cinquante ! Hein ? Qu’en dis-tu ?
Juliette, inquiète, tourna la tête vers son mari et c’est là qu’elle surprit la folie dans ses yeux.
— Nous ferons ça sur la terrasse, il n’y a pas assez de place dans la chambre ! Ha ! Ha ! Ha ! Tu pourras crier ta jouissance à tous les voisins, ils sauront combien je te rends heureuse malgré mon infirmité et moi, moi je me masturberai et j’aurai un orgasme si fort que mon sperme ira se perdre dans les étoiles ! Mes gamètes féconderont des milliers de planètes, je serai l’égal de Dieu !…
Juliette, tremblante, se leva et partit dans la salle de bains.
— Je vais prendre une douche, j’en ai besoin, dit-elle.
Sitôt la porte fermée au loquet, Juliette s’empara de son téléphone portable et composa le numéro des urgences. Peu de temps après, une ambulance du CHU de Saint-Julien emmenait Hugo qui se débattait.
Juliette s’affala dans le canapé du salon et sanglota pendant une heure.
*
Le temps était nuageux et froid le jour où Juliette, qui s’était bien remise des dernières semaines passées, arrivait à l’hôpital Saint-Julien. Elle avait rendez-vous avec le docteur Werstein, le psychiatre qui avait accueilli Hugo lors de son internement. C’était un homme de petite taille, des lunettes rondes et une barbiche de jais. Ses cheveux étaient plus rares, mais avaient conservé leur couleur noire. Il vint chercher Juliette dans la salle d’attente les mains dans les poches de sa blouse blanche. Il ne sortit que la main droite qu’il tendit pour la saluer. Quand ils furent installés à son bureau, Werstein prévint :
— Ce n’est pas maintenant que je vais vous laisser rendre visite à votre mari. Vous savez, son état ne s’est pas encore stabilisé, il a subi un gros choc émotionnel.
— Je vous en ai donné l’explication et tous les détails sordides lorsque je vous ai vu la première fois, docteur. Même si j’ai dû tirer un trait sur ma fierté personnelle, je vous ai tout raconté sans rien omettre.
— Oui, je sais et cela m’a bien aidé pour asseoir mon diagnostic. Pour le reste, ne vous inquiétez pas, j’ai entendu des choses bien plus saugrenues et quoi qu’il en soit, le secret médical, surtout dans notre branche n’est pas un vain mot.
— J’en suis certaine, dit Juliette en rougissant.
— Le candaulisme développé par votre mari n’a qu’un but : celui de vous rendre heureuse. Il sait que sa perte d’érection ne lui permet plus de se comporter comme un homme avec vous et les compensations que vous avez trouvées n’ont fait que mettre en lumière l’acte principal du coït dont il n’est plus capable. En ce sens, Hugo a voulu remplacer le mâle qu’il n’est plus par un ou plusieurs autres hommes dont il espérait bien qu’ils vous mèneraient à l’orgasme. Votre orgasme a déclenché en lui son érection et sa propre jouissance. Plus tard, c’est le simple fait de vous voir prises par d’autres qui a facilité son plaisir. Dans son esprit, plus il y avait d’hommes qui vous possédaient, plus il pensait vous rendre heureuse et plus grand était son propre plaisir. Le cadeau qu’il vous faisait valait pour vous, mais aussi pour lui.
— Mais alors, pourquoi a-t-il complètement perdu les pédales ?
— Chez les candaulistes pratiquant couramment ce jeu sexuel, les deux membres du couple se font plaisir mutuellement. L’homme par la satisfaction d’une addiction connue depuis l’Antiquité, la femme par la possibilité de varier ses partenaires sexuels avec le plein accord de son compagnon. Parfois même, l’homme le fait par un besoin d’intense humiliation ou bien il peut prendre plaisir à assister à un simulacre du viol de sa partenaire officielle. Mais ça s’arrête là, il y a rarement cette spirale « inflationniste » que votre mari voulait vous imposer. Par ailleurs, comme il vous rend responsable de l’accident de voiture dont vous avez été victimes il y a un an et demi, cette spirale lui servait aussi à vous punir sans qu’il en ait conscience. D’où les excès dont il a fait preuve et qui vous ont été imposés. Ajoutés au traumatisme même de cet accident, ces deux sentiments s’opposèrent violemment en lui et finirent par lui faire perdre la raison.
— La retrouvera-t-il docteur ?
— Nul ne peut le dire. Nous sommes vraiment des débutants dès que l’on s’attaque à l’esprit humain. Votre mari peut rester dans son monde pendant tout le reste de sa vie ou bien sa conscience peut se réveiller dans une semaine. Mais je ne peux ni ne veux vous donner un quelconque espoir. Notre seul rôle maintenant est de veiller sur lui.
