Erotisme Et Poésie (4) : « Régals » De Paul Verlaine
Paul Verlaine occupe une grande place dans lAnthologie de la poésie érotique de Pierre Perret (Nils Editions 1995), puisquy figurent pas moins de huit poèmes érotiques du poète « saturnien ». Jai choisi de commenter par celui-ci, qui est un hymne au plaisir féminin et, puisquils sont nommés ainsi dans le poème, en particulier au con et au clitoris.
Pierre Perret écrit : « Verlaine ne pouvait quêtre le plus représenté dans cette anthologie. » Il vante « sa liberté de ton et son génie du mot juste trivial et naïf à la fois. »
Cette publication se veut être une sorte d'interlude, qui laisse le maximum de place la place au poète et à son texte.
PAUL VERLAINE, LE POETE MAUDIT
Paul Verlaine (1844-1896) est né à Metz. Il s'essaie à la poésie et publie son premier recueil, Poèmes saturniens en 1866, à 22 ans. Il épouse en 1870 Mathilde Mauté. Le couple aura un , Georges Verlaine. Sa vie est bouleversée quand il rencontre en septembre 1871 le jeune Arthur Rimbaud, alors âgé de 17 ans. Leur vie amoureuse tumultueuse et errante en Angleterre et en Belgique débouche sur la scène violente où, à Bruxelles, Verlaine, d'un coup de revolver, blesse au poignet celui qu'il appelle son « époux infernal » : jugé et condamné, il passe deux années de prison, renouant avec le catholicisme de son enfance et écrivant des poèmes qui prendront place dans ses recueils suivants : Sagesse (1880), Jadis et Naguère (1884) et Parallèlement (1889). Usé par l'alcool et la maladie, Verlaine meurt à 51 ans, le 8 janvier 1896, d'une pneumonie aiguë.
Archétype du poète maudit, Verlaine est reconnu comme un maître par la génération suivante. Son style, fait de musicalité et de fluidité jouant avec les rythmes impairs, et la tonalité de nombre de ses poèmes, associant mélancolie et clairs-obscurs, révèlent, au-delà de l'apparente simplicité formelle, une profonde sensibilité.
COMMENTAIRES : VIVE LE CON !
Comme Pierre Perret le fait dans son anthologie, jai envie de laisser la parole au poète.
Le texte est explicite, direct, crû. Il a dû beaucoup choquer au moment où il a été écrit, à la fin du XIXème siècle. Verlaine évoque sans hésitation le « con », dont on a réussi à faire une injure, alors quil évoque une chose si merveilleuse, dispensatrice de plaisir et que le peintre Gustave Courbet a si justement nommé « lorigine du monde ».
Dévalorisé, ce mot névoque plus guère le sexe féminin. Très peu usité dans son sens premier, le terme « con » est très utilisé dans une connotation vulgaire comme insulte, ou dans un sens amical dans le langage méridional. Ce mot tire ses origines du rapprochement des deux termes latins cunnus se traduisant par le « conduit » ou le « fourreau », et culus signifiant le « derrière humain ». Il est à noter que jusquà la fin du XIXe siècle, ses dérivés « déconner » et « enconner » qualifiait respectivement le retrait et la pénétration vaginale.
Pourtant, dans le feu de laction, jaime demander à mon amant de baiser mon con et, au moment de lorgasme, de se répandre en lui, de le remplir. Le mot, dans ces circonstances, a une charge érotique forte. Michelet avait très bien dit : «Cest une impiété inepte davoir fait du mot "con" un terme bas, une injure.»
LA POESIE ET LE SEXE
Quand lâme poétise le corps, le cur est radieux. Ce texte de Verlaine est splendide, magnifique.
Oui il y a de la poésie dans le sexe. Lamour véritable doit rassembler le sexe, la poésie, la passion et la tendresse, car tout est complément dune relation épanouie. Le sexe est lutilisation parfaite des sens dont la nature nous a pourvus. La vue permet de contempler lêtre aimé dans son attente des plaisirs et son désir, louïe permet découter sa voix, ses murmures aux tonalités stimulantes et douces, toucher, savourer la douceur des courbes, puis respirer les essences mêmes de la peau et les goûter. Tout est plaisir, désir, et la communion des corps viennent sajouter à la communion des esprits.
