A Dans 10 Ans.
Ce matin, en me réveillant, je métire langoureusement dans ce lit presque trop grand, cette fois les organisateurs ne se sont pas fichus de moi. Il faut dire que lévènement est dimportance, il aura une répercussion internationale.
Déjà il y a deux jours quand je suis arrivée à laéroport, laccueil avec ce gros bouquet de roses mest allé droit au cur, et quand jai vu les affiches, ma modestie en a pris un coup : « Muriel Gautier et Romane Labastide » écrit en gros et dessous « Soirée exceptionnelle », le 9 novembre 2019.
Nous allons jouer avec lOrchestre Philharmonique de Berlin, celui dirigé pendant tant dannées par Herbert Von Karajan. Quel honneur ! Moi petite française, je partage la vedette avec mon amie Romane, une percussionniste virtuose que je nai plus vue depuis de nombreuses années.
Je regrette que mon mari ne soit pas à mes côtés, sa présence en coulisses mest souvent indispensable, cette fois il na pas pu se libérer pour maccompagner, trop de travail. Il suivra à la télévision, retransmission en direct, en mondovision.
30 ans, 30 ans déjà que je ne suis pas revenue à Berlin. Je ne sais pas ce qu'évoque pour vous la date du 9 novembre 1989
Moi, je me souviens.
Pour la première fois depuis 28 ans, des milliers de Berlinois franchissent le Mur de la honte. Les rues sont en liesse, de nombreux habitants de lOuest et de lEst escaladent le Mur en chantant et se retrouvent ensemble une bière à la main.
Ma mère na pas voulu sortir, elle avait peur de la réaction des Russes en se souvenant de Prague et de Budapest. Mais deux jours après, sa curiosité a été la plus grande, avec mes frères, nous avons descendu le Ku-dam, la grande avenue de Berlin-Ouest, pour arriver au Reichstag et à la porte de Brandebourg, en suivant la foule nous avons longé le mur. Papa nétait pas très content, ça aurait pu être dangereux.
Mon père travaillait à lambassade de France.
Les images se brouillent, ma mémoire est floue, seul me reste un son, un son unique, magique : le violoncelle de Mstsislaw Rostropovitch jouant la Sarabande de Bach.
Ces images ont fait le tour du monde, mais jétais là, je lai vu, je lai entendu, je lai écouté. Maman me tirait par la main, je ne voulais pas bouger, fascinée par ce vieil homme qui pleurait en jouant, et sa musique qui envahissait tout mon corps.
Sans comprendre pourquoi les gens étaient heureux, je nentendais que la musique qui sortait de ce gros violon, une musique qui aujourdhui encore résonne en moi.
Hier je suis retourné sur place. Je nai rien reconnu, le mur nest plus là, de grandes pelouses remplacent le no mans land où les chiens couraient sous le regard des vopos armés du haut des miradors.
Sur les grilles dun petit jardin à proximité du Reichstag, des photos jaunies, quelques fleurs, le nom de jeunes gens, de jeunes filles, qui ont laissé leur vie en essayant sans succès de franchir ce mur pour retrouver la liberté. Ma gorge se noue. Papa me racontait souvent
Je regarde les photos, un jeune homme me sourit, Kurt Wagner, une date septembre 1989, il navait pas eu le temps dattendre. Avec sa petite amie, ils sont passés par un des immeubles qui bordaient le mur, il suffisait de se glisser de nuit par une des fenêtres mal obstruées et atterrir en bas de limmeuble. Là, cest lOuest, il faut alors courir, courir le plus vite possible vers ceux qui en face attendent à labri de grands arbres. Kurt tenait la main de son amie, ils avaient 17 ans tous les deux, en sautant derrière elle il lui a crié « cours, cours vite ». Un coup de feu a claqué dans la nuit, quand elle est arrivée à couvert, essoufflée, elle sest retournée, elle était seule. Là-bas, tout là-bas, un corps sans vie gisait au pied de limmeuble de la liberté.
Quest-elle devenue ? Je ne le saurai jamais.
Limage de Kurt gravée à jamais dans ma mémoire, je quitte ce lieu pour visiter un peu cette ville grouillante de vie, comme tous les touristes. Mais je nai pas le temps, ou pas lenvie, daller à Check Point Charly. Jen ai le souvenir de soldats en armes et de la crainte de mes parents quand nous devions aller dans la partie Est de la ville. Maintenant, cest un musée avec des vendeurs de faux morceaux de mur. Papa en a ramassé un sur place, souvenir douloureux il est en bonne place dans son bureau.
Jatteins enfin les nouveaux bâtiments de la Philharmonie. Ultime répétition, la soirée sera longue. Le Chef est exigeant, très exigeant, et je me sens tellement fragile quand je le regarde.
