Quand Tout Se Met À Trembler (Partie 1)
Javais 10 ans environ lorsque je me suis rendu compte que les garçons mattiraient, alors que les filles me laissaient de marbre. Je lai découvert en écoutant un des ces nombreux films américains. On y voyait comme tous films qui se déroulent dans le milieu universitaire, des scènes de douches du vestiaire des gars après une partie de football.
La vue de leurs pectoraux, de leurs abdominaux en six packs, leurs bras musclés, leurs cuisses dures comme lacier et surtout leurs belles petites fesses rebondies, ont réveillés en moi, une sensation étrange de bien-être jamais ressentie auparavant. Bien sûr à 10 ans jignorais totalement quil sagissait de désir homosexuel. Dans ma tête, lenvie de me retrouver dans ce vestiaire avec eux était tout de ce quil y a de plus normal. À cet âge, je ne connaissais évidemment rien aux actes sexuels entre hommes. Jignorais quil puisse y avoir de lamour entre eux. Certes, javais déjà entendu dire que des gars couchaient ensemble, mais cétait des histoires de cour décole, personne ne savait réellement la vérité. Mais tous connaissaient les termes de tapette, fifi, fag, sans savoir doù venaient réellement ces mots. Nous avions tous bien sûr plaisir à apposer ces épitaphes aux moins courageux.
Comme de raison, jai fait comme si de rien était face à ses émotions. Si tous mes amis étaient en excitation et bavaient par terre devant les filles de Playboy, aussi bien faire croire que moi aussi elles mexcitaient. Déjà je me sentais différent des autres, bien avant léveil réel de ma sexualité.
Cet éveil justement, comme la plupart des garçons, sest fait vers douze ans. Jétais déjà conscient dune certaine attirance vers les garçons. En plus de vouloir me retrouver dans les douches des collèges des films américains, il y avait dautres indices. Une nuit lors dun rêve, en plus de vivre mon premier rêve érotique avec éjaculation nocturne, communément appelé un wet dream.
Même si jadorais mes amis plus que tout au monde, jamais au grand jamais je me sentais assez brave pour leur révéler mon secret. Je ne voulais pas perdre lamitié de mes deux meilleurs amis. Mon grand ami denfance, Martin R. et ma meilleure amie depuis la septième année, Océane . étaient trop précieux pour que je veuille prendre la chance de les perdre pour une question de désirs sexuels. Mais je me sentais croche face à eux, je ne me sentais pas honnête, javais carrément limpression de leur mentir, des les trahir. Javais déjà une piètre estime de moi-même, la situation naméliorait pas mon cas.
Jusquà lâge de seize ans, jamais je nai parlé à qui que se soit de ce qui préoccupait le gros de mes pensées, ni fait quoi que se soit pour essayer de vivre mes désirs sexuels. Jen avais trop honte, je me sentais sale. Léducation plutôt catholique qui ma été inculqué, ajoutée à la mentalité des gens dune petite ville comme Bathurst, où à peu près tout le monde se connaît, faisaient en sorte que je préférais me terrer. Je ne voulais pas vivre de discrimination. Jen avais lourd sur mes épaules. Et cest justement à seize ans que tout a basculé, tout a changé.
« BIP, BIP, BIP, BIP, BIP, BIP »
- Fuck... déjà lheure de se lever
Même si chaque levé du lit est difficile, celui du matin de la rentrée scolaire lest encore plus. Que je déteste ce bruit qui réveille si mal. Lêtre qui a inventé cet objet méritait une mort atroce
jespère quil a été écartelé, fouetté et ensuite pendu! Tant bien que mal, je sors de sous mes draps et je me dirige avec un air de zombi, vers la douche.
Je fais preuve de minutie dans mon choix, la rentrée
on doit bien paraître! Je prends un jeans délavé bleu, un t-shirt noir avec le logo de Green Day, mon groupe favori à lépoque. Je me regarde dans le miroir accroché au-dessus de ma commode. Jy vois mes yeux verts, petits à cause de la fatigue matinale, mes cheveux noirs qui tombent sur mes épaules et mes muscles qui commencent à se développer à force de faire un peu de natation et de jogging. Je plais bien aux filles, mais je passe comme jai dit précédemment, pour le bon gars qui se préserve pour la bonne personne. Je ne mentais pas totalement. Je ne mentais pas totalement, car cette personne, je la voulais de sexe masculin
manquait que le courage!
Après mêtre habillé, je me dirige vers la cuisine, et je me prépare à déjeuner en faisant le moins de bruit possible. Mes parents, Mario et Linda, dorment encore, ne travaillant quun peu plus tard. Pendant que mes toasts grillent dans le toaster, je vais chercher LAcadie Nouvelle, le journal quotidien de mon coin de pays, à la porte, et le dépose sur la table de la salle à manger. Je retourne vers mes rôties, et étend une portion de beurre darachides sur celles-ci. Je feuillette le journal tout en mangeant.