Juliette essuya les larmes qui perlaient au coin de chacun de ses yeux.
— Que va-t-il devenir ?
— Les soins sont terminés ici et, le diagnostic ayant été posé, je vais l’envoyer dans une clinique spécialisée non loin de là. C’est un excellent établissement, Hugo y sera traité comme il se doit. De plus, j’ai quelques patients qui y séjournent déjà, je ne manquerai pas de me faire communiquer son dossier à chacune de mes visites.
Juliette se leva, prit son manteau qu’elle avait posé sur une chaise à ses côtés et tendit la main à Werstein.
— Merci docteur, faites pour le mieux. J’ai confiance en vous.
Tout en gardant la main de Juliette dans la sienne, le médecin lui dit :
— Comptez sur moi, assura-t-il sincèrement.
*
Juliette, affligée par la tournure des événements, était rentrée depuis seulement cinq minutes quand le téléphone sonna :
— Tu es allée voir mon fils ? Comment va-t-il ? Va-t-il bientôt sortir ? débita une voix sans autre forme de politesse.
— Bonjour belle-maman, répondit Juliette avec une pointe d’humour quand elle reconnut sa correspondante.
— Oui, oui, bonjour… répondit la mère d’Hugo d’une manière excédée.
— Oui, je suis allée à l’hôpital. Il va bien autant que faire se peut. J’ai discuté longuement de lui avec le docteur Werstein, poursuivit-elle.
— Il va le faire sortir ?
Acculée, Juliette fut obligée de répondre :
— Pas tout de suite, il est toujours en observation.
— Il a donné une date ?
— Non, pas encore.
— Tu vas aller le voir souvent ?
— On ne peut pas pour l’instant, vous savez… Je vais en profiter pour prendre quelques jours de repos à la montagne, j’en ai bien besoin. Pouvez-vous passer à l’appartement pendant quelque temps ?
— C’est ça, tu abandonnes ton mari ! Heureusement qu’il a une mère. Tu peux ficher le camp, va, ça n’empêchera pas que c’est à cause de toi que mon pauvre Hugo est dans cet état. Ça ne t’a pas suffi de le rendre paralytique, il a fallu aussi que tu le rendes fou !
— Mais c’était un accident, se défendit Juliette.
— Un accident ? Tu oses appeler ça un accident ! Tu oublies que mon frère est retraité de la gendarmerie. J’ai pu avoir le rapport du gendarme qui a constaté les faits, je ne t’en dis pas plus, tu vois de quoi je parle espèce de dépravée, ne m’oblige pas à être grossière ! Heureusement que mon mari n’est plus de ce monde, il n’aurait pas pu supporter cette honte !
— Je… commença Juliette sans aller plus loin.
— C’est ça, tais-toi ! Tu n’as plus rien à dire ! Oui, je passerai à l’appartement et j’arroserai les plantes, ne t’en fais pas. J’ai mes clés et j’espère bien ne pas t’y rencontrer.
Sur ces paroles, la mère d’Hugo raccrocha sèchement. Juliette lança le téléphone violemment à terre et s’écroula dans le canapé, en pleurs. « Tout le monde connaît donc l’origine de l’accident. Hugo, sa mère, le gendarme, tous m’accusent. Le docteur Werstein certainement aussi, malgré ce qu’il prétend… La belle-mère a raison, il vaut mieux que je parte ; la honte, la culpabilité et la dépravation sont sur moi. Qui donc pourrait me pardonner pour tout ça ? ».
Après dix minutes, ses sanglots se calmèrent et ses yeux se portèrent sur une revue publiée par la municipalité. La photo de couverture représentait en gros plan le crucifix d’une église remarquable de la ville, revue dont Juliette caressa doucement le papier glacé du bout des doigts. Retirant sa main soudainement, comme si la couronne du Christ l’avait elle-même piquée, elle alla chercher un vieil annuaire papier. Il n’était plus à jour bien entendu, mais Juliette détestait les annuaires électroniques et pour ce qu’elle voulait, ce n’était pas important. Quand elle eut trouvé, elle ramassa le téléphone à terre, remit les batteries en place ainsi que le couvercle qui se cachait sous un meuble et l’air décidé, composa un numéro.
— Allo, fit-elle fébrile quand la correspondante décrocha.
— Bonjour. Couvent des Sœurs de la Mansuétude, que puis-je pour vous ?
— Bonjour ma sœur, je voudrais prendre rendez-vous avec la mère supérieure, s’il vous plait.
— Oui, c’est à quel sujet ?
— Dites-lui que j’ai trop de péchés sur la conscience…

*
Vous pourrez retrouver Juliette dans « Le voyeur », prochainement sur HDS.

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