Jai aussi hâte de revoir Romane, il y a longtemps que nous ne nous sommes pas vues.
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Ce jour béni de 1989, en rentrant à la maison, la tête pleine dimages, heureuse sans savoir pourquoi, jai dit à ma mère « maman je veux jouer comme le monsieur » « du violoncelle ? » « Oui, comme le monsieur ».
Javais encore ce son qui résonnait dans mon ventre.
Ma mère ma inscrite au conservatoire, jétais déçue de ne pas pouvoir avoir de suite un instrument, il me fallait dabord apprendre le solfège, jai failli abandonner.
Lannée suivante, mon père a été muté à Paris. Au conservatoire, ma première année à Berlin ma permis dintégrer directement la classe de violoncelle, mon rêve se réalisait. Pour mon anniversaire, mes parents mont gâtée, il était magnifique, presque plus grand que moi.
Jai dû casser les oreilles de toute la famille pendant des mois, avant de sortir une note convenable, mais très vite, je retrouvais le son inscrit dans ma mémoire.
Trois ans après je jouais convenablement, petits concerts pour les amis, la famille. Au lycée classe musique, 3 heures de musique par jour, jétais comme tous les ados, mais au lieu de jouer sur une console de jeux, je menfermais avec mon instrument.
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Mon corps se transformait. Mes seins avaient poussé, un fin duvet blond recouvrait ma minette.
Je me regardais souvent, nue, dans le miroir de ma chambre, troublée de voir ce corps de femme, ce nétait pas le mien. Jaimais me caresser les seins, cétait doux, mes tétons devenaient très durs sous mes doigts, des frissons sur tout le corps. Javais peur que maman ne fasse irruption à ce moment-là dans ma chambre et me surprenne, la honte ! Aussi, je me réservais pour le soir. Dans la chaleur de mon lit, je pris lhabitude de me caresser avant de mendormir. Mes mains saventuraient dans des zones intimes qui me procuraient un plaisir jusque-là inconnu.
Javais du mal à me trouver belle, mais le regard des garçons me rassurait. Parfois, je mamusais à les fixer de mes grands yeux bleus, ça les faisait rougir, je pense maintenant que ça leur faisait aussi un autre effet.
Lannée du bac, en vacances chez mes grands-parents, je fis connaissance avec un voisin de mon âge, qui comme moi voulait partir à la découverte du sexe opposé. Nous lavons découvert ensemble. Dire que ce fut lextase est un grand mot, mais ce fut agréable pour lui comme pour moi. Nous avons mis à profit ce mois de vacances, pour parfaire notre technique. Je laimais bien, mais je ne lai jamais revu.
Cette année-là, jai eu limpression de devenir une femme, je venais de coucher pour la première fois avec un garçon, et le bac en poche je métais inscrite en fac pour une licence de musicologie.
On ne peut pas bien jouer sans connaître lhistoire de la musique, lhistoire de tous les grands compositeurs. Trois ans de bonheur, dans notre classe de passionnés, je ne vivais que pour la musique, pour ma musique.
Sans me désintéresser de mon instrument préféré, je mintéressais de plus en plus aux garçons qui passaient à ma portée. Je ne baisais pas avec eux, mais une main dans ma culotte au cinéma ne me déplaisait pas.
Je pouvais rester des heures blottie dans les bras dun garçon qui membrassait, en passant sa main sous mon pull, layant aidé un peu plus tôt en dégrafant mon soutien-gorge. Je me suis aperçue que les garçons avaient encore beaucoup à apprendre.
Cest ainsi que durant mes années de fac, je faisais un double apprentissage devenant au fil des jours une musicienne accomplit. Ma libido rassasiée, je passais des heures en tête à tête avec mon violoncelle.
Mes parents étaient ravis de mes progrès en musique, mes autres progrès leur étaient inconnus. Ils ont fêté comme il se doit le premier prix que je réussis à décrocher.
Cest donc avec un immense plaisir, que mon diplôme en poche, je réussis avec succès les auditions pour entrer dans lorchestre de Radio France, un des plus prestigieux en France.
Heureusement que jaimais la musique, cette fois cétait 10 heures de travail tous les jours, ça ne rigole pas dans un orchestre. Mais quel plaisir le soir de jouer devant 1000 spectateurs, des habitués qui partagent notre passion.
Il y avait aussi les tournées, sympa de se retrouver à Marseille, Toulouse, Lille ou Bordeaux, nouvelles salles, nouveaux publics.
