Quand Tout Se Met À Trembler (Partie 3)

Le lendemain, je me suis « enfui » de la maison assez tôt pour aller manger au Papa Joe avec mes deux amis. Bien entendu j’ai dû me forcer pour avaler mes œufs et mes toasts. En arrivant à l’école, j’ai essayé de trouver Jean-François, mais sans succès. Je voulais le rassurer et lui dire que malgré tout je l’aimais. À la fin des cours je l’ai aperçu dans un couloir, je l’ai donc rattrapé. Il n’avait pas l’air trop heureux de me voir. Je le comprenais, j’aurais sans doute agit de la même façon. On a échangé un rapide salut, m’a dit que sa mère l’attendait à l’extérieur et qu’il devait se rendre souper à Caraquet chez sa tante.

Océane m’a conseillé de ne pas trop m’en faire, qu’il avait sans doute besoin d’encaisser le choc. Elle devait avoir raison. Je n’avais pas réellement raison de m’en faire. Malheureusement un événement allait me prouver le contraire. En arrivant chez moi, je me suis connecté sur Hotmail. J’ai vu que J-F m’avait envoyé un message. Voici ce que ça disait :

Cher Antoine, écrire ce message est pour moi la plus dure épreuve que j’ai eu à faire de ma vie. Suite aux événements d’hier, je me suis venu à la conclusion que je ne devrais plus te revoir. J’ai eu de superbes moments avec toi, jamais je vais les oublier, mais je ne pourrai pas supporter la violence de ton père. Faut pas se faire d’illusions Antoine, tu vas l’avoir sur le dos pour un bout, tu vis chez eux. Mais rassures toi, tu auras toujours une place privilégié dans mon cœur.
Je t’aime. XOXOX

J’avais les jambes sciées. Mon souffle était très court. Je sentais ma vie s’effondrée autour de moi. Mon univers s’écroulait Je me suis .tendu sur le lit, dans un torrent de larmes. Je n’avais même pas la force d’aller voir mes amis pour me consoler. C’est ainsi que sans m’en rendre compte, je me suis endormi dans la douleur de ma rupture.

Heureusement, le lendemain matin mes parents ont quittés assez tôt pour le week-end pour se rendre à Moncton.

J’étais donc seul avec mon frère qui par miracle n’était pas chez Karine. Je me demandais ce qu’il pensait de tout ce qui arrivait, car il était au courant c’est sûr.

- Michaël, ça fait un boutte que j’tai vu, même à l’école j’te croise à peu près pus.
- Oui ça va! Toi comment ça va… cé tu vrai ce que papa m’a dit et certaines rumeurs que j’ai entendu à l’école?
- Ce n’est pas nécessairement des rumeurs.
- Ha ok. C’est cool avec moi! J’suis content que tu me l’avoues et je suis fier que tu te tiennes debout pour ce que tu es. Tsé, tu es le même petit frère pour moi. Je serai toujours là pour toi, si tu as besoin de quoi que se soit, fais-moi signe.
- Merci! Lui répondis-je les larmes aux yeux.

Ce moment là je l’ai bien reçu, il était en fait nécessaire. Il a fait en sorte que tous mes malheurs récents ont été presque oubliés, par la générosité de cœur de mon frère.

Le week-end s’est ainsi déroulé, dans l’harmonie et le plaisir avec mon frère. Toutefois, cette joie ne fût que temporaire. Mes parents m’ont littéralement ignoré quand je les ai accueillis lors de leur retour. Cela m’a fait mal, mais bon ayant vu leur réaction de mon père lorsqu’il m’a surpris avec Jean-François, je n’étais pas très étonné. J’ai donc décidé de retourner à ma chambre pour passer le temps. C’est ainsi que j’ai passé la soirée.

Le lendemain matin, j’ai fait mes choses à la maison et je me suis rendu à l’école, comme à l’habitude. Toutefois, je ne me sentais pas trop bien, mal de tête, légers étourdissements. Je suis donc retourné à la maison. En arrivant à la maison, je me suis souvenu que mon père était en vacances en voyant sa voiture dans la cour.