Après mon déjeuner, je vais brosser mes dents, je vais ensuite souhaiter bonne journée à mes parents qui sont en train de se lever. Jenfile mes souliers, et je sors de la maison pour commencer cette nouvelle année scolaire. Comme par les années passées, mes ais Océane et Martin, on se rejoint au Tim Hortons pour se chercher un café, avant de prendre lautobus pour se rendre à lÉcole Secondaire Nepisiguit, lécole secondaire pour la région Chaleur. Comme à chaque année, en entrant dans lécole, cest le brouhaha dans les couloirs. Les amis se retrouvent, les professeurs sa racontent leurs vacances, lambiance est relativement joyeuse.
Comme cest la seule école secondaire francophone du coin, cest elle qui accueille les plus jeunes joueurs du Titan dAcadie-Bathurst, de la Ligue de Hockey Junior Majeur du Québec. Ils sont toujours populaires auprès de la gente féminine. Dailleurs un de ceux-ci, Julien Roy rejoint mon amie Océane. Cest sans doute le seul joueur que je suis capable dendurer. Généralement ils sont prétentieux, arrogants et immatures.
- Salut Océane, dit Julien.
- Salut Julien, je me suis ennuyé de toi! Le voyage pour la game à Charlottetown contre le Rocket a bien été?
- Oui, mais il aurait été encore mieux si tu avais été là!
Ils séchangèrent un baiser sur ces paroles dignes dun roman Harlequin. Martin et moi étant habitué à les voir se minauder, faisions souvent des blagues du style « je vais vomir
» en les voyant faire.
Ce fût aussi loccasion pour moi de croiser mon grand frère Michaël, mon aîné de deux ans. Nous ne sous sommes pas vu depuis deux jours, ce dernier ayant dormi chez sa blonde Karine. On sapprécie bien, on a toujours eu beaucoup eu beaucoup de plaisir ensemble. Nos disputes ne duraient jamais très longtemps.
Nous avons aussi un autre frère, Frédéric, 21 ans, et qui est gérant chez Sobeys, un supermarché dans notre ville. Il demeure en appartement à Bathurst. Les trois avons toujours un immense plaisir à se voir autour dun feu de camp sur la plage, avec quelques bières et joints et des saucisses grillées sur le feu évidemment. Ce sont des moments précieux pour nous.
Mais je mégare, revenons sous le toit de mon école. La première cloche retentit et notre quatuor se sépare, se dirigeant chacun vers leurs cours, Océane en anglais, Julien et Martin en mathématiques et moi, en chimie. On pourrait faire mieux comme premier cour
chimie. Je prends quand même place dans la salle de cours. Quelques secondes avant que la deuxième cloche annonçant le début des cours retentisse, un gars magnifique, plus beau que tous les gars que jai jamais vu a fait son entrée dans la salle.
Madame P., la professeur de chimie, nous a préparé une partie de plaisir pour ce premier cours, un travail déquipe pour émettre des hypothèses sur un problème, avec les connaissances que lon a déjà. Immédiatement, mon voisin de table, le gars pétard que jai jamais vu auparavant ma demandé de travailler avec lui.
- Ça te tentes-tu de travailler avec moi? Je suis nouveau ici et je ne connais pas réellement de monde.
- Oui ça me ferait plaisir. (Tu parles si ça me fait plaisir)
- Merci, me dit-il avec un sourire enjôleur.
- Au fait mon nom cest Daniel S-G.
- Moi cest Antoine L., mais il me semble que jai déjà vu ton nom auparavant.
- Je ne sais pas
tu dois te tromper!
En peu de temps nous avions complétés le travail de Madame P.. Nous avons donc discuté quelque peu en écrivant notre travail.
- Tu sais tout à lheure quand tu mas dit que tu croyais avoir déjà vu mon nom quelque part, bien
je crois que tu navais pas tort.
- Ok, raconte
- Tu las sûrement vu dans le journal, ou entendu à la TV ou à la radio
Le Titan ma repêché cet été en première ronde.
- No way! Tu joues pour le Titan
well
- Tu naimes pas le hockey?
- Ce nest pas tant le hockey que je naime pas
mais les joueurs qui sont souvent des têtes enflées
donc je ne suis pas trop le hockey, cest pour ça que je ne men rappelais pas. Je mexcuse de ça là.
- Ben non! Cest correct dude! Ça fait tellement changement de ne pas me faire parler de hockey, de me faire parler de la dernière game.
- Tant quà ça!
- Tu nas pas idée de comment ça devient redondant. Et là je ne te parle pas des filles qui nous tournent toujours autour
les estis de plotes à puck là... sont connes! Si elles avaient de lallure au moins! Cest chiant de se faire achaler par des filles de même.
- Me semble
tu dois en profiter là, tu nes sûrement pas fait en bois.
- Wow là! Non! Je te jure que je vaux mieux que ça, jirai pas me tremper là certain!
- Ok, désolé si je tai insulté, mais cest lhabitude. Les joueurs du Titan nous ont habitués à autre chose par le passé disons.
- Correct, y a pas de quoi, je te pardonne!