Javais deux grandes passions, la musique et le sexe. Durant tout ce temps, je ne me contentais plus dune main glissée sous le drap avant de mendormir, ni dune branlette au cinéma. A Paris, je suis sortie avec un violoniste, puis jai élargi mon champ daction, ce fut un trompettiste, il avait du souffle lui, puis un clarinettiste, mais aussi des amis de fac que je retrouvais toujours avec autant de joie.
Ce nétait pas le grand amour, jaimais les garçons, ils me le rendaient bien. Je suis restée 4 mois avec mon trompettiste, un record. Mais en déplacement, cétait plutôt un coup dun soir, histoire de ne pas dormir seule. Jai pu ainsi parfaire mes connaissances anatomiques. Javais un faible pour la fellation, sans jamais autoriser qui que ce soit à jouir dans ma bouche, plaisir que je découvrirais des années plus tard, comme la sodomie, avec mon mari. Je nen étais pas encore là.
Ne croyez pas que jétais une fille facile, non javais juste besoin de tendresse comme tout le monde, et un coup de temps en temps ça ne fait pas de mal à une jeune fille honnête et studieuse.
Je nai pas eu 36 amants, mais il fallait bien tester avant de trouver le bon, celui que je garderais pour la vie, qui deviendrait le seul, lUnique.
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Échange de bons procédés, quelques musiciens sont invités par lOrchestre Philharmonique de Strasbourg, nous sommes une dizaine tous logés dans un bel hôtel 3 étoiles, avec piscine et centre de fitness.
Les répétitions durent trois jours avant le concert, 14 heures par jour. Le Chef va nous épuiser, mais nous sommes tous en admiration devant lui, cest le maître.
Ce soir, en rentrant, nous décidons daller nous relaxer à la piscine de lhôtel. Quelques musiciens locaux nous accompagnent, ils veulent en profiter aussi. Nous sommes peu nombreux, en nageant nous discutons les uns avec les autres. Je fais la connaissance de Romane, petite brune, assez musclée. Elle est jolie dans son maillot une pièce, il moule bien ses formes, moi jai un bikini que javais acheté lan dernier pour les vacances en Corse, il est suffisamment sage pour le lieu. Romane me complimente :
« - Dis donc, tes super canon, tu dois en faire des conquêtes.
Je suis un peu gênée, bien sûr je plais aux garçons, mais je nose lui dire quils me plaisent aussi. Je lui retourne son compliment.
Sorties de leau, nous papotons sur le bord de la piscine, elle mapprend quelle est percussionniste. Je me demande comment choisir un tel instrument, des timbales, une grosse caisse, et même le triangle. Aller dans un conservatoire pour apprendre à jouer du triangle, ça me dépasse. Je comprends vite quelle est aussi passionnée que moi, une passion ça ne sexplique pas, ça se vit.
A bien y réfléchir, moi ce nest pas mieux, je suis au milieu des Cordes avec les 8 violoncelles, entre les 30 violons et les 6 contrebasses. Si je ne jouais pas, qui sen apercevrait ? Alors quelle, si elle rate une seule note, ça fout tout par terre.
Passage au vestiaire, nous sommes seules. Sans fausse pudeur Romane retire son maillot pour aller sous la douche, un peu hésitante je la suis, confuse dêtre nue devant une inconnue. Je la regarde, elle est bien faite, avec des petits seins adorables, je lenvie. Elle me regarde aussi, nous rions bêtement pour cacher notre gêne, et je dois dire notre trouble.
Alors que je lui tourne le dos, je sens ses mains se poser sur mes hanches, je frisonne mais ne bouge pas. Ses mains frôlent mes fesses. Elle se colle à moi, ses petits seins dans mon dos, ses mains remontent vers les miens. Cest la première fois quune femme me caresse, sauf une cousine en vacances, nous avions 15 ans, la découverte de nos corps, et il fallait bien apprendre à embrasser avant de sortir avec un garçon.
Je suis dans mes réflexions, ses mains empoignent mes seins, elles sont douces, chaudes. Elle dépose une bise dans mon cou en menlaçant de ses bras. Jaime, je naurais jamais pensé ressentir autant de plaisir avec une femme.
En tremblant je me retourne, nos yeux se croisent, elle a lair tellement sérieuse tout à coup. Je ne peux mempêcher de lui dire :
« - Tu sais, jaime les hommes
enfin, je nai jamais essayé avec une femme, cest la première fois.
« - Pour moi aussi, cest la première fois.
Je pose mes lèvres sur les siennes, nous nous embrassons tendrement, nos corps collés lune à lautre, nos seins, notre ventre, nos cuisses. Je ne sais ni pourquoi ni comment, je lui caresse les fesses. On sécarte, ma main passe devant, son sexe est humide, chaud. Elle me regarde de ses jolis yeux, attentive à mes caresses.