- Té pas à l’école toé?
- Non. Je feelais pas trop, j’ai décidé de revenir ici me reposer.
- Hum. Ha, va dans ta chambre j’ai pas le goût de voir ton osti de face!

J’ai donc filé dans ma chambre pour ne pas éveiller davantage la colère de mon père.
Quelques minutes après que je me soit installé pour me reposer sur le lit avec un livre, la porte de ma chambre s’est ouverte. C’était mon père.

- Bon, qu’est-ce qu’il y a là?
- P’tite crisse de tapette!
- Ben oui toi chose! Tu viens de t’en rendre compte… Ça fait un ti boutte déjà qu’on est au courant.
- Tabarnak! M’a te montré à me répondre mon p’tit câlisse.

Il m’a alors violemment pris les épaules dans ses mains et ma déchiré les vêtements de sur le dos et me retenant face contre le lit, de son bassin sur le lit. Je l’ai entendu baisser sa fermeture éclair. Et d’un coup, il m’a violemment pénétré. Jamais je n’ai eu aussi mal. Il m’a pénétré sans préparation et à sec. Je criais, j’essayais de me débattre, il me frappait en même temps, je le suppliais d’arrêter. Il continuait. Après environ trois minutes le supplice a pris fin. Il s’est retiré, m’a dit :

- Tiens la tapette, t’as dû aimer ça!

Il a ensuite sorti de la chambre en riant. Je me suis effondré au pied de mon lit en pleurant. Mon père venait de me violer. Ça ne se pouvait pas. Pourquoi a-t-il fait ça? Je me suis rhabillé, j’ai rempli mon sac à dos de quelques articles, et par la fenêtre j’ai sauté en bas, pour atterrir dans le banc de neige en bas. J’ai pris la direction de la maison de Karine, la blonde de mon frère Michaël. En me voyant à la porte, immédiatement il a vu que ça allait vraiment pas et qu’il était arrivé quelque chose.

- Hey p’tit frére! Y a ti de quoi qui va pas?
- Faut que je te parle, ça ne va vraiment pas.
- Tu peux tout me dire, tu le sais.
- Ok… ben… papa vient de me violer, il avait l’air fâché contre moi. Je me suis sauvé, je ne veux plus jamais retourner à la maison. Aide-moi s’il te plaît, dis-je en larme.
- Quoi? Il ne peut pas avoir fait ça! me dit-il l’air ahurit.
- Il m’a dit que vu que je suis une tapette, il allait me montrer à vivre.
- Ha ben l’osti de chien sale.
Ne t’inquiète même pas. Je vais t’aider, et jamais tu vas avoir besoin de retourner là.
- Merci.

La suite c’est mon frère qui me l’a compté, car apparemment que je me suis effondré à bout de nerf. Tout ce que je me souvenais par la suite, c’est que Michaël, sa blonde Karine et mon autre frère Frédéric était autour de moi l’air très inquiet.

- Où suis-je?
- On est à l’hôpital à Bathurst, me dit Frédéric.
- Comment ça?
- Tu as perdu connaissance talleur.
- C’est arrivé juste après que tu m’ais raconté ce que papa t’a faite. Selon les médecins tes nerfs ont lâché, me dit Michaël.
- Quoi, les médecins le savent?
- Non, on a juste dit que tu avais eu beaucoup de grosses émotions dernièrement.
- Ok.
- Et il paraît que tu vas pouvoir sortir demain!
- Merci d’être là.
- C’est rien. Demain moi et Michaël on va aller chercher tes affaires chez les parents. Tu ne remettras pas les pieds là. Anyway… ils ne veulent rien savoir de toi. Tu vas rester chez moi en attendant, me dit Fred.
- Merci.
- L’osti de gros porc, m’a le , dit Michaël au bord des larmes.
- As-tu l’intention de parler à la police? Me demande Karine.
- Non… je veux pas revivre ça en cour.
- Ok, mais pense y, il pourrirait en prison le sale, me dit Fred.

