Looking For Manara. Chapitre Vi. Sur Les Toits

Looking for Manara
Chapitre VI
Sur les toits
Nous devions nous rendre à la gare routière de Milan, qui se trouve près de la gare centrale. Aussi, après le petit déjeuner, Ma belle Clara et moi ,nous mîmes en route, prenant un tram qui nous amenait directement à la gare. Là, nous retrouvâmes nos cinq compagnons.
Alors que nous empruntions un ascenseur pour nous rendre au sous-sol, où se trouvait le passage souterrain menant à la gare routière, j'eus la nette sensation que l'ascenseur montait, au lieu de descendre. Ce que confirmèrent mes compagnons. Après un très long moment, l'ascenseur montant toujours, nous commençâmes à échanger des regards inquiets. J'appuyai sur la commande d'arrêt d'urgence. L'ascenseur s'arrêta immédiatement . Je commandai l'ouverture des portes.
Elles s'ouvrirent sur un cadre blanc, ressemblant à une vignette de bande dessinée. La vignette voisine représentait un océan de toits et de cheminées sur lesquelles se hérissaient des forêts d'antennes télé.

Je n'y comprenais rien, une fois de plus !
Une fois de plus, c'est Carla qui éclaircit les choses, et me fit comprendre ce qui se passait : nous étions coincés dans une boucle d'espace temps, où il était nécessaire pour retrouver le continuum, de sauter d'un plan à un autre.
— Mais, Carla ! Quel plan ? 
— Là, à tes pieds, regarde ! Ne me dis pas que tu ne le vois pas !
Une fois encore, c'est elle, qui m'ouvrait les yeux. Il était plus que temps! Au bout de mes chaussures, s'ouvrait un abîme vertigineux...Je fis un bond en arrière, reculai précipitamment, le cœur à deux cents à l'heure ! Je m'adossai, les jambes flageolantes, à un pan de mur. Puis m'approchai, à nouveau prudemment de l'abîme. Treize vignettes plus bas, le numéro 27 .

Bordel ! le cauchemar recommençait !
— Si nous voulons passer, il faut sauter … Sinon, on devra rebrousser chemin, et nous aurons échoué...
Carla le savait : la seule sortie, c'était...devant !
Chacun se regardait , baissait les yeux, regardait ailleurs... Il fallait pourtant se décider. Il fallait y aller... J'avais une trouille! Et je n'étais pas le seul ! Faust nous signifiait clairement qu'il ne fallait pas compter sur lui.
Cristiani se leva, et défroissant du plat de la main son onéreux costume, se plaça en face de Faust, le toisant de toute sa hauteur :
— Puisque les gonzesses se déballonnent... Il va bien falloir qu'un homme se dévoue ! Je vais vous montrer, moi, comment se comporte un vrai patron, pas un frimeur, tout en gueule, qui n'a rien dans le froc ! Un saut à la Papa Koulikov... en mieux !
Faust, assis par terre, le visage levé vers son interlocuteur, un œil fermé à cause du soleil, se marrait...
Effectivement , pensai-je, si Cristiani passe, tout le monde passera. Le saut n'était pas énorme... mais, ce vide était impressionnant !
Le gros homme recula, prenant trois pas d'élan, et s'élança. Au milieu de son saut, nous le vîmes se disloquer, et s'effondrer, avalé par le bas, dans un cri. Un quart de seconde plus tard, un claquement sec retentit.
Un sniper ! Un tireur embusqué nous avait pris pour cible ! Et Cristiani en avait fait les frais...
Il avait disparu, dans la profondeur. Me penchant prudemment, je remarquai un peu de sang sur le coin de la dernière vignette, en bas à droite.
Immédiatement, je pensai aux deux maffieux ou à leurs complices. Ils nous avaient retrouvés ! J'en étais sûr. J'échangeai un regard avec ma belle Carla, elle hocha la tête...
Je tâchai de me pencher, au delà du cadre, pour tenter de voir où ils se situaient, une balle vint ricocher à deux centimètres de ma tête, faisant sauter un éclat du mur.
D'un bond, je me mis à l'abri.