Nous entendons du bruit, vite séparées, chacune sous sa douche, en espérant que personne ne nous ait vues. Une femme dune quarantaine dannées arrive nue sans aucune gêne, un simple petit bonjour de la tête. Je surprends le regard de Romane sur cette femme que je trouve si belle, petite pointe de jalousie.
Très vite nous sommes rhabillées. Après un rapide passage dans ma chambre, nous allons dîner ensemble au restaurant de lhôtel, parlant de tout et de rien, de musique, de nos instruments, de notre vie, de nos petits copains
En quittant la salle de restaurant, Romane me prends par la main et me murmure « on va dans ta chambre ? ».
Je ne sais quoi lui répondre, devant mon silence elle prend ma clé, je la suis. Elle ne repartira que le lendemain matin, après une nuit que je naurais pas imaginée dans mes meilleurs fantasmes, surtout avec une femme.
Nue lune contre lautre, elle a été tendre, attentionnée, nous nous sommes embrassés mutuellement, partout. Je me trouvais maladroite, ne sachant comment faire. Jai laissé sa main parcourir mon corps, jai fermé les yeux quand elle la mise sur mon sexe. Je ne me lassais pas de sucer ses petits seins, jai découvert combien il était agréable dembrasser une femme entre les jambes, et combien ses lèvres étaient douces.
On a un peu discuté, jai appris quelle voulait se marier, mais il lui fallait trouver le Prince Charmant. Je ne suis pas aussi pressée quelle, jaime trop ma liberté.
Hier, elle a eu lenvie subite dessayer autre chose avec moi. Inconsciemment, jen avais aussi envie. Nous nous regardons en riant :
« - Pour des débutantes, on ne sest pas trop mal débrouillée.
« - Pas trop mal, ce nest pas désagréable.
Et après avoir réfléchi quelques secondes, elle maffirme droit dans les yeux :
« - Mais ça ne remplacera jamais un homme.
Bien daccord avec elle.
Nous avons vécu la journée de répétitions sans pouvoir ne penser à rien dautre quà notre partition. Le soir, trop stressée par le concert du lendemain, elle est rentrée directement chez elle. Moi sans manger, je me suis écroulée comme une masse sur mon lit.
Le lendemain, le concert a été un beau succès, pas à cause de nous
mais si, un peu tout de même.
A peine le temps de prendre un verre ensemble avant de repartir, nous avons conscience que cette nuit restera unique.
Timidement, jose lui demander :
« - Tu penses quon se reverra ?
Rêveuse, elle me sourit, avec ce sourire qui mavait fait craquer :
« - Je ne sais pas. Maintenant je vais chercher un homme. Mais une fois tous les 10 ans, pourquoi pas.
En riant, je lui réponds :
« - Moi, je vais chercher des hommes. Mais pourquoi pas dans 10 ans.
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Au cours des années qui ont suivi, les tournées me menèrent dans toutes les grandes salles de concerts en France et en Europe. Nous avons même fait deux disques, moi seule est capable de reconnaître ma musique au milieu de lorchestre, enfin je crois.
Je dois préciser que jai toujours continué à jouer du violon avec beaucoup de succès. Sur le conseil et linsistance de mon professeur, jai passé le concours ouvert pour choisir le second violon. Contre toute attente, cest moi qui ai été choisie.
Jabandonnais mon cher violoncelle, mais il na jamais été bien loin.
Cette fois, javais une place dans lorchestre, une place reconnue, la consécration. Mon nom était inscrit sur tous les programmes, et sur les disques que nous continuions à enregistrer.
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Fatiguant les déplacements, mais jaimais les voyages, les salles de concerts toutes différentes, lambiance bon qui régnait entre nous.
A loccasion dun événement à Bordeaux, nous avions été invités pour deux concerts, la soirée de prestige avec toutes les sommités locales, et un divertissement le dimanche après-midi pour le grand public. Je ne connaissais pas la région, mais comme à chaque fois, les deux jours allient être répétitions, hôtel, concert, répétitions, hôtel
ça me convenait.
A lépoque, je nétais encore que second violon. Un must tout de même, je partageais la loge avec le premier violon, une femme un peu plus jeune que moi, mais quel talent !
Nous nous sommes aidées mutuellement pour nous habiller. Il fallait soigner sa tenue, toujours en noir, avec classe.
A peine avais-je commencé de jouer, portée par la mélodie, jai senti un regard sur moi. Pourquoi, comment ? Mystère. Très vite, jai repéré un monsieur au troisième rang qui me regardait, il ne regardait pas lorchestre, ni le Chef à quelques mètres de moi, non il ma fixé pendant toute la soirée. Sans le vouloir, je me suis alors rendu compte que je ne jouais que pour lui.