Finalement durant la nuit j’ai pu quitter le centre hospitalier en compagnie de mon frère, comme prévu. En arrivant à l’appartement, je me suis dirigé immédiatement vers la chambre d’ami. Le reste de le nuit fût bien sûr assez agitée par les cauchemars. Je n’ai pas très bien dormi. Je me sentais sale, j’avais honte. Vers 11h00, Frédéric est venu me réveiller, me disant que Michaël était arrivé. Il revenait de chez les parents, il avait été chercher mes affaires. À seize ans, je venais donc de quitter le nid familial. De façon abrupte par contre.

- Salut Michaël, merci pour mes choses.
- Fait plaisir le frère.
- Y ont tu dit de quoi?
- Pas tel quel… je pense que ça fait leur affaire de pus te voir la face… ils n’ont pas posé de question ni protester.

- Je ne suis pas tellement pas surpris.
- Si lui, le gros sale essaye de quoi, on le tue, me dit Fred.
- Hey tombe pas dans sa Fred, di Michaël.
- Pareil, voir si ça a du sens, son propre fils.
- C’est sûr!

Voir que mes deux frères m’appuyaient ainsi me faisait le plus grand bien. Surtout que j’en avais un besoin immense. Nous avons profité de cette journée pour passer du temps les trois ensembles. Michaël et moi, on séchait les cours et Frédéric s’est fait remplacer au Sobey’s. Après le souper Karine est venu nous rejoindre après ses cours au Collège Communautaire. À quatre on a joué à tous sortes de jeux de sociétés et de cartes, ce fût extraordinaire, j’avais envie de rire et de sourire. Je ne sentais plus autant le malheur sur mes épaules.

La fin de soirée fût toutefois assombrie par un appel téléphonique. Mon père disait que je devais retourner à la maison. Il a dit à mon frère que j’étais un bébé gâté et qu’il m’avait puni car je ne voulais pas suivre certains règlements de la maison. Mon frère a fait semblant de rien et lui a dit que je resterais ici quelques jours que ça ferait du bien à tout le monde. Mon père semblait satisfait. Il ne voulait sans doute pas trop insister, car il serait perdant si la police s’en mêlait. Pour un temps j’avais donc la paix. Mais il faudrait bien vivre et sortir un jour.

Mes parents pourraient, vu que je suis mineur, me forcer à retourner chez eux. Ils tenaient une bonne partie du bout du bâton. Je tenais une histoire qui pouvait me retirer à jamais de chez eux, mais il faudrait un temps pour l’enquête, et durant ce laps de temps là je devrais être chez eux. Frédéric lui avait peur qu’ils m’attendent à l’école. Malgré le fait qu’il était déjà presque minuit, les quatre étions encore dans le salon à décortiquer chacune des hypothèses. La fatigue nous a prit peu avant une heure, Michaël et Karine sont partis, Fred et moi avons été au lit.

Le lendemain, je ne suis pas allé à l’école, mais je me suis fait un devoir d’appeler Martin sur son cell pour lui raconter vite fait ce qui s’était passé. On s’est promis de se voir avec Océane en soirée. J’ai profité du fait que j’étais seul pour regarder quelques DVD de la collection de mon frère. Comme prévu en soirée Océane, Martin et moi on s’est rejoint. En fait je les ai accueillit après le souper. Ils avaient l’air atterré par ce que j’avais pu dire à Martin. Je leur ai raconté en détails mon histoire. Ils étaient horrifiés et en colère. Mais bien sûr ils m’ont une fois de plus promis leur soutient.

Le lendemain je suis allé à l’école, de toute façon mes parents savaient où je me trouvais, ça ne servait à rien de se cacher. La matinée s’est bien passée. Au dîner toutefois j’ai eu la surprise de voir apparaître mon frère Frédéric. Il avait l’air stressé. Et pour cause, mon père a rodé une partie de l’avant-midi en avant de chez lui. Il a appelé la police, mon père a déguerpi en apercevant ceux-ci arrivé. Mais l’heure pressait, nos parents préparaient un sale coup sans doute. On a donc décidé que je ne retournais pas à l’école pour le reste de la journée.