Tout le monde s'était mis à couvert, en bordure de cadre, la belle Claudia était pâle, Faust se penchait sur elle, une main sur son épaule et Honey lui tenait la main. Carla me regardait, une expression préoccupée sur son beau visage. Je lui fis un clin d’œil et lui souris. Elle haussa les sourcils. Je lui fis un signe d'acquiescement : on allait s'en sortir...
Les tirs étaient d'une précision redoutable, impossible de se découvrir pour savoir où ils étaient, pourtant, il fallait impérativement que je le sache, et avec précision . Je n'avais qu'un moyen...
C'était quoi, déjà... ? Cabanac...? Non, mais ça ressemblait .. Euh … ! Kohlantak ? Non...Grocorbak ? Walbaknak ! Oui ! C'était ça, Walbaknak !
Je me plaçai un peu à l'écart du groupe, et me mis à crier, très fort le mot-code . Tous se retournèrent pour me regarder, l'air de se dire, que je n'étais plus tout à fait étanche...
Je le criai, mes mains en porte-voix devant ma bouche, à plusieurs reprises, provoquant à chaque fois des regards incrédules, limite amusés. J'eus même l'impression, que ma belle Carla se foutait de ma gueule...
Une flèche grise et noire fila entre les bâtiments, une corneille mantelée, et j'entendis nettement, même si c'était un peu déformé, par l'effet Doppler : « Appel à toutes les unités...appel à toutes... ». Voilà ! Maintenant il fallait s'armer de patience...
Les autres m'entouraient et me pressaient de questions. Carla semblait inquiète pour ma santé mentale.
—Tout va bien, dans un moment, nous serons sortis de ce guêpier. En attendant, restez planqués, il ne s'agirait pas que l'un de nous se prenne une bastos.
Nous attendions depuis plus de deux heures. Carla se taisait, et affichait un air soucieux , quant à Honey et Béatrice, se prouvant une fois de plus l'affection que mutuellement, elles se portaient, elles se regardaient en chiens de faïence
Claudia et Faust s'étaient éloignés et mis à l'écart du groupe .
..je les cherchai. Au détour d'une corniche, cachés par un pan de mur, je les aperçus dans une posture sans équivoque ; Claudia dévoilait sa magnifique croupe, sa robe légère retroussée sur ses reins, pendant que Faust, le pantalon sur les chevilles, haussé sur la pointe des pieds, besognait d'importance la belle fraîchement veuve, lui prodiguant de solides coups de reins consolateurs, qui lui arrachaient râles et gémissements dont la sincérité ne faisait aucun doute...Je me retirai discrètement et rejoignis ma belle Carla, que je trouvai assise sur un rebord de cheminée, une expression chagrine et boudeuse sur son beau visage. Je caressai ses cheveux.
Tu es là...!
Elle appuya sa tête contre ma cuisse, avec un long soupir.
—Ma belle chérie, ne sois pas inquiète...je t'assure que tout va bien, on va s'en sortir.
Elle eut son joli sourire...un rien .
Je m'approchai du cadre . Une balle miaula suivie d'un claquement. Ils n'avaient pas bougé ! Ils nous guettaient, là ! Carla me regarda, haussant les sourcils avec une petite moue découragée...charmante.
Avisant Béatrice et Honey, je marquai une surprise et m'approchant de ma Carla, lui chuchotai, amusé :
—Mais , dis moi, ma belle … Que se passe t-il avec nos deux sœurs ennemies... ? C'est l'entente cordiale... J'ai loupé un épisode, non ?
Et ma belle, de me raconter comment la jolie Honey était parvenue , usant de son charme et de sa finesse, à faire tomber dans ses rets, la belle aristocrate.
Béatrice, montrant des côtés bien plus fragiles, qu'on aurait pu le supposer, et que cette situation incongrue, passablement anxiogène, révélait, avait eu un gros coup de blues et s'était mise à pleurer chaudement après avoir brusquement éclaté en sanglots. Honey qui, au début la considérait, vaguement amusée et quelque peu ironique, vit très vite le parti qu'elle pouvait tirer de cet aveu de fragilité. S'étant approchée de Béa, elle lui avait parlé avec douceur, et lui prodiguant paroles et encouragements rassurants, lui prit la main qu'elle caressa avec douceur.