DES MERVEILLES : LE CLIORIS ET LE CUNNILINGUS
Cest ainsi que le poète évoque de belle façon ce merveilleux don amoureux, cet irrésistible montée vers lorgasme quest le cunnilingus, que peuvent pratiquer hommes ou femmes, dès lors quils ou aiment celles à qui est dispensée cette merveilleuse caresse.
Le poète rend aussi hommage au clitoris, ce merveilleux bouton déclencheur du plaisir féminin.
Il va même plus loin, en évoquant la feuille de rose, cette pratique longtemps tabou, dont on nose pas parler parce que « cest sale ».
Moi qui adore être prise, disons le mot, être baisée, je ne me lasse pas du cunnilingus et en particulier quand il est pratiqué par les deux êtres qui maiment et partagent ma vie, Philippe, mon mari et Agun ma femme. Leur langue mamène vers des ivresses toujours renouvelées, vers des orgasmes qui me brisent. Une femme sensuelle, a fortiori hypersexuelle, se souviendra toujours de son premier cunnilingus. Le mien est inoubliable.
Je vous invite maintenant à lire, à réciter, à écouter, ce poème de Verlaine et jespère que vous aurez autant de plaisir que moi à cet exercice. Na-t-on pas le sentiment en découvrant cette poésie dêtre témoin de lextase des amants en parcourant ces lignes ?
TEXTE DU POEME DE VERLAINE : REGALS
Croise tes cuisses sur ma tête
De façon à ce que ma langue,
Taisant toute sotte harangue,
Ne puisse plus que faire fête
À ton con ainsi quà ton cu
Dont je suis là-jamais vaincu
Comme de tout ton corps, du reste,
Et de ton âme mal céleste,
Et de ton esprit carnassier
Qui dévore en moi lidéal
Et ma fait le plus putassier
Du plus pur, du plus lilial
Que jétais avant ta rencontre
Depuis des ans et puis des ans.
Là, dispose-toi bien et montre
Par quelques gestes complaisants
Quau fond taimes ton vieux bonhomme
Ou du moins le souffre faisant
Minette (avec boule de gomme)
Et feuille de rose, tout comme
Un plus jeune mieux séduisant
Sans doute mais moins bath en somme
Quant à la science et au faire.
Ô ton con ! quil sent bon ! Jy fouille
Tant de la gueule que du blaire
Et jy fais le diable et jy flaire
Et jy farfouille et jy bafouille
Et jy renifle et oh ! jy bave
Dans ton con à lodeur cochonne
Que surplombe une motte flave
Et quun duvet roux environne
Qui mène au trou miraculeux
Où je farfouille, où je bafouille
Où je renifle et où je bave
Avec le soin méticuleux
Et lâpre ferveur dun esclave
Affranchi de tout préjugé.
La raie adorable que jai
Léchée amoroso depuis
Les reins en passant par le puits
Où je mattarde en un long stage
Pour les dévotions dusage,
Me conduit tout droit à la fente
Triomphante de mon infante.
Là, je dis un salamalec
Absolument ésotérique
Au clitoris rien moins que sec,
Si bien que ma tête den bas
Quexaspèrent tous ces ébats
Sépanche en blanche rhétorique,
Mais sapaise dès ces prémisses.
Et je mendors entre tes cuisses
Quà travers tout cet émoi tendre
La fatigue ta fait détendre.
Paul Verlaine, Femmes, 1890
REFERENCES
Outre les références générales déjà indiquées dans « Erotisme et poésie (1) », publié le 17 décembre 2019, je renvoie à larticle de Wikipédia sur Verlaine.
Jai également trouvé intéressant ce texte sur les différentes significations du mot « con » :
https://www.rtbf.be/info/dossier/les-grenades/detail_qu-est-ce-que-ce-con-qui-designe-le-sexe-des-femmes-les-grenades?id=10452582
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