Intérieurement, jai pensé que je ne dormirais pas toute seule cette nuit.
Comme par hasard, pendant le cocktail qui a suivi dans les coulisses, jai reconnu mon admirateur, jétais rassurée. Il sappelle Michel, un verre à la main nous avons discuté, il ne voulait pas partir, je ne voulais pas quil parte.
Il ma proposé de dîner ensemble, mais il était tard, le lendemain javais encore beaucoup de travail, et après le concert je préfère rentrer me coucher. Javais toujours une idée en tête, espérant quil souhaitait la même chose que moi.
Il me proposa de me raccompagner à mon hôtel, cétait gagné.
Gentleman ou timide, Michel me fit une bise pendant que je prenais ma clé à la réception :
« - Jai été très heureux de vous rencontrer, merci pour cette soirée, cétait magique
Et il est parti sans me laisser le temps de linviter dans ma chambre. Je me suis longtemps demandé ce qui était magique, le concert ou la bise. Joptais pour la seconde hypothèse.
Cest drôle, ce soir-là dans mon lit je nai pas eu envie de me caresser pour mendormir, je me suis enlacée avec mes bras, en pensant à Michel mon admirateur du troisième rang.
Le lendemain, jétais un peu déçue de me réveiller seule, mais la journée allait être bien remplie, pas le temps de réfléchir. Le matin répétition, laprès-midi concert et le train pour rentrer à Paris dans la soirée.
La salle est comble, nous jouons à guichet fermé. Toutes les places avaient été vendues dès louverture, personne ne voulant rater lévènement, Radio France ce nest pas tous les jours.
Je minstalle comme dhabitude, accordant mon violon, me concentrant comme toujours en attendant larrivée du chef. Je jette un il dans la salle encore bien éclairée pour laisser les retardataires sinstaller. Et je le vois, mon admirateur de la veille assis sur les marches, il est venu écouter le même concert une deuxième fois, quel connaisseur !
Nos yeux se croisent, je lui souris, il me fait un petit signe de la main.
En sortant, je men serais douté, Michel est là. Pour maccompagner à la gare, il porte ma valise. Pourquoi est-ce que je flotte en lair tout à coup.
Michel toujours aussi réservé, nous nous séparons sur une nouvelle bise. Javais heureusement eu la présence desprit de lui laisser mon numéro, au cas où.
Mon cur bat fort dans le train me ramenant à Paris, mes pensées plus tournées vers mon admirateur que vers notre prochain concert sujet de la discussion des autres musiciens, dans une semaine nous nous envolions pour Rome.
Les concerts succèdent aux répétitions et aux cours hebdomadaires. On na jamais fini dapprendre.
Nouvelle ville, nouveaux concerts, un gala au Théâtre du Capitole à Toulouse, voyage express, arrivée le matin, répétition, concert le soir, hôtel, et on reprend le train le lendemain.
Tandis que je minstalle, ma voisine se penche vers moi :
« - Regarde, sur le strapontin là-bas.
Elle me désigne du menton, la travée face à moi.
Je nen crois pas mes yeux, Michel est là, je lavais un peu oublié, je naurais jamais pensé être aussi heureuse de le revoir. Il me sourit, je lui fais un signe de tête.
Ce soir, juré, il ne me laissera pas dormir seule, il naura pas le choix.
Pour rester ensemble plus longtemps, jaccepte son invitation à dîner. Il a fait la route depuis Bordeaux pour me voir, il me regarde avec des yeux de merlan frit, mais jaime, son sourire me fait craquer. Nous faisons plus ample connaissance, je lui raconte ma vie à Berlin, le coup de foudre pour la musique, lui me parle de ses études, la fac, son boulot.
La soirée est bien avancée, où va -t-il dormir ?
« - Je rentre ce soir sur Bordeaux, merci pour cette soirée.
Plus de 250 kms de nuit, il est fou. Cette fois je ne le laisserais pas partir, je me lance :
« -Tu rentreras demain matin, viens.
Je le prends par la main. Pas besoin de lui faire un dessin, il membrasse, enfin ! Je lui rends son baiser, en lentraînant dans ma chambre.
La nuit a été merveilleuse. Il ma déshabillée lentement, presque en sexcusant, quil est charmant, délicat. Jétais ravie dêtre nue devant lui, pour lui.
Il ma caressée, caressée, caressée, Dieu que jai aimé ses caresses et ses lèvres sur tout mon corps, sa timidité avait disparu. Nous avons fait lamour tout simplement, attentif à donner le maximum de plaisir à lautre. Mon cri la fait sourire, content de lui certainement, il pouvait, je navais jamais été aussi heureuse.
Nous sommes allés sous la douche, à mon tour de le caresser, dembrasser son corps, partout. Il se laissait faire.
