Mon Retour En Algérie (2)

Les préparatifs

Même si j’étais très heureux de retrouver mes parents à l’arrivée au port de Marseille, une grande partie de moi restait à Oran, en tous cas, mon cœur et mon corps. Le mari de Lucie n’ayant pas pu venir la chercher, mon père lui a proposé de rentrer avec nous, lui évitant le trajet en train.
Heureusement qu’elle était là, cela nous a évité d’aborder des sujets sensibles, ne babillant que sur les simples détails de notre séjour. Arrivés à Nice, à la maison, Lucie est restée déjeuner avec nous et, parvenus au café, elle m’a juste dit :

« Marc…. Tu as pas vu tes copains depuis un moment non ? Tu dois besoin de sortir et de les revoir… File… !!! »

J’avais compris qu’elle voulait aborder les termes plus précis de cet échange, mais hors ma présence. Pour ma mère, Lucie était une femme hyper droite, digne d’une confiance totale. Elle lui a décrit comment était la famille de Karim, et surtout, que je pouvais bénéficier du soutien total de tous les membres de l’Association pendant mon séjour. Elle a aussi mis le doigt sur le point sensible de ma mère, connaissant son orgueil incommensurable, lui montrant que cette expérience, sur mon CV, serait exceptionnelle et vraiment, plus qu’inhabituelle.
Lorsque mon père l’a raccompagnée, elle lui a demandé de pouvoir m’inviter un soir, pour regarder toutes les photos qui avaient été prises, par les uns et les autres. Son mari étant VRP, elle était souvent seule la semaine et cela lui faisait trop plaisir de passer une soirée avec moi.
Trois jours après, j’étais chez elle, un petit bouquet de fleurs à la main. Dès mon entrée, j’ai senti qu’elle m’avait préparé un repas oranais dont les saveurs remplissaient l’appartement, qui me mettaient la larme à l’œil ce qu’elle l’a très vite remarqué.

« Marc, je suis trop contente de passer cette soirée avec toi, mais avant tout, j’attends une promesse de ta part. »
« Bien sûr Lucie, laquelle ? »
« Je veux que tout ce dont on va parler ce soir ne reste que strictement qu’entre toi et moi, et personne d’autre, quoique je te dise…tu es d’accord ? »
« Promis… !!! » Je connaissais son caractère franc et direct, sans ambages, et aussi qu’elle pouvait être muette comme une carpe.


« Tu l’aimes ? Tu es fou de lui et lui aussi, non ? »
Ce dialogue, en 1975 me semblait complètement insensé, ubuesque, impensable, et c’est en baissant mon visage vers le sol, que ne n’ai pu m’empêcher de lui avouer la vérité. Dans un sursaut d’arrogance, j’ai relevé ma tête, la regardant droit dans les yeux… !!!
« Oui… Et alors… !!! Non seulement je n’en ai pas honte, mais en plus j’en suis fier !!! »

Elle m’a pris dans ses bras et m’a serré très fort contre elle.

