Clorinde Revient (6)
Lucie sest levée sans bruit. De bonne heure. De très bonne heure.
- Quest-ce tu fais ?
- Je vais bosser. Cest encore moi, les petits déjeuners ce matin. Mais dors ! Dors !
Elle ma déposé un petit baiser au coin des lèvres, sest retournée, sur le pas de la porte, avec un petit geste de la main.
Il y a eu sa voix et celle de Clorinde dans la cuisine. Une bonne dizaine de minutes.
Et puis un bruit de moteur.
Et Clorinde a surgi dans ma chambre, sest glissée dans le lit à mes côtés, appuyée sur un coude.
- Alors ? Vous racontez ?
- On a pris du bon temps.
- Oui, ben ça, je sais. Une fois dans la piscine. Jai vu. Et deux fois ici. Jai entendu. Et manifestement, ça lui a plu. Elle avait lair ravie. Crevée, mais ravie. Épanouie. On a pas eu trop le temps tout à lheure, mais elle va me raconter. Bien en détail. Entre femmes, on na pas de secrets. Bon, mais en attendant, cest votre version à vous que je voudrais. Comment vous vous y êtes pris. Missionnaire ou levrette. À moins que vous nayez eu encore une autre idée. Et si vous lui avez fait des trucs avec votre bouche. Ou elle avec la sienne. Tout, je veux tout savoir. Tout. Vous me devez bien ça. Cest moi qui vous ai mis sur le coup. Et puis de toute façon
Allez, je vous écoute !
- Oh, ben dabord, à la piscine, on a
- Oui, mais ça, la piscine, zappez ! Jétais aux premières loges. Jai même filmé.
- Tas filmé !
- Évidemment que jai filmé
Ça vous choque ?
- Non, mais
- Lucie non plus, ça la choque pas, si cest ça qui vous tracasse. Du moment que ça reste entre nous. Ce qui coule de source. Elle men a même demandé une copie quand je lui ai dit tout à lheure. Alors vous voyez
Bon, mais cela étant, vous ne mavez toujours pas répondu.
- Cétait
débridé. Elle avait envie dune force, mais dune force !
- Et cest elle quétait dessus
- Les deux fois, oui. Mais comment tu le sais ?
- Je le sais.
- Et toi ? Tu faisais quoi pendant ce temps-là, si cest pas indiscret ?
- De ma part ça va peut-être vous étonner, mais rien. Rien. Jécoutais juste. Mais alors après, quand ça a été terminé et que je vous ai réécoutés, je vous dis pas ce feu dartifice ! Il y a longtemps que javais pas pris un pied comme ça, moi. Non parce quen entendre deux qui senvoient en lair, ça me met chaque fois dans tous mes états, vous êtes bien placé pour le savoir. Mais là, encore pire que dhabitude. Parce que cétait vous à la manuvre de lautre côté. Et avec une fille que je vois tous les jours en plus ! Avec qui je travaille. Et alors ça ! Oh, mais on se la repassera votre partie de jambes en lair. On se lécoutera ensemble. Tous les deux. Et même peut-être avec elle un jour si ça se trouve. En attendant
Elle a froncé les sourcils, sest perdue dans ses pensées.
- En attendant ?
- En attendant, ce que je me demande, cest si, après une nuit pareille, je pourrais encore vous faire de leffet, moi
- Tu sais bien que oui.
- Alors là, ça, je demande à voir. Bon, mais cest facile. On va vérifier
Elle sest bien calée dans les oreillers, elle a retiré sa nuisette, elle a entrouvert les jambes et elle ma posé les yeux dessus en bas.
Ça a été instantané. Ma queue sest élancée vers elle. Sest dressée vers elle. Pour elle. Et jai entrepris, sans quitter son encoche des yeux, un lent mouvement de va-et-vient.
Elle ma arrêté.
- Non, moi !
Elle a repoussé ma main, a installé la sienne à la place. Et bien à fond. En serrant bien fort. Du plus fort quelle a pu. Pas trop vite.
- Que jen profite bien !
Elle a progressivement accéléré.
- Ça vient, je le sens.
Elle est restée penchée sur mon plaisir tout le temps quil a surgi. Avant de relever la tête. De me sourire.
- Je suis contente, vous pouvez pas savoir
Parce que même après une nuit pareille
Elle sest précipitée dans la salle de bains.
- Parce que je fais pas les petits déjeuners aujourdhui, non, mais je bosse quand même.
Quand elle en est sortie, elle avait revêtu un petit haut qui lui moulait les seins au plus près et une jupe en jean que partageait en deux, derrière, une fermeture à glissière qui descendait jusquen bas.
- Oh là ! Il y en a un qui va encore passer la journée sur la béquille.
Elle ma fait un petit clin dil. Et un grand sourire.
* * *
Elle est rentrée avec près de deux heures de retard.
- Je commençais à minquiéter.
- Javais des trucs à faire.
Elle avait sa tête des mauvais jours.
- Ho là ! Il y a quelque chose qui va pas, toi.
Elle a haussé furieusement les épaules.