À l’appartement mon frère m’a parlé.

- Tu te souviens de mon ami Jonathan L.?
- Cé pas lui qui est parti étudier à l’université à Québec?
- Oui exactement. Et pour ta sécurité je pense que tu pourrais peut-être aller chez lui. Si tu veux, on part ce soir mettons, le temps de ramasser tes affaires. Tu pourras y rester le temps qu’il faut.
- C’est vite là Fred… Ma vie, mes amis…
- C’est toi! Mais tu le sais comme moi que ça peut être petit Bathurst, trop petit même.
- Ok, on part ce soir, ça va être beau.

Après que j’aie fait mes bagages, j’ai appelé Martin et Océane pour les aviser de mon absence prolongée. Les deux m’ont fait promettre de leur donner des nouvelles le plus tôt et le plus souvent possible. Les sanglots venaient souvent interrompre notre conversation. Après avoir lâché le téléphone, mon frère me demanda de venir souper. À ma grande surprise, Michaël et Karine était à table pour se joindre à nous pour mon dernier souper avant mon départ pour la Vieille Capitale.

Le souper fût assez émotif, mais les au revoir de mon frère et de sa blonde le furent encore plus. Durant le trajet, quelque part dans le coin d’Edmundston, soit en quittant ma province natale, le Nouveau-Brunswick, l’émotion me prit, 1755, un groupe culte de musique acadienne. Pleins de souvenirs ma passaient en tête, des soirées de feu de camp avec des guitare à chanter justement des chansons de 1755, tel que UIC ou la Vie a bien changé. J’étais nostalgique et très triste. La route vers Québec, aussi magnifique que soit les paysages me parut pénible et interminable. Je tournais une page de l’histoire de ma vie pour m’expatrier dans une ville que je n’avais visité qu’une seule fois. Et elle tournait très violemment cette page, trop brusquement. De plus, outre Jonathan, je ne connaissais personne dans la ville. Et même lui, je le connais très peu, c’est un ami de mon frère, pas le mien. Quand nous avons traversé le Pont Pierre-Laporte qui enjambe le majestueux fleuve Saint-Laurent, l’anxiété m’a pris, j’avais peur.

Quelques minutes après avoir traversé le pont, nous sommes arrivés devant l’immeuble où habite Jonathan, et où aussi je vais habiter pour un certain temps. Le quartier avait l’air bien, du moins ce que je pouvais voir dans la noirceur. C’était tout près de l’Université Laval, c’était très paisible. Il faut dire que c’était la nuit par contre. Cela me rassurait un peu cette tranquillité. J’étais à des centaines de kilomètres de chez moi. Jamais mes parents ne pourraient me trouver ici. Jonathan nous avait vu arriver et nous a ouvert la porte en nous donnant une accolade à chacun et en nous souhaitant la bienvenue. L’appartement était assez grand pour une seule personne, deux chambres, une belle grande cuisine, une belle salle de bain de taille parfaite et un beau salon avec une grande fenêtre et une dizaine de plantes. À deux on ne se pilera jamais sur les pieds. De plus ce Jonathan était fort accueillant et sympathique.

Il était au courant de mon histoire, mais a toujours respecté ce petit coin secret de ma mémoire. Il n’a jamais posé de question, ni chercher à en savoir davantage. J’ai apprécié ce respect de mon intimité. De plus il m’accueillait sans rien demander en retour, pas même un petit loyer. En tous cas, il avait l’air très bien heureux de le faire.

- Entre Acadiens faut ben s’aider! Me dit-il avec un clin d’œil en me donnant une tape sur les épaules.
- Merci, je vais essayer de t’aider, si je peux faire de quoi je vais le faire.
- Ben non, laisse faire ça!

La soirée s’est terminée sur une discussion banale. Nous avons été nous coucher tous les trois. Jo dans sa chambre, mon frère sur le divan-lit du salon, et moi dans la deuxième chambre, ma nouvelle chambre dans le fond. C’est ici ce soir que ma vie prenait un nouveau départ.

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