On a remis notre travail à Madame P. et au son de la cloche on est sorti pour la pause avant le deuxième cours. Avant de sortir je lui ai serré la main en lui disant à la prochaine. Je suis sorti de la classe un peu troublé. Daniel avait tout du gars de mes rêves, beau, sexy et sympathique. Son seul défaut, il joue au hockey.
À la pause, je me faisais discret, à la surprise dOcéane, Martin et Julien. Mais ils navaient pas lair de sen faire outre mesure. Ils ont dû croire à de la fatigue. Fort heureusement, ils ne mont pas questionné je me voyais mal en train de leur expliquer mon émoi du moment. Le reste de la journée se déroule assez bien, jusquau 4è et dernier cours, éducation physique. En entrant dans le vestiaire, je vois Daniel en discussion avec un autre joueur du Titan. Daniel interrompt sa discussion pour me serrer la main et me jaser un peu et me remercier de lavoir aidé en chimie. Tout en jasant on sest dirigé vers le gymnase. Pour ce premier cours, le professeur na fait quexpliquer ce que nous allons faire durant cette année. Donc pas de sports, ni de douches cette semaine. En y pensant bien, cest un soulagement. Cela aurait pu être gênant de voir Daniel nu sous la douche.
Durant les jours suivants, Daniel et moi sommes devenus amis. Cétait déjà énorme pour mon petit cur. Il sest facilement intégré à mon groupe dami, et le fait que le chum dOcéane soit aussi un joueur du Titan ny est sûrement pas étranger. Mais de plus en plus jétais amoureux. Cétait comme un poignard qui creuse une plaie de le savoir si près de moi, mais aussi loin en même temps, si inaccessible. Je découvrais peu à peu quà seize ans, quun coup de foudre et lamour peuvent être douloureux et dur à porter. Mais par-dessus tout, je commençais à découvrir que porter le poids de mon homosexualité était très lourd à porter. Que la douleur de ces deux choses mise ensembles ne pouvait être que dommageable pour moi. Je ressentais beaucoup de peine et de colère.
Depuis deux semaines que javais rencontré Daniel et que mon cur était déchiré et que mon âme se sentait perdue. Jy pense constamment. Pour me libérer de ce poids, ou du moins en partie, jai décidé den parler avec mes deux meilleurs amis, et de leur dire que je suis gay. Mais jai tout de même décidé de garder le silence pour mes sentiments envers Daniel.
- Ben Antoine, moi de mon bord ça ne change rien du tout, ce nest pas réellement de mes affaires ce que tu aimes faire dans ton lit, me dit Martin.
- Même affaire pour moi, me dit Océane.
- Merci, vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis heureux dentendre ça. Merci du fond du coeur.
Mais bien entendu, tout ne pouvait être parfait. Julien, a été mis au courant par sa blonde. Il na pas été très tendre à mon égard. Il était furieux.
- Je veux rien savoir dune petite crisse de tapette dans mon entourage!
- Je te signale que cest mon friend pis que ça ne te regarde pas avec qui il couche!
- Si ça me regarde! Cest ma réputation qui est en eu, comprends moé donc! Cest quoi les gars de léquipe vont dire là, que je couche avec? Va falloir que tu fasses de quoi! Il nest pas question quun fif se tienne avec nous autres!
- Ha ben tabarnak! Tu veux que je fasse de quoi, ben je te câlisse là! Je ne veux tellement pus rien savoir de toé! Tu es immature, stupide, pas ouvert desprit. Je ne veux rien savoir dun déchet humain
Retourne donc jouer avec tes ti-camions chez ta môman à Shédiac!
- Tu vas le regretter ma ptite sacrament! Tu vas souffrir! Dit-il en claquant la porte.
Ainsi, Océane a laissé Julien, préférant mon amitié à lamour de Julien. Cest à ce moment là que je me suis rendu compte que mes amis étaient beaucoup plus précieux que je le croyais. Cet événement nous a soudé très solidement tous les trois. Mais cela ne devait pas en rester là. Deux jours plus tard, lors du cours de chimie, en entrant je suis allé pour saluer Daniel, mais il ma royalement retourné de bord et envoyer chier.
- Si tu penses que je vais parler à un mangeur de batte là!
- Quoi?
- Fais pas linnocent, Julien nous a tout raconté!
Ainsi donc, l de chienne avait commencé à propager la nouvelle me concernant dans toute lécole. Cest ainsi quil avait décidé de sattaquer à Océane, en passant par moi. Le coup au cur que jai ressenti lors des insultes proférées par Daniel, était tel si on me lavait arraché à froid. Jétais dans un état tel que je suis sorti du cours, suis allé récupérer mon manteau au vestiaire, et je me suis enfuit chez moi. Comme mes parents travaillaient, jétais seul à la maison. Je suis resté longtemps dans le silence. Je pouvais vivre ma peine et ma honte seul et dans la tranquillité. Dun coup, je perdais ma nouvelle amitié et jéliminais les chances, presque inexistantes, de développer autre chose que lamitié entre Daniel et moi. Ma peine était profonde. Je voulais seulement mourir.
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