- Cest mes parents. Comme dhabitude. Ils me harcèlent, il y a pas dautre mot. Vous aussi, vous allez y avoir droit dailleurs. Et sans tarder. Vous pariez ? Ils vont vous demander, une fois de plus, de faire des pieds et des mains pour me convaincre de reprendre mes études vu que vous avez, soi-disant, une excellente influence sur moi. Quelles études ? Nimporte lesquelles. Nimporte quoi. Ils sen foutent du moment que ce sont des études. « Parce quenfin, Clorinde, tu ne vas quand même pas rester serveuse toute ta vie ! » Ils me gonflent avec ça, mais ils me gonflent, vous pouvez pas savoir ! Comme si cétait déshonorant. Ou dégradant. Quelle mentalité darriérés ! Sans compter que je méclate, moi, dans cet hôtel. Mille fois plus quà plancher sur des théories fumeuses de psys qui se prennent tant et plus au sérieux et quarrêtent pas de se contredire les uns les autres. « Mais il y a pas que la psycho, Clorinde, enfin ! Fais du droit par exemple ! Toi quas toujours eu une excellente mémoire
» Non, mais franchement vous me voyez remplir des actes notariés toute la sainte journée ? Ou faire des effets de manche, au tribunal, pour chanter les louanges dun type dont je saurai pertinemment quil a trucidé père et mère ? Très peu pour moi tout ça.
- Oh, ça, cest quand tu veux.
- Non, parce quen principe, pour eux, cest là que je suis censée habiter. Et je sais ce qui va se passer. Un jour ou lautre, ils vont y débouler. Sans prévenir. Et sils découvrent que jy mets jamais les pieds, que je vis toujours chez vous, ça va être la rafale. « Mais tu lenvahis enfin, Clorinde, tu lenvahis. Ça se fait pas, ça ! Et en plus tu vis à ses crochets, je suis sûre
Tu devrais avoir honte. Cest pas comme ça quon ta élevée. Ah, non alors ! » Nimporte comment il y a longtemps quon aurait dû aller sy repointer là-bas. Pour plein de raisons. Et ne serait-ce que parce que, quand je commence de bonne heure, que je fais les petits déjeuners, ben jaurai juste la route à traverser. Je comprends même pas quon ny ait pas pensé plus tôt.
- Parce quon est au large ici. Quil faut beau. Et quil y a la piscine.
- On serait pas obligés dy être tout le temps non plus. Et pour Lucie aussi, ce serait pas mal. Les jours où cest elle, les petits déjeuners. Comme ce matin.
- Elle va passer ce soir ?
- Ah, non, non ! Pas tous les jours quand même ! Ça deviendrait vite une habitude. Et ça, lavoir sans arrêt par les pieds, cest quelque chose que je supporterais pas, moi. Cest nous dabord. Vous et moi. Jai été très claire avec elle là-dessus. Et elle la parfaitement compris. Dautant mieux compris que ça va dans son sens. Vous lui plaisez. Alors passer du bon temps avec vous, oui, mille fois oui, mais elle na pas le moins du monde lintention de vous harponner. Ni de se substi à moi. Donc, en principe, il devrait pas y avoir de problème. Vous y trouverez votre compte. Elle y trouvera son compte. Et moi aussi par la même occasion, vu que je me délecte à laisser traîner un il sur tout ça. Au propre comme au figuré.
- Et à part ça, ta journée ?
- Oh, la routine.
- Quel truc ?
- Pourquoi vous viendriez pas incognito au bar ? Vous taperiez la causette avec lui. Ça fait partie de son boulot de discuter avec le client. Et, de toute façon, il adore ça. Vous le brancheriez sur les sujets qui lintéressent. Le rugby. Les voitures. Un peu la politique. Tout ça. Et puis, de fil en aiguille, à un moment où il y aurait pas trop de monde, vous vous arrangeriez pour mettre le sujet sur moi. Style discussion libérée entre mecs. Vous voyez le genre. Jaimerais trop ça, savoir ce quil vous dirait. Et surtout comment il le dirait. Avec quels mots. Après, si ça se passe bien, ce que vous pourriez, cest lui raconter que vous êtes tombé sur moi quelque part par hasard. Quon a fait un peu plus ample connaissance que uniquement comme client et serveuse. Et alors là, on pourrait sen donner à cur-joie tous les deux. Tout ce quon irait pas inventer !
- Oh, toi, tas une idée derrière la tête.
- Sil y en avait quune ! Bon, mais le moment venu on verra ça. En attendant, on fait quoi pour lappart ? On y migre demain ?
- Faudrait peut-être dabord y faire un peu de ménage.
- Cest fait. Pourquoi vous croyez que jétais en retard tout à lheure ?
- Ça devait être dans un état
- Pas trop, non. Ça allait. Par contre, il y a du changement. Notre voisin quavait soi-disant sa douche en panne, il est parti. Cest un autre nom sur la boîte aux lettres. Valentin quelque chose. Il vit tout seul, lui aussi, apparemment. Pareil de lautre côté. Elle y est plus la bonne femme. Cest une nana à la place. Lydie Carrière, elle sappelle, elle. Cest pas plus mal que ça ait changé. On repart sur des bases toutes neuves comme ça.
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