Béatrice se calma, et regardant Honey à travers ses larmes, lui balbutia des remerciements qui semblaient sincères. La jolie Honey, rouée, s'approchant, alors, de la belle aristocrate éplorée, embrassa doucement son front, ses yeux, séchant ses larmes de ses baisers, laissant Béa le souffle coupé.
Elle posa ensuite un long baiser sur sa bouche, qui laissa la belle interdite. Honey se redressa, fixant longuement sa proie, dont le regard vacillait. Alors, comme d'un fruit mûr, Honey s'empara de la bouche offerte, Béa appelant le doux baiser, vaincue.
Carla me conta que Béatrice s'était remise à pleurer, assurant son amante qu'il s'agissait, cette fois, de larmes de bonheur.
Elles étaient, maintenant, aux bras l'une de l'autre, se prodiguant baisers et caresses , et le spectacle de ces deux sublimes beautés enlacées, embrasait mon imaginaire, me laissant la tête pleine d'images torrides et bouleversantes.
C'est à ce moment de ma rêverie, que, sur un pot de cheminée, se posa Angus.
C'est ainsi qu'avait été baptisée ma corneille préférée, née en Écosse. Sa famille ne plaisantant ni avec la religion ni avec les traditions.
D'un coup d'ailes, elle vint se percher sur mon épaule, me montrant, par là, son affection. Les autres étaient sciés !
—Eh ! Content de te voir, enfin, arriver !
— Désolé, mon gars, mais...t'as déjà été amoureux ?
— Oui. En ce moment ! Et, pas qu'un peu !
—La petite en rouge, là ? T'as raison... Elle est gaulée ! ...Je me la ferais bien !
—Toi, le mélange des genres, ça n'a pas l'air de te poser problème !
—Ah, ouais ? Parce que je suis le seul, peut-être ? Demande à la mignonne, là...Honey , si ça lui pose problème, à elle, de zyeuter sur le clebs de Tania...Tu crois que je suis pas au courant ? Je t'ai dit, notre réseau est de première !
—Bon ! C'est pas le tout, on cause, on cause...mais j'ai un truc sur le feu , là ! Qu'est ce que je peux faire pour toi ?
Carla me regardait, ébahie, les autres n'étaient pas en reste... Qu'est ce que je foutais, à échanger des onomatopées et des cris débiles, avec un oiseau, perché sur mon épaule ?
Angus vit mon regard.
— Ah, oui ! Eux, ils sont « out ». Ils restent en mode crypté. Ils ne sont pas branchés sur Radio Cornix. Tout ce qu'ils peuvent entendre, ce sont des croassements. Toi et moi, on a le code. Pas eux.Tu piges ?
Au point où j'en étais, plus rien ne m'étonnait.
— Bon, au juste, tu veux quoi, ?
— Il y a un sniper, quelque part, en bas. Il a déjà dégommé un gars du groupe...je suis sûr que c'est un des types qui était à Cassano. Il veut notre peau, à Carla et à moi. Il faudrait, que tu me donnes sa position, au mètre près, et là, je règle tout.
Les autres étaient baba.
A partir de là, Angus changea complètement d'attitude. Ça ne rigolait plus. Il avait sauté de mon épaule et d'un coup d'aile s'était posé sur un rebord de cheminée qu'il arpentait de long en large. Il me prévint qu' à partir de maintenant, il ne s'exprimerait plus qu'en anglais, parce qu'il trouvait que ça faisait plus martial. D'après lui, l'idéal aurait été l'allemand, mais il avait du mal avec les déclinaisons. Il avait un fort accent Écossais, et pour moi, qui ai fait mes études dans le Sud, ce n'était pas évident.
— Roger. Ton indicatif sera Rouge 2 pour cette mission. Je te communique les relevés d'ici trois minutes, le temps de les repérer , effec deux passages pour croisement des données et c'est bon. Paré ? Le nom de code de la mission est : « Tempête sur ta gueule». Roger ?
