Clorinde Revient (7)

Le lendemain après-midi, j’ai rassemblé quelques affaires et je me suis rendu « là-bas. » J’ai vérifié que tout était en ordre. J’ai fait, en plusieurs fois, quelques courses de première nécessité. Au hasard de mes allées et venues, j’ai fini par croiser notre voisine de droite. Lydie. C’est une petite frisée aux cheveux courts et aux yeux clairs. L’air sympa. Elle m’a lancé un rapide bonjour et s’est très vite engouffrée chez elle. Moi aussi.
Et j’ai attendu Clorinde.

Qui a jeté un long regard tout attendri autour d’elle.
- On en a passé des sacrés bons moments ici, hein, n’empêche !
- Et on en passera d’autres.
- J’espère bien.
Elle est allée jusqu’à la fenêtre.
- Ça me fait tout drôle d’avoir l’hôtel juste en face comme ça, maintenant que j’y travaille. Derrière chaque fenêtre je sais quelle chambre c’est. Si elle est occupée ou pas. Et par qui. Comment ça va nous rajouter du piment quand on y jettera un œil !
Elle est restée un long moment à observer la façade, assise sur le radiateur.
- Comment j’aime ça, regarder ! De plus en plus. Mais quand même, mon truc préféré ça reste, et de loin, de leur faire de l’effet, aux types. Je l’ai bien vu, ce matin, au petit déjeuner, chambre 212. Elle m’attendait, la femme. Elle a attaqué, bille en tête. « Tu nous as manqué ces derniers jours, tu sais ! » Lui, il était pas là. Encore dans la salle de bains, sûrement. « Ça t’a plu de nous regarder ? » J’ai pas dit oui. J’ai pas non plus dit non. J’ai rien dit. « Ben oui que ça t’a plu ! Évidemment que ça t’a plu. Tu prétendrais le contraire… Et à nous aussi ça nous a plu de t’avoir là, à nous regarder. Beaucoup. Alors le mieux maintenant, ce serait d’arrêter de faire semblant, non, tu crois pas ? Mais pose-moi donc ce plateau. T’en es tout encombrée. Là-bas, sur la petite table, près de la fenêtre. » Et elle a appelé. « Jérôme ! Tu viens ? Elle est là. » Il était encore à poil. Comme la fois d’avant.

Tout dressé. Il m’a jeté un rapide coup d’œil et il l’a rejointe.
- Et toi, t’es restée.
- Oh, ben oui, attendez ! Oui. Et alors, mais que je vous raconte ! Il était debout, tourné vers moi, et elle, elle s’est agenouillée. Elle l’a pris dans sa bouche. Goulûment. Très vite il a commencé à gémir. Il a mis ses mains dans ses cheveux et il lui a lentement pétri la tête. Avec un regard, mais un regard ! Qui était sur moi. Qui m’implorait, moi. C’était pour moi qu’il voulait jouir. Et alors vous savez ce que j’ai fait ? Ça me remuait trop de le voir. J’ai déboutonné mon pantalon. Je l’ai descendu à mi-cuisses. Et puis le string. Son plaisir est aussitôt venu, les yeux sur ma chatte, des yeux de fou. Et il a grogné, mais grogné ! Ça arrêtait pas. Et… « Merci. Oh, merci. » À elle autant qu’à moi. Mais surtout à moi.
- Vu le tour que ça prend tout ça, demain…
- Oui, ben rien du tout demain. Ils sont partis à onze heures. Ils ont quitté l’hôtel.
- Ils reviendront peut-être.
- Et puis peut-être pas. Ça fait rien n’importe comment. Il y en aura plein d’autres, des occasions. Mais maintenant de toute façon cap sur Stephen, celui de la 342. Il m’agace, celui-là, mais il m’agace, vous pouvez pas savoir, à faire comme si j’existais pas.

Elle a voulu qu’on commande des pizzas.
- Ça nous rappellera le bon vieux temps.
Au-dessus, quelqu’un n’arrêtait pas de marcher.
- J’espère que ça va pas être comme ça toute la nuit…
À côté, à gauche, le type a fait tomber quelque chose.
- C’est vraiment du papier à cigarettes, ces murs.
De l’autre côté, à droite, la fille a toussé.
Clorinde a froncé les sourcils.
- J’ai bien envie d’aller voir à quoi elle ressemble, celle-là !
- Maintenant ?
- Ben oui, maintenant, oui. Je vais inventer un prétexte quelconque. Lui demander de nous prêter du sel. Ou du beurre. N’importe quoi. Allez, action !
Elle est sortie. Elle a frappé. La porte s’est presque instantanément ouverte.