Lexpérience a payé, légitimement satisfaite du résultat, je pouvais être fière devant la bite bien dressée de Michel. Il se souviendra longtemps de cette fellation, la première dune longue série, mais je ne le savais pas encore, lui non plus.
Ne voulant pas aller trop vite, je lui ai laissé linitiative de la suite, lembrassant tendrement, mes seins durs contre lui, sentant son sexe contre mon ventre.
Après une caresse légère sur ma poitrine, il ma soulevé une jambe, dune main experte il a écarté mes lèvres, et lentement sest introduit en moi. Jai fermé les yeux, jétais à lui, toute à lui.
Quand il a explosé en moi, je crois avoir crié comme jamais. Lorgasme a un autre goût quand on aime, je me rendais compte que je venais de tomber amoureuse.
Un peu essoufflé, il ma embrassée tendrement, et en riant nous nous sommes lavés mutuellement.
Je me suis endormie nue contre lui. Je me suis réveillée nue contre lui.
Je devais rentrer sur Paris, Michel devait rentrer sur Bordeaux, son travail lattendait.
Jai voulu le revoir, il voulait me revoir. Pendant deux ans Paris-Bordeaux, Bordeaux-Paris, cen était trop.
Un soir à Paris, il ma dit « je ne retourne plus à Bordeaux, je reste ici », il avait réussi à se faire muter au siège de sa société à La Défense.
Trois mois après nous nous sommes mariés, tous mes amis de lorchestre était là, quel orchestre dans léglise !
Il sest installé chez moi, en attendant davoir notre chez nous. Les concerts en France et en Europe continuaient, plus amoureuse que jamais, nos retrouvailles étaient toujours passionnées. Bébé est arrivé peu de temps après.
Les spectateurs étaient toujours attendris de voir le ventre arrondi du premier violon. Entre-temps, javais pris du galon.
Jai dû arrêter les concerts quelque temps, je moccupais de ma fille tout en continuant à participer aux activités de lorchestre qui préparait un nouveau disque.
Très vite, cette fois aucune excuse, le hasard ou lenvie, jétais à nouveau enceinte.
Deux s, ma décision a été vite prise, jai quitté lorchestre avec lequel javais passé tant dannées, vécu tant de joies, qui mavait permis de rencontrer lhomme de ma vie.
Je nabandonnais pas pour autant la musique. Jai sorti un disque en soliste avec lOrchestre National de Lille. Retrouvant ma première passion, jai même enregistré la Méditation de Thaïs de Massenet, un classique au violoncelle auquel je navais jamais renoncé.
Quand la maison dédition me demanda une photo pour la pochette de mon CD, je me suis dit que seule une femme serait capable de saisir mes émotions.
Je me souvenais dune journaliste Anne Jehanno, grand reporter, dont javais vu les photos dans des grands magazines. Je crois quelle avait même reçu le prix Pulitzer.
Grâce à Radio France, jai pu entrer en contact avec elle. Elle me reçut chez elle en toute simplicité, heureuse quon se souvienne delle. Cest moi qui ai été la plus heureuse quand elle ma dit quelle me connaissait.
Nous avons discuté autour dune tasse de thé. Sa sensibilité me convenait. Elle a su capter lamour fusionnel que jentretenais avec mon instrument.
Depuis, tous les programmes de mes concerts reproduisent ce même cliché, je nen ai jamais fait dautre. Je ne remercierais jamais assez Anne pour ce merveilleux cadeau.
Cest avec plaisir que tous les ans, je lui fais parvenir mes nouveaux albums, elle me répond toujours dun petit mot gentil.
Une nouvelle carrière de soliste souvrait devant moi. Je nai pas eu beaucoup de temps pour moccuper des bébés, déjà la scène me réclamait. Heureusement mes parents nétaient pas loin pour aider Michel qui avait la lourde tâche dêtre là pendant mes absences. Il assurait sans rechigner, bien au contraire jai découvert le plaisir quil avait de soccuper de nos s.
Pendant toutes ces années, jeus limmense joie de partager la scène avec les plus grandes formations, à New-York, à Londres, Milan, Vienne, Tokyo, Moscou, et à Paris bien sûr.
Le nom de Muriel Gautier était de plus en plus gros sur les affiches, les journaux spécialisés mencensaient, louant mon talent. Je faisais des télévisions, le concert du Nouvel An en Eurovision pour la troisième année consécutive. La musique était toute ma vie, après ma famille naturellement, toujours aussi amoureuse de mon homme et de mes chérubins.
Un matin, mon manager me porta une lettre arrivée de Berlin. Jétais sollicitée pour la célébration des 30 ans de la chute du mur. Rien naurait pu me faire plus plaisir, me souvenant, jai pleuré.