—Oui, Roger... Mais t'en fais pas un peu beaucoup ?
— Possible ! Mais je prends mon pied, là. Mon rêve, c'était d'être pilote de chasse, alors, hein ?
— Ah ! Ok,...Comme tu veux !
Angus eut l'air de se concentrer. En fait, il préparait sa check-list.
— Pour « Tempête sur ta gueule », Rouge2, de Rouge1. Décollage. Top .
Et il décolla, prenant rapidement de l'altitude au-dessus des constructions.
Le suivant des yeux, je préparai mon matériel.
Je le demandai à ma très belle Carla, qui me passa mon Ass-phone. Je l'allumai et sélectionnai l'option « E-Bazooka ».Une protubérance apparut sur le haut de l'appareil qui se transforma en quelques secondes, en un mini missile, d'aspect redoutable. J'étais paré.
Je vis Angus faire un passage sur le dos et se lancer dans un piqué vertigineux, Il sortit les aérofreins, au-dessus de la quinzième vignette et redressa , fit une ressource, qui l'amena en palier au-dessus de celle- ci, et se mit à décrire des cercles.
— Rouge 2 de Rouge 1. Target acquired. Deux gros lards, en costard et lunettes de soleil, ils portent des chaussures de golf. Total mauvais goût. Transmets coordonnées.
J'eus très rapidement les informations et entrai les coordonnées transmises, qui s'affichèrent sur l'écran du Laïna. Je validai et enclenchai le système de mise à feu, éloignant l'Ass-phone de mon visage. Le missile partit dans un miaulement suraigu, décrivant une large courbe ascendante et , après un triple salto, enchaîné sur un double Axel, dégringola à la verticale, dans un hurlement strident, sur sa cible. On entendit une explosion sèche, et un panache de fumée s'éleva sur le toit de l'immeuble de la quinzième vignette.
— Gotcha ! Target destroyed.
Angus revenait, fier du devoir accompli.
Tout le monde dans notre petite bande était soulagé et souriait libéré. Carla me regardait et me souriait amoureusement, reconnaissante. Je bichais...
— Rouge 1demande autorisation d'atterrir.
Je jouai le jeu. Je lui devais bien ça. 
— Rouge 1 de rouge 2. Ok .Clear to land.
Il se posa sur la cheminée en face de nous
— Mission accomplie. Le chemin est libre. Redoutable ton truc. Je te raconte pas le chantier. Ils ont fini d'avoir mal aux dents...Enfin, je dis ça, pour ce que j'en sais!
Ils se regardaient tous, abasourdis. Cette corneille parlait, comme ton père ,ta mère , tes frères et tes sœurs ..Oh ! Oh !
—Oui, j'ai mis tout le monde en décrypté, histoire de frimer un peu. Il y a des fois, où j'aime bien me la péter...Surtout devant des jolies gonzesses et aujourd'hui, y a du trèpe.
Les filles sourirent, flattées de ce compliment, rare et inattendu.
— Bon, c'est pas le tout, mais il faut que j'y aille,moi... Mec, content d'avoir pu te rendre service, ça a été un plaisir ! Mesdames, j'ai été ravi...Votre compagnie, bien que trop brève, a été un véritable enchantement ! !
La classe britannique...
Il partit à tire d'ailes vers le Nord. Nous le regardâmes s'éloigner, et l'entendîmes brailler, encore une fois, dans le lointain :
— Ciao, bamboline, ci veddiamo !
Ça, par contre, c'était sa culture ritale.

Chacun y alla de son saut , c'était facile aussi !...et nous franchîmes tous, sans encombre le gap entre les deux vignettes, retrouvant ainsi le continuum. Il nous fallut descendre tout le strip de la 27 et passant la quinzième vignette, où tout s'était joué, nous constatâmes la terrible efficacité de la hi-tec bulgare, en passant près de la cheminée, où étaient embusqués les deux tireurs: derrière celle-ci, s'ouvrait un cratère d'une cinquantaine de mètres de diamètre et d'une quinzaine de profondeur, du yaourt partout! Ça faisait froid dans le dos ! 

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