« Marc, ta mère a dû te dire que je n’avais pas d’. »
« Oui, c’est ce qu’elle m’a dit »
« En fait, je n’ai plus d’. J’avais un fils unique, Daniel, âgé de quelques années de plus que toi. Il y a cinq ans, un voisin en lequel j’avais toute confiance l’a surpris en train de faire l’amour avec un garçon, dans un coin de notre jardin. »
« Je sais pas quoi te dire Lucie… C’est tellement… !!! »
« Il ne m’a épargné aucun détails, me brossant avec toutes les précisions immondes de leur acte sexuel et comment Daniel prenait du plaisir à se faire…. Enculer. »
« Quel salaud, c’est dégueulasse… Pourquoi il t’a raconté ça ? »
« Je l’ai su plus tard… Il voulait baiser Daniel, ce qu’il lui avait toujours refusé »
« Mais…. Et Daniel ? »
« Cet adorable voisin ne s’est pas privé de lui raconter ce qu’il m’avait décrit, en détails encore plus obscènes, toute la scène qu’il m’avait décrite. »
Un silence de mort, c’était le cas de le dire, avant que Lucie ne reprenne la parole.
« Deux jours après, j’ai trouvé Daniel dans le garage… Il s’était pendu. »
Elle était restée très froide à la fin de son récit, se levant juste pour prendre un cadre avec une photo de son fils qu’elle a caressée.
« Plus jamais ça, Marc, plus jamais… Plus jamais un homme va se donner la mort parce qu’il en aime un autre, je l’ai juré sur sa tombe !!! »
« Ma mère est au courant de tout ça ? »
Elle est partie d’un rire sardonique, m’expliquant que ma mère était beaucoup trop conne, bourrée de préjugés et bien trop obtuse pour pouvoir comprendre ça.
Même si elle l’appréciait en tant que collègue, elle n’était pas une amie pour elle, du moins, une vraie amie.
« J’ai mis toute ma force à combattre pour un rapprochement entre la France et l’Algérie, et j’aurais la même force pour rien ne vous sépare, Rachid et toi, même si cela demandera des sacrifices. »
« Mais comment as-tu pu voir ça Lucie ? »
« Arrête Marc, mon fils était homo, son mec, que je vois toujours régulièrement, il est algérien et ils s’adoraient. Il n’a encore jamais pu refaire sa vie. Tu crois que j’ai pu ne pas remarquer ce qui te liait à Rachid ? Dès même ton arrivée sur le port… Les yeux de Rachid brillaient comme ceux de Rayane quand il regardait Daniel, et toi de même. Il m’a fallu toutes les peines du monde, tout mon amour envers lui pour empêcher Rayane de faire de même. Si tu es d’accord, je te le présenterais un jour, à toi et à Rachid, mais plus tard. »
Je suis resté abasourdi par toutes ces révélations, Lucie m’offrant une affection, une confiance, dont ma mère n’était même pas capable de m’en montrer le quart.
« Alors, tu vas bosser mon garçon, obtenir ton équivalence de PEGC (fonction à mi-chemin entre instit et prof de collège, à l’époque, mais qui nécessitait minimum un Bac + 2 en France), les notes excellentes de ton Bac suffisent pour l’Algérie, mais une certification équivalente française sera plus facile, même si elle ne te permettra pas d’exercer en France, du moins, pour le moment.

Je me suis mis à travailler comme un malade, dans toutes les matières, mais surtout Français, Histoire et Géographie, mes domaines de prédilections et sujets que je devais maîtriser parfaitement. Lucie me soutenait totalement, m’apprenant des rudiments d’arabes, transcrits toutefois en caractères latin pour que je puisse mieux les assimiler. De plus, ma parfaite connaissance de l’anglais (18 au Bac tout de même… !!!) ne pouvait qu’apporter un plus, sans oublier de passer, entre temps, mon permis de conduire dont je pouvais avoir besoin.


Les démarches avançaient plutôt rapidement, l’appui du gouvernement algérien facilitait quand même grandement les choses, la France ne pouvait pas se passer de la manne pétrolière et gazière de l’Algérie, dont le ministre que j’avais rencontré, me semblait très puissant, il faut dire aussi qu’il était aussi le beau-frère du Chef de l’Etat, ceci expliquant sans doute cela.
Après un mois de travail acharné, dans l’attente de mes résultats, et quelques rares nouvelles de Rachid qui m’appelait chez Lucie quand il le pouvait, elle m’a suggéré de me reposer un peu. Elle avait une sorte de petite maison, dans la vallée de la Roya, pas loin de Breil, et elle m’a proposé d’aller m’y détendre quelques jours… Sans mes bouquins, c’était un ordre. J’étais habitué à rester seul assez souvent, et je trouvais son idée plutôt bonne. Elle m’y a emmené le lendemain, me demandant juste d’effec un détour par la Gare de Nice où elle avait un paquet à récupérer.