Cétait dans 8 mois, pas de temps à perdre. Suprême honneur, la prestigieuse Philharmonie ma laissé le choix des uvres à interpréter.
Suprême bonheur, je partageais laffiche avec mon amie Romane percussionniste de renom, dont javais suivi la carrière, parallèle à la mienne.
Et me revoilà à Berlin, la ville de mon enfance, la boucle est bouclée.
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Cet anniversaire est un évènement mondial, les caméras de toutes les télévisions du monde sont là pour le concert du siècle.
Cest moi qui dois commencer avec le Concerto pour violon de Tchaïkovski, mon préféré, un classique toujours très apprécié. Cest un peu mon fétiche, je lai enregistré il y a quelques années.
Comme toujours jarrive en avance, voir les coulisses, la scène, la salle, prendre lambiance, et surtout avoir du temps pour me préparer.
La Philharmonie de Berlin a été reconstruite après la réunification, superbe architecture dont la Philharmonie de Paris a dû sinspirer quelques années plus tard.
Petit privilège, jai une loge pour moi, je peux ainsi me concentrer sans entendre le piaillement des autres musiciens. Ce soir jai choisi une robe de concert bleu profond, la couleur va bien avec mon teint, avec mes cheveux blonds, très chic, épaules nues, léger décolleté. Jen ai une autre pour le final, un fourreau noir, longue, raz du cou, très élégante.
Les coulisses grouillent de monde, plus de 100 musiciens sur scène, mais je préfère rester seule, seule avec ma musique en tête.
La loge voisine est occupée par Romane, nous nous sommes croisées en arrivant. Nous sommes tombées dans les bras lune de lautre, petites bises, quelle joie de se revoir après tant dannées ! Tellement contentes de partager cette soirée.
Comme moi Romane a besoin de calme et de repos avant sa prestation qui est très physique. Elle senferme rapidement dans sa loge pour garder son mental intact. On se verra après le spectacle.
Jen profite pour mes exercices dassouplissement des doigts. Je passerais ma robe à la dernière minute, sinon difficile daller aux toilettes si une envie présente se fait sentir.
Toujours le même rituel, presque un cérémonial. Les spectateurs sont à lheure. Les chaises de chaque musicien ont une place bien précise sur la scène.
A 21 heures, sous quelques applaudissements, les musiciens entrent portant leurs instruments, sauf les percussions et les contrebasses déjà en place. Chacun sait où il va. Petits ballets que les spectateurs suivent pour passer le temps.
Le hautbois donne le La, repris par le premier violon, signal de la cacophonie attendue par tous les spectateurs, chaque musicien accorde une dernière fois son instrument. Cest la tradition, lannonce du début du concert.
Quelques secondes, le silence sinstalle, juste troublé par le raclement de gorge de quelques spectateurs.
Enfin le Chef dorchestre arrive, il attendait à côté de moi, pas un mot entre nous, on se connaît trop bien, chacun respectant lautre.
Applaudissements, le Chef salue, un signe de sa main vers la coulisse, je prends une grande respiration et je me lance.
Majestueusement, sans regarder personne, je traverse les quelques mètres qui me séparent de ma place, je salue le public, sobrement, avec classe. Je serre la main du Chef, du premier puis du deuxième violon, petit signe de tête vers lensemble de lorchestre. Je suis la reine du moment, tous les regards sont braqués sur moi.
Je suis prête, les yeux fermés, tenant bien serré mon instrument. Le Chef lève sa baguette, les premières mesures du concerto retentissent, pas besoin de partition, jai tout en tête, jattends juste le coup de baguette qui me donnera le départ.
Premier mouvement, cest à moi. Le silence de la salle menveloppe
mon archet vole sur les cordes de mon violon. Ce nest pas moi qui joue, cest la musique qui me porte.
Dernière mesure
silence
personne nose bouger. Le Chef se retourne déclenchant les applaudissements, des vivats fusent, la salle est debout, je vois peu de monde mais je suis heureuse, tellement heureuse à ce moment-là, je ne donnerais pas ma place pour tout lor du monde, je salue en baissant la tête. Les Cordes de lorchestre applaudissent à leur manière, en frappant doucement leurs archets sur leurs instruments, reconnaissance de la profession.
A linverse des concerts de jazz où tout le monde applaudit toutes les 5 minutes, une particularité des concerts classiques, les spectateurs napplaudissent quà larrivée des musiciens et du Chef, et après la dernière mesure, jamais entre les mouvements, courtes poses de quelques secondes de silence quasi religieux, juste perturbées par le froissement des partitions que les musiciens déploient devant eux.