- Oui ?
- Bonjour. On vient d’arriver, juste à côté, là, et on a oublié le gel douche. Et moi, sans gel douche…
- Je vais voir…
Des pas. Dans un sens. Et puis, presque aussitôt, dans l’autre.
- Voilà ! Ça ira ?
- Très bien, oui. Merci.
- Si vous avez besoin de quoi que ce soit d’autre…
Clorinde a encore remercié. Et elles se sont souhaité le bonsoir.
Elle est revenue, m’a fait un clin d’œil.
- Affaire à suivre ! Parce que je suis sûre que, sous ses airs de petite fille sage, c’est une sacrée polissonne…

* * *

On a attaqué nos pizzas.
- On les met dans l’ambiance ?
Et elle a posé son petit enregistreur entre nous sur la table. Elle l’a lancé. À plein volume.
- Qu’ils sachent un peu ce qui les attend avec nous, les gens autour… Surtout que là, c’est une fois où on était sacrément de la comédie…
Ses sanglots de bonheur ont envahi la pièce. Se sont espacés. Se sont tus.
On a dressé l’oreille. Rien, nulle part.
Elle a fait la moue.
- Ils sont pas très coopératifs, dis donc ! Bon, mais on n’a pas dit notre dernier mot. On leur en remettra une couche tout à l’heure. Faudra bien que ça finisse par réagir. Parce qu’on cédera pas.

Quand la nuit a été complètement tombée, elle a éteint. Et elle est allée enfiler, dans la salle de bains, son grand pyjama de satin noir.
- Mettez-vous en sombre, vous aussi ! Qu’on n’attire pas l’attention…
Et on s’est installés côte à côte à la fenêtre. Épaule contre épaule.
En face, tout était grand ouvert. Toutes les chambres. Certaines allumées. D’autres pas.
- Eh oui, c’est l’avantage, quand il fait chaud comme ça. Ils ferment rien du tout. Personne. Ils ont besoin de fraîcheur. L’inconvénient, c’est qu’ils baisent pas. Ou rarement. Ça donne pas envie, des températures pareilles. Mais il peut quand même y avoir des trucs à voir. Parce que les gens, quand ils sont pas chez eux, ils font beaucoup moins attention à ce qu’il y a autour.
Ils connaissent personne et personne les connaît. Regardez, là, à droite. Non. Plus haut. Encore !
Un type tout seul qui lisait, en caleçon, à la lueur de la lampe de chevet.
- C’est lui, Stephen. La 342. Attends, mon bonhomme, attends… J’ai pas dit mon dernier mot. Ah, tu veux la jouer comme ça. Eh bien on va voir…
Deux étages en dessous, une femme d’une trentaine d’années téléphonait, en petite culotte blanche, les seins nus. En pleine lumière.
- C’est une prof de quelque chose, elle. Elle est sans arrêt dans les bouquins. Ou les copies. Vous les voulez ?
Et elle m’a tendu les jumelles.
- Faudrait qu’on en ait deux paires en fait.
Tout à fait sur la gauche, un peu en contrebas un couple était en pleine action. Ils avaient éteint, mais, à la lumière des réverbères, on les discernait malgré tout parfaitement.
- Oh, eux, c’est des jeunes mariés. Il y a encore les nœuds roses et blancs à leur voiture. Alors ment !
Elle s’est tue.
Je me suis appuyé contre elle.
- Ils y vont, non, mais comment ils y vont !
- Ça vous fait sacrément de l’effet en tout cas…
- Et pas à toi peut-être ?
Elle m’a arraché les jumelles. Qu’elle a jetées derrière nous.
- Vous vous occupez de moi maintenant. Ça me donne trop envie de les voir faire. Et d’être ici. Avec tous les souvenirs d’avant qu’on y a…
- Comment tu veux ?
- Devinez !
- Avec mes lèvres. Avec ma langue. Dans le moindre des replis de ton petit minou.
- Voilà, oui. Et puis aussi…
- Quoi ?
- Vous savez bien.
- Non.
Elle m’a donné une petite tape sur la main.
- Si, vous savez.
- Que je m’occupe aussi de ton petit trou de derrière. Non ? C’est pas ça ?
- Si !
- Ah, comment tu aimes ça, hein !
- Non, j’aime pas. J’adore.
Elle a retiré son pyjama. Elle s’est allongée sur le lit. Elle a posé son petit enregistreur à côté d’elle sur l’oreiller. Elle l’a enclenché. Et elle a fermé les yeux.

J’ai mis ma tête entre ses cuisses. Je l’ai bue. Je me suis enivré d’elle. De ses senteurs. De ses liqueurs. Elle a presque tout de suite gémi. J’ai pris son bouton entre mes dents. Je suis descendu. Remonté, à petits coups de langue, le long des parois nacrées. Encore. Plus loin. Plus bas. Elle a tempêté son plaisir. Elle l’a rugi.
Quelque part, au-dessus, une voix de femme a également clamé le sien. Sans la moindre retenue.
- Ah, quand même !
Elle s’est blottie contre moi.
- Je suis bien. Si bien !

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