« Viens avec moi… Tu vas pas m’attendre tout seul comme un con dans la voiture… »

Je l’ai suivie, un peu surpris… On se dirigeait vers le quai voyageur et non pas vers celui des marchandises, quand j’ai entendu l’annonce de l’arrivée d’un train en provenance de Marseille. Ma foi, en attendant Lucie, je regardais descendre les passagers, d’un œil distrait, lorsqu’une immense silhouette s’est approché de moi…. Mais non… Ce n’était pas possible, c’était un mirage du désert. Je me suis frotté les yeux, me pensant victime d’une insolation tellement le soleil tapait fort ce jour-là. Mais si les yeux peuvent jouer des tours, pas les sens olfactifs, et chacune des molécules de cette sublime odeur qui avaient été conservées au plus profond de mes neurones se sont libérées.

Il était là, devant moi, me serrant fort dans ses bras, comme un ami, bien sûr, nous étions quand même sur un quai de la gare de Nice, quand Lucie, s’est approchée.
« Tu ne m’en veux pas d’avoir perdu du temps pour aller chercher mon « colis » à la gare ? »

J’étais comme dans un nuage, incapable de lui répondre, reculant et avançant vers mon homme pour le contempler de bas en haut et il a fallu que Lucie me pince très fort pour que je constate que je ne rêvais pas, ne parvenant toujours pas à réaliser qu’Il est là, devant moi….
Lui… !!!
Comment c’était possible ? Evidemment, on ne peut pas refuser un Visa demandé, voire exigé, par le Président Algérien.

« Allez les garçons, on file à Breil ? Vous me pardonnez si je vous laisse seuls, je suis super occupée en ce moment, tu pourras te débrouiller, Marc ? »

Je ne cherchais même plus à savoir comment ce miracle avait pu se produire, me contentant simplement d’être près de lui, de le couvrir de baisers à chaque fois qu’un endroit discret le permettait en farfouillant sa toison à travers sa chemise ouverte.
Nous sommes enfin arrivés à Breil, avec des sacs remplis, thé et menthe compris, Lucie nous laissant seuls, non sans avoir mis en route le gaz et l’électricité.

« Je vous laisse les garçons… Et surtout, ne soyez pas sages… »
Malgré la poutre phénoménale qui déformait son pantalon, tranquillement, Rachid s’est mis à la cuisine, nous a préparé Son thé qu’il nous a servi, sur la table basse, à l’algérienne avec une abondance de gâteaux qu’avait préparés Samira. Une fois installés, avec juste quelques caresses et quelques baisers, il a enfin pris la parole.

« Marc, j’ai parlé longuement au téléphone avec Lucie… Au Ministère, c’est facile et gratuit. Elle m’a tout raconté, notamment pour Daniel et Rayane, tout ce qu’elle a souffert, toute cette souffrance qu’elle n’a pu qu’atténuer à travers l’Association »
« Elle a demandé juste une chose… »
« Laquelle ? »
« C’est que si tu dois te pendre, c’est à mon cou uniquement. »
« C’est pour ça qu’elle a fait tout ça pour nous ? »
« Oui… Elle n’a pas pu comprendre son fils, elle n’a pas su l’aider et elle s’en veut terriblement. Alors, si elle arrive à nous rendre heureux l’un et l’autre, c’est un peu comme si elle se rachetait de ce qu’elle pense être sa faute… »
« Et tu en penses quoi ? »
« D’après toi… ??? »

En quelques secondes, je fus à nouveau à lui, son corps velu sur le mien, ma fente, plus visitée depuis Oran, s’est ouverte comme par magie, retrouvant le bonheur de retrouver ses 25 cm au plus profond de moi. Il l’avait faite vraiment sienne… !!! Il a fallu, on va dire, au moins 24 heures pour que nos sens, tellement en manque depuis tout ce temps, parviennent à s’assouvir.

J’avais quand même obtenu de sa part, de faire quelques balades dans cette si belle vallée, à l’Est du Comté et que je connaissais pas vraiment, même si ma grand-mère était originaire de Sospel, où il avait toujours beaucoup d’arbres solides, sur lesquels il savait très bien me courber.

Prudent comme il l’était toujours, il avait amené avec lui quelques pots de cette crème magique saharienne, qui calmait ses assauts encore plus fougueux.



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