Après 5 ou 6 rappels, où avec le chef nous venons saluer, cest lentracte. La lumière se rallume, les techniciens vont préparer la scène pour Romane. Son instrument de plus de 2 m de long, un superbe marimba, sorte de grand xylophone africain, est installé en bonne place.
Nous nous croisons dans les coulisses, mais elle ne me voit pas. Je la laisse, ce sera bientôt son heure de gloire.
Romane, virtuose percussionniste, seule femme à jouer du marimba en concert. Elle a adapté un grand nombre duvres à son instrument favori.
Jentends le Boléro de Ravel comme on ne la jamais entendu, tandis que dans ma loge je me change pour le final. Un coup dil dans le miroir, ma robe moule un peu mes seins et mes fesses, une soliste a toujours un petit côté sexy. Je me plais.
Depuis les coulisses, jassiste au final de Romane. Je ne peux détacher mes yeux de ce petit bout de femme qui danse derrière son instrument, cest là où le terme de virtuose prend tout son sens.
Ovation finale, tous les spectateurs sont debout. Ils ont dû comme moi découvrir une nouvelle musique.
Couverte de fleurs, Romane est rappelée à de nombreuses reprises, elle salue timidement, et seule devant lorchestre debout, elle joue une uvre de sa composition qui se termine sous un tonnerre dapplaudissements. Je suis heureuse pour elle.
Je vais clore la soirée. Nous nous croisons alors que je mapprête à revenir sur scène pour le final. Juste un petit signe.
Sous les applaudissements du public, jentre seule sur la scène mon violoncelle à la main. Les chaises des musiciens de lorchestre sont vides, seuls leurs instruments sont posés dessus.
Le public retient son souffle. Prenant ma respiration, serrant larchet entre mes doigts, jattaque les premières mesures de la Sarabande de Bach. En fermant les yeux jentends Rostropovitch, je me souviens de tout
mon émotion est à son comble,
je me souviens de Kurt
des larmes coulent sur mes joues
mon archet étire la dernière note, je la fais durer un peu plus que prévu, elle meurt dans un silence oppressant.
La salle est sous le charme, jouvre les yeux, difficile doù je suis de voir les milliers de spectateurs, mais ceux du premier rang un mouchoir à la main essuient une larme au coin de lil. Eux aussi se souviennent, eux aussi y étaient.
Je relève la tête, fière de moi. A ce moment-là une salve dapplaudissements, de hourra sélève de la salle, tout le public est debout, cette fois mes larmes sont des larmes de joie.
Une petite fille entre sur scène portant un gros bouquet de fleurs, petite blonde de 8 ans, moi il y a 30 ans. Venant de la salle, des dizaines de roses atterrissent autour de moi, je souris mon bouquet dans les bras. En tournant la tête japerçois Romane, elle me sourit.
Après, difficile de se soustraire à linévitable cocktail avec les autorités et les félicitations toujours difficiles à entendre. Je sens que je rougis un peu sous les compliments, mais cest si agréable, en baissant les yeux jen redemande.
Rapidement, nous partons Romane et moi rejoindre notre Hôtel.
Passage au bar, nous avons tant de choses à nous raconter. Très vite, ce ne sont pas deux artistes qui se parlent mais deux amies, deux amies qui ne sétaient pas revues depuis leur première rencontre à Strasbourg, débutantes toutes les deux.
Elle aussi est mariée, elle aussi a deux s. Elle a choisi son instrument un peu par hasard lors dune tournée en Amérique du Sud, elle est devenue rapidement une virtuose internationale.
En trinquant, Romane me sourit et pose ses lèvres sur les miennes, mon esprit ne pense plus, jentrouvre les lèvres et lembrasse tendrement. Nous nous regardons en souriant.
Je ne sais comment, nous sommes toutes les deux dans ma chambre. Après avoir détaché nos lèvres, elle me déshabille, je la déshabille, et étendues sur le grand lit de ce palace de Berlin tout naturellement nous nous caressons.
Sa bouche est douce, son sexe soyeux, je menivre de son odeur, de ses caresses. Mes mains se souviennent de son corps, mon corps vibre au souvenir de ses caresses.
La nuit est bien avancée lorsque nous rions de bon cur sous la douche. Nous nous endormons dans les bras lune de lautre.
Cest la première fois que je trompe mon mari. Mais avec Romane, est-ce trompé ?
Cest la première fois que Romane trompe le sien. Mais avec moi, est-ce trompé ?
Juste deux amies, deux mères de famille, heureuses de se revoir, sans regret, ni remord.
Au matin, Romane regagne sa chambre. Je ne sais pas quand nous nous reverrons. En refermant la porte, elle se retourne et me sourit :
« - A dans 10 ans !
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